jeudi 4 octobre 2018

JP.COMBE 2e partie (suite et fin)


C’est un instant de calme avant que la passion

Ne s’épanouisse enfin, une crucifixion

Du vent. Une retraite éphémère et sereine.

Au-delà du repos, il aperçoit l’arène.

 

Manolo, cependant, vient troubler le silence.

Il est celui qui sait, son peón de confiance ;

Il apaise d’un mot, inquiète d’un regard

Et peut mieux que personne éclairer tel un phare.

Il parle des Toros en longs gestes précis

De façon qu’on croirait les deviner. Et si

Son Maestro se perd dans des pensées obscures,

Il devient un ami qui protège et rassure.

Au sortir du chapeau, deux silhouettes noires

Ont donné à son cœur un délicieux espoir ;

Celui d’un grand succès. Un triomphe majeur,

De ceux-là dont on rêve au terme du labeur.

Le hasard - sans un mot – a pris sa décision ;

Le meilleur de l’envoi sortira en second.

Il l’annonce au diestro, c’est le sien. Un sourire,

Puis la concentration revient dans un soupir.

Il s’en va, Manolo.

                                
L’homme doit s’habiller

Pour devenir un dieu. Sa chemise est pliée

Dans les mains du mozo de espada. D’un geste,

C’est sa taleguilla aux broderies célestes

Qu’il désigne à présent. Il met son collant blanc,

Ses medias de soie rose au-dessus, puis attend ;

Pour passer sa culotte, il aura besoin d’aide.

Que ce soit à Bayonne, à Séville ou Tolède.

Car tel est fait l’habit ; Quelques tissus fragiles

Qui forment sans mentir une armure d’argile…

Les chevaliers, déjà, dans les temps très anciens,

Pour se vêtir de fer avaient besoin des mains

De leur valet. Andrés porte son matador

Depuis longtemps déjà et pour longtemps encore.

Il a vu des murs blancs ; Bien plus que de raison,

Sur les deux continents, et par toutes saisons,

Il a vu des murs blancs et fait rouler des malles,

Recousu des machos arrachés aux Etoiles,

D’eau froide et de magie, il a gommé les traces

Laissées par le grand fauve en parcourant la place

Au plus près du frisson. Là, il noue sa cravate,

Lui ferme son gilet pour cacher les stigmates,

Puis couvre avec douceur le dos du combattant.

D’une chaquetilla, il étoffe le temps.

                                      *

                                    *  *

On part.

                                      *

                                    *   *

                 La cuadrilla, par le très long couloir,

Se présente à la porte.

                                         Abrazos.

Des regards,

Illuminés d’argent, donnent la communion

Comme si la folie effaçait la raison.

Ils ont un point commun, ces guerriers valeureux ;

Une naissance au jour qui les rendit heureux.

Il fallut qu’un instant change leur destinée…

Mais quand ? Et où ? Pourquoi ? Devient-on obstiné

Sans ne maîtriser rien ? Charrié simplement

Tel un limon fécond, lorsque chaque moment

Est un hymne aux Toros et puis que l’étincelle

Se change en un brasier glorieux et immortel ?

La place est à deux pas. On ira en fourgon,

C’est ainsi. Comme pour quitter le tourbillon.

                                         *

                                       *  *

Juste le temps d’un souffle, il ouvre grand ses yeux

Pour vivre dans le ciel un souvenir heureux ;

Celui d’un crépuscule éclatant de quiétude.

Protégé par sa cape et par sa solitude,

La dehesa pour lui, pour lui seul à jamais,

Il jouissait de l’instant et du soir parfumé.

Seule une brise bleue accompagnait la lune.

Chaque respiration était une fortune,

Inestimablement. Il avait ce trésor

Tout au creux de ses mains, à portée de ce corps

Qu’il mettait en danger. Oui… Mais quelle importance ?

Quand la mort vient rôder, puis propose une danse,

Il faudrait être fou pour fuir l’invitation.

 

Songerait-on au Christ esquivant sa Passion ?

 

Le feuillage d’un chêne enchantait le silence

D’un flamenco soyeux. L’homme attendait sa chance

Pour figer le tableau dans un long mouvement.

Un village, là-bas, aux maisons de murs blancs,

Dormait. Inconsciemment, le miracle à venir

Glissait sur la pénombre et semblait retenir

Les heures qui fuyaient vers des terreurs inouïes.

