Pas
d'érection
C'était
diabolique, les flammes de l'enfer où l'on se précipitait tout
droit sans amertume, léchaient les parois de l'âtre où se
consumaient nos fantasmes, toutes les salopes, tous les queutards
impénitents de la ville, quarante privilégiés planqués derrière
''l'amour de la littérature'' qui avaient en hâte réservé leur
place par retour de courriel alléché, pressaient leurs fesses
hospitalières dans la salon décadent au remugle de foutre...
jouir... aaaaah oui, enfin jouir sans contraintes, entre nous, entre
soi, tous ensemble, scellés épaule contre épaule par l'espoir de
la partouze finale, butinant les chairs de ses voisines, les
besognant d'importance là, par terre, sur les tomettes, dans un
immense gémissement jamais rassasié au mitan des geysers de sperme
à l'assaut des boiseries dans la lumière Barry Lindonienne des
bougies dont les flammes faseyaient comme des verges pompant leur
altitude à la recherche de leur tumescence renouvelée, soutenues
par la voix chaude d'une lectrice croisant et décroisant ses jambes
seulement gainées de voile de nylon dont le léger crissement
électrisait toute particule mâle évoluant dans le boudoir rehaussé
d'or tandis que le sillage de son parfum flottait encore, capiteux,
envoûtant, entre les rangées bondées de monomaniaques
lubriques bondables... Rhâââaahhh... lovely...
Bon,
ça, c'était dans ma tête malade pendant le trajet aller... vers cette
soirée de lecture érotique organisée par le diable... la réalité
sur place maintenant ? On se calme. Déjà si l'on se souvient
du physique de Marguerite Duras... Bon ben... L'homme assis dans le
couloir – titre du texte lu – c'était pas elle qu'il regardait,
je vous en fiche mon billet. Ah bravo... c'est élégant ça comme
remarque, tiens... Ben oui, mais moi, je ne peux écrire que ce que
je pense, c'est comme ça... Enfin, Laure Adler traverse la salle
après un discours sans filet et bien ficelé de ''little fish'' –
son nom d'Indien - le communiquant maison au suffixe tout trouvé
(niquant) pour une telle soirée, Jol Liby alias ''libydo'' quand il
donne le ''la'' de cette présentation, l'homme-poisson qui jamais ne débande
quand il s'agit de haranguer, sort. Todo perfecto. De puta madre.
Laure
Adler s'assoit dans un fauteuil de chez RBC, à oreilles (j'avais des mots
pour déflorer ces initiales mais je ne voudrais pas tomber dans le
graveleux où je me vautre peut-être déjà sous le circonflexe de
votre sourcil concupiscent) sans doute pour mieux provoquer l'écoute.
Elle ne porte à mon grand désarroi, ni robenijupenibas mais un
pantalon bien couvrant engoncé dans des bottes nordiques fourrées...
bon... puis démarre la lecture d'une voix monocorde dénuée
d'émotion sur le ton de l'énumération d'une liste, dont la
première phrase commute instantanément chez votre serviteur préféré
chaud bouillant comme un Cubain en salsa, un érotisme annoncé et
espéré, en intellectualisme rigide et froid, frigide et roide,
psychorigifrigorifiant. En gros l'histoire d'un voyeur éjaculateur
précoce qui mate une meuf qu'à rien trouvé de plus confortable que
de se titiller l'abricot allongée sur les cailloux d'une allée...
Oui mais vous, l'été, vous lisiez Duras quand je lisais San
Antonio... Puis il la ballotte du bout du pied comme une chiffe molle
histoire de voir si elle est bien molle et soumise, avant de la
torgnoler par mornifles de paluches en trombine, à la demande
expresse de l'impétrante enfin pénétrée... Ouais... font c'qui
veulent, hein... mais moi, cela ne m'a rien évoqué qui vaille la
peine d'être vécu ! A la réflexion, le ton très neutre et la
diction parfaite, jamais accrochée de la lectrice, pouvait aussi
donner au texte toute sa place, c'est selon...
Cette
première partie ne fut donc pas la plus intéressante à mes
oreilles ni à ma...''bip''. Par contre les précisions que nous
apporta Laure Adler qui vient de publier une biographie de cet
écrivain lorsque nous lui posâmes des questions, fut
passionnante. Nonobstant le gros lourdaud qui lui demanda si après
la torgnole, la femme avait porté plainte auprès des gendarmes...
oh putain... consternation dans les rangs... on avait honte pour lui
et pour nous... sa femme essayait en vain de disparaître sous les
tomettes... sauf que je crois bien qu'il s'agit d'un plancher de
chêne finalement... disposé en chevrons, même. Et qu'en fait je n'en sais rien s'il était accompagné...
Enfin,
après qu'il se soit tu, Laure Adler nous affranchit de quelques
considérations sur la vie et le style de l'auteur – la recherche
de l'épure – parait-il, dont on ne s'était absolument pas rendu
compte dans ce texte aux descriptions si longues et minutieuses
qu'elles empêchaient le plaisir créé de la représentation
mentale, ces images qui naissent de la littérature.
C'est là que
les Dobermans de Gina se sont déchaînés... Elle a choisi pour son
Iphone, la seule sonnerie qu'Eichmann himself n'aurait pas reniée...
des aboiements de chiens agressifs... et c'était peut-être bien une
cravache de cuir qui dépassait de son sac... Evidemment la logique
féminine étant ce qu'elle est, au lieu de commuter prestement
l'interrupteur de son mobile (en haut à gauche sur la tranche, gina,
pour la prochaine fois...) elle entreprit d'étouffer les clébards
avec son écharpe, au fond de son sac à main, en plongeant au milieu
des travées des obsédés associés ce qui rendait les vociférations
canines encore plus pathétiques et réalistes tout en entretenant
une sexy-ambiguïté avec son lubrique de la rangée précédente...
J'espère qu'elle sera rayée de la liste des prochains privilégiés
par naturelle mesure de rétorsion. Un bon plan pour le lourdaud,
peut-être.
Pas
de petite photo de cette soirée malheureusement, le vestiaire de
l'entrée m'ayant subtilisé mon duffle-coat avec mon mobile in the
pocket. Ah si, une dernière chose : la soirée était
sponsorisée par un mécène, sûrement la raison pour laquelle on
nous servit des minis-gâteaux à l'apéritif – il espérait qu'on
ait déjà mangé...- et que je me suis vu refuser une deuxième
coupette de Roederer... un mini-mécène donc, à qui le barman
physionomiste coûta certainement plus cher que le Champ ! Merci
quand même... je critique, je critique mais c'est pour amuser les
foules, hein, une bonne soirée à recommencer avec, plus d'érotisme
encore.