Au
théâtre, enfin, à ce noun di diou de théâtre guindé empêcheur
de flamenquer en rond, déjà qu'on a du mal à admettre comme
beaucoup que le flamenco soit un spectacle, c'était relâche, hier.
Et donc nous nous déplaçâmes jusqu'à la salle de l'Atria où se
donnaient deux films, l'un de Jacques Maigne sur le parcours
d'Antonio Moya et son expérience avec les Bacan, les lieux
historiques d'où naquit la chose, tous en andalousie comme chacun ne
le sait peut-être pas, un balayage des espoirs tocaores ou autres
exilés Jerezanos parce que c'est là qu'il faut être pour respirer
ça, ainsi que le toujours astucieux Diego Carrasco qui renvoyait
l'ascenseur en essayant de nous persuader que Nîmes était une place
importante sur la planète flamenca ce qui donnait un petit relent de
promo à ce film. Casas nous avait déjà fait le coup de la « Madrid
Française » et voilà-t-y pas qu'on sentait s'approcher la
Jerez gallo-romaine... On serait pas un peu prétentieux dans le
coin ? Bref, très sympa le témoignage sur les personnages du
mundillo à Port de Bouc, pour finir. Ça donnait envie d'aller y
traîner pour une série photographique. C'est là que Louise m'a
demandé si on allait voir « El Caramelo » cet affreux
petit bonhomme qui ressemble à Claude François en ''moins deux
jours avant électrocution...''
Là,
y'a que ceuss qui regardent ''La France a un incroyable talent'' qui
peuvent suivre...
À
l'hygiéniste lozérienne écolo-infirmière diplômée d'état qui
pour une fois s'était fendue d'un accompagnement compassionnel pour
assister incrédule à une de ces manifestations inutiles (l'Art...)
dans lesquels je la précipite parfois, l'y commettant de force pour
tenter de corroder l'inébranlable pragmatisme qu'elle a en commun
avec toutes les personnes de première nécessité incapables de se
perdre en conjectures esthétiques vaseuses et abstraites, j'ai posé
ensuite cette question :
- Alors, ces flamencos, comment tu les as trouvés ?
Espérant
pouvoir partager quelques considérations superfétatoires certes,
mais néanmoins pittoresques, elle ne m'a lâché qu'un implacable,
objectif et laconique :
Oh
putain... en voilà une qui n'est pas prête à capter grand chose de
l'âme espagnole... pour la punir, je l'y emmène en mai prochain, à
Jerez, tiens, ça lui apprendra ! Au passage, j'ai frémis à
l'idée que pouvait avoir sa famille – et même elle...- de
moi... ! Et pourtant je ne suis qu'un bon père de famille
incapable de plaquer le moindre accord de ''guitarramanuel'' ou
d'étrangler la moindre syllabe en convoquant le vibrato intrinsèque
de mes cordes vocales, un qui fait rien qu'à bosser comme un con
alors qu'il y aurait tant de choses fantastiques à faire sur
Terre.... comme traîner dans les ruelles de Jerez entre deux
écuelles de gambitas al ajillo et surprendre parfois un chant
profond éructé d'une fenêtre (qui vient avec moi?) Et Dieu sait
pourtant, si j'en aurais des douleurs à chanter. M'enfin, bon, tu
comprends lecteur, le week-end dernier, là où je faisais le
revistero flamenco avec ma cop's Lola, elle faisait la toilette
mortuaire d'un de ses patients dont elle avait accompagné les
derniers instants... c'est pas le même monde, t'sais... Quoique...
j'ai pas eu l'énergie et le génie de lui expliquer qu'en ce bas
monde tout se tenait et qu'il y avait de nombreux liens entre les
deux, pour sûr ! Mais le problème, c'est qu'elle s'en fout,
comme de son premier pansement compressif, si tu veux mon avis...
Elle n'a pas le temps de douter, elle... elle se doit d'être
efficace...
S'ensuivit
– je reviens au pestacle - une présentation inutile et longuissime
d'un distingué monsieur qui entreprit de nous brieffer sur les
séquences extraites d'une émission tv des seventies qu'il réalisa,
si j'ai bien compris, avec de magnifiques passages de gens
exceptionnels. Le seul témoignage chanté de Anna Cruz (de mémoire,
hein...) la mère de Camaron, des juergas familiales ou des
prestations intimes comme ce vieux monsieur qui pleurait en entendant
sa femme aveugle chanter ''oscuritas'' (bon... de mémoire
hein...) ou encore cet extraordinaire et beau guitariste qu'est Paco
de Lucia.
Il
y a parait-il, 115 émissions de cet acabit et si on ne nous en
montre qu'une par an, je vous le prédis, on ne les verra pas toutes !
Mais allez, puisque c'est vous, on vous donnera un lien pour vous y
attacher.
Ce
soir, toujours au fameux théâtre de mes... aficionados al cante,
Olga Pericet ! De loin, on aurait dit un petit santon, ou une
figurine playmobil. En tout cas, une jolie poupée espagnole. La petite silhouette ne déplace pas des mètres
cubes d'air et ne défonce pas les planches mais pourtant habite bien
la scène. Propre sur elle et dans son tempo, ses remates enlevés et
précis soulèvent l'enthousiasme. Ce petit bout de femme qui sait
allonger sa silhouette fine en se juchant sur des talons et
prolongeant sa coiffe d'un graaaaand peigne, connait son affaire et
assure avec une certaine élégance bien servie par un ''chauve qui
pouvait'' la faire virevolter autour de lui, toute maniable qu'elle est. Quelle chance a son camarade de jeux.