Naissante d’un bosquet, il avait vu la nuit

Et l’avait toréée d’une embrassade unique

Qui pleura très-longtemps. Juste une Véronique,

Infinie de lenteur. Puis il avait dormi,

Savourant son triomphe enfanté sans un bruit.

                                      *

                                    *  *

Il s’éveille à la vie, ébloui de murs blancs.

                                      *

                                    *   *

La chapelle est très-belle et d’un calme troublant.

Un prêtre a dessiné, à force d’afición,

Cet ultime rempart. D’une génuflexion,

Chacun parle au Destin avant de s’évanouir

Jusqu’à l’inéluctable et pourquoi pas…

                                                                      Mourir.

 

C’est l’instant mélodieux où les pas des chevaux,

Comme des clapotis, résonnent au patio.

Ainsi qu’une cascade immense et bigarrée,

La foule, en filigrane, est prête à déclarer

Son amour, ou sa haine, ou son indifférence.

Que ce soit au Mexique, en Espagne ou en France,

Le silence, à la mort, est le pire verdict.

Un Matador préfère une saine vindicte

Aux magistrats muets.

                                       *

                                     *   *

                                        Mais sonnent les clarines…

                                        *

                                      *   *

Le cortège éphémère à la grâce divine

Dessine un arc-en-ciel parfait de rectitude

Conscient que le combat sera sublime et rude.

Les capes se déplient puis vont de tout leur poids,

Comme des papillons sur un chemin de foi,

Caresser l’Eternel.

                                 Voici que l’alguazil,

Gardienne du bon ordre et des clefs du toril,

Dans un élan puissant galope vers la porte.

Le Toro va venir. Juste avant qu’il ne sorte,

Des regards silencieux dévisagent la place,

Espérant qu’il sera la fierté de sa race.

 

Parmi les amoureux, il en est un plus blanc,

Plus poëte sans doute. Il a juste douze ans.

 

Il reste des années assis sur les clôtures,

Revivant le passé, glorifiant son futur

Qu’il voudrait de lumière, abhorrant l’idée même

D’une vie sans la Course et les fleurs qu’elle sème.

Il tient sa muleta, cachée sous son manteau.  

Aura-t-il le courage, en espontaneo,

De rejoindre le ciel ? Dérober une passe

A l’heure où ses amis se morfondent en classe ?

Et le Chef de Lidia, serait-il courroucé ?

Crierait-il au peón l’ordre de se pousser ?

Il a tant espéré la sublime seconde

Qui figerait enfin l’éternité du monde.

Juste une naturelle – il n’aurait pas d’épée –

Avant de disparaître, étourdi, mais en paix.

 

Quand la Guardia Civil appellerait sa mère,

Il l’entendrait pleurer d’un désespoir amer

Qui est toujours égal.

                                       Elle ne rêve plus.

Ses nuits ne sont hantées que par ce qu’elle a lu

Dans les yeux de son fils ; Ce livre sans chapitre

Qui ne finit jamais et qui n’a pas de titre.

                                      *

                                    *   *

Depuis le callejón, le Maestro observe

Le premier Matador qui panique et s’énerve ;

Son bicho est manso, il n’en tirera rien.

Il attend qu’il le tue et que sorte le sien.

Un pinchazo, puis un second.

                                                    Une demie,

Concluante pourtant. Le Bête est endormie.

 

On traîne sa dépouille au-delà des barrières

Pour l’oublier demain comme on l’ignorait hier.

                                        *

                                      *   *

Alors le jour se lève, et bien loin des murs blancs,

Le Torero s’avance, ivre et ensorcelant.

De ses zapatillas, il embrasse le sable

Et vient s’agenouiller, dans un geste impensable,

Face à sa Destinée. Plus rien n’existe alors

Que ce lien invisible entre le noir et l’or.

 

Un abîme de nuit apparaît au lointain ;

Il a ouvert l’enfer d’un signe de la main.

 

Son capote s’envole et chante une arabesque.

L’Animal a chargé d’une fougue dantesque,

Projetant dans l’éther ses pitons indicibles,

Dessinant un sillon qui chercherait sa cible

Avant de revenir à la source de tout.

D’un vertige sensuel, l’homme reste à genoux

Pour déployer l’étoffe et guider la furie.

 

Des myriades d’instants montent vers l’infini.

 

C’est le fer, maintenant, qui déchire le cuir.

Lorsque tout ce qui vit aurait choisi de fuir,

Ecrasé de douleur, ce castaño claro

Soulève sans effort monture et piquero.

