lundi 18 octobre 2010

Ecrire, une affaire de style.



Gina, quasi désespérée de la grève générale, sursoit à ma panne sèche en nous dénichant de la nourriture spirituelle extraite d'un magazine littéraire. Evidemment. Car la dame ne se commet pas dans "Connard le barbant", elle ne lit que des trucs intelligents d'intellos littérateurs. Pour notre bénéfice. Il s'agirait d'un article de Joseph Vebret intitulé "Affaire de style" et dans lequel certaines réflexions seraient de Marc Dugain. Ah oui mais lesquelles... ? Oh, c'est pas du travail ça... Mais, bon, elle nous dépanne, on va pas lui en vouloir en plus, si ? Non. Donc les voici en vrac :

Au delà du fond et pour ce qui est de la forme, le talent ne suffit pas à expliquer à lui seul ce qui fait d'un écrivain, un grand écrivain (on ne dit pas un « vrai écrivain ») Il y a le style.
Son style, une marque de fabrique qui lui est propre, qu'il exploite et affine tout au long de sa vie, qu'il peaufine et développe. Tout bon écrivain a du style, une façon d'aborder la phrase, d'agencer les mots, de générer des ruptures, de témoigner, de poser un certain regard sur le monde, de percevoir . L'oeil seul du romancier est capable de discerner, d'insérer des matériaux composites venant d'univers différents, une façon de digérer le monde pour bien le restituer dans sa réalité, la plus belle comme la plus laide, le meilleur comme le pire, le bien comme le mal. L'écrivain n'est qu'une vaste entreprise de recyclage du réel, du vécu, du quotidien, de ses propres écrits-, tant il est démontré qu'on rédige sans cesse le même livre.

Le style pour le style n'a pas de sens, le style est au service de ce que l'on veut dire.

L'écriture est une sorte d'empreinte de la vie. Ce qui est intéressant c'est de vivre, d'avoir des expériences personnelles violentes parfois lourdes et de les transformer d'une manière ou d'une autre pour les distiller dans des histoires qui ne sont pas la vôtre.

Ecrire c'est le plaisir de la capacité de s'extraire de la réalité, de partir dans des histoires qui s'alimentent toutes seules, qui prennent une dimension, c'est magique.

Le vrai problème des prix littéraires, c'est le système de la Légion d'honneur ramené à l'art. Je n'y crois pas. Je ne crois pas au concept du meilleur écrivain de l'année.

On vit dans ces textes toute une journée pour accoucher le lendemain

Je souffre d'angoisse avant d'écrire. Je souffre aussi de la difficulté. Mais cela n'empèche pas que c'est toujours un acte de jouissance. Je travaille énormément. Avant d'écrire et au moment de l'écriture, j'y reviens énormément dans ma tête.
Les gens ne se rendent pas compte que plus un texte est simple plus il est travaillé.

Plus rares sont ceux qui créent un style que seuls le temps et la postérité viendront confirmer. Il est néanmoins de très bons écrivains qui n'ont pas créé un style, mais ont su orchestrer le verbe pour en tirer toute la substance, et d'autres qui se sont épuisés en vaines inventions qui sont restées du domaine de l'expérimentation, et dont existent encore quelques spécimens vivants
Qu'on le veuille ou non l'écriture est un rapport à la mort. Il y a toujours, chez toute personne qui écrit, cette ambition de créer un texte qui va être la preuve que son esprit, dans cette lutte permanente entre le corps et l'esprit qui est l'histoire de la vie, va survivre à ce corps maudit qui nous envoie à la tombe...

Il y a toujours ce souhait de laisser quelque chose à une postérité

Le blog
C'est comme d'être devenu journaliste. Ce qui aide c'est de faire quelque chose de quotidien et familier. On peut exercer sa plume différemment et appréhender ce que cela représente en terme d'investissement personnel de mener un livre de bout en bout.

Ecrire, c'est une création permanente. C'est quand je suis moins bien avec moi-même que je crée réellement. L'écriture est dans la résonance, d'une photo, d'un ouvrage ou tout autre chose, puis les mots viennent. J'ai besoin de mouvement et de changement dans ma vie pour écrire. Besoin de nouveauté renouvelée.

