
Dans
la vie, il faut savoir ce qu’on veut : respecter le haricot rouge, se
respecter soi-même, régaler les gens avec des Dorayakis d’anthologie et gagner
sa vie honnêtement, ou produire facilement du bas de gamme. En fait cela dépend
de votre complexion d’esprit. Cédez-vous
à la facilité en toute joie ou aimez-vous le travail bien fait même s’il
vous en coûte en temps et efforts ? Mac Do ou trois étoiles
Michelin ? Domecq essoufflé d’imposture triomphante ou tio meurtrier de
respect, à réduire ? Gagner du temps ou de l’argent ? Etre fier de
son travail ou s’accommoder de sa médiocrité ?
Alors
bien sûr, la qualité, c’est beaucoup plus contraignant. C’est la veille qu’il
faut mettre à tremper les haricots dans l’eau pure et, à l’aube, qu’avec égards,
on doit les présenter au sucre puis respectueusement, en les convainquant, leur
proposer de confire à basse température dans toute la progressivité d’un temps
long. Dans le cuivre d’un chaudron. Les touillant parfois, sans jamais les écraser,
avec une spatule en bois, puis les couvrir comme on protègerait son enfant du
froid, respectant le secret qui les lustre de ce rougeoiement nacré et fondant.
Il n’y a pas d’autre solution. C’est le respect du produit, c’est l’amour du
travail bien fait, c’est l’amour respectueux de la nature, c’est peut-être,
tout bonnement, l’Amour, tout court. Au final, par le seul fait du temps qui s’écoule
et la somme de ces détails, se bonifient les choses, maturité et sentiments
humains compris.
Rien
à voir avec le Chili con Carne que vous assène votre belle-sœur le dimanche au
prétexte qu’elle appartint aux jeunesses communistes à vingt ans où elle lut
trois poèmes de Pablo Neruda…
C’est
tout cela qu’amène Tokue (Kirin Kiki au civil ! ) avec sa recette de
garniture de Dorayakis, à Sentaro, taiseux gérant d’un kiosque de rue. Et bien
plus encore, par sa présence douce et mutine, son insistance gentille et
obstinée, comme celle d’une maman envers son petit. Curieuse, cette volonté de
travailler quand on a largement passé l’âge légal de la retraite. Et de son dévouement
laborieux à déprimer un syndicaliste CGT, que dire ? Cela cache-t-il un
secret ?
Et
puis il y a cette jeune fille timide et désorientée qui trouve peut-être dans l’odeur
de la pâte ‘’An’’ de Sentaro la sécurité qu’elle n’a pas ailleurs. Trois
générations, trois personnages qui se trouvent pour échapper au confinement de
leur isolement et qui vont s’aimer parce que quelque chose les unit. Mais quoi ?
Vous écrierez-vous en chœur, toujours sagaces, même si ça m’agace. Vous le
découvrirez en déportant vos postérieurs sous la voûte des cerisiers en fleurs
pour jouir de la nostalgie profonde de ce conte poétique qui, s’il est aussi
mal éclairé qu’un restaurant vietnamien, n’en illumine pas moins la délicatesse
de subtils sentiments humains.
2 commentaires:
Eh voilà... j'attendais ''Jane got a gun'' et la marque des sous-vêtements et j'ai ''les délices de Tokyo'' avec la recette des Dorayakis... ce type n'est pas fiable... ça doit être nippon ni mauvais ces pains aux haricots...
Pas fiable, c’est vrai, mais on finira par la connaître la marque du caleçon qui va encore nous épater, attendons l’occasion.
En tout cas, ce compte rendu m’épate par le long détour plein d’humour et de fantaisie qui nous amène en douceur à vivre une histoire simple et poétique.
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