CONTRAVENTION ECOLO

J'étais garé en ville. A mon retour le pare-brise arborait un petit tract qui disait ceci :

Je suis riche, je suis beau, les femmes m'adorent, je suis allé au dernier meeting de Sarkozy, je fume le cigare, j'ai une Rollex, la planète peut bien crever je m'en fous je suis génial !

Rouler en 4x4 peut se soigner. Si le problème persiste, consultez votre médecin traitant. Merci d'évoluer. Rouler en 4x4 alors que nous courons vers le désastre écologique est un comportement suicidaire, immature et insultant pour les générations futures.

Je suis riche : je t’emmerde. Faux (et c’est malheureux, j’en aurais des projets…) Si j’ai trois sous, je n’en suis pas honteux. Un quart de siècle que je bosse comme un plouc douze heures par jour, augmenté – de quelques centimes - tous les dix ans, que j’écoute les jérémiades humaines et vois de grands malheurs avec patience et compassion. Que je joue à / où oriente vers : l’éducateur, le psychologue, l’alter ego compréhensif, au confesseur bienveillant, au conseiller conjugal, etc. Que j’observe sur les autres mon devenir proche : le vieillissement et c’est pas beau à voir, croyez-moi ! Que mes patients sub-claquants me donnent un précis quotidien du passage de vie à trépas au fil des jours où je me déplace chez eux, pour – tenez-vous bien – un euro quatre-vingt trois d’indemnité forfaitaire. Quelle heureuse perspective pleine d’espoir, hein, de décliner avec eux sans illusion. C’est toute la noblesse du métier : Travailler dans la maladie, dans celles qui ne se guérissent pas. Un quart de siècle que je hume, pour les plus près du cosmos, le remugle de leurs humeurs diverses et avariées, excréments, lymphe suintante, pisse sanglante, escarres puantes, sans détourner la tête, sans faire la grimace, sans dégoût pour ne pas me désolidariser, en y mettant les mains, le nez, les yeux, la pensée, au contact. Et puis ''riche'' je ne savais pas que c’était un défaut ou une insulte, je vais y réfléchir… Par contre oui, j’avais remarqué que certains vous trouvent sympathique tant que vous êtes fauché…

Je suis gras : je t’emmerde. Vrai. Trop. C’est parce que je suis français. C’est ma culture, la table. C’est parce que je suis sympathique : on m’invite souvent. Je rends les invitations. Je fréquente les bons restaus. Les étoilés prestigieux catalans qui valent encore la moitié de leur homologues parisiens toujours occuper à flatuler plus haut que leur orifice rectal. Quoique… ils ne sont pas tout à fait fautifs, ils doivent tellement bosser pour arriver à payer les charges sociales pour assister des mecs qui n’ont rien d’autre à foutre que déambuler en déposant des tracts sur les pare-brises. Je fréquente aussi les auberges minables ou typiques, les cantines en tous genres, de la paillote corse à la cabane de Beauduc, les cuisines des copains et des chambres d’hôtes, les cocottes en fonte des mamies qui ont toujours le temps de mijoter des heures durant.

Je suis beau : je t’emmerde. Si c’est vrai pour certaines, tant mieux : ça crée de l’intérêt, des amitiés, de la tendresse, du bonheur, de la génitalité stade ultime et apprécié du développement personnel. Si c’est faux pour d’autres, tant mieux, c’est bien leur droit… manquerait plus que d’être harcelé, paparazzé, sollicité non stop, pour un truc dont tu n’es même pas responsable… !

