mercredi 29 juin 2011

Pour Apprendre la Politesse



Mon fils, seize ans, me dit l'autre jour :

- Au fait tu connais ce site "Bonjour Madame" , toi qui fais de la photo ?

- Non... qu'est-ce que c'est ?

- Ben.... tous les jours, à dix heures, tu te connectes et tu dois dire "Bonjour Madame" ... à la photo du jour.

Alors moi, évidemment, j'y vais, et là, que ne vois-je pas ? Une dame toute nue ! Non mais l'aut' eh... au lieu de bosser pour remonter sa moyenne en Physique-Chimie, v'la t'y pas qu'il apprend l'anatomie superficielle maintenant ! Et sans qu'on l'ait encouragé encore...! Et il vient de partir en Corse avec la famille d'un copain... et pourquoi pas des TP sur la plage de Palombaggia puisqu'on y est ?
Alors voilà, tout le monde peut proposer une photo - même moi, donc s'il y a des candidates pour poser vous savez où me trouver - à condition d'avoir le genre photographique en rayon et puis y'en a qui cliquent sur "j'aime" et selon la demoiselle et le talent du photographe, y'en a 36 qui aiment ou 736... et vas-y que je clique comme un fou... Etonne toi après, lecteur, qu'il faille abaisser le niveau du bac !
Toi lecteur consciencieux sache une chose : quand tu seras sur le site, tu vois la petite flèche au-dessus du coin supérieur droit de la photo ? Eh bien clique dessus et toutes les madames à qui tu n'avais pas dit bonjour défileront pour que tu répares ton impolitesse. Précision donnée en raison de ton goût immodéré pour la photographie d'Art, évidemment. Rien que.

Et dire que pendant nos études de Kiné nous avons passés un an en slip à nous masser avec du talc, surtout avec le contingent de Suédoises qu'on avait à l'école de Montpellier... ça donnait à peu près ça... c'était le bon temps, tiens.

http://www.bonjourmadame.fr/

mardi 28 juin 2011

Flash-Bac


Récemment quelqu’un me parlait de sa classe de 1° en Juin 1951 dans un lycée de Nîmes où il était interne.

« Il faisait très chaud, sans « réchauffement climatique » dénoncé. Certains élèves révisaient, allongés sur du carrelage, un gant de toilette mouillé sur le front. Les journées s’allongeaient sur les nuits. Certains avalaient des ampoules d’ « actiphos amphétamine » pour se stimuler avant les épreuves écrites qui se déroulaient sans interruption pendant deux ou trois jours et l’oral, une semaine après pour les reçus de l’écrit.
Les résultats cette année-là, à la session de juin, avaient donné deux reçus à l’écrit sur une classe de trente élèves. La rumeur accusait des maths trop difficiles. Mais il y avait la session de septembre sur laquelle la plupart se rattraperaient après un travail soutenu durant toutes leurs vacances. ».

Rappelons-nous. Il y avait la première partie du bac. On passait toutes les épreuves, pas seulement le français. La deuxième partie était à peu près une réplique de la première, si ce n’est que le français était remplacé par la philo. Puis, on est passé au « français du bac », à une liste bien précise de textes à préparer pour l’oral. Ensuite on a multiplié les baccalauréats pour donner ses chances à tous, jusqu’à ce qu’on atteigne 80% de reçus. On a parlé aussi de suppression du bac, de contrôle continu.

Mais ces changements au fil du temps ne signifient pas que le bac n’a plus rien de sérieux. Au contraire peut-être, cela signifie qu’à son existence, des gens sérieux et responsables, profs, parents et enfants, plus que jamais y tiennent. Des Américains nous l’envient pour les efforts exigés des jeunes et de leurs professeurs. N’est-il pas un rite d’initiation moderne par lequel chacun se mesure à lui-même et aux autres et annonce à la face du monde son changement de statut, sa progression vers la société des adultes, vers l’autonomie, vers une vie enfin choisie, l’entrée dans une université ou un IUT, ou dans le monde du travail ?

Alors qu’on ne dise pas, après des tricheries honteuses, que le bac ne sert plus à rien et ne prouve rien. En revanche des tricheries prouvent - et cela d’autant plus qu’elles sont impunies ou traitées à la légère - que notre monde dégringole...

N’est-on pas dans un pays de tricherie banalisée ? On nous fait régulièrement le bilan de ce que coûtent aux contribuables les tricheries à la SNCF, à la SECU, l’arrivée des sans-papiers, l’usage de faux-papiers, les mariages blancs, la polygamie, les dégradations de magasins, de véhicules, de biens publics ETC...
A quoi bon, on n’entend jamais parler d’amélioration ou de sanctions suivies de résultats.
Il est arrivé qu’on voie quelques contrôleurs dans les couloirs de métro ; ou bien on demande aux voyageurs de s’adresser au contrôleur quand – pauvres étourdis – ils oublient de composter leur billet de train. Comme on est gentil en France, comme on doit faire envie aux Américains, aux Allemands, aux Britanniques, aux Australiens, aux habitants de tous ces pays où on sent que ça marche, que chacun se soumet aux lois de la démocratie (Y a-t-il une honte à cela ?) où finalement on se sent bien en sécurité. Que penseraient-ils du spectacle de plus en plus répandu de ces gens qui franchissent sans honte, en plein jour, d’un saut, la barre du métro sans que les employés derrière leur guichet n’y trouvent à redire tandis que les voyageurs ravalent leur indignation. Et cela n’est qu’un exemple, petit, de cette mentalité tricheuse installée sur toutes les marches de la société française. Par chance, les tricheries au bac, émeuvent encore !
Gina

lundi 27 juin 2011

V comme Viol

Aujourd’hui madame V, opulente septuagénaire dont je soigne l’épaule pour une tendinopathie récalcitrante du sus-épineux, arrive avec deux accessoires inhabituels : un soutien-gorge à balconnets noirs brodés d'or qui peine à contenir son 115 D - pas moins - et une canne emboîtable en trois segments dont elle n'a aucun besoin.

Lui désignant cette aide à la marche qu’elle a posée sur la table de massage tout près d’elle, je l’interroge :

- C’est pour quoi faire ?

- Me défendre !


- Vous défendre… ?


- Voui… y’a un violeur dans mon immeuble…


- Oh…. Pas possible… ?

- Si ! ma voisine du huitième a été attaquée ! Madame Michel ou un nom comme ça...

- Non… ? Là… ? Dans l’immeuble d’en face… ?!

- Voui… chez moi, là, dans mon immeuble… la dame qui descend tous les matins à six heures donner à manger aux chats pendant que son mari, un homme très pieux, va à la messe… et ben quand elle est remontée, un jeune l’a suivie dans l’ascenseur et … l’a ... attaquée !

Fuse dans ma tête cette idiotie : la mère Michel aurait retrouvé sa chatte… et aussi que l'agresseur, lui, était un homme très pieu... Oui, je sais, c’est indigne, mais c’est comme ça, sans prévenir cette pensée m’a traversé l’esprit. Je n'ai jamais prétendu que j'étais un mec bien, au fait. Faudra bien un jour que j'aille à confesse. Même si la musique du mot est inappropriée en l'occurrence, vous en conviendrez. Je ne sais d’où me viennent ces fulgurances qui m’éloignent du Paradis, jour après jour, un peu plus. Il faut être vraiment cynique pour sourire d'un truc pareil. Ou alors aimer la vie plus que les gens, je ne sais pas. D'autant plus que je serais capable de tuer celui qui violerait quelqu'un que j'aime. En éprouvant un grand soulagement encore. Mais il se trouve que madame V a une façon comique de vivre et de s'exprimer. Ce serait comme du mauvais théâtre, elle appuie sur les syllabes, dramatise la prononciation et joint moult mimiques à la parole : irrésistible.


- Violée ?

- Voui pardi ! Enfin, presque, pas tout à fait… un peu... pensez il a pas eu le temps à la vitesse ou monte l'ascenseur ! Un jeune d’environ vingt-deux ans, dites… un Arabe... on a affiché son robot dans tout le quartier...

- Elle a quel âge cette dame ?

- Soixante-douze ! Mais, elle est comme moi, elle ne les fait pas du tout !


Là, je le reconnais, ça m’a échappé ; songeant à haute voix, j’ai commis une indélicatesse caractérisée :

- Eh bé… soixante-douze ans… faut avoir faim… pour violer une mamie, à six heures du matin, à jeun… dans un ascenseur miteux… sans même un miroir pour offrir un point de vue coquin…

Madame V s’est renfrognée aussitôt, remontant nerveusement le balconnet du sein droit qui luttait mal face à la rebondie pesanteur d’albâtre. Je revois tout à coup la mine terrorisée de la femme que j'ai croisée dans l'escalier d'un autre immeuble, ce matin même alors que je me rendais chez Asuncion y Francisco. Le "bonjour madame !" tonitruant dont je l'ai gratifiée en montant quatre à quatre, bon ok, deux à deux, a interrompu sa descente et l'a plaquée contre la rampe, tétanisée. Quelques marches plus haut, je l'ai entendue libérer une forte expiration.

C’est ce geste de "remontage de balconnet" qui m’a interpellé. Tout à coup, j’ai compris : un prédateur sexuel écumant le quartier, madame V, soucieuse de son image et inconsciemment conditionnée à une attaque imminente, s’était parée de ses plus beaux sous-vêtements comme lorsqu'elle côtoie des personnages bien plus haut perchés qu’elle, sur l’échelle sociale. Quand elle consulte son chirurgien par exemple. Ainsi, en cas de coït furtif entre quatre parois d’inox avec le sauvageon oriental, au moins donnera-t-elle une bonne image. Parce qu’elle est comme ça, madame V, inflexible sur le ''qu’en-dira-t-on''.



dimanche 26 juin 2011

Un Ivan peut en cacher un autre.

Il me semblerait injuste de rendre compte de "Pentecôtavic" sans signaler Ivan Garcia qui remplaça Ivan Fandino blessé. J'ai été impressionné par la sincérité et la quiétude de ce tout jeune torero qui n'a pas raté l'occasion offerte. J'espère qu'il en retirera des dividendes en terme de contrats, car s'il y en eut un cet après-midi de corrida concours, qui justifiât sa place, c'est bien lui.

