J’étais plutôt parti pour écrire un pamphlet sur la liberté d’expression. Et sur la liberté de l’écriture. J’avais même un fichier Word qui attendait sagement la torrentielle pulsion avec ce titre : Droit de Moque. Ouais. Parce que de la langue française aussi, je voulais me moquer… Vous me connaissez, j’aurais pu me déchaîner ! Je me suis privé de cette jubilation, pour toi, ‘’Conchita’’ qui n’est pas celle qu’on croit. Mais au fait, vous ne savez toujours pas de quoi je parle. Figurez-vous qu’une personne a cru se reconnaître dans le personnage dénommé ‘’Conchita’’ du texte ‘’Voyage au campo 1’’ de novembre dernier. Un huissier a capturé mon écran – Schlak ! – il va comparer tout ça dans quinze jours, la police a enregistré une plainte et je vais être présenté à un tribunal. Si. Le motif ? Injures et violation du droit à l’image… Alors évidemment, dans un premier temps, je suis tombé des nues. Je me suis dit : mais je ne nomme personne ! La photo a été prise dans un lieu public ! Et puis, ils n’ont rien compris… Je les aime avec tendresse, moi, mes personnages, et dans ce cas, comme très souvent dans la mécanique de l’écriture, ils sont la synthèse de plusieurs, allègrement mixés dans leurs petits travers bien humains dont je suis certainement affublé moi-même et que d’autres pourraient décrire pour mon grand plaisir ! Qui veut écrire un truc bien ironico-senti sur les hommes, groupe dont je fais partie ? Mes colonnes vous sont grandes ouvertes. Au besoin dans un droit de réponse. L’écriture est libre, mâtinée de mon imagination, de ma fantaisie, ce n’est pas un rapport de précision exhaustif ! J’aurais pu vous parler de JF Khan qui n’est toujours pas emprisonné alors qu’il traite Sarkozy de fou, de voyou de la République, des chroniqueurs sur les ondes à côté desquels je suis un enfant dans le déchaînement, du droit d’amuser, ben merde alors, enfin, bref, faire valoir des arguments.
Et puis j’en ai parlé à ma compagne. J’ai une compagne, comment dire, ''homéotherme'', jamais aucune passion ne la détourne de la maîtrise d’elle-même. Elle est calme. Elle est raisonnable. Un roc, pendant que je m’éparpille. J’ai un côté très féminin (manquerait plus que les chiennes de garde me fassent un procès pour corollaire abusif entre féminité et éparpillement…) elle a un côté très masculin… (et je vais arrêter de parler d’elle sinon je vais être privé de soupe pendant une semaine… Ah ! Voyez ! Elle non plus n’aime pas qu’on parle d’elle…)
Elle a commencé par me pilonner de cette allusion :
- Tu ne te rends pas compte comme tu peux être blessant, parfois…
J’ai ravalé ma salive, ce n’était pas le moment de faire le mariole…
- Tu adores te moquer, c’est ton passe-temps favori, mais tout le monde n’est pas obligé d’apprécier…
J’ai ''gulpé'' à nouveau, attendant sans mot dire la suite. Avec elle, j’ai le point de vue de la catholique charitable, voyez, toujours du côté de l'opprimé, qui n’a jamais lu Charlie-Hebdo, Gotlieb, le Canard Enchaîné… J’attendais sans mot dire car quelqu’un qui parle si peu, il ne faut jamais l’interrompre. J’étais suspendu à ses lèvres ni pulpeuses ni pincées. ''Regular'' ses lèvres… et son discours itou :
- Tu ne connais pas ses fragilités, elle a sûrement souffert de ce que tu as écrit
- Mais je te dis que ce n’est pas spécialement elle, je n’ai nommé personne ! C’est inspiré d’un mélange de personnes, j’en reçois vingt par jour depuis vingt-cinq ans, le tout boosté par mon délire d’écriture !!!
- Mais c’est ‘’elle’’ aussi, parmi les autres, et puis ce n’est pas une fiction, c’est un récit de voyage…
- C’est un récit et une fiction, je mélange et je n’avais pas en tête de la décrire elle, fidèlement… c’est vrai que j’ai repris peut-être des éléments qui la concernent, mais pas seulement et les lecteurs du blog ne peuvent pas savoir de qui il s’agit !
- Et les gens du voyage ? Et qui le sait, que tu n’avais pas en tête de la décrire fidèlement ?