J'ai
remarqué aussi le magnétisme animal d'un grand type blond soit pas
vraiment le type même de l'andalou des années cinquante qui remit
en ébullition starting-blockée la libido dormante de la mamie à ma
droite qui l'applaudissait à chaque occasion les mains au-dessus de
sa tête ignorant tout à coup les affres d'ordinaire insurmontables
chez le rhumatologue, de son arthrose scapulo-humérale et miaulant à qui mieux-mieux de
suaves interjections borborygmées sous l'oeil catastrophé du papi
qui feignait d'être assis là par hasard sans aucun lien avec sa passionaria.
Pour l'occasion, elle s'était vêtue d'un pantalon moulant (de ses
déformations dues au grand âge et à l'atrophie musculaire) de cuir
noir et d'une mauvaise imitation certes respectable eu égard à la
sauvegarde de l'espèce, de fourrure de guépard du Serengueti... Que
je sois contraint d'aller produire un zapateo honteux sur la scène
du putain de grand théâtre impersonnel qui se la pète
contemporain, si je perds le pari qu'elle n'a jamais exercé la
profession d'infirmière.
Rosa
Metal Ceniza
Il est
parfois déroutant de découvrir la création chorégraphique autour
du flamenco, et les puristes s’en irritent ou s’en détournent.
Le spectacle
de ce soir a dû faire consensus tant la virtuosité de la danse qui
investissait la scène tenait le spectateur captif, du début à la
fin.
La formation
de danse classique d’Olga Pericet transparaît bien mais la
réussite de son art sur scène est de lier jusqu’à la créativité
flamenca toute la gestuelle des deux approches chorégraphiques.
La Rose,
le Métal et la Cendre en fil conducteur du
déroulement des tableaux dévoile d’autres symboliques que chaque
spectateur a liberté de percevoir.
Une poupée
volanté crème chantilly posée dans une posture désarticulée sur
une chaise se laisse réveiller par un lugubre danseur en noir qui
l’anime et l’entraîne jusqu’à la faire exécuter une danse
dont la contemporanéité se transforme, au final, par des sauts
évoquant les boleras.
Fraîcheur de l’enfance.
La
« période » Rose donne ensuite à la danseuse une autre
dimension. Robe moulante fuschia, mantón de
manila aux broderies chargées et peineta
art déco plantée dans des cheveux d’ébène, ses attitudes
(plantes sur scène
appuyés) rappellent souvent les femmes des tableaux de Julio Romero
de Torres. Premier moment fort, tant ce petit bout de femme gracile
donne avec force, maîtrise et virtuosité une danse époustouflante
d’esthétisme et d’émotion. Son jeu de châle est une merveille
visuelle.
Pour rester
dans les « périodes », le tableau suivant nous la livre
Femme, fougue et douleur. Robe flammée, courte et fendue, tout son
art explose. Séduction, trahison, séparation donnent des instants
de danse (pas de deux avec l’homme en noir) d’un esthétisme
incroyable ….. jusqu’à la scène finale où un
homme-ouragan fuse de l’obscurité et l’arrache littéralement
des bras de l’aimé, l’emportant vers les ténèbres
(extraordinaire jeu de scène et bravo à la virtuosité de
l’éclairagiste !)
Au final, la
danseuse paraît moulée dans une bata de cola
noire et brillante. Un travail de bata
avec l’homme en noir revêtu d’une longue redingote donne une
solennité élégante qui n’est pas sans rappeler une fin
(d’amour ? de vie ?) … Zapateos
maîtrisés, déplacements et braceos
…. Les enroulements de corps des danseurs rappellent parfois ceux
de la poupée désarticulée du début du spectacle.
Chants,
guitares, palmas … tout était en harmonie et en fusion avec ce
beau spectacle de danse dont il serait impossible de taire le solo de
danse de Jesús Fernandez qui a littéralement tétanisé et subjugué
la salle !
Belle mise
en scène, beaux effets spéciaux (« respiration-souffle »
de la forge –allusion au métal-, lumière du « rapt »
…) beau vestuario de
la danseuse, un moment fort de ce festival. Bravo.
Maja Lola
4 commentaires:
Si le flamenco consiste à exacerber ses émotions, d’autres les dansent à coups de traits piquants, qui partent dans tous les sens dans une atmosphère de joyeuse tristesse.
Merci pour cette soirée partagée.
Gina
La vieille dame aveugle est Maria la Sabina. Et ce passage a été un des plus émouvants ... arte puro y genuino. Bien loin du flon-flon volanté qui, je dois l'avouer, a aussi ses charmes. Pas le même monde, comme tu dis dans ton texte, mais "en ce bas monde tout se tient ..." (sic)
Quant au distingué monsieur il s'agit de José Maria Velazquez-Gaztelu qui a filmé pendant des années ces scènes vraies, prises sur le vif dans de nombreux lieux improbables mais toujours authentiques dans l'émotion du réel.
Je crois d'ailleurs que Ludo, éminent flamencologue, avait abordé cette richesse documentaire sur Radio Falseta ....
Moi, depuis que j'ai vu danser la del titi, je suis comblé...!
"Rito y Geografia del cante", on peut voir cette extra-ordinaire, et je pèse mes mots, série sur You Tube.Le cante comme on ne le verra plus, comme certains n'ont pas idée, comme viatique pour l'aficionado, le cabal ou l'impétrant. Jose Maria Velazquez, rencontré l'an dernier, est un homme délicieux, aficionado a los toros de surcroît :
http://pinchosdelciego.blogspot.fr/2008/10/le-sonnet-de-curro.html
putain , quels mano a mano Lola Delon et Marc Maja !
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