mercredi 27 octobre 2010

Olé, donc...


Avez-vous remarqué ? On ne peut plus rien dire sans être accusé de stigmatiser, plus rien montrer de scandaleux sur un écran de cinéma, plus rien assumer publiquement de pas correct sous peine d’être voué aux gémonies… Cela a commencé il y a quelques années par l’édulcoration des locutions jugées par trop péjoratives. A cet époque-là, l’aveugle est devenu malvoyant, le paralytique, une personne à mobilité réduite, le sourd un non-entendant, et le fou , un déficient mental. Sûr que « Fou » c’était vague… mais pas plus que déficient mental. On ne parlera pas aujourd’hui du fauve sauvage et agressif ravalé au rang de ‘’medio-toro artiste’’. J’avais déjà relevé cette dérive, pardon, ce glissement nuancé progressif, pour être moins péjoratif. Aujourd’hui c’est pire : si je dis ‘’j’aime pas les pédés’’, ce qui explique surtout que concernant ma sexualité, je leur préfère les femmes, je suis homophobe ; si je dis que, l’entrée massive des femmes sur les tendidos, a changé la sensibilité générale des arènes, je suis misogyne ; si je dis que Fabius a une tronche pas très catholique, je dérape… même si tout le monde a jugé depuis belle lurette que ce type très intelligent ne disait pas ce qu’il pensait, pas plus qu’il ne pensait tout ce qu’il disait. Si je répète une phrase très à la mode dans les années 70 comme ‘’il est interdit d’interdire’’ je suis un associal dangereux et si je fais une garde à vue pour avoir sniffé un rail de coke sur le capot d’une Aston Martin, le milieu anticonformiste me refile le prix Renaudot pour faire de moi le plus martyr des mondains. Par contre, si j’allume un cigare au sein d’une assemblée, je suis vraiment le malotru de base qui instille directement le mega cancer super mortel dans les bronchioles enfantines. Depuis la mort surprise du ‘’Le Pen de gauche’’, alias ‘’l’Empereur de Septimanie’’ – c’est qu’il a failli nous débaptiser notre région, le mythomane…- tout le monde parle de ses dérapages, mot quasi-clef dans le dossier de presse qui le présente depuis l’affaire sur les Harkis. Or la justice l’avait acquitté ce qui était d’une limpide évidence quand on avait lu ses propos précis, certes peu amènes pour ceux à qui il les adressait, mais en rien raciste comme la meute des chiens (Mitterand à propos des journalistes) l’aboyait dans toutes les chasses. Mais lui, professeur de Droit bien moins con qu’une demi-douzaine de journalistes associés, ça le renforçait, toute cette agitation qu’il provoquait. Evidemment il n’était en rien raciste quand il trouvait très ‘’noire’’ l’équipe de France de football mais mieux vaut toujours considérer de telles déclarations comme « inacceptables » aux micros de la république plutôt que de s’essayer à expliquer qu’il est un peu normal qu’un céréalier du fin fond de la Creuse (s’il n’y a pas de céréalier en Creuse, faites avec quand même…) éprouve un peu de mal à s’identifier à une équipe de onze bleus où jouent neuf blacks super gaulés. Surtout quand ils ne chantent pas la Marseillaise et que leur RAP diffuse par les casques avec lesquels ils se coupent de toute communication potentielle avec vous, des messages haineux où l’on encourage à niquer les Blanches et à tuer les flics ce qui pour le coup ne déchaîne pas le moindre aboiement, chez les chiens de la presse nationale. (sage... couché !, pas le bon nonos, ça...)
Frêche, je l’ai souvent trouvé lourd et partisan (pour Montpellier contre Nîmes ma ville à moi que j’aime) mais finalement je l’aimais bien, voyez, ce côté pas ‘’consensus mou’’ pour deux sous qui émergeait de la démagogie ambiante. Ce côté : c’est pas parce que je suis au PS que je ne vais pas dire à la petite Martine qu’elle a dit une grosse connerie… ! C’est pour ça que le peuple l’élisait, parce qu’il ne voulait pas se faire aimer à tout prix de tous, mais défendait ses convictions.
Alors Guerlain…, on laisse échapper des fragrances de racisme aussi… ? Comment je m’arrange moi, maintenant, devant la glace quand je me pschiiiitte avec … non, je ne donne pas le nom de mon parfum envoûtant. De toute façon votre peau de rustre ne le "développerait" pas aussi bien... On emploie le mot « Nègre » hyper péjoratif… ? Mais t’es déficient mental, vieux monsieur… Ne sais-tu pas qu’il faut dorénavant dire « Sobre comme un renard » vu que le chameau vit en Arabie et que cela la foutrait super mal de stigmatiser des gens qui font rien qu’à ne pas nous embêter ? Nègre, travailler comme un nègre, ça n’est péjoratif qu’en France, pas en Espagne, ni en Italie, c’est rien qu’ici… Et puis le travail c'est pas une valeur recommandable ? Nègritude par contre, c’est noble au contraire, et musicalement joli. Comme quoi, hein la sémantique antique connotée colonialiste colle aux basques car elle a bel et bien existé, loin de moi tout révisionnisme larvé. ‘’Sale Nègre’’ que j’lui dis au type qui m’écrit les articles pour mon blog, d’ailleurs. Mais les ‘’Négresses Vertes’’, ça c’est bon, comme nom, déjà vu que c’est une auto-attribution.
A la fraîche des gradins ombre, si on crie à propos des negros, qu’ils ne sont plus ce qu’ils étaient, ben on tombe sous le coup de l’Ayatohllisme. Faudrait crier « Olé ! » à tout ou se taire définitivement dans cette société. Mais nous autres, aficionados, tous ceux qui pensent ainsi, on les emmerde, bien vrai ? En pensant aux films et aux débats des seventies autrement plus libres. Audrey Pulvar qui est à peine bronzée a cru bon de préciser au vieux monsieur que le « Nègre il t’emmerde » saillie un peu ridicule qui lui a donné l’occasion d’une bouffissure égotique bien à l’abri derrière son écran. (vouais, ok, comme moi...) Vu que sans connaître les gens on choisit toujours l’indignation qui donne l’occasion de développer sa bien pensance. Moi quand j’emploie ‘’Nègre’’ je ne me sens pas raciste, je concentre, c’est tout, comme je dirais ‘’expresso’’ à la place de ‘’café’’ parce que j’aurais besoin d’évoquer sa ‘’caféinité’’. Et ‘’sale nègre’’ par contre ça ne me viendrait jamais à l’idée. Sale con, oui, qu’il soit noir, jaune ou olivâtre.

