J’avoue avoir craint le
phénomène de mode, le dernier réalisateur branchouille qu’il était de bon ton d’aller
voir pour être à la pointe fashionistique culturelle de la rentrée. Mea culpa. Mea
maxima culpa.
Xavier Dolan signe avec
Mommy un film de Cinéma, pas une historiette. Créatif, il utilise la technique
pour servir son propos : le format resserré 4/3 que je prévoyais
désagréable mais quoi de plus cohérent que ce format ''portrait''
pour camper ses personnages, scruter
leur sensibilité jusqu’à l’os, sans la tentation de la dissipation du regard
dans le champ d’un grand-angle ? Un grand-angle qui adviendra, plein de
sens, quand le personnage épris de liberté respirera mieux. Trouvaille toute
simple mais si éloquente. La musique, bien sûr, qui convoque et confronte en
chacun de nous l’écho qu’elle rencontra dans notre propre vie à ce qu’elle
illustre ici, le flou, enfin, comme l’écriture tremblée, fébrile, d’une fiction
rêvée que la vie est si douée à déjouer.
Dolan explore le rapport
mère-fils, d’une mère non DHEA avec un fils TDAH, qui heurte sa sensibilité à
la rencontre du monde après la perte de son père. Le chum joué par Antoine-Olivier Pilon se cogne
en rythme à la difficulté de trouver sa place quand fuient les repères. Sa
mère, l’extraordinaire Hélène Dorlac en veuve sexy et apparemment déjantée mais
profonde, la voisine énigmatique et dévouée, non moins remarquable Suzanne
Clément, bègue ou loquace selon son degré d’inhibition et son sentiment d’utilité,
vont associer leurs efforts et leur amour de la vie pour tenter de canaliser la
forge violente, émouvante et pure qui pulse dans le cœur de l’adolescent
presque incontrôlable. Sans théâtralité mais crûment, dans l’authenticité de
sentiments réels parfois prompts à emprunter de mauvais raccourcis et toujours pour
cet adolescent en quête d’absolu, dans la recherche éperdue de l’amour de sa
mère qu’il voudrait total, irremplaçable, universel, capable de combler l’autre
à lui seul, chacun se raccrochant à son indéfectible espoir pour survivre
heureux, à tous les drames de la vie.
« Tu as peur que je t’aime
moins mon fils ? Mais ça n’est pas possible ce que tu dis, ça ne peut pas
arriver, une mère ne peut pas aimer moins son enfant, jamais, c’est toi, plutôt,
qui m’aimera de moins en moins, c’est inscrit dans notre nature… »
On sort de la salle - la toute nouvelle "6" du Sémaphore à Nîmes, toute pimpante avec son grand écran - comme au
travers d’une vitre traversée à toute allure vers la liberté, dans la
fragmentation d’émotions multiples, autant d’éclats de verre aiguisant notre
sensibilité enfin réveillée avec cette question en tête :
Comment se fait-il qu’un
jeune homme de vingt-cinq ans ait assez de recul et de maturité pour traiter
avec tant de talent un tel sujet ? Sans doute avec cette notion qui nous échappe,
de l’ordre du génie, avec lequel El Juli se jouait de noirs ambassadeurs de la
mort à quatorze ans déjà, celui avec lequel Françoise Sagan écrivit « Bonjour
Tristesse » à l’âge de dix-huit ans.
5 commentaires:
On est terriblement ému par la phrase colorée en clair, on comprend que se pose la question sur l'origine du talent, mais est-ce sérieux de dire d'une mère qu'elle n'est pas DHEA? Faut-il qu'un endocrinologue nous l'explique ou peut-on s'amuser à lire : despotique,hystérique,épileptique, atrabilaire,ou autre mot nous passant par la tête ; et le fils serait-il le contraire d'un T, comme timide, timoré ?
Gina
Tres belle resena, mais que vient faire el juli là dedans, pourquoi pas Michelito?
Parce que DHEA crée un pendant à TDAH ?
Parce que sur Raje j'écoute en boucle : T. E. S te dé-tes-tes... ?
Parce que je ne sais pas ce que je vais écrire alors même que la phrase est commencée...?
Allez le voir plutôt, Gina...
Quoi chulo ? C'est un gros mot "El Juli" ?
un gros mot non! un génie, fichtre!
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