Carnet de voyage : l'Islande
Cette terre des contrastes, façonnée par des volcans et des glaciers, qui semblait si lointaine, là-haut, accrochée au cercle polaire, n’est qu’à environ trois heures de Paris. On la savait dérangeante avec ses volcans et leurs poussières mais quand on côtoie de près sa géographie et sa géologie, qu’on sait sa position singulière sur la terre, entre deux plaques, l’eurasienne et la nord-américaine, qui s’écartent de deux centimètres par an, libérant entre d’épaisses murailles basaltiques, une immense faille très observable en divers endroits, on comprend mieux. Au magma échappé par la faille, s’ajoute une seconde source de magma due à un point chaud (ainsi s’expriment les spécialistes) si bien que l’Islande est un amas de montagnes constituées quand les volcans entraient en éruption sous les glaciers.La lave basaltique s’est parfois épanchée par des fissures longues de plusieurs centaines de mètres où se sont constitués des alignements de cônes hauts et bien pointus. Mais les sommets peuvent être arrondis, voire aplatis quand un glacier les recouvrait avant l’éruption, ou les recouvre encore, ou alors, escarpés selon que le volcan a été égueulé et érodé. Alors, là-haut sous le couvercle des nuages, c’est blanc de névés et de glaciers. dont quatre principaux persistent sur l’île (dont un plus étendu que la Corse) avec le paysage glaciaire qui accompagne : vallées en auge, roches striées par les frottements du glacier, chutes d’eau puissantes et bruyantes de torrents dévalant les marches formées par les coulées de basalte des falaises volcaniques. Les glaciers s’écoulaient jusqu’à la mer en belles langues blanches avant que le réchauffement climatique ne les raccourcisse. Les séracs de l’un d’eux flottent en icebergs, hauts, grands, blancs, bleus ou noirs de poussière sur un lac. On les visite en bateau, les cinéastes les utilisent.
La lave peut présenter une surface rugueuse de scories, ou au contraire être lisse et disposée en cordages, en tuyaux d’orgue ou en gerbes. Parfois, à mille degrés, elle sort de dessous la mer ou dessous un glacier en explosant et formant de petits grains qui s’agglomèrent et durcissent ensuite.
Du matériel chaud remonte constamment des profondeurs avant de fondre près de la surface et. on rencontre des coulées de lave sortie depuis peu des entrailles de la terre. Il y a à faible profondeur des massifs de roche très chaude que les eaux de pluie ou de fonte des glaces atteignent facilement en descendant par des fissures dans le sous-sol. Les fumées en grand panache qu’on aperçoit de très loin comme autant de locomotives silencieuses et lointaines ou les fumeroles au-dessus des ruisseaux, des torrents ou des flaques surgies là, comme ça, sur un chemin en sont la brûlante preuve. Cette eau se charge en minéraux comme le soufre et la silice puis remonte à la surface par des geysers ou des sources chaudes (auxquelles on accède souvent par forage). Elle est souvent chargée en sulfures qui se déposent au niveau du sol ou alors, le soufre forme également de l’acide sulfurique au contact de l’eau et au fil du temps, la roche devient friable, jaune, bleue ou rouge comme rouillée. On ne quitte pas l’île sans avoir senti l’odeur sulfureuse des fumerolles, sans s’être baigné dans une source ou un lac chaud, dans le fameux « lagon bleu » de silice décomposée, sans avoir admiré les champs de lave, les régions dénudées où la terre est jaune et rouge, la boue des mares bouillonnantes bleue .
L’eau chaude est captée et utilisée en ville comme dans les coins les plus reculés, dans des campings et des piscines.
En bas, au niveau de la mer, le sol est rugueux de toute les aspérités des scories volcaniques, même quand les lichens blanchâtres ou jaunâtres – c’est selon – les ont adoucies, ou ils sont recouverts d’herbes et de lupins bleus (apportés par l’homme pour améliorer et fixer le sol). C’est à des points stratégiques que les Islandais vénèrent leurs génies (trolls surtout) et les héros de leurs sagas en érigeant des cairns très spéciaux, sacrés, aux formes fantasques en harmonie avec ces mêmes scories dressées et tourmentées. Les respecter, ne pas toucher. Ou alors , le sol est lisse des cendres volcaniques. La plaine côtière, verte, verte comme un trèfle irlandais peint sur un cendrier pour touristes, ou bleue, ou rouillée, ou blanc jaune, s’est plus ou moins allongée dans les fjords créés quand les glaciers descendant jusqu’à l’océan aidaient au transport des sables et des cendres, des sommets jusqu’à la mer en créant de superbes et uniques plages noires. Les prairies très vertes en été, sont le domaine des chevaux, ce cheval viking à cinq allures au lieu de trois et que possède chaque Islandais. Quelques élevages intensifs de vaches occupent les prairies riches, parsemées de blancs ballots de foin conservé dans de l’emballage en plastique. De loin, on arrive à les confondre avec des troupes d’oiseaux, la fameuse arctic tern, hirondelle de mer blanche qui plane en criaillant au-dessus des têtes qui l’importunent, ou avec les moutons qui sont partout dans la toundra, au pied des escaliers et des falaises basaltiques, domaine des macareux. Ils paissent ou dorment à l’abri du vent et de la pluie ou du froid, pas en troupeaux comme des dindons, non, par trois. Chaque mère avec ses deux (rarement trois) bébés. En s’approchant on distingue la laine à longs brins et les têtes cornues.
Inoubliables sont le calme et la douceur de ces paysages occupés par les chevaux et les moutons où les chemins de randonnée très nombreux vous assurent la solitude face à vous-même et au vent sous le fréquent gris du ciel. Par bonheur l’Islandais a pointillé sa terre rude et brute de couleurs vives, le jaune orangé des piquets au bord des routes, le rouge, le vert, le bleu des façades ou des toits des petites fermes ou des bateaux dans les ports de pêche animant chaque fjord.
L’église aussi, pas très catholique mais luthérienne, on la remarque isolée qu’elle est, parfois loin des habitations, quand ce n’est pas au milieu d’un terrain de golf ou qu’elle est posée à côté des croix blanches de son petit cimetière, modeste ou colorée, ou bariolée ou audacieuse dans son architecture moderne. Car dans cette terre de vacances où se côtoient tous les extrêmes, se combinent le luxe moderne, les techniques les plus avancées dans un développement intensifié de la géothermie et du tourisme, l’architecture la plus recherchée partout dans le moindre hameau, avec une nature primitive, sauvage dans ses forces actives et ses exceptionnelles merveilles.
Ginacrédit photos : www.diapo.ch et Patrick Pichard