Pour
moi, ce matin, se lever était déjà un défi. A la vérité,
m'endormir en avait été un autre. Quand la gamberge de tout ce
qu'il y aurait à faire durant le week-end se met en route, les
moutons s'égaillent dans la forêt environnante. Plus moyen d'en voir
sauter un. Et puis la douche, brûlante, fenêtre ouverte. J'aime
bien sentir l'air du matin, me décaler du faisceau de la douche au
zénith, avoir froid, puis me réchauffer à nouveau sous l'averse
chaude. L'eau chaude réveille : vaso-dilatation, irrigation des
moindres zones – eh oh, ça va, hein – réveil généralisé
subséquent.
Je
suis allé récupérer le courrier de la semaine abandonné dans la
boîte. Il m'est devenu pénible d'ouvrir le courrier. Il faut dire
que n'arrivent que des lettres contrariantes, des pubs, des factures.
Nîmes Métropole m'écrit pour me dire que mon installation
d'assainissement d'eau est non conforme. Que ça va me coûter entre
sept et quinze mille euros. Très drôle. Depuis quinze ans ma fosse
septique marche très bien, ne dégage pas d'odeur, remplit son
rôle. Ils me disent que c'est pour la santé des voisins que je vais
devoir agir. Je projette de leur chiader une lettre où je leur
expliquerai sans équivoque que je les emmerde, la SPANC... et que je convoquerai plutôt la pompe à merde que la pompe à fric. Qu'ils se
retournent contre le terrassier qui m'a équipé, et qu'il vienne
réparer ce qu'il a mal foutu : je ne suis ni compétent ni
responsable de son travail, moi. Si je vais manger dans un restaurant
où les plats sont mauvais, je ne crois pas que l'inspection de
l'hygiène m'oblige en tant que client et propriétaire de mon repas
à nettoyer les cuisines et remplacer les vivres avariées, ou à cuisiner un autre plat, si ?
La
première gorgée de mon café juste moulu – 85% Arabica, 15%
Robusta – me réveille un peu mieux. J'aime le bruit du moulin qui
broie les grains luisants, libérant l'arôme juste pour ma tasse.
Avec délectation je pense à vos dosettes colorées qui propulsent
le prix du café au kilo cinquante fois plus cher que son cours. A ce
compte-là je rembourse ma machine à café deux fois l'an mais bon,
continuez avec vos dosettes, c'est joli, ça plaît à madame, etc,
ok, ok, chacun son jus.
Au
troisième expresso je deviens plus sociable, le centre de la parole
se remet en branle et je décrète que cette fougasse est vraiment
excellente, grasse à souhait, son papier d'emballage tout maculé...
une vraie pompe à huile. Il serait plus judicieux d'aller courir. Je pense qu'à l'heure où ferme le bureau
de vote, je glisserai mon bulletin dans l'urne peu de temps avant
que Fandino glisse sa première épée léthale. J'ai de gros doutes
sur sa capacité à animer un seul contre six qui est un marathon
tellement révélateur. Les premières infos ne sont pas en faveur
d'un moment d'anthologie. Je viens d'envoyer un sms à un ami présent dans
les tendidos de Las Ventas à qui j'ai demandé : Alors ?
Fandiño ? Sur une échelle de un à dix ?
Pour
le moment, trois. Me répond-il...
Je
ne suis pas vraiment surpris mais quand j'ai moi le défi d'aller
voter et de monter une table de jardin Ikea dans la journée, lui, ce
jeune homme, se présente devant six toros de respect avec un chiffon
et une épée. A Madrid. Chacun son destin. Ça y est, la
confirmation est venue : il s'est lourdement planté. Il
n'empêche, il garde tout mon respect, même si mon index écorché a
saigné un peu, au montage de la table. Sa blessure à lui sera
tellement profonde qu'il y a un danger qu'elle ne cicatrise jamais
voire s'infecte et l'ampute d'une grande partie de cette si
nécessaire conviction qu'il doit falloir pour se présenter à la
tête d'un toro.
2 commentaires:
Conclusions : pour s'éviter une grasse fougasse au petit-déjeuner, inutile de se peser, passer chercher son courrier.
Pour se blesser sans se plaindre, penser au torero dans l'arène. Pour oublier ses factures, partir voter en rêvant !
Pour ce qui est de Fandino, le pari avait tout du coup de poker. Mais bon : même avec des oreilles les uns contre six sont souvent mortellement ennuyeux : voir Perera en septembre, Castella naguère. N'empêche que : on attend le solo Delon contre six tables de jardin aux arènes de Nîmes (pour commencer).No hay billetes assuré...
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