samedi 29 août 2009

Dans les rues de San Sebastian


San Sebastian nord de l'Espagne, c'est Donostia sud du pays basque. Une ville de deux cent mille habitants au bord de la "Concha" classée troisième plus belle plage au monde et première européenne par une association d'amateurs de littoral (non basque...). La Concha, parce qu'elle a la forme parfaite d'une coquille Saint Jacques ce qui a l'avantage du coup d'oeil mais aussi celui de calmer l'ardeur des vagues de l'océan ce qui stresse moins les mamans en charge de la sécurité de leurs petits pendant que bronzent les papas. San Sebastian, c'est aussi six cents bars dont cent cinquante deux à tapas, tout un état d'esprit différent pour se nourrir. Du verbe proche recouvrir, boucher - un tapon c'est un bouchon - parce qu'en Andalousie les aubergistes qui voulaient éloigner les mouches des verres de leurs clients recouvraient celui-ci d'une tartine frottée à l'ail, jusqu'à ce que l'un d'entre-eux remarque que les clients la mangeaient avant de partir et ait l'idée d'ajouter des anchois ou des tomates...
Sur l'ancienne plaza de Toros, une sorte de plaza mayor, j'ai fréquenté l'un d'entre eux recommandé par l'étoilé Barasategui : divin. En cuisine, des femmes qui remportèrent le concours national des tapas d'Espagne. Certes, la moyenne des prix ne s'établit pas à 1,65 euro comme ailleurs pour la tartine grasse de mayonnaise au thon, mais 4 euros pour une escalope de foie gras frais poêlée avec sa compote de pomme, son coulis de framboise et son caramel de vinaigre balsamique à faire se damner un saint diététicien : on peut toujours chercher l'équivalent en France ! Ou tiens, la tendreté d'un solo mio de boeuf avec ses petits légumes grillés-confits !!! Non, pas de photos, je me régalais tellement !!!
Je sais, il n'y a pas que la bouffe dans la vie mais de quoi voudriez vous que je vous entretienne ? De l'ETA historique qui s'opposait à l'Espagne franquiste et dans lequel se reconnaissait 95% de la population ou celui de nos jours dirigé par un madrilène, un andalou et un catalan et que suivent péniblement 3% des basques ? Basques dixit, hein, moi j'étais juste en vacances... et j'ai très vite remarqué qu'il y avait plus d'interêt à s'essayer à l'instantané de rue qu'à la carte postale : déroulez ! Si on a envie de cliquer sur les photos pour les agrandir...























































































































lundi 17 août 2009

POURQUOI ALLEZ-VOUS VOIR LES CORRIDAS ?



MILLE FACETTES A L’AFICION

de Nicole LUCHTMAYA




Au cœur des étés chauds, courir ; courir d’une corrida à l’autre, d’hôtel en sorteo et quelquefois à Pampelune pour de littéraires frayeurs.
Qui ne s’est adonné à ce singulier tropisme ?

Et si pourtant j’interroge ma bienheureuse errance pour en saisir et la clef et la cause, les mots se bloquent et ma plume se fige. Car les réponses se pressent, innombrables, pareilles à des myriades d’étoiles, à ces souffles turbulents et légers qu’un jour peut-être, un jour sans doute, Ordoňez arrêta de sa gauche souveraine.

Mon aficion a los toros ?
Comme l’air qui me fait vivre, chevillée si fort à ce qui me constitue, à chaque instant me qualifie. Chaque fois que je le peux, j’accours voir ''les vaches de compagnie'', bétail brave s’il en est. Elles paissent non loin de Nîmes, accompagnées par quelques brebis, l’âne Coquet le bien-nommé, mon vieux cheval. De sa houlette bienveillante et ferme, l’ami Désiré endigue leurs turbulences. Loisir d’un autre temps peut-être, mais ces bêtes-là gardent l’âme du vieux monde, nourries à l’herbe pure.

L’œil du taurillon, dix-huit mois déjà, scintille de la folie trouble de la terre. Rien ne l’apprivoise. Ni l’abondante pitance tendue à bous de bras, ni le bâton caressant et complice qui lui effleure les fanons . Sauvage il naît, sauvage il partira. Bientôt sonnera l’heure des séparations. Car Donbosco pèse sur le voisinage, prêt à l’échappée belle, mû par une impalpable idée dont les hautes clôtures ne sauraient retenir la violence . Pour l’instant, il investit son territoire d’une présence absolue, sans ambages comme sans partage. Là commence mon aficion. J’aime la corrida parce que j’aime les toros à l’état brut, sans concessions.

Le téléphone m’annonce en plein décembre un tentadero à Fontvieille. J’hésite devant les rigueurs hivernales .
- « Oui, organisé par la peňa El Coco, pour le Téléthon, avec des vaches de Granier ».
Je vacille, je tergiverse. Je m’emmitoufle en maugréant. Je me rends au garage. Je fais chauffer le moteur tout en me houspillant intérieurement :
« risquer une pneumonie pour une tienta, tout de même. »
A l’heure dite, me voilà dans la modeste placita .Plus rien n’existe. Juste le jeu des becerras s’employant avec acharnement dans le caparaçon. Patrick Varin, impérial et précis, orchestre leurs trajectoires . Moulés dans le costume de campo qui célèbre si bien la majesté des corps, les petits Arlésiens, centrés sur la justesse de leurs gestes, s’appliquent à être beaux.

