samedi 21 novembre 2009

Pourquoi allez-vous voir les corridas ?



Le rituel de mort
Pierre Veilletet


Les cénacles taurins, enclins à l’hyperbole, prétendent appartenir à une mystérieuse « planète des taureaux »…. Une planète, diable ! c’est beaucoup dire, en effet. Mais comment qualifier ce fragment d’astre ancien, ce météorite encore incandescent, ce petit monde (mundillo) sulfureux, qui résiste à la volonté universelle de prohibition ? Quand presque tout « ce qui nuit gravement à la santé » est illicite ou sur le point de le devenir, quand la modération est une fin et la compassion un devoir, on continue de tuer des taureaux en place publique…. Impunément, puisque la loi qui interdit le principe « tolère » les exceptions…. Inexplicablement, puisque les puissantes sociétés protectrices d’animaux, qui ont l’opinion pour elles, dénoncent en vain « cette barbarie d’un autre âge ».

Pour être honnête, il faut préciser que le mundillo constitue lui aussi un lobby. Depuis l’Espagne, il rayonne sur les colonies taurines que sont la Colombie, le Pérou, l’Equateur, le Venezuela, le Mexique, le Portugal (ou la mise à mort est interdite), le sud de la France, et y brasse beaucoup d’argent. Pour la seule Espagne, une saison s’évalue ainsi : 60 millions d’entrées, 6 milliards de francs de chiffre d’affaires, sans compter les bénéfices induits par 250 retransmissions télévisées. Son poids économique ne suffit toutefois pas à expliquer que la corrida ait survécu à la réprobation générale même en Espagne, ses adversaires sont plus nombreux que ses partisans – ni aux tentatives inlassables d’éradiquer cette rumeur archaïque du corpus humaniste. S’il ne s’agissait que de gros sous, si la corrida n’était qu’un avatar cruel du cirque, elle serait passée de mode comme le cirque lui-même – sinon comme la cruauté.
Au lieu de quoi, la ville de Saint-Sébastien a reconstruit d’immenses arènes et, un peu partout, des jeunes gens et des jeunes filles, qu’aucune influence, ni familiale, ni culturelle, ne prédisposait à cette dilection, vont sur des gradins au soleil de cinq heures chercher autre chose que ce que leur offrent les circuits de Formule 1 ou les stades de football.

C’est ce durable pouvoir d’aimantation, qui explique la persistance du scandale et mérite examen. Il n’est pas question d’entamer ici un plaidoyer. D’une part, cette cause perdue se défend fort bien elle-même, ne serait-ce que par l’ironie du fait accompli ; d’autre part, comme l’avoue Hemingway dès la première page de Mort dans l’après-midi : « d’un point de vue moral moderne, c’est à dire d’un point de vue chrétien, la course de taureaux est tout entière indéfendable ; elle comporte certainement beaucoup de cruauté, toujours du danger, cherché ou imprévu, et toujours la mort ». Notons tout de suite que ces désagréments, ou pour parler plus sérieusement, ces contradictions inaliénables, sont précisément celles que nous essayons désespérément d’escamoter derrière l’euphémisme, le simulacre, les faux-semblants.

Etant d’abord acquiescement à la violence ontologique, la corrida ne peut être qu’insupportable à une époque dominée par la dénégation. Celle ci sous tend d’ailleurs le discours animalitaire, dont il est facile de pointer les incohérences. Il a, sans jeu de mots, ses vaches sacrées et ses quantités négligeables. Ainsi s’échine-t-il à sauver le chien fidèle, le bon phoque, le beau taureau, pour abandonner sans frémir l’insignifiant homard à l’ébouillantement ou l’infime escargot au grill, en vertu d’un anthropomorphisme sélectif et fluctuant qui postule au centre du monde l’assomption d’un Homme idéal.

