Il
faut se rendre à l’évidence : réunir trois artistes majeurs
comme Finito de Cordoba, Morante de la Puebla et Manzanares, ne
remplit plus l’arène. Il est vrai qu’à Nîmes, on a pris la
mauvaise habitude de se résigner face à la faiblesse chronique des
toros. Ca ne décourage pas vraiment mais ne doit pas non
plus, on l’espère, créer d’engouement ! C’est un peu
comme notre rapport à la politique, quoi… On a donc assisté au
défilé habituel de toros faibles sortant au ralenti, aussi désabusé
qu’un militant PS jadis intensément rosifié d’enthousiasme
avant que ne l’afflige la pâleur de la honte. (eh, oh, ça va,
hein… je suis gentil je trouve… parce que depuis deux ans et
demi, si j’avais voulu me défouler, y’avait matière, hein…)
On
passera rapido sur les nimoiseries ordinaires consistant en
l’occurrence à attribuer un trophée après le troisième avis –
en pleine despedida Chavaniesque ! *- et à la montée au
créneau transgressive de Casas himself s’insurgeant sur la
bêtise d’un règlement brimant les artistes. Il y aurait à
discuter, l’Art ayant montré qu’au contraire, les
contraintes suscitent souvent plus de créativité… (débattez
entre vous, moi je bosse, je dois pétrir des lombaires de
« sans-dents » ça fait des boulettes brunes – crasse
ou bronzage ? - Mystère… Mais j’ai bien peur qu’ils n’aient
pas pu acheter d’Ambre Solaire…)
Et
on arrive enfin à ce qu’on peut retenir, comme la deuxième
prestation de Finito dont Cordoue n’aurait pas renié l’art, même
si le revistero a pu le trouver trop distancié. Mais le clou de ce
spectacle fut sans conteste la faena au troisième toro qui réunit
trois virtuoses. L’animal émit soudain un retentissant –
Schlak ! – à moins qu’il se fût agi d’un – Plek !
– en tout cas les pierres du vieil amphithéâtre en diffusèrent
l’écho sec jusqu’à nos tripes déjà malmenées et du coup on
avait nous aussi, mal au genou. Alors quoi ? Fissure du plateau
tibial ? Tendon rompu ? Ligament dilacéré ?
L’autopsie ne nous le dira pas car tout le monde s’en fout.
Toujours est-il que l’animal supprima immédiatement l’appui de
ce membre à la façon d’Iron – mon chien – quand il est à
l’arrêt sur libellule… (Je raconte bien, hein… je sens
pedroplan captivé et même, même, un léger frémissement du
fléchisseur commun superficiel par lequel on taquine le clavier
quand on est moins inhibé que vous tous, anonymes timorés du
commentaire) et que Manzanares dépité, partit chercher l’épée,
la vraie, la lourde, celle qui ne tranche pas que l’ersatz de
beurre, ce Saint-Hubert mollasson farci d’omega 3 auquel je
m’astreins pour préserver la nouvelle palpitation de mon cœur.
Bon,
maintenant que les gens sérieux sont repartis lire les colonnes de ''TOROS'' et que nous sommes entre intimes vu que vous
connaissez même la composition de mes tartines matutinales, il est
temps de vous expliquer à quelle conjonction sensible je dus soudain
faire face : le toro reposa son antérieure au sol car sa
noblesse le prédisposait à la charge, et Manzanares le reçut comme
il se doit, souple de ceinture, alluré, majestueux. Des gradins
dégringolèrent les premières notes du concerto d’Aranjuez,
lentes, profondes, servies par un trompettiste appliqué, ce qui
réduisit ma déglutition tandis qu’un frisson parcourut rapidement
ma peau ; En bas, ce toro à la race insensible au handicap, qui
avait un bon son, poursuivait, patte en appui - Aaaah si seulement mes patients pouvaient montrer la même race...! - avec abnégation, la muleta que lui
présentait un jeune homme inspiré ; et puis la couleur des
notes de cette trompette dans mon oreille comme le taraud cuivré
d'une Espagne toujours hospitalière à ma sensibilité ; et sur
mon épaule une tête, un parfum familier, des cheveux qui
caressaient le territoire de ma joue soudain traversée de la loupe
d'une larme scrutant l'intensité de ce nouveau bonheur, aussi
improbable et beau que l'accord subtil d'un homme rationnel,
civilisé, avec l'animalité radicale d'un toro au combat.