Bon, c’est pas tout ça mais il me faut préparer ma valise : à cause de vous je me lance dans un truc dont j’ai horreur : j’ai horreur des troupeaux, j’ai horreur des groupes, j’ai horreur des bus et de leurs chauffeurs, j’ai donc horreur des voyages de groupe en bus pour voir des troupeaux de bovins mais c’est pourtant ce que je fais ces jours-ci autour de Salamanca : découverte du campo charro, six ou sept ganaderias au programme, avec, vraisemblablement, tout le troisième âge des clubs taurins nimois caquetant à réprimer la pause pipi dans le bus : oh fan des chichourles, tout ce que j’abhorre. Si j’ai pas la flemme, cela devrait vous valoir quelques articles et photos dans quelques jours. Autant dire que tous les voyageurs avec qui je vais bien être obligé de sympathiser durant ce séjour, vont devenir des ennemis revanchards dès qu’ils se seront reconnus dans mes descriptions satiriques… Si j’ai pas la flemme.

lundi 25 octobre 2010

Brume, le recueil : resena béotienne



6 recueils 6

A la lecture des seize nouvelles, on se félicite que le sixième recueil du Prix Hemingway, Brume, édité par le Diable Vauvert, ait été présenté avec éclat et compétence un jour de feria. Les textes nous maintiennent autant dans l'ambiance espagnole toute de passions et de combats que dans la réalité la plus quotidienne.

