Hélas,
à peine aviez-vous repris goût aux resenas en double aveugle de
votre pareja chroniqueuse flamenca préférée, que celle-ci avait
fait l'impasse, et sans s'être concertée, sur la cousinade
organisée par le nîmois Antonio Moya d'Utrera... qui pour ce qu'on
en a rencontré, généra des appréciations aussi diverses que
variées. Unetelle déclara que « voilà, le flamenco que
j'aime c'est ça, sans chichi, simple et authentique, comme il est
pratiqué entre eux quand il n'y a pas de public » tandis qu'un
autre nous déclara « qu'à part Moya et un autre, le reste de
la troupe ne motivait pas le déplacement » débrouillez-vous
avec ça et vos canaux informatifs payants habituels dûment
corrompus par le système.
Ce
soir, nous avons fait le déplacement. En se concertant. Avec la
parfaite, la distinguée, la fine, la délicate, l'incomparable Maja
qu'est Lola. Alors qui ai-je vu ? Ah oui, le territorio flamenco
de l'Extremadure, avec tout d'abord l'entrée tonitruante d'une
immense silhouette, tranchante comme une lame et sèche comme une trique, mixte entre Averel Dalton et un ténor de la NBA
pour un baile de grande amplitude : tu m'étonnes, avec ses 2m08
au bas mot, victime de son morphotype, qu'il était. Et encore quand
on dit bas... Un physique à tourner dans le ''Django Unchained'' du
dernier Tarantino que je vais m'empresser d'aller voir because i love
westerns movies y Tarantino tambiem. Bref, sous le grill des
sunlights, aucun mosquito dans l'espace aérien personnel du cow-boy
qui défouraillait d'impressionnants moulinets dans le vent, à tout
va, sans recharger. Une sorte de Don Quichotte de la plancha, quoi...
(pas mécontent de ma trouvaille... ben si, les moulinets sous le
grill... non ? Laisse tomber...) Suivit une jeune fille -dix
huit ans parait-il- strictement vêtue comme une anabaptiste Amish,
chanteuse déjà bien talentueuse qui saura nous émouvoir dès
qu'elle aura perdu deux ou trois êtres chers, vécu des amours
malheureuses et se sera colletée à une misère encore plus noire
que celle, commune, de l'Extremadure abandonnée, son austère
patrie.
Entra
ensuite un cantaor distingué vêtu comme Franck Sinatra en récital
au Carnegie Hall qui dilata illico la pupille de Lola qu'est Maja,
éminente recruteuse à qui on ne l'a fait pas question repérage
instinctif de représentant avantagé du genre masculin : la
preuve, elle était assise à côté de moi... (Oaah ça va... on
peut déconner, non ?) L'élégant, qui doit aller sur Madrid acheter
ses costumes ajustés – ouais parce que je les ai faites les
vitrines de Caceres et Trujillo, moi...- tient bien la note, est un
virtuose de l'expiration forcée, vibrée, modulée, jusqu'à
s'étouffer, mais todo perfecto. A séduit mes deux oreilles que
j'aurais pu lui attribuer en trophée si je n'étais pas si attaché
à tous mes appendices, quels qu'ils soient.
Puis,
« Django déchained'' revint, redistribuant des beignes
imaginaires à de virtuels adversaires qui inspirèrent peut-être à
ma voisine de droite les coups de coudes qu'elle me refila dans le
flanc, le corps agité de soubresauts que seul Peterhansel connut
dans les dunes du désert d'Atacama. Vérification faite, elle
réprimait à grand peine de puissants éternuements puis cherchait
des kleenex récupérateurs d'humeurs dans toutes les poches
impraticables de son blue jean slim destroy.
Al
final, la troupe s'emballa, tous ensemble tous, pour un final à la
Coppé, décomplexé, lâchant enfin cette retenue à la Fillon pour
faire de la scène une sympathique auberge espagnole enfin flamenca,
dans ce putain de théâtre qui s'y prête si peu, où les
spectateurs bien rangés sur leurs tendidos auraient la fâcheuse
tendance bien franchouillarde à vivre le moindre « Olé ! »
fusant dans l'obscurité comme une incongruité.
Mon
errance solitaire pendant l'entracte alors que Lola cédait à ses
nombreuses obligations mondaines, me conduisit devant une table où
l'Extremadure pas bégueule et opportuniste faisait découvrir son
jamon de bellota qu'un trancheur professionnel en livrée n'avait pas
le temps de découper devant une rangée de poules que leur ligne
aurait pourtant dû préoccuper, qui le picoraient frénétiquement
sans laisser à l'assiette le loisir de s'emplir. N'écoutant alors
que ma mauvaise éducation, je réussissais dans la mêlée à
m'emparer d'un retaillon dudit jamon, audace que je ne devais pas
regretter tant la viande était fondante et le gras exhausteur de ce
fameux goût inimitable de ''beurre rance de noisetier'', le rang
serré des poules picoreuses se reconstituant immédiatement en
décochant ses regards réprobateurs oblitérant toute chance de
récidive. Buenas noches.
EXTREMADURA,
TERRITORIO FLAMENCO
Belle
surprise que cette soirée de flamenco puro
et dépouillé grâce à ces artistes extremeños
talentueux et généreux …
Du haut de
ses 18 printemps, Celia Romero, entourée d’un cuadro dont la
jeunesse ne nuit à la maîtrise de leur art, nous ont servi une
première partie toute en sobriété dans un crescendo rythmique des
palos que la jeune
chanteuse annonçait avec fraîcheur et (presque) timidité.
Soleá,
Alegría, Malagueña, Tango et Bulería.
Oui, ces jeunes prometteurs et talentueux sont une pépinière de
futurs grands triomphateurs de tablaos.
Deux palmeros, Pilar
Garcia et Félix Romero, Francis Pinto à la guitare et la voix pure
de Celia Romero qui, dans une Alegría,
prenait des timbres rappelant Mayte Martín … et voilà une mise en
bouche qui nous conduit vers l’intensité de la seconde partie …
(D’aucuns
m’ont avoué avoir dégusté un délicieux « pata negra »
d’Extremadura servi à l’entracte : je ne puis, hélas, vous
dire si la bellota l’avait suffisamment parfumé …. !)
Pedro
Cintas, élégant et racé de mise, nous affranchit bien vite :
le ramage est encore plus brillant que le plumage. Sa voix est forte,
sans voile, bien posée et capable de sortir toutes les nuances
(matices) de quejíos
longs, profonds, douloureux, qui captent
l’écoute et l’émotion.
Tango
et Bulería offrent au
danseur Jesús Ortega champ libre pour exprimer tout son art. Coiffé
d’un moño à la
Joaquin Cortés, il se lance dans des zapateos
puissants et secs, au compás maîtrisé,
et des glissements latéraux rapides des pieds qui paraissent peu
habituels, dans un braceo
tout en hauteur (il doit mesurer 2 m !).
Généreusement,
le final en groupe de tous les artistes, classique dans le genre
jaleo, offrent une
patá à digne des
bons tablaos … mais tout en sobriété, moins bruyants …
différents des autres régions flamencas plus agitanás
mais pas moins méritants : une autre forme d’art, plus en
harmonie avec la région rurale, rude et secrète qu’est
l’Extremadura.
Belle soirée
…. n’étaient les « ouais …. » ….. « vas-y
…. » d’un quidam qui hurlait deux rangs derrière, persuadé
qu’il était de suivre un match de foot au Stade des Costières !
Maja Lola
1 commentaire:
Entre Le Monde selon Marc et La Pensée des lumières, on s'offre un grand moment de lecture.
Gina
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