Moquez-vous
les gens, j'ai sombré dans le lyrisme. M'en fous.
---------------
* Chavanieu René : en quelque sorte le doyen de l'aficion nîmoise, volontiers raillé par les uns ou admiré par les autres, intransigeant sur un règlement qu'il essaye de faire respecter à la lettre, à la seconde près - pour les avisos par exemple - ou le calcul du taux horaire du piquero "qui pour ce prix pourrait piquer un peu mieux..."
Son grand plaisir avant de se rendre à la conférence où tel ou tel club taurin l'avait invité, c'était de passer au préalable à l'abattoir récupérer certains morceaux de choix, les émincer et les cuire à la plancha, avant d'avouer à ces dames à la première remarque superlative sur ce fumet si particulier, qu'elles venaient de consommer de bonnes grosses couilles de toro...
Un chafouin-mutin le chacha...
photo France bleu.fr
Un chafouin-mutin le chacha...
photo France bleu.fr
14 commentaires:
Je sens comme un toque... Alors, brave comme je suis je fonce. Le rejet des contraintes, ça montre que Casas (au cas où on en aurait douté) n'est en rien un Oulipien. Ce ne sont pas les avis qui vont en finir avec la corrida, mais ce défilé d'invalides (pardon ! de toros à mobilité réduite) qu'on nous impose féria après féria... Enfin, bon, par chance, l'ombrelle de Morante nous a un peu détendus, nous,à notre vomitoire de cancres rigolards.
C'est un beau texte, spontané et sincère comme toujours.
Le passage du ton badin et railleur au lyrisme romantique ne laisse pas indifférent.
Dommage que la recette de cuisine en vienne rompre le charme !
Gina
Gina la recette ne fait pas partie du texte, c'est un renvoi par astérisque !
Encore que, n'est-ce pas dans ces parties que se fabriquent les petites graines qui vont donner un embryon de bébé lequel est le plus souvent le fruit de l'amour ? mmm ? Tout se tient... même suspendus !
distingué Pedro-Altiplano bravo pour la référence à l'ouvroir de littérature potentielle...
Marc, d'accord que l'Evolution ait garanti à ces parties une noblesse et une durée illimitée (et tant mieux ou tant pis pour les mammifères rescapés), mais on n'a pas forcément envie de les consommer à la plancha !
Gina
Ah, Marc, mais c'est que,bien que rustre, on a sa culture.
ou comment le psychisme peut inhiber les papilles...
La raison pour laquelle chacha chafouin-mutin ne prévient pas...
Il y a des amours comme le taureau, qui va partout où on l'attire...Mon amour est comme un grand arbre, qui demeure où on l'a enraciné...Love.
Ma Gina, il faut les avoir goûtées pour se convaincre que la fonction gustative n'est pas à négliger .... loin de là !
Lola, tu as sans doute raison et les British mangent bien du haggis aux mamelles de brebis !
Mais, tout vient du serveur...trop brutal !
Gina
En lisant ces dames parler avec une telle gourmandise d'émincé de testicules a la plancha, on se cramponne à son slip !
j'en ai connu qui préféraient les suçoter crues...
de toros ?????
Bon, on n'est plus au printemps mesdames et messieurs, et tout ça c'est la faute à Chacha
Cela dit, et puisque c'est l'automne comme a dit Marc,soyons sérieux: le haggis,c'est le plat national des Ecossais du monde entier.Ils le dégustent pour commémorer l'anniversaire de la mort de leur poète national. Un peu comme si toute la France bouffait de la tête de veau sauce gribiche pour célébrer Victor Hugo. Mais nous sommes moins poètes que les Ecossais, je pense.
Enregistrer un commentaire