On dit que les toreros viennent au
monde pour nous apprendre à mourir. Moi je crois qu’ils nous apprennent à
vivre. Ivan Fandiño perdit samedi sa dernière bataille parmi toutes celles
qu’il mena car il vivait, sans doute sans le savoir, pour lutter et que tout ne
s’acheva pas comme il le voulait.
Nous recevons à présent cette terrible
leçon : c’est faux cette légende selon laquelle les rêves se réalisent.
Ivan Fandiño était venu au monde pour ouvrir cette réflexion. Comment
voyons-nous celui qui le tente et qui, pour quelle qu’en soit la raison (le
toro, le vent, la chance, les magouilles administratives, les coups de poignard
dans le dos et toute les saloperies humaines qui nous entourent et qui, je le
suppose, doivent être en train de nous monter sérieusement au nez) ainsi que
pour quelques autres raisons disais-je, nous fait prendre conscience que, non, tout ne se réalise pas comme on voudrait.
Ivan Fandiño était venu combattre et
s’en est allé pour nous faire prendre conscience de toutes les fois où nous
donnons plus d’importance au résultat qu’à l’intention. Toutes les fois où nous
disons :
« Bah, je savais qu’il allait se
tromper »
Ivan Fandiño venait de la partie
sombre de la lune où mon père disait que vivaient les toreros qui n’arrêtaient
pas de triompher en le méritant comme ce torero-là. Ivan Fandiño et son regard
de Western étaient venus au monde pour nous faire réfléchir à la façon dont
nous traitons ceux qui échouent, à ce qui est le plus important : gagner
des guerres ou les faire.
Ivan Fandiño voulait être
« pelotari », mais en réalité il naissait pour perdre toutes les
batailles pour nous, comme un messie, comme s’il expiait tous les triomphes,
toutes les conquêtes qui, à la fin, se terminaient avec les noms des autres.
Fandiño, comme le silence dont a besoin la mélodie. Fandiño, perdant pour que
les autres puissent gagner. Son cadeau a été la défaite, jusqu’à tout perdre,
jusqu’aux battements de son coeur en route vers l’hôpital de Mont de Marsan. Payer
le prix d’autres gloires …
Quelle injustice, mais quel tribut !
Clôturant cette édition, je l’imagine
ballotté, perdant les « alamares » aux portes de quelque ciel dans
lequel il puisse y avoir une justice.
Mes respects, torero.
Merci
Merci à Maja Lola pour la traduction
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire