Supposons : vous êtes un torero d’opérette mondialement
connu. Vous chantez agréablement dans les théâtres du monde entier. Votre costume
de ‘’toréador’’ est très seyant et vous donne fière allure. Les femmes,
notamment, pensent que vous portez beau. Vous vous déplacez avec la superbe du
héraut de bon augure. Vous prenez des postures de héros. Votre muleta virevolte
à chacun de vos demi-tours et vos effets de manche envoient jusqu’au fond de la
salle le scintillement élégant de celui qu’on n’oubliera pas. Des années durant
vous en avez profité, vous avez pu ouvrir les bras, bomber le torse et cambrer
les reins, vous élancer et survoler le commun des mortels, ces blattes atterrées.
Vous étiez ''Birdman’’. Icare n’était qu’un moineau désailé et vous faisiez vôtre
cette devise << Peu importe à l’aiglon qui plane, le piaillement des
oiseaux de basse-cour >>
C’est déjà pas mal, non ?
Beaucoup s’en contenteraient, beaucoup considèreraient avoir atteint leur but.
Seulement voilà, si le public vous adule, vos pairs, eux, ne sont pas dupes,
pas plus que votre for intérieur face au miroir. Ce que vous aimeriez vous, c’est
savoir enfin ce que vous valez. Vous confronter vraiment au métier. Faire
sortir le toro de la vérité. Que le super ego chasse le super héros qui vous
hante comme un démon personnel - alors les Amerlocks, on copie le gainsbard du
Gainsbourg cinématographique ? Quitter les planches pour le sable de l’arène.
Et encore, pas avec du Domecq précuit de festival pour empresa arrangeante. Non,
avec du brut, du sauvage, de l’encorné farci de pièges, nu sur la plancha, pour
claquer enfin la gueule du tendido siete, seul, et six fois de suite.
Et donc en tant qu’acteur, là
où l’exigence est la plus forte, Broadway à qui on ne la fait pas, qui en a tant
vu, tant jugé, qui sait voir, déjouer faux-semblants et vérités. Qui sait de quoi
on parle quand on met en scène la
nouvelle de Carver : What we talk about when we talk about love ?
Alors on suit ce film haletant
qui se déroule en une même unité de temps et de lieu comme un plan séquence
unique poursuivi jusqu’à son terme dans le suspens et l’investissement maximum
d’un être qui veut savoir s’il a les qualités fondamentales pour être aimé dans
la voie qu’il s’est choisie. Avec un casting qui a d'autant plus de sens quand on fait jouer le rôle titre par Michael Keaton qui sort ainsi d'une traversée du désert de plus de quinze ans.
1 commentaire:
< Peu importe à l’aiglon qui plane, le piaillement des oiseaux de basse-cour >>,c'est si facile à démontrer que ça me plaît autant que le film et la façon dont vous en parlez.
Enregistrer un commentaire