Au contraire, la tauromachie rive au sol un monstre bicéphale, allégorie de ce qu’il y a d’incurablement « inhumain » dans l’homme. L’animalitarisme est un produit dévoyé des Lumières. La tauromachie les ignore. Voilà pourquoi un aficionado un tant soit peu scrupuleux répugne au prosélytisme. Il aime « ça », sans toujours savoir pourquoi. Peut-être y pressent-il un moyen de connaissance intime, donc difficilement communicable. Le plaisir que cette connaissance engendre parfois n’est jamais exempt de mélancolie. Certes il s’agit d’une fête, et , et des plus colorées qui soient, l’imagerie nous le montre à satiété. Fiesta ! Féria ! Alegria! Empoignades dionysiaques de Pampelune, nuits de poivre et d’oeillets à Séville où l’Amour monte en amazone, le chignon pris dans une résille : cela existe, cela se chante encore. Il ‘n’empêche qu’au sortir d’une bonne corrida – on nous pardonnera de ne pouvoir définir ce qu’est une bonne corrida – tandis qu’il s’éloigne à pas lents des arènes, l’aficionado un tant soit peu scrupuleux sent descendre en lui la mélancolie des soirs de taureaux.

Est-ce le vague remords d’avoir fait partie, deux heures durant, de ce que Freud appelle « la horde originaire », la foule aux pulsions louches ? Est-ce le passage de la mort en allée avec la dépouille de la bête noire tirée par les chevaux de l’arrastre ? Est-ce l’éclat soudain d’une lune de marbre ? Est-ce l’angoisse du nevermore, la poignante certitude qu’on ne pourra revivre ce qu’on a vécu et que peut-être on n’aurait jamais dû voir ? Le desancantado des soirs de taureaux est un précipité de ces diverses impressions. Mauvaise conscience de la transgression et trouble d’une révélation dont on était indigne…. Si ce sentiment a quelque chose de religieux, est-ce un hasard ? Il confronte irrépressiblement celui qui l’éprouve à la fuite du temps et au deuil du visible.

Rien de plus voyant à tous les sens du terme, qu’une course de taureau. Pourtant, les meilleurs connaisseurs, c’est-à-dire les toreros eux-mêmes, affirment que l’essentiel ne cesse de s’y dérober au regard le plus attentif. La « séduction brève » (Florence Delay) est aussi fugace qu’un baiser volé. Stricto sensu cela ne se voit pas, ou cela ne peut pas se voir. Compte tenu de la réputation dont nous parlions plus haut, le destin de la corrida serait donc d’être mal vue. Il n’est qu’à considérer l’impuissance des photos de faena en face de ce qu’elles mitraillent. Saturées de signes et de couleurs, quelquefois plastiquement belles, elles sont inhabitées. Vides de ce que l’opérateur avait cru entr’apercevoir dans son objectif. Elles ressemblent à ces photographies de « miracles » où les moindres détails du décor ont été fixés mais où manque l’apparition. De même en multipliant les ralentis, la télévision n’aboutit-elle qu’à fausser le rythme de la faena par injonction d’une lenteur fabriquée, d’un temple électronique, à s ‘approprier l’œuvre, à la vampiriser (comme fait la vidéo de tout ce qu’elle envisage) pour n’en restituer qu’une coquille chatoyante et
creuse. La « solitude sonore du torero » (José Bergamin) en est absente. Sa musique, tue aussitôt qu’éclose, ne s’enregistre guère. Pas plus que ne se filme l’invisible. Que la corrida soit ainsi réfractaire à toute forme de duplication en fait un spectacle à part. Pas seulement un spectacle, autre chose. Et cette autre chose est une séance où s’est engouffrée l’interprétation. Autant l’arène forme un champ clos, autant la tauromachie est un champ ouvert, véritable openfield symbolique, labouré par la littérature, la peinture, la sculpture, le cinéma, la musique, la psychanalyse. Chacun creuse son sillon, en lorgnant sur celui du voisin, si bien qu’en la matière, il y aurait plutôt surabondance que pénurie de sens. Dans les années 60, la fiesta nacional était supposée incarner à la fois l’oppression franquiste, et sa subversion secrète (dans ce cas, le taureau mourait à la place du dictateur !). Moyennant quoi les exégètes des deux camps pouvaient assister, pour des motifs opposés, à la même corrida.