L'imprégnation d'Espagne correspond bien au thème de l'homme affrontant l'animal, fût-il zébu de Madagascar ou auroch du Néanderthal. Tous les auteurs usent de l'exotisme du lexique dans le nom des personnages, des animaux, dans les lieux géographiques, les références culturelles. Le vocabulaire de la corrida peut marquer les étapes d'une vie qui se raconte, avec ses amours éphémères ou durables, ses blessures et ses guérisons, du sorteo à la lidia en s 'attardant sur le paseo. Dans Le temps Long ( Aubert De Molay), le parallèle s'établit avec une poétique rigueur rappelant que la corrida et la vie se ressemblent.
Une autre belle célébration de l'Espagne, c'est l'épopée du tremblement de terre andalou qu'invente Marc Thorel (L'Epée de Rodrigue). Il décrit avec une précision quasi scientifique, sans rechercher notre compassion, Séville, ses arènes, son musée taurin et les trésors artistiques, les élevages des diverses races de toros. Tout bouge, tombe, s'engouffre, se déplace et, à la fin de cette vivante description érudite, surgit l'intrigue avec un certain petit toro qui galope et s'introduit dans l'église où étaient réfugiés les survivants ; la surprise provoque la chute, celle de la nouvelle et celle d'une épée, pile sur le cou de la bête. Les aficions renaissent, la vie triomphe !
Les personnages toreros ou aficionados ne peuvent exprimer leurs goûts tauromachiques sans se pénétrer d'une haute vision de leur virilité, de leur machisme qui est normalement admis et même bien vu. On est fier de ses « cojones » ; on doit sortir « a hombros » se monter « hombre » ; la naissance des fils est plus attendue que celle des filles qui attriste ou indiffère. Et si le fils devient torero, quand on le trouvait efféminé, voilà qui va combler la fierté du père peu soucieux des conséquences, (La Double Peine, Anne-Marie Schaller). Ou alors ce fils qu'on a refusé de connaître car une femme enceinte, c'est encombrant, on pleurera de gratitude, le jour où on le verra toréer (Cojones de fuego, Denis Deloubes).
Dans Zébumachie et vieux fauteuil en cuir de Nicolas Ancion, un prétendu torero se fait appeler « oncle », c'est plus viril que « père » et le fils voit en l'oncle-père le dieu glorieux, d'une probité qui n'a d'égale que sa virilité, surtout quand il montre une cicatrice en récitant par coeur des passages de comptes-rendus taurins et cache un pistolet dans ses bagages ! Ou alors, le macho va jusqu'à pratiquer et imposer à sa femme une vie sexuelle bestiale pour ne pas rompre avec les moeurs et odeurs de l'arène, (Natyot : Juan Vita).
L'aficionado lui-même s'identifie à ce monde de machos qui poussent ses insultes dans l'arène, qui méprisent souverainement les non-connaisseurs :
« des retraités parisiens ou bavarois qui confondaient corridas et toros-piscines. Des touristes qui se faisaient photographier sous les têtes décaties de Destocado et Aturdito, en chantant... Parfois coiffés d'un castorenos de picador ou d'une montera acquise dans un bazar du centre-ville ; (La Dernière Estocade, Ph. Laidebeur).
La vocation, parfois jaillie comme « une tornade de printemps » ( Le Temps Long), ne s'explique souvent que par identification à des hommes, au père, à un ami, à un grand torero, quand on veut plaire, prouver sa virilité. Ainsi procède le héros « boiteux, laid et bâtard » de Cojones de fuego, qui se propose de remplacer le « forcado », le premier fou à empoigner un taureau dans la corrida portugaise.
Dans La Marque du toro (Marc Delon), comme le père du narrateur représente la marque de pantalon « le Toro » et comme à chaque retour de voyage, il ramène sa marchandise estampillée et sa tendresse, l'enfant entame sa passion taurine qui croît avec les surprenantes acclamations sorties des arènes toutes proches et les jeux de la récréation.
Yves Charnet dans Un Miracle taurin rappelle avec regret et nostalgie, par un courrier qu'il adresse à son fils dont un divorce l'a séparé, la tendre connivence qu'ils partageaient, « une histoire d'aficion et de filiation... C'est avec toi que j'aurai sans doute plus intensément vécu ma passion des toros... C'est notre connerie magnifique... Ma folie corrida. Toi que j'emmenais gamin sous la bulle en février.. ». Aussi, le fils se rendra-t-il à la rencontre que son père propose.
Inversement, cette phallocratie s'accompagne de misogynie. La jeune fille, la brune espagnole convient comme accessoire, comme fille à ajouter à une collection parfois ruineuse du torero. Et elle est fière si l'un d'eux la remarque, si c'est Cordobès, en plus ! (La Marque du toro). Les épouses restent des ombres silencieuses qui n'en pensent pas moins et s'insurgent : la femme dans Juan Vita, espère la mort prochaine du torero qu'elle prétend ne plus aimer, - ceci dit dans un style cru et épuré d'où s'échappe parfois comme un refrain, la douce plainte de son amour déçu ; aussi se réjouit-elle de la manière mécanique de plus en plus approximative et probablement fatale dont le mari torée. Une autre, « une grosse femme au physique ingrat, armée de deux couteaux de cuisine, s'écrie « tu n'es qu'un imbécile, vieux toréador de mes fesses ». Alors s'engage le combat (nouvelle policière La Dernière Estocade, riche d'informations culturelles et d'humour de Ph. Laidebeur) : le vieux torero, converti en cuisinier, la torée dans la cuisine ronde aux murs rouges. C'est que les épouses, les femmes mûres, font volontiers des personnages de mégères impossibles à apprivoiser et incapables de plaire à des toreros, - fussent-ils vieux -, qui se respectent. Les infirmières-alguazils de la maison de retraite dans Brume de Jean-Paul Didierlaurent, lauréat du prix Hemingway, aussi idiotes ou indifférentes que rigides valent bien les facéties du narrateur centenaire qui achève-bien d'un « descabello » molletonné les pensionnaires affaiblis. Cela instille de l'humour dans cet établissement où les vieux-enfants emprisonnés sont personnages d'un récit très rapidement mené, sans un mot de trop, à travers une émouvante réalité. Une mère couturière triche pour que son fils renonce à la carrière imposée ou encouragée uniquement par le père. ( Double Peine : A.M.Schaller). Elle leste la montera pour qu'elle retombe dans l'arène, à l'envers, du côté porte-malheur, espérant ainsi dissuader le fils de continuer dans sa carrière de torero.
Un seul torero-femme figure dans Toreros en automne de Henry Sire, beau récit poétique avec les belles arènes désertées, les portes battant au vent, le passage des étourneaux, des nuages et des rêves de toreros en vacances. Mari-Paz torée dans une bourgade perdue. Le vent lui est fatal qui s'engouffre dans sa « larga afarolado » tandis qu'au loin s'égrènent les notes d'une guitare.

Il vaut mieux retenir que ce machisme traditionnel sert les vertus de courage et justifie tous les combats évoqués ou décrits dans ces nouvelles avec des histoires de blessure et de mort. L'homme, certes, est fier de ses succès, raconte ses blessures et montre ses cicatrices. Les trophées s'étalent sur les murs, se dressent sur des étagères et empoussièrent les pois-chiches des clients de restaurant ! Mais cette forfanterie sert à nous informer, nous rappelle les grands moments de la vie du torero jusqu'à sa despedida avec « tous les grands noms d'Espagne, ceux de la tauromachie, de la mode, des affaires, de la culture, des médias, de la politique, qui étaient dans le callejon ou dans les tendidos », (La Dernière estocade).
Cette année, dans ce recueil, on évoque la savika, ou corrida de Madagascar, que s'imagine avec force mots laudatifs et allégresse, le narrateur qui croit que son oncle-père-héros y participe (Zébumachie...) « Les zébus boys se lançaient à l'assaut des animaux... L'un saisissait les cornes...Mon père... prenait appui sur les bosses, du bout des doigts sans effort. D'un geste de la paume, il arrêtait la bête, d'un autre, il la forçait à baisser le cou, à plier le genou,à mordre la poussière ». Par contre, la corrida portugaise de Cojones de fuego est jugée anarchique avec son torero « secoué comme un arbre en plein ouragan » dont la folle épopée triomphe avec les deux premiers taureaux, jusqu'à l'inattention fatale. Nous changeons d'époque, d'atmosphère et de tonalité, avec le conte de Séverine Gaspari De Mémoire d'anciens, situé dans les temps reculés, des grottes, des sortilèges, des aurochs et des héros, façonnant l'outil pour chasser et se défendre, tuer l'auroch, puis sacraliser la mort. Tout est raconté scrupuleusement et on s'explique mieux ainsi les rites et techniques de nos corridas actuelles.
Tous ces affrontements ne sont pas dénués d'humour quand s'ils sont moins glorieux. Le narrateur dans La Marque du toro, ramène de sa première expérience tauromachique la marque d'ecchymoses sur les côtes car une vachette « toute petite. Ridicule, minuscule...un trait noir striant le sable... » l'a promptement chargé et transformé en cloporte sur le sol lui signifiant ainsi qu'on ne s'improvise pas torero et que toréer est une entreprise belle, sérieuse, mortelle. Jacky Simeon (Le Goût du sang), nous le rappelle justement dans l'expérience de vie après la mort dont le narrateur après une blessure à la cuisse, relate tout le déroulement avec une précision bouleversante pour conclure que sa vie retrouvée, dépourvue de passion ne valait pas une résurrection.
Catherine Le Guellaut dans son récit Orange Désiré aborde avec finesse et compassion une réalité plus actuelle, la vie d'un handicapé en bute au regard et à la mise à l'écart des autres. Il ne comprend pas que la corrida est finie quand il se rend aux arènes pour utiliser « le mouchoir utile » par lui fabriqué dans son centre d'adaptation, pas le blanc ni le noir ni le vert mais l'orange et toute la poésie qu'il concentre. De colère, il tombe sur les gradins et meurt.