Cette course alléchante sur le papier fut décevante et aurait pu laisser le prix desierto. Les ganaderias ont-elles encore de quoi présenter de grands toros ? La Palha fut meilleur, plus complet à mon sens que ses frères de la veille, mais c'est "Generoso" le Flor de Jara qui obtint le prix. Si j'ai lu quelque part qu'il avait une présentation de "toro de Madrid", il faut préciser "toro de Madrid asymétrique" alors... et passée en revue par un vétérinaire borgne. Avec cette armure assez laide, "Generoso" l'était aussi de la corne droite plus longue que la gauche d'au moins un tiers, elle trouait les nuages et aurait suggéré une averse de perforations intestinales à un monton de toreros virtuoses du pasito atras. Mais pas à Ivan Garcia, tranquille et stoïque, ne doutant pas devant la dague perce-panse acérée. Une tauromachie calme, froide, classique, réfléchie et sincère. Madrilène, elle. Je l'avais vu une fois en novillada à Nîmes, il semble depuis avoir fait du chemin. Je le recommande aux empresas, on a envie de le revoir. Un peu d'imagination que diable : Remplacez Padilla par Ivan Garcia, Lopez Chaves par Curro Diaz et Rafaelillo par Raul Velasco et ça nous fera un peu des vacances ! De rien, pour l'idée. Garcia coupa une oreille à son second comme il en aurait coupé une autre à son premier s'il n'avait pas pinché ou s'il avait pinché tout pareil mais en terre de brandade et picholine où seuls comptent l'euphorie et le ratio oreilles/toro malheureusement génétiquement limité - pour l'instant - à deux par spécimen. Amen.

samedi 25 juin 2011

Hil de pute...!



Ce toro de bronze devant l'arène vicoise, pour être immobile, n'en est pas moins important pour l'aficion passée, présente et à venir. Certains se souviennent de la façon dont Ruiz Miguel tordait les aurochs et d'autres le sauront plus tard, y viendront parce qu'ils ont aujourd'hui fait les couillons sur le dos de la statue... Elle me parait réaliser à blanc une véritable tauromachie. Pour le ''monter'', déjà, il faut transgresser, franchir la grille qui l'entoure. Escalader cette grille, c'est un peu surmonter les réserves émises par votre entourage quand vous leur annonciez que vous vouliez devenir torero :


- Mais tu es fou, n'y va pas, ce n'est pas raisonnable, tu vas t'esquinter, t'empaler, mener une vie de polichinelle, etc...

Ben oui, mais quand tu y es, tu es le centre du monde, tout le monde te voit, mieux, tout le monde te regarde et qui plus est, tout le monde t'aime. Tu es celui qui sort de la foule, celui qui va au toro, qui prend possession de la bête et du regard de tous. On te montre du doigt, on t'interpelle, on te photographie, les filles te reluquent, les anciens te sourient, c'est toi le torero de cette plaza ! Toi, le nombril de cette foule qui déambule alentour et c'est grisant. Alors tu y vas, tout seul ou avec ton pote, avec ta copine, ou, comme Benjamin, à la plage, en étendant ta serviette sur ses gros muscles de bronze, pour rester là, allongé de longues minutes, alors que tes copains t'arrosent le cul avec leurs fusils à eau. Mais cela ne te déloge pas, tu enserres amoureusement le gros toro capable de changer ton statut, toi qui enserrais il n'y a pas si longtemps ton gros nounours dans ton lit, tu surmontes maintenant la grosse bête, en bon festayre qui accomplit ce rite de passage de l'enfant que tu étais hier, à l'adulte que tu seras demain. Car tu sais que demain, par cette audace, c'est peut-être une fille que tu auras la chance de serrer fort dans tes bras.
Tu ne le sais pas encore mais tu es un tauromache, c'est sûr. Et un jour, après-demain, te viendra cette idée : et si aujourd'hui avec les quarante-cinq euros que j'ai à dépenser, j'achetais une place de tendido au lieu de les boire ? Et là mon pauvre, tu es foutu, car l'addiction a los toros elle est plus indécrottable que celle à l'alcool, car elle vient de ton nounours, elle vient de ton enfance, tu viens d'entrer de plain pied dans le grand songe, tu t'aperçois que tu as ça en commun avec ton grand-père que tu n'as pas connu longtemps et de qui ainsi tu te rapproches. Et alors ce qu'il n'a pas eu le temps de te dire, te manque cruellement, et tu fais de gros efforts pour te souvenir de ce qu'il essayait de te transmettre et que tu n'écoutais pas. Ca te gonflait même, ces litanies d'un autre monde. Et comme elles te manquent, maintenant, comme elles t'enrichiraient, toi enfin prêt à les recevoir comme un vin de messe. Mais il est parti ton grand-père, avec ses tics, ses rides, ses grosses mains de travailleur de la terre, son front ''blancass'' sous le béret, ses valeurs et ses histoires dont il souffrait qu'elles n'aient plus d'oreilles attentives. Il te reste son béret, là, au clou, derrière la porte de la cuisine. Un jour, si tu en as le courage, tu plongeras le nez dedans et inspireras de toutes tes forces, jusqu'à t'en pincer les narines, pour voir, si tu peux prendre la claque de ce shoot d'humeurs patriarcales. Si t'as de quoi encaisser ça, tu auras franchi une autre étape de l'âge d'homme. Il te reste sa canne. Pas celle en aluminium, télescopique et réglable du pharmacien, non, celle qu'il s'était fabriquée lui-même, avec son couteau, et ses doigts aussi noueux que la branche du vieux poirier utilisée. Ce même couteau qui t'impressionnait quand tout petit il te prenait sur ses genoux et tranchait un gros pain croûteux que ta petite bouche peinait à mordre. Et puis des tranches de lard fumé, aussi, avec de la moutarde, dont il te badigeonnait un peu les lèvres malgré la réprobation des femmes, pour ''t'endurcir'' qu'il disait, et alors comme elle lui plaisait ta grimace et comme il s'empressait de te donner de la mie de pain et du lard pour que tu ne souffres pas trop de la puissance de cette moutarde d'homme que les femmes ne mangeaient pas.
Et puis un jour, quelques décennies plus tard, au milieu d'une bronca destinée à un peon maladroit qui n'arrive décidémment pas à puntiller ce toro agenouillé, qui plonge et replonge jusqu'au dégoût la lame de ce poignard dans la nuque lardée, tu te demanderas enfin : mais où il est passé ce couteau ? Son couteau, "le" couteau de grand-papa, qu'il me gardait précieusement, dont il avait toujours dit qu'il serait pour moi, sans doute parce que c'est par lui, lors de ses moments privilégiés du goûter, qu'on était les plus proches. Ce couteau dont tu n'as jamais fait cas jusqu'à ce jour, et qui d'un coup te manque cruellement, où est-il putain ? Et il te manque ; et tu t'en veux comme un chien ; perdu à vie ; ne reviendra plus ; verras plus jamais ; et elle fait soudain si mal cette absence ; et tu n'as plus que des souvenirs embrumés ; des images fugaces et estompées ; cette lame qui tranche la croûte d'un pain comme on n'en fait plus ; ce lard brun rouge entrelardé de gras aussi blanc, savoureux et dangereux que l'intérieur des cuisses des femmes ; et puis la foule exulte qui te secoue et te sort de ce songe ; le toro est enfin, à nouveau, mort, parti. Comme grand-papa.



Un jeune m'a tapé sur l'épaule quand je faisais cette photo et m'a dit : c'est pas pour un blog ? Si ? Ecrivez-le svp qu'il s'appelle Benjamin Laporte, (si mon souvenir est bon...) qu'on puisse le retrouver sur la toile...

mercredi 22 juin 2011

Et Peluquito banana le public sur penalty




Resena : Décevante corrida de Palha vicoise pour Juan José Padilla, Javier Castaño, Alberto Aguilar. Décevante parce que chiche d'armure sauf un, et quasi éclatée pour un autre. On sait des cyclones qu'ils ne doivent leur puissance qu'à leur jeunesse et la brise légère résiduelle après le passage de cet état béni parait bien dérisoire. Ce n'est donc pas un parti pris d'avenir de bâtir carrière sur le concept car on en vient fatalement à décevoir ceux qui aimant la tempête, viennent promener sur ces digues pour observer l'impétuosité des vagues. Dont l'inertie des rochers aura bientôt raison. On en est désormais rendu là, avec mister rouflaquette, labellisé ''de Jerez'', d'autant qu'il tira les plus emmerdants de l'encierro.

Avec Alberto ''poupon'' Aguilar, tout ce passe comme s'il avait soudain réalisé, maturité aidant, dans quel infâme merdier il s'embourbait en choisissant d'embrasser la carrière des toros. A ce stade de ''vocifération décibelliqueuse'' on n'est plus du tout sûr qu'il s'agisse d'encourager la charge et on commence à se demander dans les tendidos, tout en reconnaissant que notre cul à nous est bien à l'abri, s'il ne serait pas devenu quasi épouvanté à l'idée d'occire son opposant... faenas a menos con espadas problematicas.. (je sais...)

La bonne surprise est venu du briscard Castaño, calme, lucide et efficace, ''torero'' en un mot. Pas de fioritures, une facture classique avant de se rapprocher un peu plus pour faire vibrer les dames dont le petit coeur palpitait sous leur sein turgescent. Il eût surtout l'intelligence de lire le fond de bravoure de ce cinquième toro, qu'il mit en valeur lors d'un tercio de pique qui provoqua l'explosion hystérico-admirative d'un public d'ex-connaisseurs, qui exigèrent la vuelta al ruedo pour cet exemplaire et fit une standingueu ovvvationnnn à Tito le piquero, Sandoval du patronyme. Certes, le toro venait de loin, certes castaño le plaçait encore plus loin que dans une concours (peut-être pensait -il que c'était ce jour-là, la concours ?!?) certes le noir cornupète vint à trois reprises, et de loin, donc. Maintenant, si on s'attache au style, il gratta... mais gratta... il tarda, mais tarda... et s'arrêta même tout net à mi-charge, bloqué, avant de finalement décider d'y aller. Pas un grand brave, messieurs-dames, oh non. Mais de la bonne volonté, pourvu qu'on le con... faut faire gaffe là, c'est un verbe à la con... qu'on le con...vainquît ? ... con...vainque ? ... con...vainc ? ...con...vainquistadorise ? Que... bref, qu'on sache le convaincre et qu'il ne nous emmerde plus à gratter de longues minutes sans vouloir y aller : vuelta y pâmoison !!!