Aujourd’hui, la métaphore politique n’a plus cours. C’est le libidinal qui prospère. Les fantômes de Bataille et de Leiris président sans le savoir à de nombreuses courses. Le milieu taurin a fini par admettre qu’il y avait du sexe là-dedans, voire du sado-masochisme, et quantité d’autres fantasmes que le machisme ordinaire traitait autrefois par le mépris.
A y regarder de près, il n’est pas impossible que les bas roses, les dorures, les broderies, soient en effet des attributs féminoïdes et que la première phase de la lidia ressortisse à la réduction. Au fur et à mesure qu’on approche de la mise à mort, la figure ambiguë du torero se masculinise jusqu’à l’estocade où c’est un mâle agresseur qui enfonce son épée dans le vagin sanglant ouvert par le picador. Et cetera…. A vrai dire les variations érotico-freudiennes sur le thème du « drame copulatif » et de « l’orgasme du taureau » sont devenus des poncifs de la littérature taurine.

Quelle que soit la lecture qui en est faite, la corrida est implicitement regardée comme un sacrifice. C’est à dire une façon pour le profane d’accéder au sacré grâce à l’immolation d’une victime. Or, il est difficile de soutenir que le sacré, tel que l’entend, par exemple, Marcel Mauss, ait jamais inspiré la tauromachie moderne, née à proximité des abattoirs. Dans le sacrifice, la victime propitiatoire est prise par les dieux à la place du sacrificateur qu’ils protègent. Dans la corrida, les dieux n’interviennent pas et le sacrificateur peut tout aussi bien être le sacrifié. Non seulement la victime désignée n’est guère passive, mais le torero se compromet avec la mort.
Plutôt que de sacrifice, parlons plutôt d’un rituel de la mort où tous les protagonistes sont actifs et dont aucun n’est objet de consécration. De ce point de vue le torero apparaît moins comme un sacrificateur que comme un intercesseur, ou mieux, un médiateur entre le public et la mort. Tantôt bourreau, tantôt victime, car les rôles peuvent s’inverser à chaque instant.

Plus on voit de corrida et plus on mesure à quel point cette médiation est individualisée. Sacrificateur, le torero serait mandaté par un chœur univoque, ce que le public n’est pas. On attend donc du torero qu’il soit l’interprète de chacun en particulier. Ce qui nous ramène à « l’invisibilité » de la corrida. Personne ne voit la même, personne ne voit rien, parce que chacun regarde différemment la peur, le courage, le désir et le petit homme seul là-bas sur le sable, qui va rencontrer la mort à notre place.

Comme il la terrasse, nous en faisons un héros. Mais seul le héros sacrifié devient un mythe. Joselito. Manolete. Paquiri….Ce qui distingue la corrida de tout autre spectacle, ce qui la ritualise, c’est donc la présence de la mort. Depuis quelques années, cependant, le public se montre plus sensible à la qualité esthétique des faenas qu’à leur conclusion. L’estocade, justement désignée comme « le moment de vérité », semble devenir secondaire même pour le torero. Alors que jadis il avait à cœur d’honorer son adversaire en lui donnant une « belle mort », il s’agit aujourd’hui d’être « bref » à l’épée, de ne pas tacher de sang le succès obtenu par le maniement de la soie.

En réalité, la sensibilité animalitaire imprègne peu à peu la tauromachie. Celle-ci cherche des toreros de plus en plus brillants et pour les mettre en valeur sélectionne des bêtes de plus en plus dociles. Elle veille à gommer les aspérités du drame, à éponger au plus vite les taches sur la piste, à ne point encourir le reproche de cruauté. Elle ne veut plus avoir partie liée avec la mort, qu’on ne lui ressorte plus à tout bout de champ son passé et ses mœurs de boucher. C’est de l’histoire ancienne. Elle s’est humanisée, elle ne cesse de s’humaniser. Elle mérite enfin d’être considérée comme un art à part entière : inoffensif et respectable.
D’un torero qui tue avec probité, on dit qu’il s’engage, qu’il se mouille les doigts. Voilà précisément ce que plus personne ne veut plus faire, se mouiller les doigts.