Elle n’a pas rajouté ''jeune écervelé'', enfin… ''vieil écervelé'', mais je l’ai entendu. Eh oui c’est comme ça, je n’ai pas une admiratrice inconditionnelle à mes côtés, oh non, j’ai une moitié critique. Comme tout ce que dit ma compagne compte double, je suis allé réfléchir avec une pioche. Oui parce que c’est très utile, la pioche, pour réfléchir. C’est lourd, ça casse le dos, on peut se fendre le pied en deux d’un seul coup. Six trous, six… depuis six heures du matin aujourd’hui et aussi le week-end dernier. Quatre-vingts sur quatre-vingts par cinquante de profondeur. Rappelez-vous : Oléiculteur en herbe… Vu que monsieur le maire a dit qu’il ne cèdera pas sur les magnifiques arbres séculaires des boulevards, je plante à tout va chez moi. Mais je perds le fil, hein ? Ah oui mais c’est mon style, vous le savez… Quand je pense que des avocats, un huissier, un juge vont revenir ici passer le blog au peigne fin… j’espère qu’ils ne sont pas dénués d’humour et que ça leur fera une récré, sinon je suis mort… Enfin, en même temps, j’ai pas volé, j’ai pas tué, je ne suis multirécidiviste que de l’humour. Seulement voilà, cela ne doit pas être aux dépens de quelqu’un qui en manque. Je l’ai compris au troisième trou, quand le pic de la pioche a rencontré ce rocher qui m’a renvoyé une onde de choc à enflammer l’insertion épicondylienne… DOïïïïïïnggggggg…. Alors ça a fait ''Tilt'', enfin… DOïïïng. Je me suis rappelé que quelqu’un m’avait dit après un texte :
- Dis donc, Antoine Martin, pour qui tu l’as fait passer dans ton dernier post… !
Et je n’avais rien compris. Comment ? Martin ?
- Mais tu rigoles… je l’adore Antoine Martin… et je l’admire en plus !
- Ouais ben relis à jeun et tu verras…
- Mais n’importe quoi, Martin le roi du troisième degré, il ne pigerait pas le deuxième ? Meuh c’est toi qu’es trop triste !
- Et ben ça va bien… ok… crois ce que tu veux…
Putain, j’en avais pas dormi, dis donc… Etait-il possible que j’ai pu être indélicat avec Antoine ??? Cette idée m’a taraudé quelques jours. Mais je n’avais pas de trou à faire, aucune transplantation, rien. M’en foutais des olives, à l’époque ! Je suis donc resté dans l’indécision en me disant qu’il n’était pas possible qu’un type aussi intelligent qu’Antoine Martin y ait vu autre chose qu’une amicale histoire. Mais un autre ami m’a dit il n’y a pas bien longtemps au téléphone, après avoir découvert mon blog :
- Dis donc, j’espère que tu ne parleras jamais de moi !
Et là j’ai entendu au loin, la voix de sa femme crier depuis sa cuisine :
- Demande-lui combien il faut lui donner pour qu’il ne parle pas de nous !
Donc, Desproges avait raison, on peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui.
Pour l’affaire qui me concerne, je me fie à ma compagne et progresse dans la réflexion grâce à ses propos. Elle est le phare auquel se rallie mon raisonnement : elle m’envoie des flashs intenses, brefs et lumineux, stroboscopiques, qui soudain arrêtent net mes élucubrations et me révèlent un éclairage différent. Je dois l’admettre car il serait idiot de penser que tout le monde pense par les mêmes critères de la même grille de lecture que la mienne. Par exemple sur la notion d’obésité à laquelle j’ai fait allusion : s’il y a quelqu’un qui n’a pas de tabou sur le corps, c’est bien un professionnel de santé. Ma définition est médicale, c'est-à-dire que l’obésité commence à partir de cinq kilos de surpoids. C'est-à-dire qu’avec mes vingt kilos de plus je suis aussi obèse que… n’importe quel obèse ! Je n’ai pas la chance de métaboliser tout ce que je mange, mais je préfère assumer d’aimer manger plutôt que d’avoir une silhouette plus convenable. Alors, Je stigmatise ou je campe mon personnage quand j’y fais allusion ? Est-il écrit quelque part que les obèses sont d’abominables gros dégoûtants ou ai-je de la tendresse pour eux ? Qui plus que moi rentre dans le creux de leurs plis quand je les entreprends sans retenue sur ma table de massage ? Qui, plus que moi les traite sans différence avec les bien-foutus, quand je leur prodigue mes soins ? De qui parlais-je quand j’ai écris ça ? D’une Conchita que j’ai connue ? De façon générique de toutes ces mamies dont ma grand-mère faisait partie, amoureuses des gros gâteaux crémeux goulûment dégustés dans les salons de thé ? Ou expressément de celle qui a cru se reconnaître ? Choisissez et tentez de le prouver surtout !
