Note : Camera
d’or au dernier festival de Cannes, le rôle-titre de ce film est
joué par celle dont ce fut la vraie vie. L’un des trois jeunes
réalisateurs est son propre fils.
Entraîneuse
de bar, c’est pas une vie… C’est pourtant celle qu’Angélique
a toujours menée, depuis l’âge tendre jusqu’au rides et rives
désabusées de la soixantaine. Alors bien
sûr, elle n’a plus que très peu d’interlocuteurs à encourager
vers la boisson et ses confidences nocturnes, et l’ennui,
progressivement, gagne. Il n’y a plus guère que la cigarette pour
tenir compagnie. D’autant que, pour dire vrai, sa clientèle, ces
dernières années, se réduisait au fidèle Michel. L’habitué, la
vieille connaissance, celui de la complicité, des accointances et de
la sécurité. Le respectueux et tendre Michel.
Seulement
voilà, Michel ne veut plus payer pour ''voir'', il veut un
couple, un vrai, qui s’aime et se dispute et comme les autres, fait
face à la vie. Se marier, y croire, aplanir l’intimité, avoir
confiance.
Soixante
ans, c’est l’âge raisonnable de la retraite, pour une
entraîneuse de bar, une pompe aspire-solde à soldat et autre
trompe-couillon solitaire, non ? Et ce n’est pas tout le monde
qui peut jouir à ce moment-clé, d’une si gentille proposition,
si ? En tout cas, les copines de comptoir l’encouragent au
réalisme, à l’acceptation de l’idée saugrenue avant qu'elle devienne
trop défraîchie et pathétique...
Inconsciemment
peut-être, Angélique en acceptant le mariage tout en demandant « un
peu de tenue » avant la nuit de noce libératrice au patient
Michel, va s’appuyer sur ce doux, gentil, tendre, naïf et
compréhensif gros nounours, pour enfin sortir des marges,
s’approcher de la norme et renouer avec tous ses enfants dont elle
n’a pas toujours pu suivre les parcours et dont les pères sont
ignorés. ‘’L’institution mariage’’ lui permet de renouer,
de sceller, de dire, de s’entendre dire, qu’elle est aimée de
tous, malgré cette vie dissolue.
Voilà
le hic : nyctalope assumée. Ce statut peut-il s'offrir un
débouché ordinaire ? Tout mariage se termine par ce brumeux
concept – ne serait-ce que parce qu’on est déjà au petit matin…-
de ''nuit de noces'', où il
faudrait absolument faire l’amour en terme de clou de la cérémonie,
alors que personne n’en a plus envie, épuisé, alcoolisé et
hagard, étourdi d’émotions.
Mais
si Angélique elle, n’en a jamais eu envie, pas plus cette nuit que
les autres nuits, c’est qu’elle n’a jamais été amoureuse d’un
Michel qu’elle aurait plutôt perçu comme son assistant social
personnel, son ami, son associé dans sa quête…
Le
bon Michel, lui, comme tout gros nounours amoureux et dévoué, a
cru, mais alors connement, comme un homme si vous voulez, que s’il
y avait une évidence élémentaire, un minimum sentimental revendiqué, capable de pousser deux êtres à cette contrainte nommée mariage, c’était
bien qu’ils soient amoureux l’un de l’autre.
Eh
non, hé, gros couillon, à pleurer au bord du lit : enfuie
l’Angélique pour retrouver l’addiction de ses nuits vides,
vaines, viciées peut-être, mais nécessaires. Partie girl.
5 commentaires:
On est surpris :
que le mariage reste une condition de vie respectable et digne, qu'une femme de soixante ans avec ses rides soit demandée en mariage, et qu'un Nounours amoureux se meure d'amour pour elle, il y a longtemps que littérature et cinéma ne nous avaient pas, je crois, habitués à cela.
On a envie de voir le film.
Gina
Intéressant ! Les gros nounours sont rares !!
et pour cause !!!
quelle cause ?
<< Eh non, hé, gros couillon, à pleurer au bord du lit, abandonné >>
ça vous suffit pas, comme cause ?
On cause, on cause... mais bon, faut suivre !
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