Les femmes m’adorent : je t’emmerde. Vrai. C’est bien leur droit et je suis particulièrement sourcilleux des droits des femmes. Aaaaah d’accord…. En fait ce ne serait pas vrai, ce ne serait que l’idée fausse véhiculée par mon pauvre psychisme de conducteur tout terrain dont je serais pénétré, d’où cette satisfaction permanente sur mon faciès affiché ? Ce serait comme qui dirait pas vrai mais je ferais comme si, c’est ça ? Je serais super con, quoi… du haut de mes quatre roues motrices…
Eh ben si, t’as raison, dans la réalité : elles m’adorent ! De temps en temps quand même, il y en a une qui me hait mais alors, faut voir comment… Comme si je cristallisais le parfait syncrétisme de toutes ses abominations passées, présentes et à venir. Tiens, comme une de mes « belles-sœurs » par exemple. Je ne lui ai strictement rien fait mais, j’existe ! C’est trop insupportable pour elle : c’est moi le gros beauf… : elle défend les fleurs et les animaux ? J’adore les corridas ! Elle va à la messe, adore parler du pape et des scouts ? Mécréant et critique avec l’ex-nazi, je suis bien placé pour les railler, les scouts, j’en ai fait partie… j’ai même été « sizenier » ouaip ! j’avais cinq p’tits cons hyper-cathos sous mes ordres ! Avec moi ça faisait six, quoi, une sizaine, voyez… p’têt pas français comme mot ou pas très usité, je sais pas, mais on disait ça, nous, tellement on était glands…
Puis un jour, alors que les autres se disputaient pour convaincre Akela de leur donner des brevets de capacité diverses –sait nager cinquante mètres- à coudre sur les manches du pullover – c’est vrai qu’ils étaient seyants ces triangles colorés - , j’ai avisé ses cuisses fuselées qui dépassaient de la jupe plissée bleu marine et j’ai bandé comme un salaud, pardi, en plein bombardement hormonal où je me trouvais ! M’ont virés aussi sec. C’est 'ptêt un commandement « Tu ne banderas point ! » je sais pas… Au diable qu’ils m’ont renvoyé… Tous ses enfants sont scouts, à ma belle-sœur… j’ai compris pourquoi y’a pas longtemps… c’est une sorte de sélection de bon partis comme dans les rallyes mondains, 'savez ? A part que ce n’est pas motivé par les fortunes mais par les mentalités. Faut reconnaître, c'est plus noble. Vont forcément trouver une personne d’obédience commune à marier là-dedans. Vierges jusqu'au mariage etc... Si, ça existe encore. Ca évite les maldonnes, les conflits futurs, au dessert, dans les repas de famille, le dimanche. Comme ceux qu’elle a avec moi. On pourra s’y faire chier en toute amabilité, tout le monde sera toujours d’accord avec son prochain d’un horizon idéologique forcément proche… Un jour elle m’a traité de raciste parce que j’avais rapporté la parole d’un officier de la prison d’en face qui m’avait assuré pendant que je bombardais sa cervicalgie d’ultrasons que 90% des détenus étaient maghrébins… Ben ça, fallait pas le dire, même si c’était vrai, même si c’était pas de moi mais d’une source fiable… Bon… De toutes façons c’était de notre faute, on les parquait dans des ghettos, etc…bon… Quand je lui ai fait aimablement remarquer que mon cabinet n’était pas installé au quai de la fontaine mais au chemin bas d’Avignon, pour ainsi dire place Djema El Fna version nimoise, alors qu’elle, avait usé de ses facilités pour ne pas inscrire son fils dans le collège de ce même quartier donc il dépendait pourtant, et qu’elle « ghettoïsait » donc plus que moi, j’ai bien cru qu’elle allait me tuer avec le couteau à pain… !
Si ça se trouve elle a reconnu ma voiture et c’est elle qui me l’a collé le papillon censé être vexatoire. Elle me récuse même le titre de ''belle-sœur'' vu le catholicisme qui l’habite… car elle ne reconnait pas les faits… non… rien que les sacrements… et comme je disais que la sœur de son mari, je l’aimais trop pour l’épouser… ça lui a filé ''l’urticaire du mauvais exemple à ses enfants''. Y’a un truc aussi qu’il faut que je vous dise sur elle : dès qu’elle ouvre la bouche, on sent son raisonnement pétri de légitimité. Elle a raison et pis c’est tout ! Ca ne peut souffrir la contradiction… L’illusion lui vient du fait quelle a organisé sa vie pour être le chef en toutes circonstances : chef du gentil garçon épousé, chef de ses enfants, chef au boulot –maîtresse d’école - cinq fautes par phrase, chai pô comment ils recrutent à l’éducation nationale…- cheftaine partout, jamais contredite sauf par ceux qu’elle a ''rayé de sa carte'' puisqu’ils ont osé… Sûrement la tolérance acquise à la messe assidûment fréquentée. Enseigne aussi à ses enfants le catéchisme : bonté, tolérance envers l’étranger, hospitalité, ouverture d’esprit envers les différences, soit exactement tout ce dont elle a été incapable de me témoigner quand j’ai débarqué dans la famille… Pense vraiment avoir toujours raison, manque de bol, elle dit parfois de ses naïvetés aussi grosse que ce… qu’elle est mince… oui parce que bien sûr, le sport est sa passion. Sa valeur phare. Elle est saine. N’a jamais rien fumé. Ne bois que du jus de tomate. Sans sel de cèleri. Bravo. Sportive, hyper performante en tout ! Arrive toujours première et loin devant lors des grandes randonnées et même des promenades familiales où l’allure est insupportablement trop lente pour elle… Les soirées dansantes sont ''intra-familiales'', oui, elle danse avec ses enfants. Sur des ritournelles celtiques genre : j’entends le loup, le renard et la belette… On s'accroche par les coudes et on tourbillonne avec maman. Une nuit, c’était la fête, et sur la centaine de personnes présentes on était deux à boire de l’alcool… Tout le monde nous regardait comme si on était des dépravés… Donc, oui, je disais, les naïvetés… un jour, alors qu’elle attaquait un Brie de Meaux de la pointe de son couteau… oui parce qu’elle ne fait jamais aucun régime comme ces pauvres connes qu’elle méprise, son corps est une chaudière et elle les brûle, elle, les calories, au sport, et elle peut donc manger gras… elle domine le truc avec le sentiment de supériorité servi sur un plateau par les magazines féminins à partir d’Avril avec leur problématique récurrente du régime à adopter par les millions de pauvres grosses vaches connes qui ont quinze kilos en trop… Bon, bref… un exemple de sa naïveté : elle s’étonne publiquement et s’insurge que telle action cotée en Bourse soit montée de dix pour cent à l’annonce d’un dégraissage majeur de masse salariale :