Avec la grande Flo, nous poussons notre commentaire :
« Oui, cette vache, elle a du Santa Coloma ; ça lui donne ce combat de bonne qualité même si elle s’éteint vite . » L’aficion renaît malgré le froid.

J’aime aussi la corrida pour cela, ce jaillissement furieux et ordonné de la jeunesse des êtres, véritable élixir de jouvence. L’empathie nous confère la qualité du phœnix : être un instant durant ce torero éternel et déchiffrant l’énigme, voilà qui vaut bien quelques sacrifices, un rhume même..

L’identique au cœur de l’aventure : quelle rassurante immobilité, celle du bouillonnement de la vie .La stabilité des rituels forge la structure du temps.
A Madrid, les Lozano achèvent de détrôner l’inexpugnable basque. Micro à la main, je traque le scoop :

- Pour cette temporada, qu’allez-vous changer à Las Ventas ?

- Changer ?

Interloqué, José-Luis, porte-parole de la fratrie bafouille, puis peu à peu ajusté à plaire et à complaire selon la pente propre au torero négociant la charge, concède :
- Eh bien, nous changerons peut-être le dessin sur les billets d’entrée…
Et pour porter à son zénith la prise de risques, rajoute, triomphant :

-« Et peut-être aussi le design de l’affiche de la San Isidro ! »

En ce lieu, la variante bouleverse : El Fandi de Grenade banderillant à reculons, Rafaël, Anthony, doublant leurs capes de bleu, le Fritero et ses rouflaquettes. Un rien crée l’événement. Pourtant la règle porte à l’immobilité, suprême valeur.
Chopera parle du Nino ( de la Capea) :

-« On peut en penser ce qu’on veut. Comme la porte d’Alcalà, il est toujours là »

J’adore à la fois la persévérance des marbres et l’insolente futilité qui l’outrage : une chiure de sansonnet. Dans monde pétrifié par l’esprit de sérieux, ne croire qu’à la légèreté mortelle des statues. Bientôt la temporada va reprendre, l’incessant ballet des aficionados, la sempiternelle ronde des professionnels. Quantité, qualité ?
Comme le vin vieux se bonifie avec l’âge, le goût vient au palais sur le tard.
Je sélectionne mes cartels soigneusement : qui abuse du pico ? Qui se joue la vie à patte déployée ? Le tri s’opère vite. A ces corridas-là , on croise d’abord des spécialistes, de connivence. L’occasion se fait belle d’échanger des signes de reconnaissance .
J’aime ces multiples contacts, tant de personnalités distinctes gravitant autour du cercle ultime, de Salvador Dali au dernier vendeur de cacahuètes. Tous ces toreros croisés le temps d’un interview en des lieux exotiques, en de lointains tentaderos ; fraternités du risque partagé, cheminements conjoints deux, trois saisons peut-être dans la quête mythique.
Milliers de trajectoires humaines, de destinées à part : le mundillo, divers et rassurant à la fois. Même les crocodiles à lunettes noires, empresas gorgés du sang des sacrifices donnent de la familiarité au réel. Ici, on vit ; c’est drôle, c’est cruel, c’est impitoyable, tragique même. Comme à la Samaritaine, l'événement habite le décor ; de divorces à l’amiable en sanguinaires séparations, de Porte du Prince en trophées pileux, tout fait récit. Une grande famille à la sicilienne, tout amour, toute haine et multiple passions.

Le soleil revenu s’affiche enfin la litanie des grandes ferias. Mon esprit se prend à battre la campagne , la fe di biou, cette étrange fêlure qui déconcentre . Aux orties, les vieilles résolutions : sur la route à nouveau ! Voici la bienheureuse errance ; et au bout de l’errance, la faena absolue, la dernière. Celle de l’infinie douceur, de l’apprivoisement total. J’aime la corrida parce que j’aime quand la guerre se transforme en grand œuvre, comme un chant pour les anges. Que la brutalité se fasse grain de soie, que la furie du monde s’écoule par les canaux de la pacification. Parce que sans corridas, il n’y aurait plus d’élevages, plus de chants d’oiseaux dans les roselières, plus d’aube rougeoyante aux mugissements énormes secouant des siècles de ténèbres. Juste un monde vide titubant dans un univers déraciné du sens .