12 commentaires:

Anonyme a dit…

Non marc, je ne lis pas que des articles dits « d'intello », mais un peu tout ce qui me tombe sous les yeux. Parfois, quand j'ai le temps ( et qu'il fait froid), il m'arrive de rentrer, en vrac, des notes dans mon PC (et je ne les relis jamais).

Par souci de probité, je précise qu'ici, les remarques de Joseph Vebret se mêlent à celles de Marc Dugain, Nathalie Nothomb, et d'autres.

Et j'ai repensé à Maja Lola ou Chulo, ou Ludo ou Isa - du Moun ou pas – disant à Marc « fais-nous du Delon », "c'est du bon Delon", une affaire de style donc.
Gina

el chulo a dit…

exacto gina!

Anonyme a dit…

C'est de Marc Dugain le commentaire sur les prix littéraires, lui qui obtint 18 prix pour La Chambre des officiers! On peut admirer l'intelligente modestie et quand on lit les nouvelles du prix Hemingway de cette année, Brume, on agrée avec ce jugement car elles sont un ensemble de très bons textes : la preuve que celui qui est choisi ( toujours avec compétence et discernement... et difficulté, - on imagine), n'empèche pas qu'on apprécie les autres. Je m'adresse à ceux qui ont lu l'ouvrage.
Gina

Anonyme a dit…

Mais qu'est ce que c'est que ces bêtises ? J'accorde à l'auteur(e) de ces lignes le droit de passer par toutes les affres de l'existence, par toutes les constipations de la pensée, de la "création" et de l'inspiration ou au contraire par toutes les logorrhées de l'écriture, mais je lui dénie le droit de parler, de façon péremptoire, au nom de tous les écrivains. Il en est, nombreux même, qui écrivent à toute vitesse avec une facilité déconcertante.
"...Plus un texte est simple plus il est travaillé." Faux ! Il y a des auteurs très talentueux qui écrivent merveilleusement du premier jet ! C'est quand même incroyable ces manies de petit prof de lettres besogneux qui passe sa vie à décortiquer, disséquer ce que nous ont laissé les écrivains et qui pense que, comme lui, tous ceux qui écrivent, cent fois sur le métier remettent leur ouvrage.
"Qu'on le veuille ou non l'écriture est un rapport à la mort". Mais, encore une fois, pourquoi, parce que l'on est "tracassé" comme on dit chez nous,faudrait-il que le monde littérateur entier dope son stylo au Lexomyl et à la dragée Fuca ? Non, non et non ! Il y a des auteurs qui n'ont aucun rapport à la mort et qui se foutent complètement que leur "esprit" survive à "ce corps maudit qui nous envoie à la tombe...". J'en ai connu, j'en connais des auteurs heureux de vivre tout simplement, heureux d'écrire sans se prendre la tête à deux mains.
Libre donc à cet auteur(e) d'écrire dans les pires tourments, mais tout le monde ne tortille pas du cul sur la cuvette de l'Edition pour écrire droit.
JLB

Marc Delon a dit…

Oh putain... JLB ne passe pas souvent mais quand il passe ça dépote ! J'espère que quelques littérateurs vont aguanter cette charge pour que soit lancé un débat !

el chulo a dit…

N'étant pas littérateur, et n'ayant pas particulièrement apprécié l'article incriminé, je veux tout de même revenir sur la ruade un peu scato sur la fin de JLB.

Ce qu'il met en cause, c'est le rapport de l'écrivain aux mots. La facilité d'écriture est évidemment nécessaire, mais je vois plus dans le travail de l'écrivain, et j'en connais ausi, bien plus un artisanat. Bien sûr l'idée jaillit dans la spontanéité d'un premier jet, mais l'auteur la maîtrise t'il vraiment? Le travail des mots vient ensuite dans leur articulation, leur choix, leur rendu sonore et musical, leur rythme. C'est bien ce qui fait le "style" auquel j'avoue être très attaché.
Bien sûr tout ceci doit rester discret, ne pas totalement briser l'élan du départ, pour affiner l'expression, et surtout donner l'illusion du naturel.
Ceci dit tout auteur est libre et peut très bien se contenter de textes au kilo, mais ce n'est pas la littérature que j'aime. Le parallèle est possible avec les toreros pegapases et ceux de faenas de 20 passes.
Mais ce qui me gène le plus, sachant qu'on est tout à fait libre d'aimer la littérature "éjaculatoire", ce qui une nouvelle fois n'est pas mon cas, c'est le mépris qui sourd envers "les petits profs de lettres besogneux" et ceux qui "tortilleraient du cul pour écrire droit".
Au bout du compte cette intervention est d'une prétention incroyable, emplie de certitudes qui frôlent tout simplement la "connerie".
Et je supporte encore plus mal qu'à travers ce texte, on cherche à atteindre des gens comme Gina et tant d'autres, dont le seul défaut est d'aimer et respecter la littérature et même, en ce qui concerne Gina, probablement toutes les littératures qu'elle prend, elle, la peine de lire.

