Comment
dire, s’il y a quelqu’un qui n’aurait jamais pensé écrire un hommage à Johnny
Hallyday , merde je ne sais même pas écrire son nom, c’est bien moi. En
pratiquement soixante ans de carrière, je suis à jeun d’avoir acheté le moindre
vinyl – avant on disait 33 tours - ou CD, de lui. Le Rock pour moi, c’était pas
lui, l'homme aux trois "Y". A mes yeux, il en était même le plus ridicule des représentants. Sauce
franchouillarde, pas crédible. A vrai dire, je le trouvais même un peu con… Je
me demandais comment un type à la pensée si fruste pouvait récolter tant de
succès… Quoi ma gueule ? Qu’est-ce qu’elle a ma gueule ???
Un pauvre
type, un déclencheur de bagarres provincial, aux raisonnements pauvres qu’il exprimait
avec force fautes de français, syntaxe, grammaire et tout ce que vous voulez…
Je m’étonnais que des femmes intelligentes que je côtoyais, le déclarassent
beau… un mec con pouvait donc être beau… ? Soit, même Nathalie Baye, que j’admirais,
s’était empressée d’épouser ce mystère suant et soufflant… ça, on ne pouvait
pas l’accuser de ne pas mouiller la chemise. On n’avait jamais vu un mec
transpirer de la sorte ; des litres d’incontinence sudoripare ;
impressionnant. Quand je pense à lui c’est l’image qui vient : des rigoles
de sueur dégoulinantes contre lesquelles venaient se frotter ses fans pas
dégoûtées…bèèeerk…on s’échange les liquides intimes qu’on peut…
Et puis la
plaie des plaies pour Johnny, celle qui infectait la construction de son mythe,
qui ne rassurait pas sur son Art, c’était ses fans. On a un peu les fans qu’on
mérite quand même, non ? Et lui… question fans…ça a toujours fait frémir…des
cas psychiatriques, quasi… Un cas unique… qui d’autre que lui peut se targuer
de compter une armée de sosies décolorés, de ringards cinématographiques
sublimes, de névrosés débiles, de créatures hybridées à partir de danseurs de
Country des plaines du Cantal et de rocker de HLM en Assurancetourix porte-voix
du ridicule de toute la Gaule ?
Et
puis il a duré. Et puis il y a eu des accrocs à mes convictions.
Il
y a eu ce fameux été en fusion de lave tumescente, où il m’a chopé au moment où
je m’apercevais que les filles avaient des fesses et des seins, au moment où je
subissais la plus formidable poussée d’hormones de ma jeune vie, quand ce type
tout transpirant ahanait partout et tout le temps "quand tes cheveux s'étalent comme un soleil d'été et que ton oreiller ressemble aux champs de blé"
dans tous les juke-box des bars de ce fameux été au Grau du Roi, "quand l'ombre et la lumière dessinent sur ton corps des montagnes et des forêts et des îles au trésor" de toutes les vitres ouvertes des bagnoles qui
passaient lentement au long du front de mer "quand ta bouche se fait douce et ton corps se fait dur quand le ciel dans tes yeux d'un seul coup n'est plus pur" de tous les postes de radio ensablés "quand tes mains voudraient bien quand tes doigts n'osent pas" sur cette plage du
Boucanet où il fallait soudain enfouir dans les dunes nos érections parasites
quand les filles allongeaient face à nous les galbes de leurs corps ruisselants
pendant que ce type hurlait comme un fou "quand tu ne te sens plus chatte et que tu deviens chienne et qu'à l'appel du loup tu brises enfin tes chaînes" de sa voix puissante qui pénétrait ses détracteurs jusqu’aux
tripes, là j’ai compris "Que je t'aime" qu’il n’y avait plus
débat, que par ses couplets lancinants, oppressants, qui montaient
inexorablement en pression jusqu’à l’obsession, nous ramenant aux êtres de
chair et de sang que nous étions, j’ai compris, avec tous les autres, qu’on resterait
lié par ses cordes vocales à jamais, à des souvenirs indélébiles, des tranches
de vies auxquelles ses chansons toujours nous ramèneraient qu’on le souhaite ou
non. C’était ainsi, il nous accompagnait.
Et
puis il a continué à durer. Décennie après décennie, avec d’autre paroliers aux
thèmes plus élégants, plus nobles, plus distingués et on a alors entendu dans
sa gorge des tonalités émouvantes du temps qui passait, chez lui aussi. Alors
on l’a écouté avec plus d’attention, reconnaissant des situations familières
qui nous rapprochaient petit à petit toujours plus, parce qu’il durait. Des fautes
de français de ses interviews on ne riait plus, on en était plutôt attendris. C’était
lui ; depuis le temps on en était fatalement proche. Tellement il avait
duré.
