mercredi 3 octobre 2018

JP. COMBE Première Partie





                                LES MURS BLANCS

 

 

                                                                          Au Maestro Denis Loré                                               

 

 
Les murs sont blancs.

A peine inondés des rayures
Que forment les volets mi-clos.
Blancs sont les murs.
Blancs, bleus peut-être un peu, là où l’air s’évanouit
Depuis que le matin a fait fondre la nuit.
 
Et lui, au beau milieu du chaos silencieux,
Il prie. Déjà, ses mains sont tendues vers les cieux
Dans un élan d’amour, de doute et de terreur.
L’horloge de son âme affirme qu’il est l’heure.
Son habit sur la chaise incendie l’atmosphère
De rose, et d’or, d’espoir, d’effroi et de lumière.
Il ne l’a pas porté, pas encor, pas en course,
Juste chez le tailleur où sa verge et ses bourses
Ont épousé l’étoffe avec délicatesse
Pour mieux époustoufler les antiques déesses
Qui hantent les gradins. Il connait leur regard ;
Profond comme un grand fleuve, étincelant de fards.
Il le croise parfois, à la sortie d’un quite,
Le torée un instant, l’adoucit puis le quitte,
Pour revivre sa vie.
                                   Ici, les murs sont blancs,
Les souvenirs sont purs et les gestes sont lents.
 
Il y a une Vierge, éclatante d’amour.
Son visage est de miel et ses yeux de velours
Font naître un long ruisseau de larmes. Sur l’autel
De sa gloire, un ange a fait murmurer ses ailes
Et leur écho léger s’évapore dans l’onde ;
Il submerge la chambre, et la ville, et le monde.
Mieux qu’une grande affiche et ses mille couleurs,
Il annonce au public qu’il sera bientôt l’heure.
 
Dans les rues, les cafés, les bodegas furieuses,
Déjà montent des mots et des questions curieuses.
« Quelqu’un a-t-il pu voir les Toros aux corrals ?
On dit qu’ils sont de ceux qui grèvent le moral…
L’an passé nous avions un bien piètre bétail,
Celui-ci sera-t-il d’un courage sans faille ?
Aurons-nous un palco très juste et bienveillant,
D’honnêtes assesseurs et un grand Président ?
Et ces nuages noirs qui menacent là-haut…
Auront-ils disparu au temps du paseo ?
Entendrons-nous ce soir résonner la musique
Et pourrons-nous crier d’une voix pacifique ;
Des Toros ! Des Toros ! Et puis des toreros !
Nous avons tant besoin de porter des héros. »
 
Lui ne les entend pas car ici rien ne bouge,
Les murs sont blancs.
                                       Là-bas, les barrières sont rouges.


                       

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