Anecdote : je ne sais plus si cela se passa à cette course mais en tous cas, moi, je vous le raconte ici et maintenant. Un jeune avait apporté un sifflet. Un vrai, d'arbitre, et s'en servait à bon escient : à chaque carioca par exemple. Je trouvais que c'était très parlant : un judicieux syncrétisme de ce pays de rugby et de toros, avec son lot d'approximations, parfois dans la lettre, parfois dans l'esprit. Cela faisait un bon moment qu'il ne s'en était pas servi quand trois corbeaux noirs en Rangers, arborant fièrement l'inquiétante locution "Sécurité" dans leurs dos, firent irruption dans son tendido pour lui chercher noise. Le public s'en aperçut et commença a gronder qu'on emmerdât (c'est plus chic ) ce jeune mélomane rompu aux batucadas brésiliennes syncopées à coup de musical sifflet, récusant ainsi la principale définition du Larousse pour le mot "corrida" : désordre, tohu-bohu.
Mais les gardiens de l'ordre social insistaient et la contestation de l'arène enfla dans tous les tendidos car ils s'achoppaient maintenant avec une femme plus près d'eux, qui scandalisée par leur comportement, joutait verbalement d'importance pour défendre le jeune qui n'avait pas bronché pas à quelques rangées de là. C'est alors que le chef du commando, adressa tel Emmanueli à l'Assemblée Nationale, un doigt, le medius, pour tout dire, à ladite foule ! Le cuistre ! L'impudent ! Le proctologue amateur ! Evidemment l'arène alors, lui répondit d'une bronca de gala, comme un gros pet foireux, qui bouta le chantre negro-liston-de-la-paix-sociale-malgré-nous-le-peuple, hors de l'enceinte... Oaaaah putain, ça fait du bien de rire un peu... mais je ne savais pas que c'était une arène Sarkozyste moi, ici... Nâââaaan, je te provoque, peuple de gauche, par amitié... bouge pas... Et dire que la dernière fois que je suis venu on se faisait passer une tortue géante gonflable dans les tendidos en déconnant... boûhhhh... ça devient triste hein, chez vous aussi... bientôt on va se croire à Nîmes... il est temps de reprendre du poil de la bête et d'organiser une Mogiganga Pampelonnaise et d'obliger ce vigile même pas flic à siffler de longue en porte-jarretelles pendant toute la course. Fais chier.






Rajout de recuerdo : Plus tard j'ai reconnu cette femme, qui servait derrière un comptoir. Je suis allé lui parler pour me faire confirmer l'affaire. Elle m'a dit s'être offusquée pour trois raisons :



- ces types là sont entrés et venus chercher noise alors que cela faisait un moment que le jeune n'avait plus sifflé et que jamais il ne l'avait fait durant une faena de muleta - ce qui en soi est un crime dont personne ne nie la gravité majeure, c'est entendu...-



- ils prétendaient faire respecter les faenas des maestros alors qu'ils étaient en train de contribuer à pourrir celle qui était en cours...



- ils prétendaient concourir à rétablir l'odre public au sein d'un conclave à qui ils adressèrent un doigt d'honneur !






- Mon Dieu j'ai honte, tout le monde doit me reconnaître alors ?



S'inquiéta cette sympathique femme.



- Madame, vous avez bien fait ! Vous leur avez traduit le sentiment de l'arène et tout le monde était derrière vous !



- Aaaah merci monsieur vous me rassurez...

mardi 21 juin 2011

Aficionado à la Sémantique ?


Client : Personne qui reçoit de quelqu'un, contre paiement, des fournitures commerciales ou des services. (Larousse)
Les mots ont donc un sens et s’en offusquer n’est pas réaliste. Oui, en donnant de l’argent pour obtenir une entrée dans l’arène vicoise nous étions leurs clients. Et alors ? Ce serait même par là, que nous pourrions avoir le seul petit pouvoir d’influence. Seulement, voilà, ce qui nous fait souffrir c’est de constater que les masses qui garnissent les tendidos s’inversent : le public généraliste est devenu plus nombreux que les aficionados. J’ai donc écrit « pourrions » parce qu’il semble bien que nous ne pouvons plus. Car ''l’air du temps'' est un parfum pernicieux qui s’infiltre partout. Dans le moindre interstice psychique, la moindre anfractuosité sociétale, le moindre vide juridique ou politique. La moindre indignation, revendication ou espérance.
Mais sur un plan philosophique, c’est-à-dire quand on se pose les bonnes questions, ou simplement démocratique, encore heureux que l’arène ne soit pas un lieu sectaire. Vive l’entrée libre ! Sinon on peut tout imaginer, que les practicos par exemple, se scandalisent de l’entrée des aficionados qui jamais ne descendirent ''mettre la jambe'' devant un frontal. Voire que les hommes interdisent aux femmes de pénétrer l’arène. Une mesure rétrograde inconcevable - elles auraient tôt décidé d'interdire d'autres pénétrations - qui changerait radicalement la sensibilité des lieux. On peut donc regretter cette évolution, comme on le fait presque quotidiennement sur pas mal de blogs, mais à mon sens, pas s’en offusquer.
''Aficionado'' n"est d'ailleurs pas pour moi, un statut à brandir, une supposée supériorité ou compétence à revendiquer, c’est un truc intime que je vis dans mon for intérieur. La définition du terme en est d’ailleurs assez floue. Les aficionados eux-mêmes, pensent, que ce sont ceux qui ''connaissent'', parce qu’il est alors plus plaisant de s’y compter, alors que d’autres, peut-être plus respectueux de l’étymologie, pensent que ce sont ceux qui ''aiment''. Les Espagnols d’origine qui nous lisent, nous le confirmeront peut-être. A cause de ma méconnaissance de cette langue j'ai longtemps cru que ce terme ne s'attachait qu'aux toros avant de réaliser qu'on pouvait l'être au football, aux carpes Koïs ou à la réflexologie plantaire.
S’indigner (un terme devenu très à la mode…) que la sensibilité de l’époque et du public qui la compose, change, ne sert à rien. Ce ne serait même pas du défaitisme de dire que c’est inéluctable, ce serait la simple prise en compte réaliste d’un fait, qu’il est certes permis de regretter. Ce n’est pas l’arrivée massive des femmes dans l’arène qui en a changé la sensibilité, c’est le fameux ''air du temps'' de l’époque, généré par des hommes, en protégeant les chevaux pour que leurs tripes ne jonchent plus le sol et en sublimant le toreo en le ralentissant, qui a attiré les femmes. Aussi inéluctable que l’est le mouvement perpétuel de la vie et de la mort qui renouvelle ce public de clients, qu’il soit aficonado de pacotille, de verdad, aficionadeau, parisien précieux, paysan rustique, penseur cultivé, borracho ignare, artiste inspiré, boucher dans l’âme, frontiste sexiste ou gauchiste intolérant (ouais… pafaitement, j’en connais plein … j’ai les noms en plus…;-) ou centriste tâteur de petons en vue d’atteindre les tétons étonnés.Tentation de l'homme tronc type avançant à tâtons.
C’est la raison pour laquelle, je pense que nous avons peut-être une petite importance, nous autres griots de la toile, passeurs de témoin décriés du « c’était mieux avant, enfin, parfois moins pire... » passéiste. Ce qui n’est absolument pas le problème. Car je m’interroge de plus en plus souvent sur ce que comprend un type de vingt-cinq ans, dans ce que nous écrivons : s’en détourne-t-il immédiatement en pensant que la tribu des quinquas toristas est un Muppet Show à fuir d’urgence ou en tire-t-il de savoureux enseignements ? J’hésite…
Mais je me souviens qu’un des aspects qui m’avait bien plu dans mon parcours en aficion, c’était ma curiosité à écouter les anciens, derniers vestiges d’une époque que je n’avais pas connue, mon plaisir à chercher dans les livres comment cela se vivait avant moi, la découverte de ceux qui avaient fait évoluer le toreo et surtout, par quel biais : eux, par la sélection du meilleur sang, lui par sa fêlure, l’autre par son handicap qu’il dut compenser, l'autre par son orgueil ou son chagrin, etc.
Par contre, si ceux qui se sont offusqués du terme de client par lequel nous fûmes interpellés au micro ont confondu avec la notion de ''clientélisme'', là oui, je les rejoins.
Clientélisme : Péjoratif. Fait pour un homme politique ou un parti, de chercher à élargir sa clientèle par des procédés plus ou moins démagogiques.(Larousse)
Il suffit alors de remplacer ''un homme politique ou un parti'' par ''empresa'' et c'est bon, j'en suis.

TAKAYALLER



Il y a aussi la technique ''don de soi à cuerpo limpo'' : saut périlleux garanti ! j'en ai trouvé une autre comme ça de Ivan Fandino, moins spectaculaire. Lui, je ne sais pas qui c'est mais il faut avoir une grande confiance en la vie... ou s'en foutre, au choix.

Entrée en Avatar : poumon 25cm



Un peu comme le tennisman qui prétend disputer des tournois doit apprendre le geste du service avec sa cinétique complexe pour être performant, il devrait y avoir un passage obligé pour les rejoneadors appelés un jour à tuer à pied leur toro que le rejon de muerte n'a pu occire. Malgré le courage de celui-ci, la technique lui fait cruellement défaut. Et cruel, c'est bien ce qu'est ce Pablo-Romero astifino, pour lui...

dimanche 19 juin 2011

Je bronze donc je sculpte...


Elle est comme ça Chantal, tout sourire. Surtout en ce jour où elle a enfin exposé en pleine lumière le fruit d'années de labeur obscur façonné dans son "atelier", un bien grand mot pour désigner le garage de sa maison, où la voiture n'entre plus depuis des lunes.

Du cri enthousiaste général, une première en forme de réussite pour celle dont on connaissait peu ce talent enfin révélé. De ses mains habiles mues par un cerveau toujours en éveil, Chantal Porras d'une motte de terre, enfante ces profils africains surgis des origines qui nous interpellent de leur intériorité mystérieuse, ou comble notre désir de plénitude avec ses nus en bronze d'inspiration cubiste. J'avoue avoir ressenti une puissante frustration de n'avoir pu repartir avec cette femme lascive près de laquelle elle est accoudée.
Têtes, bustes, statues en pied, je ne crois pas me tromper en affirmant que beaucoup de ces pièces ne dépareraient pas dans une galerie prestigieuse ou même, soyons fous, dans un musée.
C'est à Cub
a que j'ai rencontré Chantal, elle était la seule personne qui avait emporté des affaires pour les enfants, la seule photographe qui de sa petite imprimante donnait aux gens les photos qu'elle prenait d'eux... Généreuse, chaleureuse, jolie, souriante et scultpeur doué ! N'en jetez plus, si cela ne suffit pas pour lui demandez quand vous pouvez passer voir ses oeuvres et discuter un moment avec elle - petit veinard -, c'est que vous avez, "cloué aux quatre coins du coeur, quatre cierges... etc"

Vous devriez réussir à
trouver son email dans cet article... N'oubliez pas de ''cliqueter'' sur les photos pour AGRANDIR ses sculptures et ses coordonnées.


Si vous promenant devant le 32 de la rue Pierre-Semard à Nîmes vous vous sentiez soudain observé, par quelque esprit guetteur, c'est donc normal.

