Même
si le toreo n'a rien d'un sport, même si les toreros d'aujourd'hui
sont pour la plupart champions de footing, d'autres, au cours de
l'Histoire de la façon de recevoir les toros sans trop broncher, ont
démontré que de la compensation d'un handicap, pouvait naître une
spectaculaire évolution d'autant plus saisissante, que cette façon
de prolonger son mental dans ses reins, eux-mêmes arrimés,
telluriques, par les talons au plancher qu'on nommera, pourquoi pas,
« des vaches » afin de se vautrer dans le lieu commun,
inspirait plus d'effroi par la vérité de la posture et son coup de
corne subséquent, en dégageant de l'esprit du spectateur toute
évocation de fuite. C'est ce qui s'appelle peser. Sur le toro et
donc sur celui qui le regarde charger. Comme la lecture de ma
première phrase pesa sur votre respiration si vous fîtes fi
de la ponctuation avec une capacité pulmonaire inférieure à 4,5
litres. Comme quoi, la lecture peut être un sport, demandez à
Philippe Béranger... (lecteur emphatique du Prix Hemingway)
Et
donc, où suis-je... ? Ah oui... Même si le toreo n'a rien d'un
sport.... tagadatagada... on relit... on peut risquer cette analogie,
que n''importe quel golfeur ou tennisman vous confirmera, que pour
''performer'', le vilain terme, c'est d'abord contre lui-même qu'il
devra se battre. Il y a tellement de perfections concomitantes à
assurer : sa prise sur le manche, le toucher du poignet, son
placement, l'anticipation du déplacement adverse, sa respiration, la
gestion de l'épuisement de sa carcasse, le moral, etc... Tant que
toute cette harmonie n'est pas assurée, le premier des adversaires,
c'est soi-même, l'autre n'est pour l'instant pas combattu. Les
tennismans connaissent bien l'amertume de ces après-matchs perdus
tout seul.
Dans
cet exercice de Ô Sole Mio taurin, peu de ténors parviennent à
irradier comme Râ, beaucoup ont connu l'envie de se terrer comme
rat devant l'échec. Tenir la note, haute, avec probité, science et art
pour convaincre le conclave est périlleux. Au niveau du sable pour
son intégrité physique, au niveau des gradins pour la justification
de son rang qu'il était question d'affirmer et, encore un
petit peu plus haut dans l'atmosphère, pour la façon dont on se
rêvait. D'où vient le désir d'un homme de tuer un jour six toros
d'affilée ? Cela tient-il du paraphe, de l'idée d'asseoir sa
maîtrise une fois pour toutes, frapper un grand coup, dire, voyez,
j'étais là, présent et dominateur quel que soit le toro qui
sortait ? Et il n'y a plus à ergoter, je suis bien ce que je
prétends être...
Dans
ce cas, il serait logique que ce soit une occurrence de fin de
carrière. Mais en matière de toros rien n'est assez logique pour
être vraiment prévisible, malgré les efforts de certaines
empresas, veedors et autres conocedors en tout genre dont la
motivation tient plus à l'assurance du succès qu'à cette fleur de
sel très aléatoirement cueillie.
D'un
solo de Castella présumée figura, je me souviens seulement de cet
ennui qui avait insidieusement envahi les gradins. Par contre, il ne
me reste des trois derniers solos vus – Castaño face au Miuras,
Robleno face aux Escolars et Tomas face à une écurie Domecq – que
de grands souvenirs. Appréciés à divers degrés. La différence
étant qu'à propos de Robleno qui tua certainement le lot le plus
sérieux, je m'attendais exactement à ce que j'ai vu, c'était
conforme à ce que j'avais imaginé et cela se répéta six fois. Six
histoires très bien menées, par le même développement avec la
même, prévisible, chute. Très fort. Une réussite, y'a pas à
dire, mais déjà lue à son premier toro. Tandis que Castaño, lui,
cheminait dans un récit épique dont les chapitres réservaient
quelques coups de théâtre qui déjouaient les pronostics établis.
C'était plus passionnant. De celui de Tomas, dès le lendemain, pas
encore sorti du songe où il nous avait précipité, j'étais effaré
de constater combien de pages négatives se sont rageusement écrites
sur cette actuacion par ceux qui n'y étaient pas. Avec quelle morgue
il fallait se dédouaner d'avoir raté une telle soi-disant
''farce''. Toutes les réserves sont discutables mais il n'empêche,
il s'agissait d'un apport artistique majeur, non reproductible, avec
des moments de toreo cumbre et mis ensemble une œuvre sobre,
profonde, inspirée, magique, qui scintille à jamais dans les
cerveaux de ceux qui l'ont vue. Au fond de moi, je suis même peiné
d'imaginer que par dogme, comme un étendard brandi, certains
contemporains ne mâchant pas – comme moi - tous les toros, se
soient abstenus de déplacer leur séant pour assister à ça, au
besoin pour critiquer, mais au moins y venir, pour comprendre
beaucoup, en peu de temps, de ce qu'ils croyaient savoir.
Je
me suis longtemps demandé, j'ai longtemps rêvé, j'ai essayé
d'imaginer qu'au Tomas du 16 septembre nîmois, échoit le lot
d'Escolar Gil cérétan et que Robleno se dépatouille de l'écurie
domecquisante. Que croyez-vous qu'il serait arrivé ? Il est
certain que l'on se remémorerait encore plus fort de Tomas
aujourd'hui et que le valeureux soldat Robleno aurait avoué ses
limites, cruellement. Tous ceux qui feignent d'ignorer ça auront du
mal à me persuader qu'ils sont intellectuellement honnêtes. Mais
alors pour l'être moi-même je dois me demander : Mais que ne
l'a-t-il pas fait ? Que n'a-t-il pas pris ce genre de toros pour
moucher toute critique éventuelle ? Eh bien vous le lui
demanderez si vous en avez l'occasion, à lui qui a si souvent offert
sa vie. Je crois pour ma part avoir essayé d'y répondre dans mon
premier compte rendu au lendemain de cette course.
Dans
quarante-huit heures sur les tendidos basques, j'assisterai au solo
de Fandiño parce que je n'ai absolument aucune idée de ce qui va
s'y révéler. A-t-il choisi le bon moment, au bon endroit ?
Cela correspond-il à un désir particulier, à un tournant de son
histoire avec les toros ? Le sang Domecq va-t-il briller ou
s'affaler ? Les a-t-il choisis soigneusement ou fait-il
confiance au destin ? Limpios ou afeitados ? J'y vais
vierge d'idées reçues et cette incertitude même, me fait me
déplacer. Pourvu qu'il soit au rendez-vous, toutes ses qualités
dans le cacho, qu'il se dépasse et nous surprenne. Pas plus, mais
c'est énorme !
2 commentaires:
http://www.lekiosqueauxcanards.com/corridas-les-beaufs-continuent-à-baver
Super article!
Papa Gato
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