La feria, c'est pourtant la fête ; indifférente aux aléas de l'arène, elle impose ses traditions « Pour Pentecôte. Voir les toros, les copains. La vie, merde !... Avec ses rituels, ses visages, ses hôtels, restos, bistros », (Y. Charnet, Un Miracle taurin). C'est le grand chambardement urbain, les taureaux dans de hautes caisses grises dans la rue, les chevaux, leur bruit, leur fumier à se partager, le service d'ordre, les rues barrées, les clameurs, tout cela perçu du haut de son balcon par le jeune narrateur intrigué (La Marque du toro),
Et la foule ? Un obstacle à franchir si à la sortie des arènes on veut être embarqué sur le bateau qui fendra la tempête des spectateurs pour accoster sur le rivage secret du héros-torero! C'est la métaphore à filer dans Les Spermatoroïdes, en se laissant bien guider par Thierry Girard dont le narrateur expérimenté ne nous lâche plus, nous prodigue des conseils, nous tutoie, livre ses astuces, encaisse des coups, s'indigne à coups de coude, de mots populaires ou de références littéraires, se faufile, se hisse, perd pied, nous essouffle. On devrait s'esclaffer, on n'a pas le temps. Le texte est superbe.
La vie économique n'est pas oubliée en cette période de crise monétaire et taurine. Toute une tradition tourne autour de l'achat des billets trop chers, tous vendus, rapportés, revendus, bien placés, la queue, le marché noir, ainsi le raconte dans la lettre au fils, Yves Charnet avec sa prose parlée où les tendres formules alternent avec les propos plus familiers et indignés « 76 euros la place. Je suis resté court. Un moment sans répondre... Sans comprendre... Le petit trou (la guichetière) me regardait avec perplexité... Oui. J'ai fait mon chèque. Oui. Suis rentré à l'hôtel. Les deux places contre mon coeur... ». La solution, Marc Delon la donne avec humour, narre des entrées clandestines entre les barreaux ou par-dessus les barreaux des grilles des arènes à mesure que la croissance épaississait les silhouettes. Mais n'est pas tricheur qui veut. On perd le souffle à partager la panique des complices « ...affolés de nos propres ombres, persuadés d'entendre le galop de la bête noire sur nos talons... terrorisés jusqu'à la grille dont nous redoutions qu'elle n'ait, au nom de la morale enfreinte repris sa rigide et implacable verticalité... »
La feria, une bonne affaire aussi pour le commerce urbain par les temps qui courent. Dans Le Kit feria, François Bannier en donne un exemple. Le personnage responsable des rayons d'un magasin, explique sa façon géniale de pousser à la consommation les « festayres » autochtones et touristes, en juxtaposant les très indispensables costumes folkloriques de feria aux produits du terroir à noms extravagants. Il use du langage officiel de manager compétent, « médaillable » : jargon commercial, longues énumérations de produits, de nombres, pourcentages et chiffres décimaux, ton dictatorial, persuasif à l'appui qui ne laisse pas de nous amuser.

Finalement, passer d'une nouvelle à l'autre, c'est une aventure, une constante surprise, la découverte d'autres écritures, d'autres sourires, d'autres tristesses, d'autres connaissances. Un plaisir. Comment n' en préférer qu'une? Dans ce recueil en particulier.




GINA

dimanche 24 octobre 2010

AYyyyyyyyyyy...



Ay que me duele la cabeza... la douleur totale, suprême, celle qui ne tient qu'à vous, d'autant plus forte que l'évènement qui la cause était évitable... si seulement j'étais un autre, plus rigoureux, plus méthodique, plus organisé, plus... tout ce que je ne serai jamais. Mais non, je suis bien moi, dans toute sa misère, un flamenco bordélique qui aura beau se contorsionner et gueuler sa douleur, se sentir flou, s'estimer floué, taper du pied en rageant, ne récupèrera jamais la totalité de ce qu'un crash de disque dur (mon troisième... je suis maudit ou quoi, chez Microsoft ?) lui a fait perdre. Ai-je sur les quelques sauvegardes que j'ai faites, les écrits et les photos auxquels je tiens ? Pour l'instant je n'ose même pas vérifier. Je me prépare psychologiquement.

lundi 18 octobre 2010

Ecrire, une affaire de style.



