samedi 10 juillet 2010

Ver Pamplona






































































Voilà, moi je suis occupé avec des vaches laitières, des truites et des champignons, d'autres y sont et pour ceux qui voudraient voir un peu l'ambiance de là-bas, je vous laisse méditer une dizaine de jours là-dessus car je ne veux plus voir le moindre PC durant ce laps de temps.
Ni écrire une ligne. Reposer mes yeux, respirer, dormir, oui, dormir, se coucher avec les poules, se lever avec les lapins. Des vacances très "années soixante" en somme. Celles qui font chier les ados à qui on aimerait expliquer un temps dont ils n'ont rien à faire, à juste raison, car la nostalgie ne les a pas encore envahis.

Va pour l'Onfray attitude, découverte avant lui, le recours aux forêts : se coucher dans l'herbe du sous-bois, s'y endormir, cueillir des fraises des bois, cuire des confitures de fraises des bois, peigner des myrtilles, cuire des tartes aux myrtilles, traquer les coulemelles et les pieds de mouton, poêler les coulemelles et les pieds de moutons... avec de l'ail, et du persil. Pas le persil du supermarché, le persil du jardin à Roger. Du persil au parfum d'un autre monde, comme la tendreté de ses blettes et le goût de ses carottes. Filer l'aligot, manger le sac d'os, enfourner la môche, réchauffer la flèque. Fumer un havane, quand même, parfois, la nuit, dans le jardin, quand tout le monde dort, quand il fait froid même au coeur de l'été, que la brume descend et mouille les os mais qu'on ne bouge pas parce que le cigare n'est pas fini, parce que c'est un luxe, cette fraîcheur, quand sévit la canicule, parce qu'on est trop épuisé pour aller se coucher et qu'on est enfin seul avec ses pensées, et qu'il faut admettre que tout ça s'arrêtera un jour et qu'on se rappelle ceux, déjà partis, à qui on a pas eu le temps de dire encore une fois qu'on les aimait, de cette fois-là, qui manque tant. Alors les yeux aussi s'embrument pour se confondre avec le ciel dont on nous a bassinés depuis l'enfance qu'il serait habité, pour que les drames soient supportables. Moins inhumains. Sans doute l'entourloupe ultime, mais bon, a voir, lors de notre propre évaporation dans les brumes, sans idée préconçue, au cas où... Et puis ce type qui marche seul, sur la route luisante de ce bout du monde et s'arrête pour croiser longuement mon regard, soudain au fait de ma présence. Qui est-il ? Où va-t-il ? Pourquoi marche-t-il la nuit et sous la bruine ? Que pense-t-il à voir rougeoyer l'extrémité de mon cigare et le nuage de fumée monter au-dessus de ma tête ? Pourquoi me vient à l'idée qu'il ne peut s'agir que d'un fou, d'un pénitent ou d'un assassin ? Et moi, qui suis-je, dans son imaginaire ? A-t-il hésité à venir me rejoindre ? Il a repris sa route maintenant et moi mes pensées embrumées. Malgré les apéros géants de Facebook, les ferias, leur tumulte, la musique, l'appartenance à la communauté, les fêtes, la convivialité des blogs, malgré les diverses apparences, malgré l'amour, ce type, tout seul sur cette route luisante de ce coin perdu dans la brume d'une nuit qui bruine, est peut-être celui qui a moins peur, dont le destin individuel est assumé. Dans sa tête on est toujours seul et le silence de cette confrontation peut être violent. Alors ce type, déparasité du bruit ambiant des vuvuzelas de la société, forcément connecté avec lui-même, qui passe pour un original inquiétant, ne préfigure-t-il pas le destin de chacun ? Il me faudra aller à Pamplona, un jour. On est si loin de l'esprit de Pamplona dans la Lozère profonde. En attendant, et puisque je n'y suis pas, c'est de ce type dont je me sens proche. Depuis un quart de siècle, c'est la première fois que je n'irais pas à Céret... pas envie des bouchons de l'autoroute, de bruit, de foule, de canicule, d'alcool. Je sature.
Là où je vais, rien ne passe, ni tourisme de masse, ni portable, ni ADSL. Qu'un passant nyctalope. Je regarderai la finale de la coupe du monde de football sur un vieux poste à la résolution neigeuse, où le ballon est aussi aléatoire à distinguer qu'un cèpe dans les feuilles mortes. On a piqué une fourchette dans la lumière de l'antenne cassée pour améliorer la réception.