Il y revient trois fois.

                                            C’est aujourd’hui si rare…

 

Manolo le savait, c’est un divin nectar

Qui, inlassablement, inonde le ruedo,

Pourchassant sans répit son flamboyant credo.

 

Une valse d’argent, d’azabache parfois,

Fait fleurir un bouquet de couleurs et de bois

Sur le dos de l’Idole.

                                      Ainsi va la légende…

 

La serge rouge flotte, enjouée comme une offrande

Au Dieu resplendissant qu’il doit hypnotiser.

Les cris du Matador sont précis, aiguisés.

 

Dans un derechazo, il tient tout l’univers,

Fait brûler les saisons, du printemps à l’hiver ;

Il est debout.

                                      *

                                    *   *

                          Pourtant, sous un épais brouillard,

Un bruit d’acier qui chute attire son regard.

Sur le sol, un plateau finit de tournoyer,

Le chien, dans le salon, s’est mis à aboyer,

Tout devient si confus.

 

                                          Juan a peur, il est mort.

 

Rien ne lui obéit, ni son cœur, ni son corps.

Seule son âme chante un couplet tourmenté ;

«  Coule, Guadalquivir, sur ma nuque argentée,

Tandis que face à moi l’Arène se dessine.

Coleta mystérieuse, infinie et divine,

Foule, Guadalquivir, de ton pas incessant

- Chemin de soie, toujours, qui versera le sang

Vers l’ocre de ma vie et ses Toros énormes -

La plaine imaginaire où mes regrets s’endorment. »

                                      *

                                    *   *

Il rêve à son Campo qui brille sous la lune.

Ici, les murs sont blancs et l’infirmière est brune.

 

 

 

                                                                        Nice, Oct-Nov 2017

                                                                              Jean-Philippe Combe

mercredi 3 octobre 2018

JP. COMBE Première Partie





                                LES MURS BLANCS

 

 

                                                                          Au Maestro Denis Loré                                               

 

 
Les murs sont blancs.

A peine inondés des rayures
Que forment les volets mi-clos.
Blancs sont les murs.
Blancs, bleus peut-être un peu, là où l’air s’évanouit
Depuis que le matin a fait fondre la nuit.
 
Et lui, au beau milieu du chaos silencieux,
Il prie. Déjà, ses mains sont tendues vers les cieux
Dans un élan d’amour, de doute et de terreur.
L’horloge de son âme affirme qu’il est l’heure.
Son habit sur la chaise incendie l’atmosphère
De rose, et d’or, d’espoir, d’effroi et de lumière.
Il ne l’a pas porté, pas encor, pas en course,
Juste chez le tailleur où sa verge et ses bourses
Ont épousé l’étoffe avec délicatesse
Pour mieux époustoufler les antiques déesses
Qui hantent les gradins. Il connait leur regard ;
Profond comme un grand fleuve, étincelant de fards.
Il le croise parfois, à la sortie d’un quite,
Le torée un instant, l’adoucit puis le quitte,
Pour revivre sa vie.
                                   Ici, les murs sont blancs,
Les souvenirs sont purs et les gestes sont lents.
 
Il y a une Vierge, éclatante d’amour.
Son visage est de miel et ses yeux de velours
Font naître un long ruisseau de larmes. Sur l’autel
De sa gloire, un ange a fait murmurer ses ailes
Et leur écho léger s’évapore dans l’onde ;
Il submerge la chambre, et la ville, et le monde.
Mieux qu’une grande affiche et ses mille couleurs,
Il annonce au public qu’il sera bientôt l’heure.
 
Dans les rues, les cafés, les bodegas furieuses,
Déjà montent des mots et des questions curieuses.
« Quelqu’un a-t-il pu voir les Toros aux corrals ?
On dit qu’ils sont de ceux qui grèvent le moral…
L’an passé nous avions un bien piètre bétail,
Celui-ci sera-t-il d’un courage sans faille ?
Aurons-nous un palco très juste et bienveillant,
D’honnêtes assesseurs et un grand Président ?
Et ces nuages noirs qui menacent là-haut…
Auront-ils disparu au temps du paseo ?
Entendrons-nous ce soir résonner la musique
Et pourrons-nous crier d’une voix pacifique ;
Des Toros ! Des Toros ! Et puis des toreros !
Nous avons tant besoin de porter des héros. »
 
Lui ne les entend pas car ici rien ne bouge,
Les murs sont blancs.
                                       Là-bas, les barrières sont rouges.