Mille facettes et tant d’images !
Les toros m’ont aidé à rêver ma vie .
N’est-ce pas la bonne clef de tout pourquoi ? Au cœur de l’intime………

samedi 8 août 2009

Bayonne le 7 Août 2009




Bien sûr la "Nouvel affiche" à l'esthétique kitchissime et l'affaire bitérroise qu'elle suscite aurait pu me débusquer de la torpeur estivale, ainsi que la nouvelle "nimoiserie" taurine opposant Casas à Meca. Un feuilleton savoureux qui occupa quelques jours les colonnes du Midi-Libre à coups de "poule mouillée" et d'invectives pittoresques. Mais... non... je n'éprouve pas la fibre moqueuse et polémique en ce moment... Un petit coup de mou soigné au cours d'un raid en terre basque par cet alléchant cartel : Fundi, Tomas, Castella. Bon, avec des El Pilar tout de même... ce qui tempère.

Commodes les toros ! De trapio, (les poids annoncés en surprirent plus d'un) d'âge, (tout juste quatre ans pour un et quatre ans presque et demi pour les autres pas vraiment "faits") commodes de forces (faiblissime le premier pour le Fundi et souvent économisés à la pique les autres) et enfin commodes d'encornures : berceaux trés étroits et en "pince de tourteau" voire "de scorpion" pour mon voisin de droite, dont on ne jurerait pas qu'une expertise révèlerait d'étonnantes caractéristiques. (pas concernant mon voisin, hein, mais les cornes...) Excepté pour le sobrero, premier de Castella, bien astifino lui - voir photo ci-dessus -

Comme d'habitude concernant les arènes qui ne tiennent pas particulièrement à être crédibles, la majorité des trophées octroyés n'auraient pas du l'être, ne serait-ce parce qu'ils le furent souvent après une première épée ratée.

Faiblissime et soso donc le premier, ce qui ne permet pas à l'aficionado de longue date de vibrer malgré l'accueil quasi fébrile du conclave à la performance d'un Fundi qui dut bien s'ennuyer - ou se régaler - allez savoir, tant la bébête devait trancher avec ce qu'il s'envoya tout au long de sa carrière. Surprise à son second, la maestro doute devant un bestiau plutôt brutal et court de charge devant lequel il n'arrive pas à se relâcher. S'engage alors une bagarre hachée où rien n'est amélioré, la maestro reculant et entretenant plutôt à mon sens les travers de l'animal plutôt que lui éduquer les bonnes manières et n'arrivant jamais à le réduire et le dominer. Ce qui lui vaudra... deux oreilles, incompréhensiblement pour moi, malgré une émotion légitime générée par une estocade émouvante d'engagement et de sincérité d'où il ressort blessé. Pas aussi gravement que l'impressionnante angoisse laissée par ces interminables secondes de suspension encornée qui valurent à mon tympan gauche d'être quasi-violenté par les fréquences suraigües des meilleurs hurlements d'effroi des plus mauvais films gores, par les cordes vocales horrifiées de ma voisine de gauche (la géographie des gradins, pas l'idéologie...)

On sait de José Tomas que peu lui importe la lidia adéquate à donner aux toros. Ce qu'il propose est tout autre, une sorte de liturgie personnelle donnée dans son inimitable style. Dans ce contexte, je n'ai pas remarqué de faena structurée atteignant les sommets depuis quelques temps. Mais José Tomas n'est pas un torero du monton, son interprétation unique recèle d'extraordinaires pépites qui vous laissent pantois. Il en a une fois de plus distillé de "terribles" qui impressionnent l'oeil, comme la lumière la pellicule, et resteront indélébiles au souvenir. Je pense à ces trois naturelles et à sa façon magique d'arriver à donner des passes empreintes de lenteur reposée puis d'être instantanément replacé en des attitudes emplies de toreria pour récupérer sans effort apparent la nouvelle charge dans un sitio ne concédant pas un pouce de terrain. Remarquable.

Sébastien Castella dont je n'arrivais pas à goûter l'art préconçu a cette fois-ci remporté mon adhésion. Impressionnant de maîtrise et de facilité, il semblait toréer depuis les irradiations célestes de l'inspiration divine. Une réelle inspiration ponctuée de génialités fleurissant au gré d'une muleta limpide. Du grand art, subjuguant un public qui ne trouva rien de plus ridicule que de quémander un indulto pour ce petit toro brocho certes volontaire au troisième tiers mais indigent sous un fer à peine taté. Le président évita le ridicule à la plaza en n'accordant pas ce qu'il fut désagréable de constater : l'adhésion du torero à la ridicule proposition partie en forme de boutade par des festaïres non loin de moi... La seule fausse note du torero en cette tarde. En mai 64 à Nimes, on avait donné au Cordobes au cours d'une faena réellement historique, les deux oreilles, la queue et une patte. Ce que la sensiblerie ambiante ne supporterait plus de voir charcuter. On propose donc le toro entier par cette foutue grâce indue qui correspond désormais plus à du rabe de trophée qu'à des valeurs de bravoure. Du grand n'importe quoi auquel nous échappâmes de justesse. Dans un supplément du journal Sud-Ouest, Mr Lartigue expliquait avec quelle transparence et ambition il entendait désormais gérer la place. Dans ce contexte est-il possible de lui suggérer de soigner plus la présentation des toros ?