Gina, quasi désespérée de la grève générale, sursoit à ma panne sèche en nous dénichant de la nourriture spirituelle extraite d'un magazine littéraire. Evidemment. Car la dame ne se commet pas dans "Connard le barbant", elle ne lit que des trucs intelligents d'intellos littérateurs. Pour notre bénéfice. Il s'agirait d'un article de Joseph Vebret intitulé "Affaire de style" et dans lequel certaines réflexions seraient de Marc Dugain. Ah oui mais lesquelles... ? Oh, c'est pas du travail ça... Mais, bon, elle nous dépanne, on va pas lui en vouloir en plus, si ? Non. Donc les voici en vrac :

Au delà du fond et pour ce qui est de la forme, le talent ne suffit pas à expliquer à lui seul ce qui fait d'un écrivain, un grand écrivain (on ne dit pas un « vrai écrivain ») Il y a le style.
Son style, une marque de fabrique qui lui est propre, qu'il exploite et affine tout au long de sa vie, qu'il peaufine et développe. Tout bon écrivain a du style, une façon d'aborder la phrase, d'agencer les mots, de générer des ruptures, de témoigner, de poser un certain regard sur le monde, de percevoir . L'oeil seul du romancier est capable de discerner, d'insérer des matériaux composites venant d'univers différents, une façon de digérer le monde pour bien le restituer dans sa réalité, la plus belle comme la plus laide, le meilleur comme le pire, le bien comme le mal. L'écrivain n'est qu'une vaste entreprise de recyclage du réel, du vécu, du quotidien, de ses propres écrits-, tant il est démontré qu'on rédige sans cesse le même livre.

Le style pour le style n'a pas de sens, le style est au service de ce que l'on veut dire.

L'écriture est une sorte d'empreinte de la vie. Ce qui est intéressant c'est de vivre, d'avoir des expériences personnelles violentes parfois lourdes et de les transformer d'une manière ou d'une autre pour les distiller dans des histoires qui ne sont pas la vôtre.

Ecrire c'est le plaisir de la capacité de s'extraire de la réalité, de partir dans des histoires qui s'alimentent toutes seules, qui prennent une dimension, c'est magique.

Le vrai problème des prix littéraires, c'est le système de la Légion d'honneur ramené à l'art. Je n'y crois pas. Je ne crois pas au concept du meilleur écrivain de l'année.

On vit dans ces textes toute une journée pour accoucher le lendemain

Je souffre d'angoisse avant d'écrire. Je souffre aussi de la difficulté. Mais cela n'empèche pas que c'est toujours un acte de jouissance. Je travaille énormément. Avant d'écrire et au moment de l'écriture, j'y reviens énormément dans ma tête.
Les gens ne se rendent pas compte que plus un texte est simple plus il est travaillé.

Plus rares sont ceux qui créent un style que seuls le temps et la postérité viendront confirmer. Il est néanmoins de très bons écrivains qui n'ont pas créé un style, mais ont su orchestrer le verbe pour en tirer toute la substance, et d'autres qui se sont épuisés en vaines inventions qui sont restées du domaine de l'expérimentation, et dont existent encore quelques spécimens vivants
Qu'on le veuille ou non l'écriture est un rapport à la mort. Il y a toujours, chez toute personne qui écrit, cette ambition de créer un texte qui va être la preuve que son esprit, dans cette lutte permanente entre le corps et l'esprit qui est l'histoire de la vie, va survivre à ce corps maudit qui nous envoie à la tombe...

Il y a toujours ce souhait de laisser quelque chose à une postérité

Le blog
C'est comme d'être devenu journaliste. Ce qui aide c'est de faire quelque chose de quotidien et familier. On peut exercer sa plume différemment et appréhender ce que cela représente en terme d'investissement personnel de mener un livre de bout en bout.

Ecrire, c'est une création permanente. C'est quand je suis moins bien avec moi-même que je crée réellement. L'écriture est dans la résonance, d'une photo, d'un ouvrage ou tout autre chose, puis les mots viennent. J'ai besoin de mouvement et de changement dans ma vie pour écrire. Besoin de nouveauté renouvelée.

dimanche 10 octobre 2010

Perché andiamo a vedere la corrida ?


Si le titre a des relents de pesto, c'est de la faute à Luigi Ronda qui anime le blog "Alle cinque della sera"... Il m'a envoyé un message me demandant si je lui permettais de poser la question pour l'Italie. Oui, j'ai fait des émules chez Berlusconi. J'ai dit non, bien sûr, et puis quoi, faudrait leur donner le Roquefort aussi, aux Transalpins ? Pourquoi pas la brandade ? Domenech si ils veulent, oui, pour la squadra azzura, ma basta !
Non... je l'ai remercié pour sa délicatesse et lui ai confirmé que je n'étais pas propriétaire de la question.
Vous pouvez donc aller faire un tour sur ce blog ne serait-ce que pour la musicalité de cette belle langue si elle ne vous est pas hermétique. Chez nous, aujourd'hui, c'est Nicolas Crégut qui s'y colle, avec un texte court et percutant.

