Encore
groggy de la nuit, j'ai entrouvert les persiennes métalliques de la
fenêtre de ma chambre et en une seconde j'ai perçu que plus rien
n'était comme avant. Plus rien n'était gris. L'herbe était verte
et le ciel azur. La petite pluie froide des jours derniers, s'était
muée en bon gros soleil. De 15° on était passé à 24°, comme ça,
par magie. Il y avait dans l'air comme un frémissement que je
reconnaissais. Dehors, j'ai renversé la tête dans le soleil, le
laissant me réchauffer. C'était bon. Cela diffusait mon sang un peu
mieux dans tous mes membres dont le plus court n'était pas le moins
irrigué et cela me réveillait doucement. Pour une fois, la
cafetière s'est mise en branle immédiatement pour l'expresso du
matin, tous réservoirs vides et pleins et voyants conformes. Vide
celui du marc, pleins ceux de l'eau et du café en grain. Voyants
verts. C'est un régal cette machine : elle moud les grains
juste avant d'exprimer le café et tout l'arôme est dans la tasse.
Tous ceux qui le goûtent, immédiatement frustrés de n'en avoir pas
un aussi bon à la maison, m'opposent qu'elle doit valoir la peau des
fesses... Un argument idiot dit avec l'aplomb de tous ces bobos
écolos qui payent le café quarante fois plus cher au kilo grâce à
leurs capsules alu chics et colorées. Ma cafetière s'est remboursée
toute seule au bout de cinq mois... et comme je n'ai jamais fantasmé
sur Clooney...
Bon,
sinon, what else ? Espresso ristretto distillé à petite gorgée
sur la terrasse en observant la navette frénétique des merles à
bec jaune qui pillaient le cerisier de leur vol coupable et furtif,
il a bien fallu partir travailler. En sortant j'ai croisé le
''regard camera'' de José Tomas, un portrait que j'avais accroché
la veille au mur du salon, dont je vous reparlerai. Il n'exprimait
rien de spécial et disait beaucoup à la fois. Je suis arrivé en
retard à tous mes ''domiciles'' sans exception. Je n'avais pas la
foulée du travail. Dans ma tête, déjà, le rendez-vous du soir. A
vrai dire, leurs douleurs et jérémiades, leurs handicaps et leurs
compensations ne me concernaient que très peu. J'ai averti tout le
monde que « pour cause de Pentecôte » je ne les reverrai
que mercredi prochain. Oui, dans une semaine.
Certains
m'ont demandé quand commençait la feria. Aujourd'hui. Non, mais la
grande feria, là, avec toutes les corridas, c'est quand ?
Aujourd'hui. C'est ce week-end les corridas, alors ? Non,
aujourd'hui. Pas la corrida ? Si, aujourd'hui. Ah, bon ?
C'est aujourd'hui ? Aujourd'hui, à six heures. Noooon ?
Si. Aujourd'hui. C'est dans le journal, la radio et la télé. Faut
suivre. Le temps de tous ces vieux passe si lentement qu'il semble ne
pas passer.
Dehors,
les filles avaient troqué leurs jeans et bottines contre des robes
légères et des escarpins élégants. Enfin, pas toutes, celles que
je regardais, seulement. Une maman s'est engagée sur la chaussée
poussant son bébé dans sa poussette. J'ai fait piler la petite
Rover rouge que le garagiste m'a prêté pour la laisser passer ;
elle avait une très belle allure et le sourire dont elle m'a
gratifié donnait envie d'être le papa. Le printemps est bien là,
plus rien n'est gris. La machine a vrombi à nouveau pour un nouvel
espresso ristretto con minuto mecanico hecho en Cuba. La cendre vient
de tomber sur le clavier, vous êtes au cœur même de ce texte... Le
ciel est toujours d'azur et une brise légère s'est levée alors que
l'échéance se rapproche. Mes pensées restent grises. A la maison, on a bien senti que petit à
petit je me désengageais des charges du travail et de la famille.
L'aficion obsédante en ligne de mire. Dans le terrain l'herbe est
trop haute et la tondeuse en panne, dans la maison le frigo vide. Ça
m'est devenu égal. Dehors plus rien n'est gris et tout est gris.
Comme les six Victorinos Martin reclus dans leurs chiqueros où
quelques claustrophobes amateurs de littérature viendront ce soir
maculer leurs toilettes à la bouse fraîche dans le remugle des
anthracites tout juste morts pour nous, en écoutant les nouvelles du prix Hemingway. Que la corrida ait été
bonne ou non, qu'on ait eu raison ou non d'être impatient de la
voir, est une tout autre histoire qui ne s'écrit jamais avant que le
sable n'ait bu leur sang. Car, ne vous en déplaise, le seul
spectacle dont les enjeux sont majeurs et réels va bientôt
commencer.
6 commentaires:
Comme quoi, un ciel bleu après la pluie, ça change tout.
gina
Ben oui, et on était contents d'y être. Quand même. Et même si.
Et les filles étaint belles. Comme elles savent l'être quand il fait beau. Donc,noune sommes pas venus pour rien.
Les chiqueros étaient relativement propres .... tout juste ce qu'il faut pour ne pas salir nos toilettes !
Belles lectures servies par des dictions intéressantes ...
Recherche vaine dans la foule d'un quidam peut-être déçu par la corrida de l'après-midi ?
le quidam fortement sollicité par de multiples demandes a préféré les zapper toutes et rentrer sagement chez lui bosser (ça vient, ça vient...) sa journée de bloggeur après sa journée de kiné, d'autant qu'après trois heures debout et des kilos de matos photos à trimballer, non merci...
un quidam qui fait attendre una maja, un luxe machiste!
Hola Chulo !
Eres todo un caballero ... a lo que leo ...
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