mercredi 18 mars 2020


J’ai serré la main tendue par réflexe autant que par charité pour lui éviter un ‘’vent’’ humiliant devant une salle d’attente toujours en observation aigüe du moindre de mes faits et gestes. Au cas où ils rateraient une invitation à aller s’étendre sur la table de massage ou que leur baisse de vigilance permette qu’un autre passe avant eux, n’est-ce pas...

Ma main droite potentiellement contaminée, il était donc possible que j’aille tartiner du sino virus sur le dos de madame F. Alors je suis retourné dans la salle d’attente actionner la pompe du flacon hydro-alcoolique de 1 litre remporté de haute lutte la semaine dernière en parcourant le net à vive allure, et mis à leur disposition. Leurs yeux ne me quittant pas, j’ai mis à profit la rincette pour être pédagogue : ostensibles glissés n’oubliant pas les espaces inter-digitaux, etc… puis j’ai avisé que les magazines étaient dans tous les sens, je les ai rangé machinalement.

Entrant dans le box où m’attendait le dos de madame F, j’ai réalisé. Je suis revenu dans la salle d’attente où deux personnes avaient du coup saisi un magazine. Je leur ai supprimé des mains, ai tout ramassé et jeté. Difficile d’être meilleur vecteur de transmission que ces pages tournées avec les doigts sucés… rejoignant madame F j’ai pensé qu’entre son dos et mes mains il y avait eu ces magazines. Les patients qui patientaient m’ont vu remettre la troisième giclette dans les mains de masseur.

J’ai enfin pu prendre en charge madame F à qui j’ai précisé qu’elle aurait du rester chez elle à 92 ans… Ce à quoi elle m’a répondu qu’elle en avait marre de rester chez elle. Mais … ça commence à 12h01 le confinement… on est le matin là… lui ai-je rétorqué, vous n’avez pas eu le temps d’en souffrir !!!

Et là, Incarnation s’est indignée :

Si pero kéké bou boulez kil m’arrive misié délonn si jé sors… ?

Ben… la mort ?

Y alors ? Adios, me voy y terminado… zé fé ma vida, verdad ?

Si, si claro que si, pero zé né souis pas zici pour vous terminado (qué zé loui di…) Allez quelques étirements pour fi…

Non nono,no, masaje y bueno

Bon ok juste un petit, alors, pour le ps…

No,no,no zé soui guérie… y dé tout fazon, Casas il l’a dans le baba…

 ?

José Tomas… viendra pas… cé couit por la feria

Si ! C plous qué couit… esta carbonizado !!!

Ayyy misié délonn qué bou zètes rigolo !

… ? Ah bon… pourtant ma femme me…

Zustement zéné soui pas votrr mujer…

Ah ben oui, c’est pour ça… et je le regrette, croyez-le bien… !

Ayyyyyyyyyyy…. Arrêtez, arrêtez zé vé mé fer pipisss….

Ah non, j’ai pas encore décontaminé ma sonde périnéale, tenez bon…

Ayyyyyyyyy parar ahi… por favor detente…jajajaja…

 Ok, ok, c bon, allez, vous pouvez vous rhabillez

Je vais au lavabo reprendre mes ablutions anti-corona. Incarnation traverse le couloir pour me rejoindre à mon bureau et plante un énorme éternuement au niveau de la salle d’attente. J’entends les chaises de ceux qui se sont reculés, cogner contre le mur … Trop tard, arrivée dans mon bureau elle m’a emprunté mon stylo que j’ai repris machinalement. La raccompagnant je remets une giclette et nettoie mon stylo avant d’envoyer une salve bactéricide dans l’atmosphère à la satisfaction générale.

Mr S… je vous en prie, c’est à vous…

Avant de le suivre je vérifie le radiateur, il me semble qu’il fait super chaud : 26 degré indique le thermostat que je rabaisse à 19 (il fait 21 ° dehors…)

Ah, c’est moi qui l’ai monté… m’indique le papi blotti contre lui…

… ?... Que je le toise d’un regard incrédule… Vous savez que c’est sur les boutons de réglage des appareils ménagers qu’on trouve la plus grande concentration de virus ??? (improvisais-je pour qu’il ne recommence pas…) Giclette ! Vite !

Voilà, voilà s’exécute le papi tout blême

Vous vous êtes touché le visage depuis vos ‘’réglages thermostatiques’’ ? Que je rajoute, préoccupé : Il blêmit un peu plus, le suspense monte dans le silence interrogatif …

Euh… ah… je sais pas….c’est possible…

Ouais c probable… ben… ‘ttention hein… et puis qu’est-ce que vous faites là ? Il est dans une heure votre rdv !?

J’aime pas être en retard… !