TOROS


Le premier souvenir n’existe pas. Seules des photographies en noir et blanc subsistent dans leur dépérissement chromatique. Ce sont celles des parents que l’on regarde comme des inconnus puisqu’ils étaient jeunes et en gris. J’étais là, dans un couffin constitué d’un panier avec un coussin comme c’était l’usage à l’époque. Après arrivent les premières images réelles. Ces visions sélectives se traduisent ensuite par des dessins d’enfants, de mises à mort, où des hommes volants franchissent des montagnes noires pour aller vers des décisions finales. La suite est un cheminement logique qui, à l’adolescence, m’amène à un refus total du jeu. Suivent de longues années d’absence où le manque ne peut exister car il n’a plus de raison d’être. Et puis le hasard fait que je reviens voir ce que crois avoir déjà vu et toujours su, puisque je suis né dedans. Et soudain la conscience des choses m’apparaît et je me rends compte que je n’ai jamais quitté l’espace. Je mets cela sur le compte d’une adolescence tardive et narcissique et décide d’aller jusqu’au bout de ce sentiment enfantin. Pourtant les choses n’ont pas changé depuis mon couffin, la douleur est toujours là, plus présente que jamais. Cette douleur est la peur qui m’habite à chaque cérémonie. A chaque événement je sais que je vais devoir surmonter ce pourquoi je ne suis pas fait, accepter la beauté dans ce qu’elle a de plus essentiel, donner la mort ou mourir.



Nicolas CREGUT

vendredi 8 octobre 2010

Sur l'Architecture...


Sur l'Architecture, ce petit film très beau, à l'esthétique photographique, à voir en mode plein écran sinon rien.
http://vimeo.com/7809605

mercredi 6 octobre 2010

Maliciel & Malasuerte


Voyons… fâché avec les catholiques, bon, ça, c’est fait…

Alors que pourrais-je bien vous raconter ? Oui : à force d’emmerder tout le monde, le président Ahmadinejab s’est vu infecté dans sa plus intime conviction, une centrale nucléaire, par une mega-chtouille résistante aux antibiotiques. Un maliciel. De ceux qui hennissent de plaisir en contournant les anti-virus et autres firewalls, un fameux cheval de Troie sauteur d’obstacles, capable aussi de se couler dans les interstices, tout en donnant l’impression de sa docilité alors qu’il n’est qu’un cheval fou désarçonnant tout le système dans lequel il galope haine au vent et nuisance abattue, bavassant dans tous les fichiers.

On ne sait encore qui le monte, mais la complexité de la charge du canasson laisserait les experts perplexes alors qu’ils avaient décodé le mauvais goût du mordant de ‘’Pirata’’ en moins de temps qu’il n’en faut à un sabot de mule pour décalquer son empreinte dans le grill costal d’un vétérinaire en plein toucher rectal. Il faut dire là, que nous devons à la véracité de la médecine vétérinaire, qu’un toucher rectal de mule s’investit jusqu’à l’aisselle…

Un cheval de Troie mahousse-costaud, appât looser à tiroirs, Apaloosa à entrées multiples et rattrapage automatique d’impasses où ne pas se fourvoyer, enfin, cessons de faire semblant d’être un expert informatique, c’est une infection très élaborée, un plan de guerre informatique autrement plus sophistiqué qu’une inflation turgescente à la Dati. C’est vrai qu’elle est mignonne Rachida… mais à quoi donc devait-elle penser pour que sa langue fourche ainsi ? Venait-elle d’officier ? L’avait-elle en projet ? Déjà qu’on a pas pu savoir qui était le père… enfin à Paris, hein, ils le savent, mais oui… tous les journaleux le savent, mais bien sûr… mais ils ne le salivent pas, c’est comme ça… Remarquez, vu qu’on s’en fout… Enfin ce qui est sûr, c’est que moi qui vous parle, à une femme qui a les dents longues comme ça, je ne confierai rien d’irremplaçable ! Oh quenottes !

En tauromachie, un maliciel, ça correspondrait un peu à un don d’oreille indue. Le public c’est le chœur réactif à l’uranium certes appauvri depuis qu’il a acheté son abono, et le trophée, le cheval de Troie. Il n’y a en effet, pas plus pervers qu’une attribution de trophée indue sur l’entendement des gens à la chose. Tenez, regardez par exemple l’attribution du prix Hemingway à Zocato alors que j’avais commis une si…. Oh ça va, je décooooooonne… c’est pour rire les zamis… j’en ai fait mon deuil vous savez… oh si… ayé, j’ai compris… vu les pointures qui participent maintenant et mon réassort qui n’arrive plus au rayon ‘’imagination’’… Il vaut mieux de toute façon, sinon ça allait virer au pathétique de la condition du sobresaliente, cette histoire. Moi, le langage soutenu c’est pas mon truc, ça m’emmerde, je suis bien ici, libre et déconneur. Mon truc à moi, c’est pas la grande œuvre magistrale et solennelle, non, c’est deux Kikiriki, un quiebro et une espantada vers la barricade.

Dire, qu’il y a un ''GRANTECRIVAIN’’ qui écrit au Diable une lettre indignée à chaque fois qu’il perd, c'est-à-dire à chaque édition, puisqu’il n’a jamais gagné. (lisez maintenant la suite à la façon de Guy Bedos version 1970 svp : ) C’est fou non ? Y’a un mec en liberté, espérant passer pour sain d’esprit, qui s’insurge du scandale de n’avoir pas été choisi ! Eh… Oh… Dieu de la prose, descends un peu de ton nuage, pète un coup, lâche un peu de pression égotique, brise les miroirs alentour et arrête de te toucher le Kirikiki : c’est pas poli, ce que tu fais ! Et complètement con, en plus ! Tu voulais asséner ton talent, tu as réussi à prouver ta connerie ! Meuh dis donc, ça va pas la tête ? Ca rend fou ces prix, comme les trophées en corrida, ça devrait être interdit… Si jamais une année il gagne… il est définitivement perdu… Bon, enfin, on va arrêter là ce topo sur les maladies mentales, déjà que les cathos m’ont excommunié et que Raticha m’envoie les gendarmes…

Au fait, qui est ce maliciel gueulard, ce démago pousse-au-crime, ce pseudo justicier de nos deux, cet assassin en puissance qui meugle à chaque mano à mano le signal de la curée à la meute des bovins encornés farcisseurs ? C’est une complainte qui résonne dans les arches du vieil amphithéâtre, ça fait comme ça :

Morenitooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooo… !

