lundi 30 mars 2015

Défis

Pour moi, ce matin, se lever était déjà un défi. A la vérité, m'endormir en avait été un autre. Quand la gamberge de tout ce qu'il y aurait à faire durant le week-end se met en route, les moutons s'égaillent dans la forêt environnante. Plus moyen d'en voir sauter un. Et puis la douche, brûlante, fenêtre ouverte. J'aime bien sentir l'air du matin, me décaler du faisceau de la douche au zénith, avoir froid, puis me réchauffer à nouveau sous l'averse chaude. L'eau chaude réveille : vaso-dilatation, irrigation des moindres zones – eh oh, ça va, hein – réveil généralisé subséquent.



Je suis allé récupérer le courrier de la semaine abandonné dans la boîte. Il m'est devenu pénible d'ouvrir le courrier. Il faut dire que n'arrivent que des lettres contrariantes, des pubs, des factures. Nîmes Métropole m'écrit pour me dire que mon installation d'assainissement d'eau est non conforme. Que ça va me coûter entre sept et quinze mille euros. Très drôle. Depuis quinze ans ma fosse septique marche très bien, ne dégage pas d'odeur, remplit son rôle. Ils me disent que c'est pour la santé des voisins que je vais devoir agir. Je projette de leur chiader une lettre où je leur expliquerai sans équivoque que je les emmerde, la SPANC... et que je convoquerai plutôt la pompe à merde que la pompe à fric. Qu'ils se retournent contre le terrassier qui m'a équipé, et qu'il vienne réparer ce qu'il a mal foutu : je ne suis ni compétent ni responsable de son travail, moi. Si je vais manger dans un restaurant où les plats sont mauvais, je ne crois pas que l'inspection de l'hygiène m'oblige en tant que client et propriétaire de mon repas à nettoyer les cuisines et remplacer les vivres avariées, ou à cuisiner un autre plat, si ?



La première gorgée de mon café juste moulu – 85% Arabica, 15% Robusta – me réveille un peu mieux. J'aime le bruit du moulin qui broie les grains luisants, libérant l'arôme juste pour ma tasse. Avec délectation je pense à vos dosettes colorées qui propulsent le prix du café au kilo cinquante fois plus cher que son cours. A ce compte-là je rembourse ma machine à café deux fois l'an mais bon, continuez avec vos dosettes, c'est joli, ça plaît à madame, etc, ok, ok, chacun son jus.



Au troisième expresso je deviens plus sociable, le centre de la parole se remet en branle et je décrète que cette fougasse est vraiment excellente, grasse à souhait, son papier d'emballage tout maculé... une vraie pompe à huile. Il serait plus judicieux d'aller courir. Je pense qu'à l'heure où ferme le bureau de vote, je glisserai mon bulletin dans l'urne peu de temps avant que Fandino glisse sa première épée léthale. J'ai de gros doutes sur sa capacité à animer un seul contre six qui est un marathon tellement révélateur. Les premières infos ne sont pas en faveur d'un moment d'anthologie. Je viens d'envoyer un sms à un ami présent dans les tendidos de Las Ventas à qui j'ai demandé : Alors ? Fandiño ? Sur une échelle de un à dix ?

Pour le moment, trois. Me répond-il...



Je ne suis pas vraiment surpris mais quand j'ai moi le défi d'aller voter et de monter une table de jardin Ikea dans la journée, lui, ce jeune homme, se présente devant six toros de respect avec un chiffon et une épée. A Madrid. Chacun son destin. Ça y est, la confirmation est venue : il s'est lourdement planté. Il n'empêche, il garde tout mon respect, même si mon index écorché a saigné un peu, au montage de la table. Sa blessure à lui sera tellement profonde qu'il y a un danger qu'elle ne cicatrise jamais voire s'infecte et l'ampute d'une grande partie de cette si nécessaire conviction qu'il doit falloir pour se présenter à la tête d'un toro. 

2 commentaires:

gina a dit…

Conclusions : pour s'éviter une grasse fougasse au petit-déjeuner, inutile de se peser, passer chercher son courrier.
Pour se blesser sans se plaindre, penser au torero dans l'arène. Pour oublier ses factures, partir voter en rêvant !

Pedroplan a dit…

Pour ce qui est de Fandino, le pari avait tout du coup de poker. Mais bon : même avec des oreilles les uns contre six sont souvent mortellement ennuyeux : voir Perera en septembre, Castella naguère. N'empêche que : on attend le solo Delon contre six tables de jardin aux arènes de Nîmes (pour commencer).No hay billetes assuré...