La
toro donne à chacun sa place. Cet aphorisme bien connu dans le monde du toreo, se
vérifie jusque dans la chronique taurine. Avec moins de mérite pour ceux qui
réussissent, certes, vu l’absence de risque physique, mais par rebond logique,
pour ceux qui échouent, avec moins de circonstances atténuantes aussi.
Parfois,
on lit des textes qui confinent au sublime par les contresens tauromachiques
qu’ils recèlent. On voit évoluer au fil des lignes, un autre monde, assez
merveilleux, où la moindre notion de base qui permettrait d’éviter le ridicule,
n’est pas acquise. Le plus ‘’merveilleux’’ est qu’il semble qu’il y ait un
public pour ça. Après tout pourquoi pas… Mon père, par exemple, voyait une
corrida par an, y allait comme à la fête et revenait toujours enchanté avec
moults anecdotes à raconter… C’était pour lui un spectacle extraordinaire et
qui devait le rester, aussi au sens propre. C’était assez énigmatique pour moi,
qu’il s’y régale et n’ait jamais l’idée d’aller en voir une deuxième quelque
part… je crois que cela ne faisait que participer à une immersion dans ce que sa ville, qu’il
aimait tant, avait de spécifique. Il avait même un jour mené le combat face à
un de ses clients du centre de la France – chez qui il proposait les pantalons ‘’Le
Toro’’ il n’y a pas de hasard, un vêtement où ranger son courage donc – qui
s’était plaint de la sauvagerie du spectacle. Manque de bol, le type
poursuivait à courre des cervidés inoffensifs et en avait pris pour son grade.
Mon
père, pour qui la corrida était donc une espagnolerie festive et dépaysante, aurait
certainement adoré lire la fantaisie poétique d’un Zocato et rien compris à la
rigueur savante d’un Pierre Dupuy… Certains préfèrent une aficion enluminée et
d’autres, cherchent à savoir ce qui, sobrement, est. Certains se contentent
d’aimer, ce n’est pas une critique, et d’autres, aiment et connaissent. Mais,
Zocato qui pour ‘’bordeaux et or’’ préfère ‘’Robe de Château Margaux au levant
et louis d’or poli’’ (non, il ferait mieux…) n’est dupe de rien, il connaît la
chose, ce n’est qu’un choix de style. Toutes les personnes crédibles
s’accordent sur un minimum de principes de base : le toro est le centre de
la chose ! C’est par rapport à lui que s’étalonne la valeur d’une faena…
une grande faena, un grand triomphe, nécessite d’abord un grand toro, c’est
imparable.
Or, certains organisateurs de spectacles, plutôt que d’essayer de
convaincre les meilleurs toreros d’affronter ceux-là dans leurs arènes en
cultivant la crédibilité de celles-ci, ont entretenu l’illusion que le point
noir à quatre pattes, en bas, sur le sable, n’était qu’un vague référent de la
race, qui devait surtout ‘’permettre’’, permettre par sa docilité, permettre
par sa mobilité, permettre par son medio format standardisé, permettre en un
mot, à la suavité de s’exprimer, ce qui rend faussement accessible au plus
grand nombre, cette impression de réussite acclamée bêtement à chaque fois que
‘’tout va bien’’ ce qui est juste le contraire d’un combat, ce que même vous,
là-bas, au fond, vous admettrez, si, si, en saupoudrant d’un peu d’honnêteté
votre mauvaise foi.
Si
bien que pour ce nouveau public, des gens comme mon père, maintenant
majoritaires à Nîmes, par exemple, a du fleurir tout un aréopage de divers
‘’comiques’’ du compte rendu et de la photographie pour dialoguer avec eux…
dont l’accréditation en callejon a représenté un Graal de notoriété et de
crédibilité qu’ils arborent fièrement, snobant tout triste ayatollah pas doté
de la pensée conforme à l’air du temps. Amis vieux cons grincheux, on parle de
nous… ce n’est pas une question d’âge parce que l’on connaît heureusement des ‘’vieux
cons’’ de vingt et trente ans qui connaissent les toros, même si cela se
raréfie et qu’ils ne peuvent avoir la puissance de l’expérience de plusieurs
décennies d’observations.