Au final de ce vernissage arrosé au Chablis, si l'on ne pouvait que remarquer d'autres magnifiques statues parfaitement animées celles-là, vous noterez le sérieux du reporter qui réussit toujours à faire la mise au point sur le sujet sans se laisser dissiper par ce très joli premier plan un peu flou : eh oui, c'est ça le travail de pro...

vendredi 17 juin 2011

SOINS A DOMICILE

Asuncion Y Francisco




Asuncion vient m’ouvrir et de sa moue entendue me fait signe qu’il est toujours là-bas, en tête à tête avec l'écran. Francisco, quatre vingt-cinq ans, se lève difficilement de son fauteuil TV choisi trop bas et trop profond, comme le sont tous les fauteuils pour vieux, et entame à ma rencontre la traversée de sa salle à manger au sol recouvert de dalles vinyl brillantes et glissantes. Du coup, Francisco, aussi rassuré que s’il traversait la banquise en Tongs, a adopté depuis belle lurette la déambulation ‘’patinette’’ qui lui permet de limiter le risque de chute en contrôlant lui-même l’amplitude du glissement pantouflard. Asuncion n’ayant jamais transigé sur l’utilité du savon noir. La dernière fois qu’il a valdingué ça lui a coûté un coude. Depuis, il est aussi codillero qu’un torero paniqué.




Son meilleur moment est l’arrivée de l’infirmière. Enfin, de Sylvie, car elles sont trois. Il ne cesse de me dire qu’elle est très professionnelle et puis ‘’chantille…’’ aussi, avec de beaux yeux bleus.



- Ouais bien sûr… acquiesce sa femme depuis la cuisine… surtout il l’a trouve jolie avec ses gros seins, oui… dépoétise-t-elle



- Y tu ? No tiennes gros seins peut-être ? Et est-ce que je te trouve chantille ?



- Parce que moi quand je dois me lever pour te nettoyer à trois heures du matin, quand tu m’appelles en beuglant comme un veau, je ne suis pas « chantille » peut-être ???



Francisco lève les yeux au ciel et me chuchote un conseil de sage :



- Tou dira ce ke tou voudra, tou n’auras zamais lé dernier mot avec oun femme, tou lé sé ça ? Vivre et laisser dire… cé ma devise…



- Heu … c’est pas « Vivre et laisser vivre » le proverbe ?



- Si tou veux… mé ça reviens au mèm…

L’appartement est typé Espana grand teint : des chaises à dossier haut, revêtues de skaï rouge sang de toro après bajonazo, en bois tourné marron foncé, table assortie. Soupière verte hideuse sur napperon central crocheté au club du troisième âge. TVE diffuse non-stop, dans le coin, là-bas, meublant les silences des vieux compagnons et prévenant quelques disputes aussi. Malgré la vitesse du phrasé, je reconnais quelques mots familiers dont « torero », « jesulin de Ubrique », « Ortega Cano »

- Tou è un bon kiné… !



- Ah oui… ? Pourquoi ?



- Tou travaille toi au moins… à l’hôpital j’en ai ou tres… ils m’ont rien fé ! Ils me disaient tou fé ça, tou fé ci, et ils partaient…. : Alors au débout zé faisais n’importe quoi y al final plou rien ! Ils s’en foutent ! Tou lé fé ou tou lé fé pas, c’est pareil…



- Mais c’est pour vous, c’est vous qui devez travailler une fois qu’il vous a montré



- Si pero yé né soui pas oun kiné moi, y despues la hombro esta bloquada…



- Aaaah hombro… ‘’salir a hombros…’’



- Si…. !



- Et ça, l’omoplate ?



- La paletilla !



- Et ça...



- La munequa !



- Mano, munequa, ante-brasso, codillo, brasso, hombro y paletilla



- Muy bien… y la picha, conoce la picha ?



- Non, c’est quoi… ?



- Cuando, hay una mujer muy guapa, vamos … a salir la picha… !

- Mais qu’est-ce que tu lui racontes au Kiné ??? tonne Asuncion

- Rien zé loui donnn oun pétit curso de lengua espagnola… !

- Ah bon… la picha ça s’appelle ? Je croyais la polla… !

Francisco s’étouffe de rire tandis qu’Asuncion me gronde :

- ouh... muy malo mésié Délon, muy malo… la polla c’est pas joli como la picha… pas du tout… una picha cé zoli… pero una polla…

- C'est-à-dire ? exactement, ça veut dire quoi… ?

- Ouuuuh c’est pas zoli, zé né sé pa como lo traducir la polla , c’est vulguèr…

- Euh, peut-être l’équivalent de la … bite ?

- Esso es !

Rigole Francisco sous l’œil réprobateur d’Asuncion tandis qu’elle décide subitement de se venger en l’attaquant justement là où ça fait mal :

- Cé matin zé soui zallé au primeur y sé concumbres y z’étaient pas zolis-zolis… zé croyé que zété sola y zé loui di : son tou ratatinados, ces concumbres, on diré mon mari ! Pero derrière moi y’avé d’autres femmes et on a ri, on a ri…

Francisco me regarde, un rictus de consternation à la bouche en secouant doucement la tête. Je maintiens sa hombro en abduction lui pousse le codillo en extension maximale y la munequa tambien étirant toute la chaîne musculaire du membre supérieur, et je maintiens. Soufflez ! Tout est à bloc, il déguste. Les yeux dans les yeux je lis son désarroi. Il ne le dit pas mais j’entends :

Tou té rends compte como mi mujer parle de moi maintenant ? Oun concumbre ratatinado… et elle en rit avec d’autres femmes, surtout…

Mais en fait, ce qu’il dit Francisco, c’est :



- hay oun bueno cerebro, tu è oun bon kiné… mé tu vois la madre dé jesulin de Ubrique... elle a frodé la sécou de doze mil euros é portant èl é riche… y Ortega Cano il a toué oun type sur la route, il allé trè vite… mé cé loui kon plaint, parce qu’il était torero… moi yé soui como l’otro type : yé soui rien et déjà mort.

jeudi 16 juin 2011

L'Aficion des Femmes...

Dans le callejon de Vic-la-taurine...
Qu'elles sont souriantes... (on clique sur le sein gauche pour agrandir quelque chose...)
En voilà au moins quatre qui ne m'enverront pas de lettre d'avocat pour que j'enlève leur photo...
Pauvre photographe en rose, en bas à droite, qui constate, amer, le prestige dont il ne jouira jamais... Comme quoi les femmes ne sont pas tant que ça les gentilles et douces amies des animaux, puisqu'elles admirent leurs bourreaux, et cuisinent leurs dépouilles...
C'était une dédicace "spécial provoc" à Lola que Maja... Bises...

Vic : Dolores Aguirre pour Miletto, Mora, Joselillo






Première constatation, le public de Vic a changé : où sont passés les vieux aficionados, abonnés de longue date et même les paysans gersois, tout ce peuple du toro, l’arène entière qui criait Aouuuuh ! à chaque sortie de toro comme pour le saluer et le propulser un peu mieux au centre du rond ?
Ben il est mort, tiens ! Pourrait-on peut-être me répondre en tant que quinquagénaire commençant à assister au déclin de son propre monde. Possible en effet… Je constate même de l’inédit : la présence d’élégantes dans les tendidos, ce qu’aucun ethnologue amateur jamais, même mateur, n’avait constaté auparavant. Si l’on rajoute la couche de la pena des « Sévillanes gersoises » venues faire leurs graciosités ampoulées après une course, alors qu’on avait au bon vieux temps des bandes de couillons sympathiques, plus ou moins espontaneos, venus déconner en public, on est en droit de les mettre en garde : attention à ne pas perdre votre âme…
Si on veut des élégantes plus élégantes encore, on reste à Nîmes, si on veut des Sévillanes (à peine) moins ridicules, on reste aussi à Nîmes… vous auriez vous, plutôt intérêt à vous concentrer sur ce qui vous rendait différents, c’est du moins ce que les ''estrangers'' venus communier avec vous, éprouvent : vous ne pourrez pas dire que vous n’avez pas été prévenus, que vous n’avez rien vu venir…
''Photosmotstoros'' blog comico-taurin génial vous aura averti !
Bref Zemmour honni par les jeunes, les femmes et la gauche, a raison, la société se féminise, les femmes envahissent le ruedo de Vic et trouveront bientôt que Chopera envoie des toros trop méchants… alors qu’aller choisir ses toros soi-même serait plus salutaire car on ne peut pas dire que ces Dolores Aguirre ou ces Palha avaient tous un armement digne de la réputation de Vic. Bon, moi ce que j’en dis c’est rapport à votre insulte suprême toujours délivrée en réponse aux réserves vociférées ou demandes musicales émises :


- Va à Nimes, con !

En effet, pour que l’argument reste valable, il faut en cultiver le ferment et la preuve par le contrepoint. A propos de l’influence supposée néfaste de l’entrée massive des femmes dans les arènes sur l’évolution de la fiesta brava, une connaissance a des idées mais apparemment pas assez d’aguante pour accoucher d’une telle thèse… ;-) c’est dommage, on le cite pourtant de loin depuis des lustres pour qu’il nous fasse sa copie de ce sujet quasi philosophique de bac taurin afin qu’il livre enfin l’indignité de ses commentaires rétrogrades de Zemmour masqué qui nous feraient peut-être beaucoup rire… et le grilleraient auprès de la gent féminine. Je ne me moque pas de lui, j'avoue les partager... Je confesse avoir ma part de responsabilité au travers de ce blog qui en a certainement envoyé quelques-unes honorer de viles planches de bois de leurs éventails musculaires les plus remarqués.



Ouh… mais je ne devais pas écrire une resena, moi ? Quelle importance, vous avec déjà lu d’autres comptes rendus sss’pas ? Bon, alors, eh bien on ne s’est pas ennuyé du tout à cette course : comme souvent avec les tios de Dona Dolores, des toros plutôt mansos avec de la colère, du volume, de l’allant, mais dont certains, au moins deux, se décomposèrent au troisième tiers, perdant leur caste, frôlant même la soseria ! En tout cas ''pastueno'' peut être un terme approprié. C’est pourquoi l’appel au salut et l’ovation au mayoral m’apparut too much. Et pourtant si on ne s’est pas ennuyé, il faut reconnaître toute la présence en piste qu’ils opposaient le plus souvent, faisant cogiter les toreros à un des sujets de philo du bac : ''L’art est-il moins nécessaire que la science ?’’ Reconnaissons à ceux qui s’exposèrent à leurs cornes, le mérite d’avoir essayé de conjuguer les deux, non sans risques.