                       

mardi 2 octobre 2018

Teasing

Jean-Philippe Combe est un poète. Qui se la coule douce à Séville pendant que je bosse... Il m'envoie sa participation au dernier Prix Hemingway vu qu'il considère que ce blog abandonné est l'écrin parfait pour la publier... Soit, pas très cassant pour moi, c'est lui qui a phosphoré...

Moi, je lui ai dit : On devrait n'en publier que la moitié... jusqu'aux "barrières rouges" c'est magnifique, parfait, superbe... sauf que ce serait poème qu'il me rétorque et non nouvelle... enfin, un truc dans le genre... Com' tu veux tu choiz, que lui ai répondu aussi sec... Puis je me suis dit : et si je faisais comme Midi-Libre qui publie la nouvelle gagnante en deux épisodes...? Malin, non ? Comme ça tout le monde est content, en deux passes...

Quand ? Ben faut voir, quand j'aurais le temps, en gros...

mardi 25 septembre 2018

Vous êtes des rats !



Quand j’ai mis le dernier post en ligne, le compteur affichait 805086 et aujourd’hui, une semaine après, 805824. Pas mal pour un blog abandonné… vous êtes donc 738 à avoir risqué votre trombine par ici.
Non, ce n’est pas pour me hausser du col que je précise cette donnée mais juste pour vous dire votre avarice. Avec un commentaire sur 738 vous êtes donc 0,13% à avoir commenté.
Bande de rats ! Bande de radins, de ratiocineurs, de rabougris, de racistes, de rabat-joie, de rachitiques, de racornis, de radicules, de ralentis, de ramassis, de ramollis, de batraciens anoures (les ranidés), de rapiats, de raccourcis, de rapetassés, de rapetissés, de raplatis, de rase-pets, de raspoutitsas, de rassis, de raréfiés, de rarescents, de raseurs, de rastaquouères, de râtelures, de ratons, de ravilis, de ravinés, de raviolis sans bolognaise !
Puisque c’est comme ça, rendez-vous dans un an… en attendant, allez voir
‘’The Brothers Sisters’’ vous ne serez pas venus vous faire insulter pour rien…

 


lundi 17 septembre 2018

L'Esprit des Lois


Disparues, les ballerines et les chorégraphies, aux oubliettes les enjolivements, hier après-midi, retour aux fondamentaux :  la peur, la sueur, le sang, les larmes. Quand combat rime avec enjeu, la corrida est de retour. Et avec elle votre plumitif préféré (après Durand, Marmande, Zocato, Dupuis, Colléoni, les Bruchet’s brothers, etc bien sûr…)

Quand le premier chat du sorcier a foulé le premier mètre de sable, l’arène toute entière a frémi… des cornes à te dilacérer le sciatique sur tout son trajet, des pointes à te réséquer les muscles profonds du dos, des diamants à te… bref vous avez pigé… Si ? Pour le plaisir ? Ok. Après tout z’êtes clients et je me suis fait rare, ne chipotons pas : des diamants si fins qu’on eût pu les juger prompts à éclairer ton intestin grêle sans que le rectum n’eut en rien souffert de l’intromission. C’est plus long que de lire ‘’astifino’’ mais on s’emmerde moins, non ?

Bref, il s’est arrêté face au type qui lui avait ouvert les portes et a commencé un dialogue qu’il devait continuer avec son torero : euh t’es qui toi, kess tu fais là, j’suis censé faire quoi dans ton délire… ? Enfin voyez, le même genre d’interrogations qui pouvait soudain émaner d’une foule constatant qu’un apprenti-terroriste venait de s’empaler, là, à l’instant T, bar bien nommé, sur des barrières anti déséquilibré. Mais si je change le texte d'hier - pour ceux qui l'auraient déjà lu - c'est que des bruits auraient couru trop vite et trop mal, je ne sais pas d'où vient ce type...

Octavio, je ne le connaissais pas – ben oui, je voyage moins… - j’adore son apellido qui claque comme un coup de fouet : Chacon ! Cinglant, non ? Chacon ! Eh bien, ce n’est pas un fifre, Chacon ! Assez impressionnant de calme, de science et de maîtrise, il s’investit sans broncher là où le monton se liquéfierait devant le danger. Grand ! M’a plu ! Enchanté, Chacon ! Il s’est fort bien dépatouillé sur les deux côtés du faible, donc dangereux, tricoteur de cheville qu’était ce Victorino au large berceau.