- C’est dégueulasse, l’action monte alors que les salariés sont virés !

Ben ch’ti cocotte, qu’est-ce que tu croyais ? Que c’était une association paroissiale, la Bourse ? Que c’était moral ? Avec des principes tout bien cathos ? Meuh dis donc, toi si intelligente… et les règles de base d’arithmétique alors, hein ? Moins de charges, plus de bénéf, c’était pourtant simple pour une wonder woman like toi… Je la plains sincèrement de voir son artificielle perfection ne pas prêter le flanc à la moindre faille humaine : qu’il sera long son chemin ! Qu’elle sera monumentale la baffe au premier accroc !!!

(je vais recevoir un e-mail de Gina pour ce paragraphe : « Marc, il faut absolument intégrer le passage de la ''belle-sœur'' au roman… » ma tête à couper…)

Je suis allé au dernier meeting de Sakozy : je t’emmerde. Putain la mega insulte ! Eh oh, l’alter mondialiste qui va sauver le monde à lui tout seul en pédalant sur son vélo, qui vivote de ses revenus des stages de Scrapbooking organisés dans sa bergerie Ardéchoise, tu le sais d’abord que cela ne sera possible que sur une autre planète, l'altermondialisme, comme son nom l'indique ? Et avec des mutants sectaires encore, élevés tout spécialement dans ce but… Parce que l’homme est l’homme… Sinon, Ségolène elle est gentille parce qu’elle fait la bise aux mémés ? Mouais… attends un peu…

Je fume le cigare : je t’emmerde. C’est vrai, je le fume ! Populaire, révolutionnaire à Cuba, il est ici un tout autre symbole. Donc tous les possesseurs de 4x4 sont des beaufs et tous les fumeurs de cigares des vilains exploiteurs de gentils pauvres, j’ai bon ? Ouais… faut voir… Y’en a d’autres ? Quoi ? Que les noirs ont le rythme dans la peau ? Et les espagnols sont fiers ? Peut-être…

J’ai une Rollex : je t’emmerde. Faux. J’achèterai une Zénith plutôt, pour le mécanisme identique « El Primero » mais au tiers du prix. La noblesse sans le snobisme. Et au prix d’une Rollex, plutôt une Jaeger-Lecoultre infiniment plus classe et racée. La Rollex est un peu à la montre ce que la BMW est à la voiture, non ? Fiable, bien motorisée mais tellement vulgaire. Même pas mal, donc, le plus souvent, je regarde l’écran du portable pour avoir l’heure, ce qui d’un seul coup me rend infiniment plus sympathique : c’est fou, non ?

La planète peut bien crever, je m’en fous je suis génial : mais non, la planète nous l’empruntons à nos enfants – parole d’indien - et c’est parce qu’elle fascine qu’on veut aller y bivouaquer dans ses déserts ; d’où les 4x4 franchisseurs de dunes. C’est compliqué la vie, ça va être dur d’en sortir de nos désirs… privé de désert à la table des passions, pourquoi pas, si seulement cela pouvait sauver la planète. Alors la contravention écolo au final elle a autant d’impact que de traiter un aficionado de pédophile. Génial, génial... ça se discute.