lundi 29 juin 2009

LE GALA DE DANSE

Bon alors, comment on les place les bras ? On a répété pourtant, qu’est-ce qu’elle nous a dit déjà ? Comme ça ? Ouverts en delta et souriante parce qu’on a reconnu mémé dans la salle ? Ou toute pensive et déjà pleine de grâce d’une brassée certes pas assez courbe mais au moins symétrique, poignets fléchis, mains en pronation ? Mine contrite et bras en suspens peut-être, ni ouverts, ni serrés, ni en l’air, ni en bas - si on pouvait être ailleurs… - et quitter cette allure d’échassier désailé… Tiens ben moi, chui pas très concerné mais j’leur fais le V de la victoire si ça leur fait plaisir, mais pour le sourire ils repasseront, j’le sens pas là… Sont nulles ou quoi, les autres ? Moi je regarde le chorégraphe dans la coulisse et je vois bien qu’il faut éclairer le plateau de mes chandeliers brachiaux… n’importe quoi…

Branle-bas de combat, c’est le gala. Le gala de fin d’année où les professionnels vont montrer aux parents le bien fondé de la cotisation demandée pour dégrossir leur progéniture. Dans la salle, tout le parterre est acquis à la cause des artistes en herbe. Les mamans sont en talons hauts et petites robes fleuries, bijoutées-maquillées-décolletées car l’heure est grave : la grâce et la féminité du nom que l’on porte est en jeu et doivent se répondre de la scène à la salle en ce couple mère-fille si fusionnel et conflictuel. Les papas ont déployé l’artillerie lourde : le dernier cri High-tech numérique est en batterie. Parfois le camescope repose sur un pied entre les jambes et le compact trône dans l’autre main.

- Vous avez quoi vous ? Ah…. Moi c’est un Canon !
- Aaaaah… dix millions de pixels, le vôtre ? Moi, quatorze…

Papi a chaussé ses deux bananes auriculaires car il a l’impression qu’il voit mieux ainsi et mamie a rajusté son râtelier avec « fixodent » tandis que le collier de perles qui jadis chutait élégamment entre ses seins peine à ne pas être un ras du cou étrangleur. Eh oui mamie, on ne peut pas tout avoir, les goûters en Avignon chez le very cosy ‘’Simple Simon’’ et ses bons gros gâteaux à la crème, et un cou de Karen, vous savez les femmes-girafes ? Vous avez choisi les gâteaux et c’est éminemment respectable d’autant que papi peut compléter, question perles, pour l’année prochaine.
Dans ce genre de spectacle, on s’emmerde grave devant la gaucherie généralisée des enfants des autres et on s’éclaire soudain dès que la silhouette de sa petite apparaît :
Dieu comme elle est belle ! Franchement, hein, rien à voir avec le fait que ce soit ma fille, mais regardez comme elle est rayonnante au milieu de toutes ces petites mal coordonnées… ‘Reusement qu’elle est là pour le groupe !
Et vas-y que j’applaudis à tout rompre, c’est ma fille à moi !!! Même que j’lai enfanté en accouchement sans douleur vu que c’est ma femme qui s’en est chargée. C’est pas pour dire mais il faut être objectif : elle les enterrait toutes, vous avez vu ? Cette grâce, cette interprétation bien sentie, cette beauté… C’est bien simple on aurait dit qu’elle était seule sur scène…
Bon, voilà, ça c’est fait, on peut ranger les apn, c’est aux autres maintenant, même plus besoin d’applaudir, on va discrètement fermer les yeux et se reposer. Si seulement j’étais pas entouré par les beaux-parents, je rejoindrais la buvette… Quoique, la plus alcoolisée des boissons servies ici, c’est le Fanta citron : pas glop….
Mais soudain les petites filles graciles et fragiles ont fait place aux jeunes filles toniques, jarrets d’acier et poitrine haute, fessiers bombés et regards de velours et là… dans l’oeil des pères, luit comme un léger regain d’intérêt. Plus exactement, l’œil débonnaire et bienveillant s’est instantanément mué en prunelle de loup en chasse. La houle des corsages captive, les reins cambrés fascinent, et tout à coup c’est la révélation :

On aime la danse !

Et soudain, c’est le drame : un roulé-boulé aussi inattendu qu’exhibitionniste, quasi érotique, révèle à tous les papas les belles fesses fermes et juvéniles des moins pudiques, en panoramique technicolor… en toute innocence, ce qui est, nous en conviendrons nous qui connaissons la vie, d’autant plus troublant… les papas du premier rang ne s’en relèveront d’ailleurs pas de sitôt et un accompagnement psychologique sera nécessaire pour verbaliser le traumatisme. Je dois dire que ce n'était pas la plus élégante des péripéties dansées qu'il ait été donné de voir... De plus, la plus jolie -comme par hasard- avait oublié sa grande culotte noire à la maison semble-t-il...
Le photographe n’a pas raté ça pensez… et encore, il n’a pas mis la plus… Olé-Olé… et a flouté les visages… pas fou… les procéduriers sont aux aguets !

Moi, si c’est ma fille qui fait ça, je raye de la carte tous les représentants de la gent masculine en âge de fantasmer sur la jeunesse ! A commencer par le chorégraphe !! T’aimais la danse ? Eh ben oublie ! Une balle dans le bulbe et basta !!! Au 11,43 et balles blindées. Méthodique dans les travées, stoïque dans les rangées. Je nettoie, je purifie. A la Corse : T’as vu ? T’as pris ! (ta bastos…) J’ai pas fais la septième merveille du monde pour que son intimité soit vue en gros plan par un parterre de bien-pensants hypocrites et refoulés, si ? Non !




























3 commentaires:

Anonyme a dit…

Je parie que papi peut aussi compléter en matière de bedaine!

Papa est attendrissant de vérité.

Mais avouons que le photographe-écrivain, il est toujours là au bon moment, à croire qu'a lui seul s'offrent de truculents instantanés. Il n'a pas l'air d'avoir inventé!

Gina

Anonyme a dit…

D'une élégance rare , cette chorégraphie des grandes,en effet!Et puis dans de magnifiques costumes de ballet!
y des pères qui vont attendre avec impatience le gala de l'an prochain!
Enfin ,ceux dont ce n'était pas les filles qui exécutaient cette danse espiègle...les ventes de beta bloquants vont augmenter dans les deux cas.
isa

Anonyme a dit…

Et on peut toujours cliquer sur les photos pour les agrandir!
l'autre isa