Julien Miletto n’a pas fait rougir les nîmois présents dans les tendidos. Ce garçon courageux est resté digne et valeureux dans l’adversité, réussissant un trasteo plus complet sur son premier toro.
Joselillo s’arrima devant un encorné d’envergure, d’une grande mobilité, noble et s’élançant de loin, difficile à contenir. Une oreille qui ne s’imposait peut-être pas mais en tout cas beaucoup moins choquante que la plupart de celles qui s’octroient.
David Mora est beau, ce dont les femmes ne se foutent pas et puisqu’elles ont envahi l’arène, on est bien obligé de ''resener'' aussi pour elles… Ben, si, messieurs, c’est comme ça, il est beau. Il est calme, pèse sur les toros, ne vocifère pas et donne surtout l’impression d’avoir clairement en tête ce qu’il met en pratique. Il n’est pas dénué d’art et possède une science certaine… qui lui confère une maîtrise peut-être ici grandement aidée par … les dérouillées ''puyesques'' qu’il ordonna à ses piqueros, ceci au final expliquant peut-être cela… ! Je ne peux m’empêcher de penser qu’un encierron de cet acabit, un dimanche de Pentecôte à Nîmes serait un événement qui passionnerait la foule, l’électrocuterait, la déniaiserait un peu. En un mot, serait vécu comme étant bigrement "porteur du souffle de la tauromachie"

mercredi 15 juin 2011

La Pensée du Jour

Il n'y a eu que des bons présidents sauf un, Mr Burgoa, qui ne préside que son narcissisme.


Simon Casas

Carnets de route

Vendredi 10 Juin au soir, je pars. Sept fois finaliste du prix Hemingway et je ne l'ai toujours pas gagné. A dix j'arrête. Faudrait pas pousser le ridicule trop loin ; le côté "toujours placé, jamais gagnant" commence à me fatiguer. Je me la pète grave, quoi... Avant, au début, j'étais gentil et modeste, je considérais qu'être finaliste était ma victoire ; maintenant, je préfèrerais être débarrassé tout de suite de ce suspens : pas finaliste et puis on n'en parle plus. je te l'ai déjà expliqué lecteur, être finaliste c'est sentir la main du jury t'écraser les roustons. Pardon mesdames. Je n'ai pas su gagner quand on était trente-sept, pourquoi y arriverai-je maintenant qu'on va être deux cents ? Cadors inclus. Faut pas déconner. C'est juste que ce prix est dérangeant parce qu'il est pile-poil fait pour toi ; et quand je dis ''toi'' reconnaissez-vous, tous les candidats. C'est vrai quoi, tu admires Hemingway, tu aimes les toros, tu écris des nouvelles, et mélangeant tous ces ingrédients tu te "pessugues" à écrire de toros, une double joie pour toi, et il y a juste ce ressentiment qui flotte au-dessus de toi, candidat, que tant que tu ne le gagneras pas, tu ne te sentiras pas vraiment entier ou d'aplomb. Bon tu remarqueras qu'il n'y a que moi pour en parler, je sers de catharsis à tout le monde, j'ai pas peur du ridicule. Alentour, personne ne moufte... bon sauf ceux qui écrivent pour se plaindre, genre Castella après une faena de Séville : "ils n'ont pas compris..." Donc à dix "finales" j'abdique, j'assume l'échec et je repars pêcher la dorade en Surf-Casting aux Aresquiers... Merde, je n'y avais pas pensé : ça fait un remake cheap et ringard du "Vieil homme et la mer". La mer... du bord... avec dans le rôle du monstre la Dorade Royale portion. Trois-cents cinquante grammes toute mouillée, déjà salée.

C'est à tout cela que je pensais quand j'ai engagé le mufle agressif de la .... Polo, sur le long ruban d'asphalte (le genre de lieu commun à éviter pour l'Hemingway... mais bon, pour les tartignolles qui lisent ce blog ça fera toujours son petit effet poétique) et puis, je ne sais pas ce qui s'est passé mais arrivé à hauteur de Lunel à peu près à mi-chemin entre Nîmes et Montpellier, j'ai commencé à bailler... mais bailler..., à m'en décrocher la mâchoire (Tit ! 'vois pas pourquoi mon GPS m'avertirait des radars et que je ne vous signalerais pas, les lieux communs) J'avais sommeil... je baillais... un truc de fou (Tôot ! Tic de langage...) était-ce possible que... la tension de l'attente du délibéré du prix me prenne à ce point le chou (Bûp ! argot...) et qu'une fois le vainqueur désigné ait lieu un lâchage généralisé massif ??? P'têt bien qu'oui ! ( Pôôôn ! familier) Atone, mou d'partout, voilà comment j'étais. Mais le problème, c'est que le Sud-Ouest ne vienpatatoi et que c'était moi qui devait alléralui ! ( Zou ! grand n'importe quoi) c'est loin... jamais on arrive... je pense avoir fait une grosse partie du trajet en somnolent dans des vapeurs obscures et négatives. J'ai voyagé pas mal de temps dans mes idées noires, au jugé, faisant des embardées dans ma déception, ouvrant une route à coups de macheteo mental dans la jungle hostile de mon ego blessé, essayant de dépasser ma rancoeur, négociant tant bien que mal les virages de ma prétention imbécile de gagner un jour ce prix. Elle n'est pas bien filée ma métaphore peut-être, lecteur ? Et à 130 Km/h, s'il te plait.


Et puis j'ai eu faim en apercevant le panneau de l'aire de Port-Lauragais où ils font un fameux cassoulet. Je me suis dis que pour le soir ce serait léger et calerait ma frustration jusqu'au lendemain. Le genre de plat que vous n'auriez pas pris si votre moitié vous avait accompagné et conseillé. La Dînée me l'a servi et je l'ai avalé aussi sec. Rien devant, rien derrière, un verre de tinto, deux cafés. Vingt-deux euros et deux minutes d'attente avant d'être servi, pour infos. Je suis reparti peut-être quinze minutes après avoir posé mon cul sur la chaise, avant ceux qui étaient déjà installés et mâchouillaient encore leur salade. Des sexagénaires qui n'avaient apparemment plus rien à dire à leur moitié, sinon l'interdiction du cassoulet pour le soir mes bien chers frères, me dévisageaient. J'ai horreur de ça : qu'à chaque fois que vous levez les yeux de votre assiette, quelqu'un vous reluque avec insistance. J'ai pouffé abondamment en la braquant du regard, avec un air d'Echerria coli et elle a baissé précipitamment les yeux. Rejoignez la Dînée sur Facebook, on ne veut pas leur renouveler la concession. Quand je suis ressorti, le beau temps n'était qu'une promesse de Gascon. Il pleuvait finement. Je n'ai pas accéléré le pas pour rejoindre la voiture que j'avais garée loin, là-bas, sous les arbres. Elle m'attendait comme une panthère noire, tapie dans l'obscurité des fourrés.


Je suis reparti sur l'autoroute, cinq minutes après la pluie s'est arrêtée, mieux, la lumière est revenue, j'avais dépassé le bas et lourd front nuageux anthracite qui m'avait accompagné jusque là. Un belle lumière résiduelle, soleil couché. j'ai allumé la radio. Fun radio. Je suis tombé sur le top 10 de la Dancefloor. Le type a lancé : "laisse tombéééé tes problem' , vien danséééé avec nous". J'ai pecho le potar de volume (Bûp!) que j'ai poussé dans ses retranchements et filé une puya (Pôôôn!) maximale à l'accélérateur... Je n'avais plus sommeil du tout, la lumière était belle, j'avais quitté la cohue de l'A9, et j'avais envie de faire un truc pas raisonnable. Je me suis dit que s'il y avait des radars eh ben y'aurait des radars, et j'essaierais de sourire... Vaillante petite Polo... on n'était plus à 130 km/h là... Seul un Mad Max avec son gros coupé BMW noir m'a doublé sur ledit tronçon. Il devait être à deux point trois. Un psycho-rigide qui avait un problème non résolu de suprêmatie bitumineuse. Ou alors c'était le vainqueur du prix qu'était tellement content... mais sur le moment ça ne m'a pas effleuré. La Dancefloor est montée crescendo et ma vitesse avec, on a fini en beauté avec "Don't stop the party" des Black Eyed Peas... putain la défonce... comme un fou j'étais, la Polo ne me reconnaissait plus... et si mes patients m'avaient aperçu, ils auraient arrêtés leurs soins... mes forces vitales étaient revenues... j'avais digéré, et le cassoulet, et le prix Hemingway. Je quittai les mondanités pour la ruralité, le monopicotazo pour l'assassinat puyesque, le ballet pour le combat, la brandade pour le foie gras, la branchitude pour la convivialité.

mardi 14 juin 2011

Cuvée 2011 : une belle jambe.

A peine débarqué à Vic, je rencontre au pied de l'arène le biterrois Thierry Girard lui aussi candidat au prix Hemingway, qui me félicite chaleureusement. Maaa... la frayeur... Avec la fixette que m'occasionne ce prix dans mon cerveau archaïque, j'ai cru l'espace d'une demi-seconde, oh oui, au moins, que le jury s'était trompé à la lecture du palmares et que je l'avais gagné mais raté aussi, étant parti très vite, et que depuis tout le monde me cherchait partout, affolé... pour me coller de force un gros chèque dans la main et au fond de l'oeil la lueur de la gloire ! Ca rend dingue, hein, j'vous l'dis, moi... Mais non, c'est juste que Thierry est un mec super gentil et qu'il me félicitait d'être finaliste...! Enfin ma nouvelle, la voici, vous allez voir qu'il faut que je me soigne d'urgence.



CHOC FRONTAL


Après avoir parcouru une longue route sinueuse et monotone où chacun, perdu dans ses pensées, avait contribué au silence ; après la montée glissante et boueuse d’un chemin que les roues presque lisses du vieux break Rambler peinaient à gravir, nous vîmes enfin les bâtiments aux façades chaulées, blanchâtres, comme abandonnés. Le ciel voilé ne diffusait qu’une lumière grise, uniforme, qui nimbait des paysages estompés. On les eût dit fixés par un de ces photographes américains opérant à la chambre Canham 8x10 sur trépied, en pose lente, diaphragme fermé, un filtre ‘’Neutral Density’’ sur l’optique pour casser la lumière aussi sûrement qu’un doblone casse l’élan d’un toro. La finca était déserte, seule une tortue s’échinait sur la terrasse à gravir une marche, d’une gestuelle si éperdue qu’elle donnait l’impression de vouloir s’affranchir de sa gangue de kératine. Un volet de bois délavé battait dans le vent, désemparé et vain, comme la chorée d’un possédé face au doute. Tout autour de nous et jusqu’à l’horizon, des milliers d’hectares de steppe désolée, ça et là parsemée de gros chênes lièges. Ils dévoilaient leurs troncs nus, rougissant d’avoir été déshabillés.

Au milieu, des points noirs et mouvants portaient en eux toute l’inquiétude du monde.