Ouais ben soyez ponctuel plutôt, parce que là c’est plus un cabinet c’est un sauna !

Hein ? Pardon… ?

Faut dire que ma voix est devenue une résonnance d’outre-tombe (enfin, j’espère pas tout à fait…) car le pharmacien du quartier m’a dégoté une boite de masque FFP2  que j’ai accueilli avec la joie du désespéré en quête aboutie du Graal jusqu’à ce qu’il la tempère en m’expliquant d’un air gêné que la cinquième puissance mondiale (soi-disant…) ne pouvait me fournir que ça.

Ben ouais c’est super ! Des FFP2 !!! J’y crois pas… c’est gênant même, il parait qu’en réa à l’hosto ils n’en ont même pas, ça craint !!!

Et puis devant sa mine contrite, mon regard a glissé jusqu’à son index pointant une petite ligne sur la boite indiquant qu’ils étaient périmés en … 2009.

    Ah ouais quand même....

Du coup ?

    Je les prends !

Et puis ce soir, pour me détendre, je fumerais un bon module cubain, tiens. Un Corona par exemple.

La porte s’ouvre sur monsieur N qui arbore un FFP2 flambant neuf avec une magnifique valve rouge en son centre surmontée de la mention : WURTH. Va falloir que je creuse ce filon.

mercredi 11 mars 2020

Science-Friction


Mettons… je chausse un masque pour bosser. L’inefficace, le chirurgical. Qui est quand même mieux que ‘’pas de masque du tout’’. Un patient du quartier populaire où j’exerce entre. Du genre qui n’éternue pas dans son coude, crache dans la rue, vidange sur le trottoir et te postillonne cette question :










  • Ah bon, vous êtes contaminé ? (notez le ton badin...)
  • Non, non, prudent seulement…
  • Et nous alors, qu’on en a pas… on va le choper ?
  • Ben euh… y’en a pas dans les pharmacies ? (hypocrite tentative de gagner un peu de temps par foutage de gueule éhonté… 20‘’ à peu près )
  • Ben non, j’en ai fait douze !
  • Ah ouais quand même… (2e tentative… je dirais,10’’ de gain)
  • Et… z’en avez pas pour moi ? (tout délais écoulés, on est dans le dur…)
  • Et non, malheureusement… (mine contrariée incluse. Foutage de g… ? Non madame, je suis un humain sensible, capable de compassion…)
  • Ouais…. (Traduction : Nous, on peut crever quoi…)
  • C’était ceux que le gouvernement a fait envoyer aux pharmacies pour les professionnels de santé… (genre ‘’c’est pas ma faute t’sais…’’)
  • Ouais… (Traduction : ça m’en touche une sans faire bouger l’autre)
     
    Silence pesant de plusieurs minutes
     
  • Mais….

Ouaaah, je sens venir la question fatidique…

  • Mais…à moi, vous pouvez pas en donner un ?
  • Eh je voudrais bien… mais un tout seul ça rime à rien, faut en changer de temps en temps ( mais qu’est-ce que j’ai dit là… ?)
  • Ben donnez m’en plusieurs !
  • A vous et pas aux autres… c’est pas possible…et puis j’en aurais vite plus…
  • Et moi qui en aurais jamais eu alors… ?
  • Moi, c’est parce que je reçois du public, c’est pas votre cas…
  • Je sors, je fais les courses, c’est pareil…
  • Aaaah c’est vous qui avez dévalisé le Lidl de la rue de Beaucaire ? Pas pu me faire des pâtes, moi, l’autre soir…(tentative spécieuse de renversement de culpabilité…)

Me lance un regard mauvais (du style : c’est ça, prends-moi pour un con…) je tente un désamorçage sauvage :

  • Oh et puis vous savez, si ça se trouve, moi qui aurais porté un masque je serais contaminé et vous qui n’en n’avez pas porté, non, qui sais… ? (d’un air sérieux alléguant de la possibilité scientifique. Je porte une blouse blanche oui ou non ? )

Deuxième regard mauvais (traduction : c’est ça, continue à me prendre pour un con+++)

  • Bon, j’en trouverais pas quoi… autant attendre Zorro…
  • Ah ben oui, le vengeur masqué !

Ouf, sonne petit téléphone et me sauve du troisième regard monotone…

 

Rappel : Il s’agit de Science-Fluxion (de poitrine) ça n’est pas arrivé.

 

 

 

 

 

 

samedi 7 mars 2020

Pourvu que je me trompe


Eh ouais messieurs-dames, il l’a fait…

Dieu himself a ramené le demi-dieu dans l’arène, pour le soumettre à notre sagace aficion et à deux reprises encore. Fou, non ? José Tomas, de ses augustes talons, foulera le sable gallo-hispano-romain de nos chères – sentiments et finances - arènes pour les deux férias.