vendredi 20 novembre 2009

La Pensée du Jour

J'attendais la joie de la victoire ou le regret de la défaite et j'ai découvert un sentiment nouveau, inouï, l'amertume de la victoire.
Alain Finkelkraut

jeudi 19 novembre 2009

Main de Dieu et Bras d'Honneur



Après la "main de Dieu" celle de Diego Maradona qualifiant d'une "tête" l'Argentine face à l'Angleterre, vengeant ainsi tout un peuple de la guerre des Malouines, après le coup de boule de l'îcone intouchable terrassant l'Italien partout justifié -jusqu'au plus haut sommet de l'état - parce qu'on avait mal parlé de sa maman... voici maintenant, du bout des doigts, la qualification de la France en ce colossal bras d'honneur infligé au peuple d'Irlande droit et valeureux, Ô combien digne et combatif dans l'adversité. Et tout le monde de se congratuler avec moult effusions, impudiques et malhonnêtes à souhait : Aaaah les valeurs du sport... Bon travail les éducateurs, il va vous falloir une bonne dose de rhétorique philosophique, de dichotomie crasse pour imposer vos arguments. Avec cet entraîneur au charisme de palourde et cette qualification injuste, il ne manquerait plus que l'on gagne cette coupe du monde africaine pour écoeurer définitivement la morale du sport encore vendu comme un bastion imprenable de vérité. Encore va-t-il nous falloir entendre les "j'ai rien vu et ce n'est pas moi qui arbitre" de ces jeunes milliardaires en culottes courtes démotivés pour finir d'avaler l'amertume de cette pilule sans enrobage. Ce n'est pas contre la grippe mexico-porcine qu'il faut se vacciner mais contre la malhonnêteté pour se sentir aujourd'hui heureux de la qualification de la France aux dépens d'un plus petit mais bien plus valeureux que soi, des Irlandais qui mouillaient leur maillot pour leur drapeau, leur identité nationale, leurs chasses à la grouse dans les brumes des Highlands et non pour mettre de l'essence dans leur Porsche. Des Irlandais qui n'avaient pas cherché à casser la gueule des supporters français à l'issue du match aller perdu mais qui les avaient conviés sportivement à une troisième mi-temps amicale dans les pubs de Dublin. Alors si en cherchant sur la toile une photo d'Henry, travailleur manuel faussaire, j'ai finalement opté pour le décolleté de cette ramasseuse de balles madrilène c'est parce que cela donne plus confiance en la vie : c'est beau une ramasseuse de balles madrilène...
Ce soir rendez-vous à la Casa Blanca à Nimes pour écouter la truculence des histoires d'un Zocato déchainé. Adios, et que les Dieux du football des Africains du sud nous sortent vite d'une compétition où nous n'avons rien à faire, mauvais que nous sommes !

dimanche 15 novembre 2009

BCN la nuit
















Le Mur des Supputations




Ici, à Nimes, on se fiche pas mal de la commémoration de la chute du mur de Berlin dont les médias nous rebattent les oreilles. Non, le mur qui nous occupe se trouve à la sortie de la ville, juste au début de la route d'Alès et est devenu la sortie-événement de tous ceux qui n'ont pas plus à bader. Point de barbelés ni de miradors, mais quand même, sept mètres de haut sur cent trente-cinq de long ! Le supposé milliardaire qui en a commandé l'érection l'a payé trois cent mille euros soit trois maisons pour pauvres subventionnées en Loi Borloo... Deux comités de quatier viennent s'y lamenter, sont sur les dents et voudraient bien l'attaquer au cure-pipe, à la pince à ongles, à la pioche, à la grenade offensive, à la mine anti-personnelle, à la mitrailleuse lourde, au mortier de 75, au lance roquette anti-char, au canon de MX-30, au missile sol-sol à tête nucléaire, bref à ce que vous voulez dûment labellisé contondant et destructeur, dès demain matin. C'est la guerre. Les élus sont sommés de s'expliquer, ils le font en éludant car la muraille gigantesque semble être passée inaperçue... Sur la chinoise encore, on peut se promener, mais là, devant ce bouche-vue de première, que faire sinon se sentir insulté en pleine face ? Vous qui avez attendu votre permis quelques mois en payant les intérêts de votre prêt-relais car les employés de la DDE de pauses cafés en conciliabules de collégiens débiles, étaient "débordés" - je vous assure que c'est une expérience que d'aller chercher un papier aux services techniques de la ville de Nimes... - vous ne pouvez évidemment admettre que vingt petits jours aient suffi pour avaliser la construction. Ce mur choque d'autant plus que ce quartier se pare de restanques, de murets de pierres sèches ceinturant élégamment les parcelles boisées, de cactus, de pins d'Alep... enfin voyez, il jure...

