Les réjouissances autour de la mort
d’Iván Fandiño en disent long sur la société de ce début de XXIe siècle.
Conseiller politique
Le soleil dominical m’aura tenu écarté, une
bonne partie de la journée, des réseaux sociaux et de la vague de messages de
satisfaction honteuse suite à l’annonce de la mort d’un torero basque après son
encornage lors d’une corrida à Aire-sur-l’Adour, dans les Landes. Tel un vulgaire
assassin, Iván Fandiño n’aura donc pas eu droit à la compassion qui sied en
pareil cas, mais au contraire aura eu à subir un déferlement post mortem de haine.
Je ne suis pas de ces aficionados qui vouent une
passion débordante aux corridas qui ne font aucunement partie des traditions de
ma Belgique natale et qui ne font donc résonner aucune fibre de mon for
intérieur. Du monde des toreros et des toreras, je ne pourrais d’ailleurs
citer, pour des raisons diverses, que les noms de Manolete, mort lui aussi au
combat, de Joselito et de… Marie Sara qui est entrée dans… l’arène politique.
Dans les débats opposant pro et anti, j’oppose
volontiers mon indifférence qui place à égale distance les arguments des uns
qui voient dans la mise à mort du taureau une barbarie surannée et des autres
qui assimilent le combat à un spectacle qu’il faut préserver au nom d’une
longue tradition. Ma pusillanimité vient aussi du constat que la corrida fait
partie des sujets « à éviter » en société, au même titre que la peine
de mort ou l’avortement, sous peine de voir sourdre des tensions
irréconciliables.
Les réjouissances autour de la mort d’Iván Fandiño
en disent long sur la société de ce début de XXIe siècle.
Une société où, comme le rappelait Élisabeth Lévy dans le dernier numéro de Causeur, l’on s’émeut davantage pour le sort d’un animal que pour le
meurtre d’une femme juive (que l’on préfère ne pas ébruiter pour ne pas faire
le jeu du Front national). Une société où l’on souhaite accorder des droits aux
animaux à qui il ne pourrait, par définition, pas être demandé la contrepartie
d’un devoir.
Cette société accorde in fine au chat, au chien, au cheval, à la poule et donc au taureau
(mais pas à la mouche : n’est pas antispéciste qui veut) autant voire
davantage de valeur qu’à l’homme pourtant doté de conscience de lui-même et de
raison.
En des termes plus crus, certains, dans une
société individualiste qui fonctionne aux émotions primaires, sont prêts à
sauver un animal blessé au bord de la route mais à laisser périr leur voisin
dans la misère.
Pour autant, les violences faites aux animaux
doivent (évidemment) être combattues sans ménagement. On ne saurait considérer
comme humain un homme ou une femme torturant un animal sans égard pour
celui-ci. Le combat pour le bien-être animalier prend néanmoins des formes
confinant, de plus en plus souvent, à l’extrémisme et à la jocrisserie.
Les réactions au drame de samedi soir ne peuvent
mieux illustrer les dérives actuelles de la cause animale. Si la mort fait
partie des risques du métier qu’encourt le torero, elle ne devrait jamais
donner lieu à des réjouissances dignes d’une victoire en Coupe du monde de
football.
Iván Fandiño méritait davantage de respect, au
moins celui que l’on doit au vaincu.
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