Mais bon, dans un esprit d’apaisement dont je sais pourtant bien qu’il n’annulera pas les poursuites, j’ai retiré ce texte ''Voyage au campo 1''. J’ai retiré aussi la photographie, car il semble qu’en la matière, la règle soit simple :
Nul n’a le droit d’utiliser l’image d’autrui sans son autorisation.
Alors même si :
1- Ce personnage n’était pas, dans mon esprit, censé décrire fidèlement et exclusivement celle qui s’y est reconnue, mais provenait d’une inspiration plurielle, kaléidoscopique et exagérée par ma fantaisie naturelle, mon goût pour la caricature et ma jubilation d’écrire des personnages pittoresques désincarnés. (Oui, on peut être obèse et désincarné littérairement, parfaitement ! )
2- Même s’il était impossible à un lecteur lambda de ce blog à l’audience quasi-confidentielle, de faire un rapprochement quelconque avec un personnage existant.
3- Même si cela ne peut donc qu’éventuellement concerner une frange partielle des 49 personnes restantes du car qui auraient lu ici et établi un rapprochement. Soit ils ont reconnus des similitudes pour les avoir déjà remarquées et ce texte ne leur a rien appris de plus… soit n’ayant rien remarqué ils ont du mal à associer quelqu’un a cette caricature ou l’ayant associé trouvent évidemment que j’ai exagéré puisque, encore une fois, mon récit était la synthèse de diverses observations, ce qui fracture de plus en plus tout préjudice éventuel, me semble-t-il.
4- Même si la photo n’est parue qu’un mois après cet article sans aucun lien avec lui, dans un post sans commentaires.
5- Même s’il me semble qu’un écrivain (oui,si petit soit-il…) s’inspire toujours de la vie pour la transformer, la caricaturer, la refaçonner à sa main
6- Même si je suis étonné qu’une personne avec qui j’avais des rapports amicaux ait en première intention mobilisé un avocat au lieu de me contacter directement ( il a suffit d’un SMS à Aurélie pour que je retire toutes ses photos par exemple, ce qui crée un précédent de bonne volonté avérée, messieurs-dames…)
7- Même si pour toutes ces raisons et malgré l’éclairage du phare éblouissant sus-cité, j’ai beaucoup de mal à me sentir coupable de quoi que ce soit…
8- Même si je trouve cette démarche absolument contre-productive pour la plaignante elle-même, car maintenant tout le monde, même ceux qui ne s'étaient rendus compte de rien, va s'interroger sur son identité...
… Eh bien je m’excuse quand même, parce que la personne qui s’est sentie ‘’Conchetisée’’ je l’aime bien, que je n’ai jamais eu l’intention de l’attrister, que je n'ai aucun a-priori négatif sur elle...
Mais, ces excuses sont du registre amical, pas juridique, elles sont là pour démontrer à la soi-disant ‘’Conchita’’ que je ne voulais en rien lui nuire et regrette de l’avoir contrariée. Par contre, sur un plan juridique, si cela devait aller plus loin, je mettrais quiconque au défi de prouver qu’une entreprise littéraire qui caricature, embrasse le pittoresque à bras le corps, qui s’affranchit de toute véracité dans le style par le lâchage consciencieux des chevaux de l’imagination, peut se comprendre comme un évangile indiscutable. Apprenez à lire la littérature ! Achetez des bouquins, les filles ! On se reportera d’ailleurs utilement au commentaire que je fais à Jérôme dans ''Voyage au campo 6'' qui précise que dans tous mes écrits, la vérité n’est pas ce que l’on doit rechercher. Non, Simon Casas n’est pas un extra-terrestre comme je le sous-entends dans la resena du retour de José Tomas à Barcelone ! Cinq cent soixante-cinq posts à ce jour, cinq cent soixante-cinq procès en perspective ?