Anonyme a dit…

Les remarques de Joseph Vebret ne sont pas les miennes, hélas, je serais bien incapable de les proférer. Mais je les ai trouvées, intéressantes et communiquées à Marc. Voilà pour répondre à JLB.
En outre, c'est Amélie Nothomb qui s'exprime sur la jouissance et le travail d'écriture jugé par elle nécessaire et angoissant. Bernard Mazo, en tant qu'écrivain (poète et essayiste) dit "nous savons simplement que nous avons pour mission d'apprivoiser l'instant qui passe, de figer ce qui s'enfuit, de nommer ce qui va mourir".
Je ne sais plus de qui est la phrase sur le travail, digne d'une petite prof, mais ici cela vient d'un grand, de Dugain peut-être.

En revanche, je reconnais que JLB s'est indigné dans un style fort imagé et je lui reconnais du talent, de la facilité, de la spontanéité, de l'aisance pour combattre courageusement des points de vue différents du sien au lieu de les admettre.
Gina

Marc Delon a dit…

Amélie Nothomb serait pourtant plus apparentée à un "moulin à paroles" qu'à un écrivain torturé...

perso, j'éprouve un peu les deux aspects : la jouissance folle du premier jet (blog) et les relectures et corrections quand je joue à l'écrivain en donnant une nouvelle au prix Hem par exemple... mais mon problème est qu'à la relecture me viennent de nouvelles idées, et des changements qui à chaque phrase et ne finiraient jamais, me donnant l'impression que ma "correction" au lieu d'éclaircir, de simplifier, va complexifier jusqu'à l'inextricable... il est donc urgent d'arrêter tout de suite!

Après cela doit dépendre du talents respectif des auteurs, non ? Il doit y en avoir qui, travaillant beaucoup, restent inintéressants et d'autres, cortos et profonds...

el chulo a dit…

ouais bon! on pourrait y passer des heures, toute la difficulté du travail d'écriture est de savoir quand on va cesser de "polir" un texte.
c'est aussi la technique et le talent de l'écrivain de préserver la force initiale et de la conforter.
demain je penserai à vous en buvant un verre, peut être deux d'ailleurs, avec mes amis de la blogosphère taurine, la condesa et el coronel, place santa ana à Madrid.

Anonyme a dit…

Marc, je n'ai fait que rapporter les propos de N. Nothomb recueillis par J. Vebret.
Le talent, je pense, n'exclut pas le travail et ne déshonore en rien les écrivains ou artistes. Ce qu'on admet mal, c'est ce qui sent le "trop élaboré. Chacun a forcément sa méthode et on n'écrit pas un roman comme un article qui jaillit spontanément sans qu'on se préoccupe de structurer entre eux des paragraphes. Je crois.
Gina

Anonyme a dit…

Chulo, pensez à moi en levant votre verre, pensez que je vous remercie d'autant plus que je n'ai pas encore eu le bonheur de voir Madrid et son Prado. Bonne soirée donc.
Gina

Maja Lola a dit…

Facilité ou non d'écriture, souffrance ou plaisir, logorrhée ou concision, plume ou clavier, eau plate ou gazeuse ... c'est comme discuter .... du sexe des anges !
Qu'est-ce que cela peut faire après tout ?
Pourvu que l'écrivant (non, il n'y a pas de faute) assume sa plume.
Et ce n'est pas le jet scato et quelque peu méprisant de JLB qui apporte un quelconque éclairage sur ce que peuvent être les états de l'écrivain dans leurs diversité et particularismes.
Brindo por ti, Chulo. Plaza Santa Ana ? Que suerte !