Le mur d'enceinte de la prison centrale c'est de la gnognotte à côté... Si, véridique ! Alors, les bruits galopent :

- C'est un ami du maire...

- il a soudoyé tout le monde...

Bref, c'est une nimoiserie de plus...

Moi je dis, vu la mocheté de maison érigée par le richissime que l'on aperçoit malgré tout, une néo-provençale multi-toits de vulgaire facture - quel gâchis avec ce budget, il n'y a pas d'architectes talentueux à Nimes peut-être ? - c'est pas vraiment un mal total. D'autre part j'ai une idée : pourquoi ne pas transformer l'antipathique propriétaire ayant voulu s'isoler du populo et la mairie inattentive, en mécènes bienfaiteurs associés ? Qui uniraient leurs moyens financiers pour attribuer quelques mètres carrés de la forteresse à chacun des artistes locaux ? Mmmm ? Pourquoi pas une réappropriation du mur par le petit peuple inspiré des artistes nimois ?

Trente mètres carrés de haricots à la Viallat, puis d'aficion à la Pires, de sculptures en bas-relief à la Tapernoux, pourquoi ne pas donner à des écrivains la possibilité d'y coucher une nouvelle (héhé....), aux photographes d'y imprimer leurs images (rehéhé...), aux taggeurs -les bons- leurs peintures, enfin, 'voyez le genre ? Un mur qui de "putain-de-mur-bétonné-déprimant-attisant-la-haine" deviendrait le joyeux patchwork d'expressions artistiques variées et séduisantes qui déplacerait le landerneau culturel du monde entier, inscrirait une entrée de Nimes dans le dynamisme de sa création, constituerait une oeuvre unique, un argument de plus propre à drainer le tourisme ? Hein, pourquoi ?
Eh bien je vais vous le dire pourquoi. Parce que Fournier n'est pas Bousquet. Parce qu'en terme de dynamisme culturel, Nimes n'est pas Berlin, parce qu'en terme de modernité, Nimes n'est pas Barcelone, parce qu'en terme d'ouverture d'esprit les pépés-mazetiers qui dirigent les comités de quartier auront une hauteur de vue qui s'arrêtera à la visière de leur casquette de boulomanes vu qu'ils ne supportent que les pierres sèches de leurs ancêtres, parce que le protestantisme austère n'y verra qu'une verrue, parce que les anti-corridas y verront une propagande insupportable, parce que... ça suffira pour ce soir. Mais sait-on jamais, si on rapportait à l'adjoint à la culture qu'il y a une bonne idée par ici...?
Je suis naïf ? Eh oui, c'est ça le problème...