Il est fou ce type, il va avoir sa mort sur la conscience. C’est un si gentil garçon Morenito, personne ne devrait s’épanouir ainsi à vouloir le mettre en danger. Moi je dis, quand même, que se mettre en danger, ça c’est torero ! Vaya, la irania… !
Sauf que la photo de ce doigt d'honneur est truquée, alors que celui que tendent les sobresalientes au sort et à la mort toise une adversité bien réelle.

lundi 4 octobre 2010

Depuis son Ipad...4



Au fond du puits

Ça y est, nous venons d’entrer dans la saison pendant laquelle les aficionados ordinaires, ceux qui, comme vous et moi, n’ont pas les moyens de s’offrir le voyage d’hiver à Mexico ou Bogotá, peut-être à Las Vegas ou Abu Dhabi, pour les plus cosmopolites, vont se trouver dans une situation comparable (d’assez loin quand même) à celle de mineurs coincés dans un boyau, à sept cents mètres sous la terre d’un désert inhospitalier. La seule véritable différence, de taille, est que ceux-là pourront continuer à manger du chili con carne sans craindre de mourir asphyxiés par leurs propres gaz intestinaux. La plaisanterie paraîtra sûrement douteuse C’est vrai. Mais il ne s’agit pas d’une plaisanterie. C’est, telle quelle, la puissante prescription diététique que les spécialistes de la NASA, mandatés sur le carreau de la mine de San José d’Atacama, ont notifié, vu les dangers prévisibles de consommer des haricots rouges en espace confiné.
Mais, contrairement aux trente-trois de Copiapo, l’aficionado ordinaire, si rien ne lui interdit de se mettre des flageolets jusque-là, ne pourra compter sur l’appui d’aucun expert pour l’aider à tenir, au fond du trou noir de ces mois de froidure et de pénuries tauromachiques. Il devra s’accommoder des moyens du bord, sa bibliothèque, sa vidéothèque, son cinéma intérieur. Ou s’épuiser à téter aux quelques misérables sondes qui lui seront lancées : les sites internet (y compris, pour les masochistes et les esthètes décadents, ceux des officines anti-corrida), les conférences de clubs taurins (ô la félicité, en plein novembre, d’assister, dans une arrière-salle de bistrot, à une causerie sur "Histoire, écologie, économie et développement de l’élevage du toro bravo dans le district municipal de Calaveras") et, le pompon, les journées de fiesta campera.
C’est un avis personnel. Je trouve l’ambiance de ces réunions à peu près aussi réjouissante que, je suppose, celle qui doit régner dans les établissements on l’on délivre des produits de substitution contre les addictions lourdes, une sorte d’effet de foehn inversé et cyclique qui va et vient de l’enthousiasme à l’abattement, de l’hystérie à la dépression. On est venu là pour essayer d’apaiser le manque, mais on sait bien, au fond, que c’est un pauvre expédient. On est arrivé, toujours à grand mal, par des chemins pas spécialement praticables, aux abords d’un grand terrain vague agricole. Il pleut, ou il a plu la veille. On a de la boue jusqu’à la luette. La petite arène est bricolée à la diable avec des madriers de récupération. Le coin repas n’est qu’un assemblage de tôles rouillées et on frissonne déjà en voyant tambouiller en plein air la paella (mais rien n’empêcherait que ce soit une feijoada) qu’il faudra bien se taper. Quant au plan purement tauromachique... Bon, il vaut mieux arrêter là.
La femme du mineur Ariel Ticona Yañez vient de donner le jour à une petite fille qu'ils ont prénommée Esperanza. Ils auraient aussi bien pu l'appeler Paciencia. C'est ce que je souhaite, pour les mois qui viennent, à tous les aficionados ordinaires qui me liront.

dimanche 3 octobre 2010

Pas de regrets à gauche ?


Le jeudi 7 octobre à 14h30 5 rue Vincent Courdouan à Marseille se dispersera sous le marteau de Damien Leclere une importante vente aux enchères sur le thème tauromachique.
Photographies, peintures, sculptures, livres, affiches, traje de luces, objets.
Dans le joli petit catalogue qui m'est parvenu, j'ai été surtout sensible à de beaux tirages argentiques noir et blanc ainsi qu'à cet inattendu travail d'Helmut Newton avec cet ensemble de 132 Ektas constituant un travail sur les gens du mundillo, effectué à Séville en 1961. Une très bonne année pas seulement pour le vin, donc... Si l'évènement vous intéresse, vous avez tout intérêt à vous connecter ici : http://www.leclere-mdv.com/ . De rien.