Par une rafale de vent plus forte, nous parvint le bruit de moteur d’un tracteur qu’un accident du relief nous permit d’apercevoir quelques secondes. Un groupe était arrivé avant nous et visitait l’élevage. Je le regardai s’éloigner, tous les visiteurs agrippés les uns aux autres comme des judokas funambules voulant se prémunir de l’aléatoire des cahots de la remorque branlante. Nous en avions pour une heure à attendre le retour du mayoral.
Yann et François, vautrés sur les ailes de la Rambler, grillaient une marlboro, évasifs et résignés dans l’incertitude de ce matin froid. Alain, lui, était parti entamer sa visite habituelle et méthodique des installations agricoles : les écuries, l’ensilage, les hangars abritant les machines dont il inspectait la mécanique avec une tendresse attentionnée qui nous laissait hermétiques.
J’empruntai le chemin de terre qui s’offrait sur la gauche. Un long mur blanc dont je ne voyais pas la fin le bordait sur un côté. De l’autre, la steppe, aride, battue par le vent, où toute végétation avait renoncé à pousser. Je marchai longtemps, vers les formes noires. Je longeai des hectomètres de barrière. J’avais froid. Dans les enclos, les troncs de certains chênes étaient si érodés par une force invisible qu’on avait disposé des tôles en carré, pour les épargner avant qu’ils n’en meurent. Je continuai ma progression sans quitter les robes charbonneuses des yeux. Déjà, ils relevaient la tête et observaient mon approche. Cela suffit pour m’intimider, pour ralentir mon pas. Je relevai le col de mon blouson, le zippai jusqu’en haut et mis les mains dans les poches. Histoire de m’auto-centrer un peu plus, de faire bloc avec moi-même. J’arrivai à leur hauteur. Ils étaient à l’autre extrémité de leur enclos, à plusieurs centaines de mètres. Ils me toisaient toujours, immobiles, avec une grande fixité dans le regard. Je restai au milieu du chemin, laissant quelques mètres entre la barrière et moi. Je pivotai sur moi-même, réalisant un travelling panoramique à 360°. J’étais seul. Au loin, la Rambler n’était plus qu’un chien blanc, là-bas. Un petit chien. Alors, j’ai hurlé. Tous les bergers hurlent, non ? Quand ils s’adressent à leurs bêtes. Moi, j’ai hurlé comme ça :

- LEY, LEY, LEY…. LELELEY, LEY, LEY….

Un coup de bluff. Pour voir. Ils se mirent en branle instantanément. Agacés, nerveux, ils allaient et venaient de gauche à droite, méfiants. J’ai insisté :

- Ley, LEYYYYY…. LELELEYYYYY….

Soudain, l’un deux a obliqué à quarante-cinq degrés, droit vers moi et les autres suivirent, pivotant de concert comme téléguidés par une force occulte.
J’étais interloqué de leur réaction. A moitié fasciné, à moitié horrifié, je ne savais pas s’il fallait s’en réjouir ou s’inquieter. Ils venaient. La tête haute. Au petit trot. J’étais sidéré. Ils répondaient à mon appel. Je menai de la voix un troupeau de quinze têtes lourdement armées. Leur masse sombre grossissait régulièrement. Je regardai la barrière métallique, elle m’est apparut bien grêle. Deux cents mètres entre eux et moi. Je ne les appelais plus. Rien que ma frêle verticalité face à cette puissante armada d’énergie horizontale en marche. J’avais beau me taire, ils venaient toujours. Ley, ley , leyyyy … hurlait silencieusement mon cerveau paniqué. Cent cinquante mètres. J’étais pétrifié. Des mufles râblés et larges comme des troncs de chênes. Cent mètres. J’ai voulu fuir mais aucun de mes muscles ne répondait. Cinquante mètres. D’impressionnantes masses musculaires, noires comme la mort, roulaient sous leur cuir. Trente mètres. L’allure ne faiblissait pas. Des morrillos érigés, s’échappaient des fumerolles de poussière. Quinze mètres. J’ai senti le sol trembler sous mes pieds. Le grondement de leur charge enflait. Je me suis pissé dessus. Cinq mètres. J’ai compris trop tard que rien ne les arrêterait. A l’impact sur la barrière, je me suis écroulé…
… je ne me souviens de rien et personne pour témoigner. D’après mes amis, il était quasi impossible de me reconnaître. S’ils n’avaient pas ‘’chargé’’ eux-mêmes, par l’entremise du brave break Rambler qui en a gardé de terribles stigmates, je ne serais plus là.


*****

La première chose que j’aperçus en reprenant connaissance, ce fut ma paire de bottes. Une blonde à grosses boucles d’oreilles, maquillée comme un sapin de Noël, un stéthoscope rouge autour du cou, les tenait à bout de bras, plantant ses ongles longs et vernis dans le cuir gras et disait à une collègue :

- Elles sont pas mal, je les lui volerais bien pour les offrir à Jeff pour nos week-ends à la campagne…

- Pourquoi pas… il y a tellement d’objets qui disparaissent… les infirmières sont spécialisées dans les montres, les aide-soignantes dans les alliances, de toute façon, s’il n’aimait pas tant les taureaux dans la nature comme dans l’assiette, il n’aurait pas eu de malaise le pauvre chouchou… et je crains qu’il n’en ait plus besoin…

- Tu te rends compte que ces types ne se régalent jamais tant, qu’avec des morceaux de cadavres d’animaux… comment appellent-ils ça déjà… ah oui… la ‘’gardianne’’ qu’elle horreur ! ça baigne dans le sang ! Faut-il être un sauvage quand même !

- Tu veux que je te dise ? Ca va que son assurance le rapatrie, sur Paris, mais des mecs comme ça mériteraient d’être soignés au fin fond de la Camargue par des bouseux de la même espèce. Après tout, puisqu’ils aiment les traditions archaïques…

- Ouais, avec des drains et un pénilex en peau de vache….

Elles partirent d’un grand éclat de rire sarcastique qui résonna entre les quatre murs de la chambre, couvrant le bip régulier du moniteur cardiaque et me causant une céphalée immédiate. Est-ce ce qui me replongea dans le coma ? Sans doute. Au moment crucial où j’aurais eu besoin d’un stimulant bienveillant pour me raccrocher au monde, cette incompréhension dont je fus l’objet, ce refus d’essayer de m’accepter et de me comprendre, de m’aimer tel que j’étais, au lieu d’aider à la connexion de mes neurones, les avait court-circuités net. Du coup je rétro-pédalai du cerveau, je repartis à l’envers, je reperdis conscience, je retombai dans le très végétatif état de coma carus sur la Glasgow Coma Scale, sorte d’escalafon des traumatismes sur le carafon. Un engagement cérébral réalisant une hyperpression de la formation réticulée activatrice ascendante, c’est ça que j’avais. Et les deux internes blondes, en ne m’aimant pas - c’est fragile le psychisme d’un homme blessé - ne me reconnectèrent pas au monde. Je les en remercie.

Depuis, je flotte, bienheureux dans une marinade de toro, Les deux blondes, assez ‘’jamonas’’ je dois dire, évidemment nues sous leurs blouses blanches, se prélassent sous un chêne centenaire. Leurs cuisses sont comme qui dirait ‘’de bellota’’, du coup. Elles m’éventent en secouant mollement des muletas empesées. Il faut dire que m’est venue une puissance de toro et chaque jour, je les abandonne comblées, des orgasmes prodigués. Je les aime selon mon bon vouloir, sans précipitation, à ma guise, en un crescendo maintenu haut dans la tension qui leur arrache des gémissements de chattes possédées ; je ne saurais mieux dire ; une tension dont je ne les libère qu’à l’extrême limite de la tolérance par une douce électrocution qui les laisse chaque fois plus pantoises et plus admiratives des taureaux ; d’eux me provient cette puissance virile dont elles ne cessent de quémander l’élixir. Là-bas aussi, en Extrémadure, où les toros m’ont piétiné, la liqueur de gland est très prisée.

Dans la vraie vie, je bande toujours. Enfin, disons que j’ai conservé intacte mon érection matinale. Surtout quand c’est Annabelle qui vient me toiletter. Elle est douce Annabelle. Rigoureuse. Elle n’oublie rien, n’élude pas, me considère dans mon entier. Elle ne contourne pas mes parties comme les autres infirmières. Dans sa main, je darde vers le ciel. L’autre matin il m’a semblé sentir une pression accrue de ses doigts au travers du gant de toilette. Mes yeux en ont roulé sous mes paupières et Annabelle m’a lâché précipitamment de peur que je ne sorte du coma.

Mais le meilleur du pays de mes songes que je ne devrais jamais quitter si personne ne me débranchait, c’est ce souvenir récurrent. Je me retrouve sur ce chemin. Je les revois s’avancer au ralenti, droit sur moi, leurs muscles roulants sous leur cuir lustré dans le soleil. Comme des félins très puissants et très armés. Comme des taureaux. Magnifique approche. D’effet bœuf. Là, je suis très rapide. Je feinte, j’esquive, j’embarque d’un côté pour me retirer de l’autre, maître du temple et de la vista : el rey del quiebro ! Parfois, je saute même au-dessus de la horde, tandis qu’ils ‘’humilient’’ pour me cueillir. Pourtant, en vrai, je n’avais pas bougé un cil, tétanisé de peur que j’étais, et ils étaient venus me piétiner. Don Tancrède mon cul.

Tout le monde vient boire et papoter dans ma chambre qui n’avait jamais connu pareille animation. C’est la fête permanente. Mes amis de campo sont épatants : ils ne manquent jamais l’occasion de me rendre compte des corridas vues et des voyages entrepris. Ils n’ont jamais fait réparer la carrosserie du vieux break Rambler qui m’avait crânement protégé la tête de son pare-choc chromé. Des coups de cornes arborés telles des reliques sacrées. Leurs commentaires suscitent des interrogations sans fin dont ils n’ont pas les réponses, tauromachiques, médicales ou philosophiques. Avec ma maturité accélérée, j’en aurais formulé quelques-unes si le langage ne m’était pas devenu impossible. Alors je les écoute débattre avec la bienveillance que l’on accorde aux enfants. En ce moment, je réfléchis : L’intrépidité trahit-elle un manque d’intelligence ? Cette question me taraude… Faut-il être con pour être torero ? Le courage compense-t-il à lui seul, la conscience du risque ? A-t-on tant besoin d’amour qu’il faille mettre sa vie en jeu pour le découvrir ? Etais-je torero quand je suis resté planté là, talons en terre, alors qu’ils venaient sur moi ? Dans mon état léthargique, j’ai eu le temps de réfléchir. J’étais trop confiant, avant. Désormais, je ne concèderai plus rien. D’ailleurs, quand je sors de la marinade, tel un peau-rouge turgescent, pour assouvir le désir brûlant des ‘’jamonas de bellota’’ à l’ombre du chêne écorcé vif, je garde mes bottes.