A
chaque duo où il ‘’enterrait’’ gentiment de sa puissance son partenaire, à
chaque reprise forcément insipide que se permettaient d’autres artistes, peu à
peu on a admis que Johnny quand même, ça dépotait grave… qu’il était
irremplaçable, qu’arriver à sa cheville s’avérait périlleux… Et puis on a
encore levé les yeux au ciel du ridicule de le voir épouser, incrédules, une
jeune femme qui pouvait être sa fille. Notre quotidien est tellement éloigné
des mœurs du show-biz et nous sommes tellement rassurés par les conventions...
Sauf qu’on a soi-même par les chemins tortueux de la vie rencontré une très jeune
femme qui aurait pu être notre fille…sauf qu’on ne brille d’aucune richesse ou
talent particulier et que c’est encore plus énigmatique… Alors on ne se moque
plus, on tente de comprendre, d’être à la hauteur de ce don émouvant, au milieu
des regards d’incompréhension hostile. Quoi ma gueule ? Qu’est-ce qu’elle
a ma gueule ?
Et
puis il a duré encore, il s’est encore rebellé alors que l’on croyait ses
démons calmés, il a traversé à nouveau les scènes de son hymne incendiaire qu’on
ressentait pulser au plus profond, frénétique, terrible scansion irrésistible,
Ah Marie, si tu savais, ça tenait du miracle, jambes écartées et prothèses aux
hanches. L'été dernier j'ai dit à ma compagne : si tu veux qu'on ait une chance de la voir une fois dans notre vie, en concert, on devrait y aller... Nous nous sommes abstenus, il donnait l'impression qu'il n'y avait pas d'urgence...
Et
puis, durant, il bossait dur, toujours en tournée, toujours sur scène, toujours
en projet de quelque chose parce que chanter c’était exister. A force il a
convaincu. On ne pouvait que respecter un type qui durait tant. Souffle de vie,
souffle de voix, dernier souffle, en pénitence, devant les portes de l’au-delà.
C’est la vie. Même D’Ormesson ne put se douter du départ d’un Johnny
incombustible. Aujourd’hui, pourtant, on peut allumer le feu.
photos Paris Match
7 commentaires:
Salut Marco
Comme toi je ressentais quasiment la même chose vis à vis de Johnny et ce très bel hommage traduit parfaitement mon émotion à l annonce de sa mort.
Il en est d ailleurs de même par rapport à l hommage plein d humanisme et de sensibilité rendu à JP Garrigues.
Est ce le contact fréquent avec la mort des toros qui même si elle est enrubannée reste toujours semblable à l ensemble des êtres vivants qui te permet d avoir un texte si juste et rationnel? (peut être un petit don aussi);
Toi aussi Marco tu vaux mieux que l image que tu veux bien te donner parfois. Amitiés. Jules Goyavent
Je me rappelle un temps où, en effet Marc,( avec l'assentiment de mon mari!), vous n'approuviez pas de sympathie pour JOHNNY.
Mais quand on l'a vu en concert, soulever et bouleverser son public de sa voix grave et de ses chansons belles, émouvantes, douces ou endiablées, puis quitter ensuite ce même public en proférant des remerciements et des propos toujours simples et affectueux, à jamais on l'aime.
Gina
Hommages à Johnny et à Garrigues: chapeau, beaux textes....et J D Ormesson? Ce serait dommage de l oublier. C est peut être en préparation non? Je pense que ca pourrait être fantastique!!!!JG
C'est ça... pour que je me fasse encore psychanalyser par JG comme à chaque fois que j'écris trois lignes ? Non merci... ;-) encore faudrait-il que je connaisse son œuvre ce qui n'est pas le cas, je le sens pas jean d'O... un petit salopiot de droite aux yeux lubriques et épatants, c'est tout ce que je sais. De plus je n'ambitionne pas de me spécialiser dans la rubrique nécrologique.
Pourtant c'est une rubrique où le chômage ne guette pas.
Pour une fois que je viens te rendre visite, je vois un hommage à Johnny! Bon pas mal... Mais il n'a jamais épousé Nathalie Baye. ;)
Rdv à Arles, à Pâques!
Cette isa... dès que ça sent le sexe elle rapplique... quand ton corps devient dur... Arles...? Mon seuil d'excitation à moi - question corrida - ayant atteint des sommets Himalayiens, pour qu'une corrida me dépace et me déglace, il en faut...
Biiiiiiiien pedroplan, la forme se maintient je vois...
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