On
en vient donc parfois à lire des affirmations quasi extra-terrestres, comme
celle qui expliquait que le toro ne sent strictement rien, ne souffre jamais,
etc… Ben tiens, pourquoi faut-il alors la pique pour déterminer sa bravoure,
mmm ? Pour que le gros monsieur sur le cheval exerce ses penchants
sadiques ?
Mais
je crois que la perf ultime, la panacée de l’ânerie, la perle rare de la bourde
cornue, l’Himalaya du contresens tauromachique total, a été récemment atteint
par celle qui fit parler le toro qui précipita le départ de Fandiño, en le
faisant s’excuser abondamment… oui messieurs-dames vous avez bien lu, on a
donné dans le :
« Pardon…,
je ne voulais pas…, pardon, je m’excuse… » enfin, vous imaginez la
beresina du raisonnement tauromachique et l’anthropomorphisme bon marché de
mamie à caniche… Rhôo ben dis donc vilain torito, c’est quoi ça, de se servir de
tes cornes… ? Mais ça va pas ??? Non mais…si c’est pas du gros vilain ça ! Ta maman te l’a
pas dit, c’est pas poli… en plus devant tout le monde… c'est comme faire caca, faut pas...
Je suis sûr que chez elle
il y a des peluches sur le lit, des fleurs artificielles ou séchées et des
bibelots kitch un peu partout… sans oublier le tableau taurin décoratif (on ne
citera pas d’artiste…) peut-être même qu'elle a un sac à main en capote de torero... et des boucles d'oreilles en vierge du Rocio... ça fait pro... Quoi je suis vilain ? Ben peut-être, mais après
tout, on n’a pas demandé à ce qu’on nous inflige de telles inepties… On est
tombé dessus par inadvertance, c’est tout. Après on y retourne pour voir si d’autres
gags se profilent…
Voilà
ce qui arrive quand on bouge les lignes de la philosophie du combat : on n’en
connait bientôt plus que ‘’l’ambiance’’, ‘’la musique’’, ‘’les couleurs’’, ‘’les
étoffes’’, on a conservé le folklore et perdu l‘essence pourtant hautement
inflammable.
En
outre, on remarque que la tauromachie n’est même pas perçue par son ADN, ce
formidable carrefour de communication qu’elle offre, car si vous osez expliquer
que votre avis diffère, alors qu’elle publie, donc s’expose à tout commentaire,
vous devenez instantanément un fielleux perfide vomisseur de bile
anti-Casassien ! Dont vous êtes jaloux, bien sûr. Ou tu acquiesces,
lecteur, ou tu dégages ! Avec l’immédiate
sanction d’être illico rayé du mur facebookien de la plumitive… Oh nooon, trop
puni… Ou tu m’admires, ou tu dégages… Merveilleux exemple de démocratie
participative, de tolérance et d’ouverture d’esprit, d’intelligence, quoi d’autre,
non, c’est bon, ça suffit… Or, s’il y en a un, avec son pouvoir d’énervement si
particulier, qui est à jeun d’avoir censuré ses nombreux détracteurs, c’est bien
mézigue.
Moi
je dis, lecteur, l’a-culturation, ça fout la trouille ! Maintenant, quand
tu lis un truc sur les toros, tu ne sais plus si tu dois te frapper le front en
secouant la tête ou te tenir les côtes….
2 commentaires:
Salut Marco
Je pense que tu as eu à Cœur (me trompe je?) de remettre les pendules à l heure et tu as bien raison! sur ce FB on frole souvent le ridicule toujours petri de bonnes intentions tout le monde (taurin) il est beau tout le monde il est gentil surtout si ce monde est Casassien. Jules Goyavent
Bonjour Marc Delon
Tout comme le premier commentaire j apprecie votre texte. En effet, le fb auquel vous faites allusion m apparait cul cul la praline. Cette personne qui parle ou du moins écrit de tout Coeur apparait comme une aficionada "moderne" qui gobe tout , une beu l oli toujours satisfaite de tout y compris du pire. Ce n est pas avec ce genre d aficionado qu on arrivera a sauver la corrida des dangers externes et internes.Patrick Sabatier 13300 Salon
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