Venir au monde

mardi 10 novembre 2009

L' AFFAIRE DU DIAMANT NOIR



Ta Ta taaaan.... quel suspens déjà, à la résonnance de ces mots... Un bon titre de polar, non ? On imagine bien le scénario :
Un vieux type intrigant, un rachalan à la mine patibulaire, rabassier à ses heures, réboussié permanent, vivant de menues rapines, entourloupes, cueillette et braconnage, taiseux sur ses coins à champignons et ses affûts à la grive, élevant quelques poulets "impossibles à vendre au prix qu'ils vaudraient" (dixit mon ancien voisin icône de la description qui précède...) etc....
Je n'ai qu'à l'écrire ? Je tiens une bonne histoire ? Ouais... l'étiquette d'écrivain-mazetier régionaliste, bof... Mais revenons à l'affaire du diamant noir. Le protagoniste, Jean Paul Fournier, maire de Nimes qui se balade plutôt en costard, sirotant des coupes de champagne à l'hôtel Impérator en temps de feria, lorsque je le chope chez Pablo lui demandant pseudo-innocemment quelle course il a préférée, celle du jour avec des bonbons resucés ou celle de la veille avec des Palha redoutables, affûte soudain son instinct de politique et, flairant le piège, développe un non-raisonnement débouchant sur : "les deux". J'en déduis donc que lorsqu'on est un aficionado de si peu de conviction, sans univers marqué ni volonté politique conséquente, la plaza de Nîmes s'installe pour longtemps dans cette non-identité taurine propre à satisfaire le "Parisien" (à Nimes, tout spectateur d'une autre région que taurine) de passage, venu s'encanailler chez les sauvages sudistes, se pâmant d'une vérité dévoyée en secouant son mouchoir Yves Saint-Laurent avant d'aller asséner quelques contre-sens, toujours à l'Impérator - dix euros le centilitre de champ - en espérant qu'ils le feront admettre dans le cercle restreint des initiés. Ne rentrons pas dans le détail de l'affaire concernant l'obtention d'une viabilité sur un terrain sis impasse du diamant noir . Allez lire son blog si vous voulez en savoir plus : http://www.jean-paul-fournier.com/article-32969929.html
Mais rendons compte du jugement qui fait la une du quotidien aujourd'hui : condamné ! Vingt-quatre mille euros d'amende et cinq ans d'inégibilité. Aïe ! Non définitif puisque désormais en appel. Et l'on sait la capacité de retournement d'une nimoiserie... Mais si la condamnation était confirmée, projetons-nous dans un avenir taurin proche. Fournier devenu inéligible, le couple tacite qu'il forme avec Casas est rompu. On se demandait déjà de quoi pourrait arguer le maire pour reconduire sans trop de remous une empresa prompte à déclarer qu'il en est souvent de sa poche et qui propose la moitié de l'offre du challenger - Meca propose en effet trois cent cinquante mille euros de redevance à la mairie -
Et Meca est soutenu par un Lachaud, autre candidat à la mairie -genre "chevalier-blanc-catho-de-droite"- qui aurait ainsi le terrain dégagé pour devenir vizir à la place de l'Iznogood juridiquement empêché. A suivre donc, car l'énigme du diamant noir n'a pas encore révélé toutes ses facettes. Attribution de la nouvelle DSP vers Noël...
On rappelle au passage que dans une autre nimoiserie dont vous lirez ici le succulent (si,si!) résumé http://photosmotstoros.blogspot.com/2009/02/printemps-des-nimoiseries.html un autre appel est en cours, l'injure raciste n'ayant pas été retenue. Ca vaut le coup de vivre à Nimes ! Je pense d'ailleurs vous entretenir bientôt d'une autre nimoiserie assez incroyable...

lundi 9 novembre 2009

CHEMA MADOZ



Méfiez-vous des proverbes. Dans le cas de Chema Madoz, de la coupe aux lèvres il n'y a pas toujours loin... Une photographie, une idée, est le principe de base de l'oeuvre de Chema Madoz où transparaît la subtilité de son esprit. Une démarche qui ne cède en rien aux émotions ou à la lumière, à l'instantané, mais au contraire dictée par une pensée élaborée en amont et mise en scène avec une grande sobriété afin de concentrer le lecteur sur le message suggéré. D'autres exemples savoureux ici :