Le matin j’avais appris qu’il était désormais – depuis un an ! - interdit de fumer dans les jardins de la fontaine, comme dans une cinquantaine de lieux publics en extérieur… bien que cela ne me soit pas préjudiciable, j’appréhende toute interdiction avec autant de circonspection que Javier Conde une charge pas claire et ça me déprime… Cette corrida commençait bien et pour une fois je n’avais rien oublié : cigare, briquet, tout bien rangé dans ma poche… Sauf qu’au JT de 13 heures il y avait eu ce reportage montrant une municipalité qui avait interdit toute fumée aux abords des écoles… Fumer dans la rue c’est devenu comme pêcher la truite en rivière, maintenant : de là à là tu peux pêcher (c’est con y’a pas un poisson) mais de là à là, tu peux pas, réserve (c’est con elles sont toutes là…) donc je sais pas, l’air du temps, la culpabilité de déclencher des cancers à tout le tendido, tout ça… c’était un peu dur à porter et j’hésitais à sortir l’artillerie lourde cubaine dont j’avais tant envie pour décupler le plaisir de voir enfin de beaux toros combattus par des hommes. Je me suis dit : Marcus, soit urbain, même si c’est autorisé dans l’arène (enfin j’espère ?!?!!!!!) rappelle-toi les bons principes que ta maman t’enseignait et enquiers-toi au préalable de ne pas déranger tes voisines. Je me suis penché par delà les épaules parfumées de ma jolie moit-moit déjà rompue à l’idée de tout supporter par amour pour moi, humour gras, jalousie infondée, volutes cancérogènes, amour bestial et matchs de foot, pour m’adresser à ‘’cuisses de mouche’’ (mini-short et micro-cuisses) à sa droite, pour lui demander si le projet de fumer ne la contrarierait pas… ? Au contraire ! Répondit, enjouée, la belle enfant reluquant d’un air malicieux le module que j’avais en main (eh oh, mon cigare hein…) m’assurant que le parfum des feuilles tropicales l’enchantaient ! Increible, no ? Etait-ce enfin mon jour de chance ? Allais-je toucher à la félicité ? A l’épanouissement psycho-sensoriel ? Au nirvana de la pleine conscience ? A l’ici et au maintenant de la Havane et des dos argentés de Galapagar ? Je me tournais alors vers une de ces innombrables ‘’cheveux courts-lunettes’’, ma quinqua vecina de gauche, pour, sur un ton des plus distingué, arguer de mon immédiat projet. La rombière déclina un :

  • C'est-à-dire que moi-même ne fumant pas…

Dont elle me laissa tirer la conclusion, neurasthénique et seul. N’écoutant que mon héroïque galanterie je lui soufflais d’une haleine fraîche que cela n’avait aucune importance, que j’attendrai de ne pouvoir malheureusement plus jouir de sa compagnie pour m’empoisonner. Il est possible qu’elle m’en su gré car à chaque danger en piste elle me gratifia de moults coups de coude et genou afin que je me montre solidaire de son effroi tout en me racontant une grande partie de sa vie, qui, il faut bien l'avouer, n'était pas des plus palpitantes…J’étais devenu son copain non fumeur, quoi…

Ca commençait à gonfler légèrement moit-moit chérie, cette quinqua désinhibée qui me parlait sans arrêt tandis que ‘’cuisses de mouche’’ me lançait des regards où je lisais : ben alors, c’est pour aujourd’hui ou pour demain les senteurs de la Vuelta Abajo ? Satisfaire les femmes qui m’entouraient s’avérait plus difficile que de convaincre un tio de cinq herbes de boire la muleta, du coup je partis pisser.




Là, dans cet isoloir, j’étais bien. Auto-centré sur moi-même. En pleine possession de mes moyens. Déclinants, certes, mais bon oui oh ça va hein, j’ai jamais sifflé deux paquets de clopes et vingt pastis / jour comme vous, moi… un corps sain autour d’un esprit altéré voilà tout. C’est d’ailleurs pour ça que tu fais le mariole en feria, lecteur, c’est parce-que tu ne peux plus… et alors vas-y que tu surcompenses, que tu brasses de l’air, que tu galèjes à tout berzingue en sirotant des pastagas, que tu étales tes connaissances taurines péremptoires à cramper des abdos de ganadero, que tu torées avec ton Midi-Libre en guise de muleta dans les bars, c’est pour ça…


C’est pas comme Emilio de Justo, torero, lui, qui sait aller à plus, dans la structure de ses faenas. C’est pas comme Pepe Moral très souple de ceinture avec dans la gestuelle ce parfum de Séville difficile à décrire, plus proche du sentiment que de l’effet ou de la posture, qui touche quand on l’aperçoit. Une première série trop confiante peut-être, impressionnante d’ampleur. Se fit-il trop voir ? Las, quand un Victorino vous perfore un testicule, le Moral s’en va et le Pepe reste seul, livide et frustré, insistant pour planter une mauvaise épée afin que son mérite de combattant soit récompensé quand même.


