IDA
Il est à Nîmes un cinéma de centre
ville, éloigné des zones industrielles marchandes aux espaces
impersonnels démesurés où se dégustent des seaux de Pop-Corn
gluants pendant qu'un son Dolby Surround vous assène longuement les
bandes annonces des dernières super-productions tandis que le vulgum
pecus pianote sur son smartphone en toute barbarie.
C'est le
Sémaphore, un bazar en perpétuelle évolution qui nous entretient
régulièrement de ses difficultés à survivre par le détail de ses
tranches de travaux qui n'en finissent plus. Il pulse depuis ce phare
culturel, les films en VO qu'on ne peut voir ailleurs, dont on
n'aurait même jamais entendu parler. C'est un cinéma d'aficionados
au septième art, un truc pour ciné... philes, phages, maches. On y
vient seul ou en couple, en gourmet, déguster une bobine rare.
Si je me suis déplacé pour voir
''IDA'' c'est que ce film polonais noir et blanc de Pawel Pawlikowski était
annoncé comme ayant été bâti « au travers des images et des
cadrages. Les contrastes entre le noir et blanc ainsi que toutes les
nuances de gris sont également magnifiques et font d'IDA une
expérience cinématographique à vivre sur grand écran »
De ce point de vue-là j'ai été bien
déçu... Rien d'exceptionnel pour celui qui a encore dans la rétine
le contrasté Blanca Nieves. Ici on serait plutôt dans la permanente
soupe grisouille même s'il est vrai que nombre de plans fixes
évoquent un classicisme marquant qui rappellent quelques tableaux de maîtres. Passé le premier quart d'heure
assez austère, on entre dans une belle histoire triste, lente, grave,
aux enjeux essentiels.
IDA orpheline élevée au couvent, est
encouragée par la mère supérieure à aller à la rencontre de sa
seule famille, sa tante Wanda, une juge désabusée et émancipée,
qui jusqu'à cette rencontre avait occulté la recherche de sa vérité
et du drame qui la ronge, pour partir enfin avec elle à la
recherche de ce qui la coupa du bonheur.
Le film engage alors la juge émotive
en talons hauts et jupe moulante flanquée d'une nièce nonne
pudibonde et morale en un road movie où elle vont apprendre à se
connaître, connaître la vraie vie pour Ida, en quête de leur histoire
familiale en proie aux aléas de la guerre.
Wanda-la-rouge fume, boit et s'envoie
des hommes sur le passage et commente à sa nièce au regard
réprobateur :
- Bien sûr je suis une pute et toi une petite sainte ? Eh bien ton Jésus, il adorait les gens comme moi ! Et puis tant qu'à faire tes vœux de chasteté dans quelques jours, tu devrais pratiquer ce beau saxophoniste pour donner un sens à ton sacrifice, sinon, comment savoir ?
Un conseil qui sera suivi mais sans
l'effet escompté, même si le garçon se révèle gentil et
charmant :
- Tu viens avec nous ? On va jouer à Gdansk...
- Que fera-t-on ?
- Tu écouteras notre musique, on se baladera au bord de l'eau, on parlera...
- Et après ?
- On achètera un chien, une maison, on se mariera, on aura des enfants...
- Et après ?
- Après... ? Les problèmes... comme tout le monde...Quel sera le destin de Wanda ébranlée par la révélation de son secret, quel sera celui d'IDA, plongera-t-elle dans la vraie vie malgré ses incertitudes ou se réfugiera-t-elle à nouveau dans la chasteté silencieuse des hauts murs du couvent ? Eh bien ne pouvant tout faire pour vous, il ne vous reste plus qu'à vous rendre où vous savez pour voir ce film dans la belle musique de sa langue maternelle, lauréat du Grand Prix de Londres 2013 et du Prix de la Critique de Toronto 2013.
4 commentaires:
Intéressant et convaincant.
Gina
Whâaa Ghâaaa Rhrôôoo... lutiner une jeune nonne juste avant ses voeux rhââââaa...quel pervers pied...
moi... et le Seigneur... dont je ne suis pas jaloux...
Bravo pour la description du Sémaphore. Authentique ciné qui n'est même pas à comparer à la foire de gougnaffiers en batterie qui fréquente souvent les multiplexes.
Pour la tentation de la chair, laissons notre fraiche nonne y succomber .... ou pas.
Dans les deux cas son âme souffrira les affres ... regrets, repentir, frustration ?
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