http://www.chemamadoz.com/gallery1.htm

mardi 3 novembre 2009

Prix Renaudot




Un Roman français : Frédéric Beigbeder publié chez Grasset en Août 2009

Frédéric Beigbeder était en septembre à Nîmes pour la feria. Très à l’aise, muscles bien dessinés sous un t-shirt noir, son allure athlétique s’exposant à la foule des danseurs trop serrés pour se trémousser sur la piste des jardins de l’Imperator, il dominait dans son rôle de disc jockey. Un peu éméché, sans doute, la quarantaine souriante sous sa chevelure de Gaulois, derrière sa barbe colmatant le creux du menton, avait-il une tête d’écrivain célèbre ? - Non. Trop sympathique et simple pour cela.
« Tapez sur la tête d’un écrivain, il n’en sort rien, enfermez-le, il retrouve la mémoire », c’est ce qu’il exprime avant de laisser renaître ses souvenirs pendant sa garde à vue de janvier 2008 dans ce ROMAN FRANÇAIS, pas du tout fictionnel, entièrement autobiographique, présenté avec un souci de sincérité digne du Jean-jacques des Confessions. Il nous avertit bien que la mémoire lui faisait défaut, que rien ne subsistait en lui depuis l’âge de sept ans.
Etre arrêté en possession de cocaïne, quand on est célèbre, quand on est connu dans la France cultivée qui suit les émissions littéraires, dans la Capitale, ce village parisien que constituent Saint-Germain et le quartier latin, quand on a un frère sur le point d’être décoré de la Légion d’Honneur, quand on est sensible, poli, père divorcé et responsable de temps en temps de sa fille à ramener de l’école et à garder pendant le week-end, ne restent que la lecture ou surtout l’écriture pour supporter l’humiliation, la promiscuité, la saleté, le confinement. Encore faut-il avoir droit à un crayon !
S’ensuivent donc des histoires parallèles, autobiographie d’un côté, détention de l’autre. L’auteur narrateur revoit depuis ses arrières grands-parents jusqu’au moment présent, sa vie, les lieux où il a vécu enracinés dans l’histoire sociale, politique et économique de sa famille et de la France, - un peu Updike dans Villages, ou Dubois dans Une Vie française -, des moments glorieux ou sombres. Et nous aussi, nous revivons une époque révolue, plus ou moins lointaine en même temps que lui. Nous partageons son espace, ses rencontres, ses lectures, des films et des chansons, ses points de vue, ses réflexions, ses analyses, ses confessions, sa confession.
Par ailleurs, ce sont des détails sur la détention sans que cela tourne à la satire systématique de cette organisation avec tous les poncifs rebattus par les media. Il ne se révolte pas contre le policier qui ménage sa susceptibilité, le traite comme un enfant car il en est un. Non qu’il ne nous dise « j’ai pas fait exprès », mais presque ; pour lui, avoir snifé un rail de Coke aligné sur le capot d’une voiture, c’est anodin. Mais il s’insurge avec virulence contre la détention qu’il dénonce comme
« la honte de mon pays…..si le juge ou le flic est mal luné, si vous êtes connu et qu’ils veulent se payer votre tête, ou juste arbitrairement par pur plaisir sadique, parce que leur femme les a mal baisés la veille, vous irez séjourner au Dépôt, sur l’île de la Cité…et l’on vous jettera menotté dans un trou noir, on vous désapera intégralement à nouveau pour regarder dans votre cul, avant de vous pousser dans un cachot humide et gelé sans couvertures dont le lit est une planche de bois où les chiottes sont posées par terre, une cage à zombies non chauffée dont même les geôliers s’excusent avec embarras en baissant les yeux... La France a trouvé des milliards d’euros pour renflouer ses banques en 2008 mais elle tolère un POURRISSOIR D’HUMAINS au centre de Paris… Quelqu’un a pris la décision rationnelle de torturer les gens en France. La France est un pays qui pratique la torture dans le premier arrondissement de Paris, juste en face de la Samaritaine. Et moi aussi je serais complice de cette calamité si je ne la décrivais pas ici… »

Sinon, le ton reste doux, humble. L’auteur narrateur s’inquiète du sort qu’on lui réserve ou qu’on va lui réserver, de cette détention qu’un procureur prolonge arbitrairement, semble-t-il, au-delà des promesses qu’on lui avait faites ; il se préoccupe de l’opinion qu’on aura de lui, de l’inquiétude des gens qui l’aiment, de sa fille. Et son principal objet de souffrance, c’est elle, Chloé. Car par le livre qu’il conçoit, il revit le divorce trop silencieux et digne de ses parents, cause de son amnésie ; il cite ses deux divorces à lui, redoute que sa fille ne souffre comme son frère et lui-même furent marqués, anéantis qu’ils étaient le plus souvent sous les mensonges et gâteries paternelles ou beau-paternelles, puis sous les sacrifices et la sollicitude étouffante de la mère. Dans ce Roman français c’est finalement la tendresse qui l’emporte pour les aïeux, le père, la mère, le frère Charles, le presque jumeau, abhorré, admiré et aimé, et la petite Chloé. Une vague de nostalgie submerge le texte, soulève l’amitié, la compassion, l’affection pour ce Monsieur en apparence heureux, souriant et insouciant à travers ce qu’il définit lui-même :
« écriture simple, dialogues rapides, descriptions concises et les mots grossiers… que cela sonne vrai, juste, humain…L’important c’est l’homme qu’on sent derrière, la personne qui nous parle ».
Et l’homme, on l’aime, on aimerait le lui dire, on le félicite, son prix Renaudot vient à point prouver qu’on ne l’avait pas trop mal jugé.
Gina


Les Aresquiers