De retour chez moi, heureux de cette course, merci Casas, bon cartel, (ben quoi ?) j’allais enfin pouvoir m’extraire de cette société hygiéniste qui attaque les poissonneries et les boucheries et empêche de fumer en extérieur, j’allais enfin pouvoir chasser de mon psychisme délicat la vision lourdingue de cet affreux toro Playmobil que M. le maire nous a infligé en pleine esplanade. Calé dans mon canapé j’ai sorti le module honni par ma voisine de tendido et, réfléchissant à cette si singulière condition de torero où tu peux en un instant perdre un œil, une couille ou la vie, j’ai frotté le bout soufré d’une allumette contre sa boîte ; rongé par l’incandescence il est devenu noir et la flamme minuscule était fragile ; je l’ai protégé de ma main, j’ai incliné l’allumette vers le bas et la flamme a grandi dansant avec plus d’assurance ; je l’ai mariée à l’extrémité du cigare qui s’est embrasé sous la tétée tandis que ma main jetait, machinale, l’allumette dans la cheminée qu’une loi avait déjà tenté de déclarer hors d’usage et la première bouffée relâchée m’a procuré un intense plaisir, esprit en pleine conscience de la vie qui s’écoulait, car cette ‘’pute d’alarme’’ comme l’aurait appelé Auguste le lozérien n’a pas sonné vu que je ne l’ai pas installé au plafond comme une autre loi l’imposait.


Et puis, si je n’écrivais pas que pour lui, j’ai pensé au Chulo, me demandant si j’avais vraiment envie d’écrire cette resena maintenant qu’il n’était plus là, alors qu’il ne pouvait plus m’appeler au cabinet, deux jours après l’avoir lu, me dérangeant en plein travail, entre une fracture du poignet et une hémiplégie à rééduquer, ne me lâchant plus même lorsque je lui disais que la salle d’attente se remplissait, m’expliquant les valeurs de la gauche, les problèmes de Madagascar ou le talent de nouvelliste de Raymond Carver, me disant qu’il avait bien ri ou que j’avais déconné, qu’il m’avait trouvé con ou génial, me troublant enfin de sa grosse voix quand il m’avouait : << Je t’aime beaucoup, Marc >>


J’avoue, que cette tendresse là, à laquelle je ne m’attendais pas, sa culture, son recul, son authenticité, la bienveillance avec laquelle il me lisait et me donnait ses impressions, de la part d’un sacré tio dans son genre, à l’opposé des petites putes mondaines que l’on croise en feria de Nîmes, m’ont profondément marqué et que je ne l’oublierai pas. Dans notre dernier échange, il avait le projet de me faire visiter ‘’son Madrid spécial castizo’’. On n’en n’aura pas eu le temps, chulo. C'est ce que me disaient les volutes de ce cigare qui montaient vers la nuit avec d'autres pensées trop impudiques ou subversives pour être livrées à d'autres et que l'on avait plaisir à partager.

lundi 23 avril 2018

Adios Chulo

C'est avec stupeur et beaucoup de tristesse que j'apprends le décès de notre ami Bernard Pene. Ici nous l'aimions beaucoup et il nous manque déjà. Je dis "nous", car j'associe Gina et Lola.

mardi 10 avril 2018

Pub : La Unica présente



Une affiche très vintage pour annoncer d'intéressants combats

vendredi 6 avril 2018

Nouvelle Feria !

Qui l'eût cru ? En ces temps troublés, une population affirme son goût de la Tauromachie au point d'organiser sa feria... Dans la jolie région des Alpilles où s'élèvent aussi des toros et des taureaux. C'est donc avec plaisir que je relaie l'info découverte sur torobravo.fr où son programme est consultable. Bonne chance pour la première édition. Bon, Isabelle, votre affiche est un peu paresseuse, il semble que vous ayez oublié un taureau... comptez sur vos doigts, vous verrez, il en manque un.