samedi 2 octobre 2010

Des Hommes et des Dieux


Pour une fois, j’étais arrivé en avance dans la salle bientôt obscure et cela me permit d’observer le public qui investissait petit à petit les sièges de velours rouge. Une forte assistance. Que des bons catholiques. Sur leurs vêtements prédominait évidemment le bleu marine qui comme chacun sait, est une couleur convenable, et, aussi, quelques tonalités automnales de bon aloi. Il régnait une ambiance très ''anciens élèves de l’Institut d’Alzon'' – au rang desquels je peux me compter…- mâtinée d’une composante ''randonneurs de Saint-Jacques'' – non, pas les gourmets de la Pecten Maximus, illustre hermaphrodite lamellibranche bi-valves délicieuse à peine poêlée au beurre puis bordée dans un lit de jeunes poireaux compotés – mais les marcheurs du chemin de Compostelle.
On avait emmené les enfants, Louveteaux et autres Scouts de France, et sorti aussi les handicapés de leurs fauteuils, sûrs qu’on était, qu’aucune idée licencieuse ne pourrait entacher l’observation de l'exemplaire vie monacale . Ce qui valut quand même à ces enfants de chœur, d’assister à quelques égorgements Croates en Panavision et Technicolor. Tout ça me fichait un peu le ''ratabomi'' par la promesse de bienséance bien pensante que cela renfermait : quel beau film pieux on allait voir… Avant le générique, j’en venais déjà à regretter un Tarantino de derrière les fagots où ça cognerait sec – et vas-y que je t’extrême-onctionne - et défouraillerait grave des absolutions-éclairs à coups de bastos plus blindées que bénies… Un bon film défoulant pour démarrer le week-end, quoi.
C’est-y pas déjà pas mal campé ce décor où va se dérouler la non-action que vous attendez tous luette vibrante et paupières mi-closes, prêt à recevoir le petit zézu en vous ? Je me moque pas, je ''dérisionne''. Pas mal campé, mais pouvant mieux faire, je m’y recolle :

Vous connaissez le look ''catho'' ? L'authentique catho, hein, pas l’amatrice dilettante, la vraie de vraie, pure hostie et eau bénite, catéchiste bénévole, celle-là même qui oblige ses rejetons affamés à la prière alors que fume sur la table le plat de macaronis bolognaise. Comme ce n’est plus si fréquent et que je suis vilain, je précise : la vraie catho d’obédience ''Vatican II'', si elle est la plupart du temps une sacrée pondeuse – celle-ci était venue flanquée de quatre catéchumènes – s’attache particulièrement dans sa tenue à gommer tout signe ostensible de féminité, un peu comme si, dorénavant, elle ne se donnerait plus qu’à Dieu. En bonne religieuse ratée de peu, qu’elle serait. Sauf que Dieu, si ça se trouve, c'est hyper caliente qu'il les aime, ses brebis. Multi-parturiente donc, pour qui on craint quand même qu’au regard de ses principes, – le plaisir, c’est péché, l’amour pour procréer – elle n’ait connu le loup qu’en nombre égal à celui de ses rejetons, ce qui vous l’avouerez avec moi ne permet pas d’explorer toutes les ressources de la chose. Mais que je suis vilain, moi, ce matin ! Et vulgaire en plus ! Pour une fois qu’un film tente de nous élever l’esprit vers la plénitude céleste, voilà –t’y pas que je nous ramène à la fange spermatique dans laquelle il fait s’y bon se vautrer, en petits diablotins lubriques. Sa coupe de cheveux est courte, stricte, masculine. Aucun produit enjoliveur cosmétique ne pollue son visage. Ni ''Teint lumière de Dior'' ni ''gloss Gemey Maybelline'' ou ''Mascara Volumateur'' de l’Oreal, parce qu’elle le vaut bien, de se différencier de pareille superficialité. Son chemisier est à petites fleurs, rappel subliminal d’une pureté révolue ou unique marqueur concédé au statut féminin et surmonté d’un vêtement depuis longtemps abandonné par ses sœurs d’autres catégories psycho-sociales : le gilet de laine. Evidemment, le bas est un pantalon, bleu marine et non moulant, comme il se doit. Ce qui n’a pas vraiment d’importance si ce n’est pour le confort, car quel homme y porterait son regard, après avoir été tant découragé par son style savamment asexué ?

Les croyants ayant cette caractéristique de ne pas supporter le risque que leur progéniture vire mécréante, s’emploient dès leur jeune âge à un endoctrinement sans faille et ce film où ils emmènent leurs enfants, est, à n’en pas douter, considéré comme un élément formateur sur le chemin de leur foi.

Voilà, Le mot est prononcé : FOI. Ce film nous entraîne sur le cheminement de la foi et pose à ces moines, à son sujet, d’essentielles questions. Comme le fait soudain un vrai toro de caste en croisant la route d’un matamore qui se pensait torero. Ma foi est-elle si inébranlable qu’elle puisse s’affranchir du danger imminent ? Serais-je plus utile à Dieu, martyr que vivant ? Cette épreuve que le commun des mortels fuirait, n’est-elle pas en train de me faire naître envers Dieu en me donnant la possibilité d’abandonner ou d’incarner ma foi quasi sacrificielle ? Car il est long, le chemin qui délivre, par lequel on accède enfin à la liberté, celle de survivre ou d'être tué, dans une attente sereine, en pleine conscience de ses choix.

Quand Michael Lonsdale plante sur la table de leur dernier repas, les ultimes banderilles de plaisir terrestre que sont ces deux bouteilles de vin rouge et que bientôt les sourires se muent en rictus, on sait qu’à ces questions ils vont répondre oui. Comme le fait José Tomas dans le ruedo. Il ne fait plus alors aucun doute, autour de la table, comme dans la salle obscure, qu’il ne s’agit plus de Bourgogne gouleyant mais de sang du Christ qui emplit leurs verres. Ce qui parle à la catho asexuée presque parfaite comme à l’Athée sexuel très imparfait, peut-être réunis par l’admiration commune d’un engagement total qu’ils seraient bien incapables d’assumer.