No fax, no email, no SMS, no telefono, solo mi et le cheminement solitaire de la vie intérieure.

Au loin, juste avant de disparaître dans le virage, le type s'est retourné une dernière fois et m'a salué d'un geste gauche. Les palpitations de mon coeur se sont accélérées. Il attendait. Je lui ai rendu son salut. Il a repris sa marche et moi celle de mes pensées. Il y avait un lapin dans le potager de Roger. La bruine avait éteint mon cigare. J'avais toujours envie de pleurer, et si j'avais voulu m'isoler, j'étais tout d'un coup heureux de me sentir moins seul.













11 commentaires:

Anonyme a dit…

Voila, c'est ça, allons à l'essentiel...La vie , la vraie,pas celle qu'on croit plus confortable et plus douillette parce qu'on a tout et plus...Le temps respirer,d'émettre des radicelles vers la terre et de s'en nourrir...pour mieux repartir, savoir où sont les vraies valeurs,les vitales, celles qui permettent de voir l'agitation du monde avec du recul.Pourquoi crois tu que je persiste à vivre et à travailler perdue au milieu de nulle part?
Ton cigare est de trop, ta prochaine étape ce sera SANS, même si tu restes persuadé que j'ai tort. Juste couché sur le dos,regarder les étoiles ,écouter le bruit du vent, de l'eau, des arbres...
isa

ludo a dit…

beau texte, belle empathie cosmogonique.

ludo

Marc Delon a dit…

Aaaaah décidément, les femmes et la logique... : Pourquoi et comment la communion avec la nature serait-elle plus intense en se privant du plaisir de ses meilleures feuilles ?
Et c'est une pharmacienne qui dit ça, en plus ? alors qu'elle vend des milliers de produits qui en sont directement dérivés pour améliorer la vie de l'homme... et la beauté de la femme... on aura tout lu... ;-)))

Anonyme a dit…

Respirer de la feuille végétale en combustion lente est un manque de respect envers ses poumons qui ne sont fait que pour mettre de l'oxygène sur notre hémoglobine. Ce n'est pas le prix du cigare qui va rendre les déchets toxiques produits meilleurs pour la santé.Et si la nicotine est à la pharmacopée, ce n'est jamais sous la forme de fumée inhalée.
isa

Marc Delon a dit…

Isa........ tout le monde sait, pharmaciennes exceptées, que la fumée du cigare ne s'inhale pas...

Anonyme a dit…

Mais alors, à quoi ça sert? C'est juste pour se détruire la muqueuse oro-pharyngée?
isa

Marc Delon a dit…

la seule limite est l'imagination : voir Bill et Monica.
Sinon pour le reste, c'est comme tout : faut essayer. J'ai connu une époque où tu étais friande de toute nouvelle expérience. C'est fini ?

Anonyme a dit…

Je n'ai pas trop compris ce passage d'une Pamplona délurée à une paisible et poétique Lozère où on cueille les coulemelles en juillet, où l'on vit sans ADSL et presque sans TV, mais où on enregistre quand même des commentaires sur son blog. Cependant, on s'est laissé gagner par la nostalgie.

Gina

Anonyme a dit…

Non, non je n'ai pas changé...J'ai toujours le même penchant pour la nouveauté...Mais le tabac à fumer ou à chiquer je l'ai banni de ma vie en janvier 1992 et remisé avec toutes les expériences que je ne tenterai plus ou pas. Cela étant, il me reste encore beaucoup de choses à essayer ou à refaire différemment ...
isa

Anonyme a dit…

Moi, je courrai bien l'encierro des trois biches sur le pavé mouillé...

Marc Delon a dit…

à courre alors les biches ? Mais leur pavé n'est pas mouillé... vrai qu'elles sont émouvantes cependant... d'ici à avoir les larmes aux yeux de n'avoir pu les rattraper...