Le Coup du Bourdon Japonais


Avant de vous relater Vic et puisque j’avais choisi de revenir à Nîmes pour la corrida de clôture, je vais commencer par ''resener'' celle-ci. Première conclusion aussi hâtive qu’évidente : si c’est ça le point culminant de la feria, il n’y a plus qu’à remonter le boulevard Jean-Jaurès déguisé en Minotaure, en essayant de s’accoupler aux micocouliers et de sodomiser les pigeons, gambadant de mamies en jeunes primipares à poussette, pour les encorner, avant d’aller s’empaler sur la grille d’entrée du Jardin de la Fontaine, puis se finir en se jetant dans l’eau verdâtre du canal essayant de l’assécher en s’y désaltérant. Pas moins.

Je n’évoque pas ici la part aléatoire du toro et de son combat, toujours présente malgré les efforts ''artistiques'' de l’empresa pour l’éradiquer. Je parle au contraire de cette volonté de mise en scène trahie hier, où d’évidence tout était organisé pour faciliter l’éclosion du triomphe historico-comique. Hier à Nîmes, on a franchi un nouveau cap dans la provocation, quittant le monde d’une tauromachie déjà arrangée mais qui même précieuse et édulcorée, restait encore, une tauromachie, à celui d’un show, d’une exhibition honteuse. Pas moins.

Car il faut bien le dire en préambule, excepté le premier qui poussa au cheval avec race et montra un tel piquant que Morante le scandaleux (dixit jacques Durand) qui n’était pas venu en mode ''Madrid'' mais en mode ''enculette à la brandade'', le dédaigna, nous vîmes défiler un cortège de toros plus invalidos qu’indignados. Quasiment ce qui se fait de pire en production de toros censés combattre. Encore qu’il arrive des miracles à certains invalides mais là nous étions loin de la grotte de Soubirou, plutôt dans l’abîme des critères lourdés.
Le sixième se confondant même si bien avec une vache que nous partîmes, mon voisin de tendido et moi, à la recherche d’attributs virils irréfutables que nous finîmes par trouver à notre grand étonnement. Pas moins.

Même le plus grand extracteur de jus taurin – Juli le poderoso – le centrifugeur suprême, ne parvint pas à grand-chose sinon à rien, devant les asthéniques du jour. Par réflexe de survie d’une intelligence basique, quel crédit apporter à la valeur de ce que proposa Luque à cette dégénérescence aboulique ? Pas moins… que rien !

Mais il faut maintenant en venir au clou de la tarde, à l’organisation programmée de cette ''enculette à la brandade'', vous pardonnerez – ou pas, c’est égal – la crudité du propos mais faut ce qu’il faut en réponse à telle entourloupe. L’événement devait avoir lieu sur le deuxième toro de Morante venu sans chaise mais avec une volonté intacte d’asseoir sa notoriété. Le tapis rouge était déroulé, le président dûment choisi et briffé, dégoulinant de « sensibilité ». Le maestro s’avança, l’étoffe rouge-passion dans la main droite, d’une démarche pleine de toreria avec son costume de lumière couleur ''petit vomi de framboises de la forêt de Mercoire altérées par la chaleur'' comme seuls les Andalous (et Jol aussi…en moins pire vu qu’il n’a pas le pantalon de pyjama assorti) savent en dégoter dans les arrière-boutiques de tailleurs ayant passé tous leurs diplômes de mauvais goût interplanétaire.




C’est alors qu’elles retentirent : trois notes trois, basses, profondes, funèbres, surgies de profondeurs insondables, inédites, d’un autre genre musical que le Paso Doble. Et là, je jure ne rien inventer, j’entendis mon voisin du jour s’écrier :

- Boudiouuuuuuuu….. ! C’est le bourdon japonais qui s’est coincé dans le tuba…

Un autre demanda au vendeur de boissons s’il n’avait pas des Kleenex parce qu’on allait bientôt chialer, de ce drame qui sourdait en ces notes belles et solennelles du concerto D’Aranjuez… des rumeurs d’étonnement parcouraient les gradins… et c’est alors que j’ai regardé son poste d’affût et que j’ai aperçu sa mine réjouie.




Sous la présidence, par cette fenêtre horizontale découpée dans la porte en bois, par cette sorte de meurtrière panoramique d’où il affectionne tant d’espincher les courses, il était là le Simon, qui jouissait du coup orchestré par le Casas. Et d’un seul coup d’un seul, le coup du bourdon japonais tueur d’abeilles honnêtes et laborieuses, j’ai compris que tout avait été planifié pour créer de toutes pièces un vrai faux événement.

Aaaaah bien sûr… je ne peux vous le prouver scientifiquement, mais qu’est-ce qu’une resena sinon le compte rendu subjectif d’un homme ? Un preuve supplémentaire a été la malencontreuse sortie du deuxième mouchoir pour une faena parait-il émaillée de « détails torerissimes » formule particulièrement commode pour vous donner l’impression de n’avoir pas su les voir, inculte que vous êtes…
Un deuxième trophée qui chez ce public complètement ''fin de race'', incapable d’élever une seule voix criant ''cambio'' au sujet d’invalides creusant des sillons d’affalement dans le sable, un public qui se leva pour ovationner la musique comme s’il était au théâtre, ce même public trouva quand même la lucidité d’élever une bronca à l’encontre de ce président aux ordres. Pas moins. Fou, non ? Parce que ce que j'ai vu moi, c'est un Morante dépourvu de temple et de ligazon qui se faisait toucher la muleta, jusqu'à la désunion voire le désarmé. Maintenant, que sa façon de bouger soit stylée et empreinte de toreria n'est à mon sens pas suffisant à créer une oeuvre à chacune de ses faenas.

J’aurais peut-être pu vous faire rire un peu plus avec cette histoire en forme de farce mais j’arrivais de Vic et le contraste comme le traumatisme causé était grand car figurez-vous que j’aime ma ville et lui souhaite tout autre chose. Voyez, le texte devient tout de suite chiant dès que je suis sérieux. Mais c’était bien la rage et le dépit écoeuré qui m’envahirent. Monsieur Casas, je vous annonce qu’autour de moi, quelques abonnés à 1600 euros iront à Vic l’année prochaine. Trop c’est trop. Ce qui évidemment vous fait plaisir, libère les tendidos des quelques rares à garder quelque référence en mémoire à opposer.

Ni une ni deux...





Robert Louison
remporte le prix Hemingway 2011
avec Pas de deux






Laure Adler, présidente du jury du prix Hemingway, a annoncé le nom du lauréat du 7e prix Hemingway vendredi 10 juin à 21 heures, sur le sable des arènes de Nîmes, devant quelque 300 personnes.

Robert Louison, avec sa nouvelle Pas de deux, inscrit son nom au palmarès de ce prix littéraire qui récompense depuis 2005 une nouvelle inédite située dans l'univers des cultures taurines.

Pas de deux décrit la condition d'un jeune garçon issu d'un milieu défavorisé, dénigré par tous, et qui obtiendra reconnaissance et revanche sur la vie à travers sa rencontre avec la musique d'un orchestre d'arène.
Pas de deux a remporté le Prix après trois tours face à Violette et..., nouvelle du nîmois Antoine Deschamps.

Pas de deux, le septième recueil du prix Hemingway, paraîtra en septembre 2011 aux éditions du Diable vauvert lors de la feria des Vendanges à Nîmes.

L’auteur, né en 1949, habite Hagetmau dans les Landes, dans le Sud-Ouest de la France. Agrégé d'espagnol, il a enseigné en lycée et en collège. Il est formateur en informatique pédagogique depuis une vingtaine d'années. Il a fait du théâtre amateur, a créé un groupe de musique pop, a composé de nombreuses chansons dont certaines font partie d'une comédie musicale écrite en 1999 et jouée dans plusieurs villes du Sud-Ouest.


Photo : JP Didierlaurent vainqueur 2010 à gauche, Louison au centre et le fin, le spirituel, le surdoué, le virtuose, l'Antoine "Magic" Martin a la derecha vainqueur 2009 pour commencer...

jeudi 9 juin 2011

Nîmes deuxième corrida de la feria 2011



Le temps fuit. Je bosse pour vous nuit et jour... moi... je dis moi parce que sur la toile y'a pas bezef de resenas hein... pourtant ils sont nombreux au callejon... ah ça y est, j'ai compris : ceux qui y sont s'en foutent - puisqu'ils y sont- et ceux qui n'y sont pas, voudraient bien y entrer et fayotent pardi... ok, c'est pourtant simple...
Et vous, pour me remercier, kedale, presque pas un commentaire, ingrats que vous êtes. Merci chulo, toi t'es fidèle au moins. Les autres te croisent dans Nîmes et sourient... ils doivent penser "c'est l'aut fou là, cui qui délire sur la toile", il nous gonfle avec son prix Hugues Aufray...

Aujourd'hui, foule sur les tablettes à fesses : du taquillero ensable ses zapatillas. Joli Juli, Patriiiiiiiiick Oliver et un déjà vieux, "Castellasss" comme disait mon voisin. Celui-là quand il est venu asseoir son quintal et demi à babord, j'ai pris du gîte et la planche du banc, du ventre... J'ai attendu le fracas boisé quelques secondes mais il n'est pas venu. Il m'a suffit d'une légère attitude vicieuse - c'est comme ça qu'on nomme les scolioses, nous - pour compenser à tribord et hop, j'étais à nouveau droit.

Après les simagrées d'usage très étoffées en raison de l'alternative du jeunot, ce dernier reçut donc son premier adversaire : une grosse daube de chez mitonné... marinée, cuite, réchauffée, consommée, congelée, dégelée, réchauffée et servie pour le doctorant et nous. Que peina, gros, lourd, balourd, il a tiré la langue dès la première paire de banderille après un simulacre de pique en deux passes d'où il ressortit à plat ventre alors que le piquero avait bien pris grand soin de l'é-co-no-mi-ser.
Les banderilleros qu'il chassaient mollement avaient le temps de cueillir des pâquerettes entre deux sauts de biches et autres entrechats, persuadés que l'autre invalide ne pourrait les rattraper, avant de s'abriter au burladero, pour se les échanger dans une gestuelle à la Dubout. Les Pâquerettes. C'est dire. Sinon, face aux vieux aficionados de mon acabit, Oliver eut le tort de s'essayer à imiter ses aînés, au lieu de nous pondre un truc plus frais, plus jeune, un truc à lui, quoi, et même imparfait cela nous aurait alors séduit. On vous le dit tout de suite Oliver : imiter les tout grands avec des pendulaires en arrière du corps pour suggérer d'avoir subjugué un toro pas encore toréé, on s'en cague grave ! Faites-nous plutôt ce que vous avez au fond de vous, le reste on le voit chez ceux qui le font mieux et d'ailleurs ils sont là aujourd'hui. Capito ? Et demandez des toros surtout, pas des daubes recuites. Pour son second lui échut un beaucoup plus mobile et encasté qui alors le naufragea quelque peu. Et oui, entre obtenir son doctorat et guérir ses premiers patients, il faut un peu de temps, c'est bien normal. Et on le reverra avec plaisir (il faut toujours rester encourageant avec les jeunes ou les débutants...)
Bref, tout ça fit que pour le moment, dans la famille Oliver, c'est Raymond dont je garde les meilleurs souvenirs, lui avec lequel j'appris tout petit à préparer le lapin à la moutarde. Eh oui, même si mon humour juvénile ne le laisse pas à penser, j'étais déjà né !

