mercredi 15 octobre 2008

LE SENS DE LA MARCHE

Onze ans après le premier livre d’Alain Montcouquiol, les éditions Verdier publient ‘’Le Sens de la marche’’ texte court et fascinant dans lequel la figure de son frère Christian apparaît à nouveau, depuis la sixième ligne et jusqu’à l’ultime mot. A cent quatre-vingt-neuf reprises, sans compter les « mon frère » ou les pronoms qui le désignent, l’auteur va l’amble avec son cadet. On pourra dans un premier temps s’étonner que deux décennies après, la douleur de l’absence soit encore si prégnante dans l’œuvre littéraire mais jamais l’envie de cheminer sur la crête de ses émotions ne fera défaut après la lecture du préambule. L’obsession y est tranquillement assumée « Qu’importe alors, si dans les textes qui s’imposent à moi je parle encore de lui ou si, parlant de lui, je parle aussi de moi. Qu’importe si je me répète, si je redis encore jusqu'au ressassement qu’il me manque et que tout me rappelle son absence, je n’ai rien de plus urgent à dire »
Mais cette fois, si le flux de sa pensée ramène toujours Christian, il n’est plus seul dans le faisceau du projecteur de poursuite qui le recouvrait de lumière. Il est un des miroirs avec leur père, le toreo, le Mexique, les taurins, la nature, par lesquels il nous offre un peu de son reflet. Avec pudeur et simplicité ‘’Le Sens de la marche’’ trace un itinéraire mais échafaude surtout une quête pour qu’il s’appréhende mieux lui-même dans la vie qui l’entoure. A l’instar du petit Poucet il retrouvera quelques pierres-repères qui balisent l’analyse de son trajet. Nous lui emboîtons le pas avec d’autant plus d’attention que le ton de confidence tisse au fil des pages une relation quasi intime avec le lecteur. Aimanté de ligne en ligne, on est au cœur de la vérité d’un homme touchant. Ce récit passionnera plus que les aficionados que nous sommes, très captivés à la découverte d’un rare témoignage sur la condition de torero. Les doutes, les remises en question, l’enthousiasme, la peur subite, les succès ambigus, les échecs relatifs. Tout nous rappelle que, plus que le but à atteindre, c’est la qualité du chemin qui importe et enrichit la vie. Si l’on torée comme l’on est, l’écriture ou l’impossibilité d’écrire, reflète sans doute le moi profond si bien que le choix de la personne du pronom avec lequel on s’exprime hante la page blanche. ‘’je’’ ? ‘’Il’’ ? Va-t-on se dévoiler réellement ?
« Mets-toi tout nu si t’es un homme… » chante Zazie. L’auteur va-t-il créer un personnage capable d’endosser sa propre vérité afin quand même de la cacher un peu, pour ‘’sauver la face’’ ? Ici la question ne s’est pas posée. Nous ne sommes pas dans la fiction. On écrit en torero, trempant sa plume à l’encre de ses humeurs et dans le rythme de sa respiration. Le ‘’je’’ s’impose car l’authenticité prévaut et participe à la belle gravité de ce texte. Poignant est le parcours de cet homme qui du ‘’torero El Nimeno flanqué d’un petit frère’’ évoluera par le courage infaillible de ce dernier, vers le statut de ‘’frère aîné du torero Nimeno II’’ avant que dans ces pages ne s’affirme d’évidence l’écrivain Alain Montcouquiol à l’engagement si entier qu’il appartient alors au cercle très fermé de ceux qui peuvent prétendre « à l’écriture comme une tauromachie »
Certains ont vu dans la belle image qui clôt le texte, de l’adieu à Christian, comme une manière de consentir enfin au deuil de son deuil. J’ai pu aussi admettre qu’il était tellement en lui qu’ils ne s’éteindraient vraiment qu’ensemble. Que ‘’Le Sens de la marche’’ fasse halte dans votre bibliothèque est une évidence.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Après cette longue errance dans les émotions de son passé de Père éducateur du Petit frère porteur de tous ses espoirs, A. Montcouquiol, s’avance-t-il maintenant à grandes enjambées sur la route de la vie qui continue ?.. S’est-il délesté avec la compassion de ses lecteurs, au fil des belles pages de ses deux ouvrages, du poids de ses désenchantements et de sa tristesse ?
D’après la photo, on le croit, on le souhaite.
Une anonyme