Aaah putain, faut reconnaître, il est fort le Simon (mérite sa majuscule) … il sait les faire les omelettes au roquefort… ( ? mais c’est quoi cette expression ? n’importe quoi… brumeux subconscient…) avec cette formule magique, pas un seul abono ne devrait rester collé dans les tiroirs de la taquila.


Génial empresa !


Comment il a fait ? Ecoute bien JBJ : c’est simple, tu convoques du rejon ce qui vide aussi sec l’arène de l’aficion échaudée depuis lurette à observer, œil torve et babine avachie, le bouffon qui caracole à dada devant l’amputé bilatéral et dont tous les gestes te crient :

Regarde moi ! Regarde, comme je suis beau, Regarde, comme je suis fort, comme je chevauche bien en me jouant de la grosse bouse écornée qui s’essouffle après moi. Et hop-lààà dans le vent mon couillon…


Et là évidemment, avec le beau dada bien coiffé, un gominé qui se la pète avec autant de conviction, ça fait des places pour la foule des ''faux'' qui jamais ne fait défaut, pas folle. Les amateurs de faux semblants, clients de parcs d’attractions, de zoos, de serres tropicales, de ciné panrama dolby surround, de spectacles médiévaux, de Puy du Fou, de faux Dupuis, de légionnaires boulangers ou assureurs, de vestales de la poste, de chevaliers éboueurs ou charcutiers chez Leclerc, de casse-têtes en plastoc, d’épée en toc, de chars à tiques et d’attiques caissières de supermarché. Et même qu’au milieu de tout ça tu peux plus fumer. Même en plein air. Polanski de la bronchiole. Canon dispensateur de cancers infantiles que tu serais.


Et Tomas au milieu. Lui, qui était le chantre de la sincérité, l’homme qui ne dérogeait pas, hiératique, impavide, vissé, ensablé, roide, stoïque, va-t-il se prendre des aurochs sauvages armés et retors ou des toritos brochos cornicortos ''régularisés'' à la lime du rejon, vu que du coup, (d’œil) par comparaison ça choquera moins, mmm ? 


A votre avis ? Parce que quand même, tu le sais dans ton petit cœur tout dur d’afioc corrompu qu’un grand torero est grand quand il s’exprime devant un grand toro, hein, tu le sais… amateur de daubes mijotées… ça sent le festival et l’indulto, là, no ? Allez avoue-le, on le sait que tu t’en fous, que tu es vacciné, que tu gobes tout, résigné, confortable, déjà comblé.


Déjà, qu’est-ce qu’un grand toro ? Tu le sais ? Comment le reconnaître ? De nos jours c’est devenu assez simple tant on a de graciés. Tu te rappelles des vingt derniers graciés que tu as vu ? Eh bien, un grand toro, ressemble vraiment à l’exact contraire des ces toros là. Si. Non, j’explique pas. Trop long. A toi de faire l’effort. Lis les grands auteurs. Voyage. Compare. Comprends. Réalise. Allez je t’aide un peu : un grand toro ne sors pas seul et vite de la pique… ce n’est pas une preuve de bravoure et de sauvagerie. Un grand toro ne passe pas inlassablement sans jamais rien tenter, sans transmettre de risque et de danger, ça c’est juste un couillon soumis. Un grand to… non vas-y, fais l’effort, éclaire-toi.


Alors bien sûr on peut m’accuser d’anticiper un procès avant même d’avoir aperçu le début de la queue de la moindre saucisse de Garcigrande. On peut. Mais oh, les gens, on est à Nîmes, ok ? Et pas nés d’hier. De tout mon cœur, toutefois, je souhaite n’être qu’un oiseau de mauvais augure, un jaloux, un pronostiqueur aigri, une inutile langue de pute, sincèrement, de toute mon âme, pourvu que je me trompe.

Parce que vraiment, attendre le meilleur maestro, le plus original dans son concept, avec les capacités qu’il a, et le voir se produire devant la soseria té vé, ça me fendrait le cœur, m’irriterait le foie et me stimulerait la bile. Avant bien sûr, les vomissements indultérins.


Dépités, seraient les millions d’aficionados qui, enfin… les centaines de milliers d’aficionados nîmois qui, enfin… les milliers qui connaissent le pasti… euh le to, enfin… le millier qui, non allez, soyons sérieux, les centaines d’af, bon d’accord, la trentaine qui aime leur ville mais connaissant les toros sont obligés de s’expatrier pour s’extraire d’un Magic Circus ne produisant que des flatteries, loin des combats indécis et âpres qui font tout le sel de…


Ouuuh fatchi denti, ça y est, je l’ai : l’omelette au roquefort… ça serait pas comme qui dirait rajouter du sel dans un truc fade ?