Inherent vice de Paul Thomas Anderson
Alors là... j'avoue, je n'ai pas tout
compris... c'est peut-être pour ça que j'ai aimé.
Enfin, aimé, c'est peut-être un peu
fort. Disons que je n'ai pas détesté me faire enfumer deux heures
et demie durant, par ce ''power flower thriller'' jointé et déjanté,
par sympathique réminiscence nostalgique des Seventies. Eh ouais, je suis assez vieux pour les avoir traversées.
Tout en ayant ressenti la déception
d'une musique de film pas à la hauteur alors que l'époque avait
pourtant produit du choix psychédélique à la bonne fragrance de marijuana.
Joaquim Phoenix alias Doc Sportello plante un détective halluciné sous permanente inhalation herbeuse
exotique. C'est comme un Puzzle géant, un labyrinthe
incompréhensible, une jungle inextricable. Et au bout de... pas
longtemps, on est aussi perdus que le Doc, à croire que la fumée de
ses pétards traverse l'écran. On balance en danger de quitter
prématurément la salle entre l'envie du décrochage et l'intérêt
de l'image mais au fil des tafs tirées par une loco Sportello à faire pâlir celle de la ligne Anduze-Saint-Jean du Gard, et une
fois admise l'idée qu'on restera enfumé par l'énigme brumeuse, on
perd la force de s'en aller et on laisse, dépité, planer le
planant scénario que chaque information supplémentaire devrait
contribuer à dénouer – c'est notre vœu de spectateur – mais
complique encore un peu plus. Or, si le Doc vaporetto fume pour
oublier, nous, à qui cela pourrait faire passer le temps, on se
rappelle que désormais tout est interdit. Des fois qu'il y aurait un détecteur de fumée brumisateur de mousse apyre au-dessus de nos têtes...
Bref, faut pas y aller avec un esprit
sain et rationnel, un raisonnement logique ou une quête impatiente
de vérité : passez d'abord à la Bodeguita écluser trois
Mojitos, rejoignez, titubant, la salle obscure en tirant sur votre puro
négligemment écrasé d'une rotation pointée de l'avant pied sur le
trottoir du Sémaphore sous le regard horrifié-répprobateur des
enseignants socialistes de la Rome française et de la Madrid
languedocienne, faites-vous tancer par le caissier de ce haut lieu de
la culture nîmois pour lui avoir demandé s'il restait encore des
places au fond alors qu'il en a vendu quatre... calez-vous dans votre
fauteuil de la rangée du fond, donc, et, jambes allongées, yeux
mi-clos, c'est parti pour la fumette embrumée du tendre Doc
Sportello qui a comme nous tous, gardé dans un coin de sa tête un
souvenir ému de son premier émoi, un vice propre à l'amour, qui l'amènera à
s'enfoncer dans ce pétrin glauque et fumant.
1 commentaire:
C'est savoureux ...à lire, excellent!
Si " faut pas y aller avec un esprit sain et rationnel, un raisonnement logique ou une quête impatiente de vérité", alors, on est trop intelligent, on n'ira pas.
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