Quand sortit le second toro, mon gros voisin lâcha laconique :

- Après le boeuf, le rat !

Un espoir naissait dans mon coeur : avais-je trouvé un aficionado plus "peine à jouir" que moi ???

Parce que le rat était encasté et mieux vaut un rat speedé en colère, qu'un auroch avec des problèmes de sustentation. Et pour soutenir l'intérêt d'un combat face au plus poderoso des toreros, il faut au moins ça. Le Juli a déroulé ce qui suscite les superlatifs journalistiques. Précis, puissant, autoritaire, ''Tiens petit, regarde comment on fait'', c'est la mention que sa muleta semblait arborer à l'intention de son filleul, inspiré, cadencé, imaginatif, puissant, j'lai déjà dit et alors ? Sa muleta est tout à la fois un pistolet-starter, un fanion d'arrivé, une barrière, un obstacle enfin bref, il "suffit" d'avoir une volonté de fer, une envie de faire, il lui suffit de penser très fort à ce qu'il veut en faire et la muleta le devient ! Fort, non ?
Il l'aura cité de très loin, de très près, stoppé net, redémarré au toque, inversé dans la muleta en des raccourcis improbables et.... pinché d'un mete y saca ce qui empêcha l'inflexible président Burgoa, à juste titre selon moa de sectionner le second pavillon pourtant prédécoupé.
Et ce n'est pas cette grosse buse du père du torero qui nous explique ce matin dans le journal que c'est scandaleux, que le président doit être aux ordres du torero et du public ignare. Enfin, "ignare" c'est moi qui le rajoute, hein. Non mais lui eh... tu vas remonter dans les tribunes et payer ta place comme tout le monde espèce de milliardaire raté, célèbre par procuration filiale. Pour une fois qu'on a un président qui applique des règles simples et saines comme : Pinché ? Pas coupé ! Tu vas pas nous le pourrir !?!

C'est à ce moment là que mon voisin consultant le sorteo a dit :

- Oh putain... presque six ans... il vont nous refiler une de ces rouzigues....!

Ca n'a pas raté, la rouzigue boitillait et fut changée par une autre qui elle, s'affaissait carrément. A nouveau, changement. C'est alors que j'entendis mon voisin persifler de plus belle ce qui me remplissait d'aise, constatant qu'il pouvait y avoir plus mauvais esprit que moi....

- Tu vas voir qu'il vont nous faire rerentrer la première bestiole, ces couns !

Jouissif, non ? Je peux vous dire que ça c'est du voisin idéal pour écrivain ; j'ai déjà eu le parisien à Panama - oui le parisien craint le moindre rayon de soleil - ben ça vaut pas tripette en comparaison du bon gros réboussié nimois. Mais non, c'est bien un troisième taurillon qui pénètre le ru-é-do comme disent les gens de la capitale. Un petit simulacre de pique plus loin et boum il devient un marbre aux banderilles, tellement le simulacre l'a traumatisé...

- C'est "Castellasss" maintenant ? me demande l'autre voisin, un pépé mal-voyant
- Oui, c'est marqué, d'ailleurs, là-bas...

Je lui refile l'info sinon je vais y avoir droit à chaque toro, voyez ? Or je me dévoue assez comme ça dans la semaine pour le troisième et quatrième âge. Bon alors après, Castellasss fait du Castella, plutôt mal d'ailleurs, puis le Juli réapparait :

- C'est lui Oliver me fait le pépé.... qui n'à rien capté du roulement imposé par l'alternative

Le Juli réapparait et l'usine à passes avec. vuelta de campana, ce qui déclenche le pépé :

- Oaaaaah....ça... ça risque de rendre le toro méchant...

Trop bon... Le tourniquet infernal a repris, le Juli est un axe doux pour toro qui s'affaisse mais il continue à centrifuger avec science. Le toro distrait fuit ? Juli va le chercher. Juli le ramène. Juli le torée. Juli le soumet, le coupe en tranches, le jokarise... il revient toujours au Juli maintenant, comme relié. "Indulto" crie le connard de service. Connard, parce que ça n'avait pas l'air d'être du second degré. Juli pinche puis saute comme pour s'installer aux premières pour passer par un chemin aérien qui le mène à son rincon d'estocade. Pas de deuxième oreille dit Burgoa et avec lui moa. Bronca. Les pigeons déboulent des arches chassés par les hurlements. Sont cons ces pigeons... on dirait des toros pour artistes.

2h45 après, le dernier toro foule enfin la piste. ''Castellasss'' sèche devant un os qui ne permet pas les redondos redondants qu'il avait programmé. C'est là que naissent de puissants doutes quant au soi-disant immense torero, car on se souvient du Tomas de Barcelona et comment il réduisit un os en deux coups de cuillères à pot, lui. Sur la fin, ça marche un peu mieux mais je ne me souviens plus bien... Pensez, ça fait trois heures que je compense à tribord maintenant, rappelez-vous... on a tout eu dans cette corrida-marathon, chaud, froid, soif, faim, ennui, intérêt.... Estocade. Le toro titube enfin.

- Elle est morte, fait le voisin.

Dieu, le Diable, Toi









Psychologie d’un finaliste à la veille de la délibération.


C’est la première chose sur laquelle je suis tombé en arrivant à l’arène. Il était là qui m’attendait, coincé entre deux barreaux du palais de justice, comme attendant un verdict imminent d’un éminent jury. Quelqu’un l’avait-il abandonné là pour moi à dessein ? Il n’y avait pas de distributeurs alentour, ni aux entrées de l’arène… Sensibilisé à son graphisme, je l’ai reconnu tout de suite et empoigné. C'était le journal du prix Hemingway.


Dès que je l’ai ouvert, j’ai frémi. Y’a du lourd, du très lourd cette année… du talentueux pluri-disciplinaire comme de la pointure mono-spécialisée… Mon petit espoir perso s’est rudement (un terme souvent utilisé par Hemingway…) ratatiné ! Rétréci, déshydraté, lyophilisé même… faut le faire, pour un prix au patronyme mondialement reconnu pour écluser divers liquides.

Eh oui car il faut te le dire lecteur, un finaliste du prix Hemingway, c’est un grand malade, un enflammé chronique avec des pics nocturnes d’insomnie douloureuse, qui entend très distinctement cette petite voix intérieure susurrant, perfide et réaliste, qu’il ne gagnera pas, qu’il ne peut pas gagner mais chez qui la fébrilité s’est tellement installée qu’elle est devenue résistante aux traitements, de cheval caparaçonné y compris. Et, il lui est impossible de n’éprouver aucun espoir, de... finalement, contre toute attente, quand même, au bout du compte, délire psychiatrique assumé, l’emporter. Un peu comme si, à son esprit défendant, il était devenu con. Car, voyez-vous messieurs-dames, si le finaliste du prix Hemingway peut avoir un côté '' Grantécrivain'' soit un côté ''grand con'', s’il peut comme tout un chacun être pris pour un con, con il n’est point. Non. Car bien toréer ou bien écrire lorsqu’on est con, n’est pas possible. Et inutile d’insister, je ne citerai pas l’exception qui confirme la règle.


Bien sûr, il peut être hyper jaloux, cabotin maladif, obsédé compulsif, et aussi tout ce que vous voudrez, mais complètement con, non. Du moins j’en défends le postulat. Ce qui est peut-être la preuve que je suis con. Et si c’était moi, l’exception ? En tout cas, il est remarquable de constater que tout le monde est à peu près content de l’intelligence qui est la sienne. Et si c’était ça, la véritable preuve de l’existence de Dieu ?


Mais l’espoir ? Comment décrire cet avatar pathologique de la pensée. D’autant que la présidente du jury t’as prévenu : un spécialiste , voilà ce que tu es … et le spécialiste des toros, du fait même de cette caractéristique, souffre d’un handicap majeur. Il devra d’abord ôter ce costume, l’essence de son être, pour ainsi dire, et arriver à l’originalité sinon ben tiens, y’a qu’à demander à ''ChaCha'' (Chavanieu doyen truculent des aficionados nimois) de raconter une bonne vieille anecdote taurine vécue dans les temps anciens où ils n’étaient que les doigts d’une main à parcourir l’Espagne franquiste juste ouverte.

C’est Luis Bolivar qui m’a donné la solution au moment où la corne devenait l’axe de son corps centrifugé. Au moment où le Colombien sniffait par la bite son rail de cornadas. Il en est ainsi du candidat au prix Hemingway : c’est par les couilles que te suspend la décision du jury dans l’attente de son verdict. Et crois-moi lecteur, quand tu es là-haut, suspendu au diamant de la corne, chacune de ces secondes qui te séparent du réattérissage sur le plancher des vaches, est une putain d’éternité.

Du fait de la possession de ce journal, une corrida moyenne devient quasi pénible à regarder et profitant du boudin millénaire ceinturant le ruedo ou un ami t’a invité, tu l’y déplie et le dévore. Première mauvaise nouvelle, tu ne tardes pas à constater tout le talent dont suintent à grosses gouttes, tes concurrents : des bêtes je te dis, gladiateur de pacotille ! Ouais, parce que t’es devenu si névrosé que tu te parles à toi-même, t'sais. Des bêtes, des bestiaux, des bestiasses, sur qui tous les dons du ciel se sont abattus drus, pire que les actrices américaines en carence de virilité, sur un Luis Miguel Dominguin en mission humanitaire bénévole de don de sperme.
Untel a remporté la bagatelle de cent prix littéraires dont trente-deux au premier rang ! Un autre écrit dans une gazette assez connue, attendez que je me souvienne… ah oui… Le Monde… une autre est artistiquement mondialement reconnue dans diverses disciplines, te renvoyant toi qui te croyais sympathiquement doté pour surnager de l’ennui que ce monde t’inspire, dans les affres souterrains des égouts de la médiocrité où tu retournes penaud, te complaire, enfin, où tu vas feindre de te complaire, pour te plaire, con, car tu y es condamné… bref, toute une escouade d’écrivains au sein desquels la palanquée d’agrégés de lettres fait figure de gentils scolaires sans génie…

Et là, d’un coup, par contrepoint immanquable, dans la logique implacable de l’autre bout de la lorgnette, tu réalises soudain : si Dieu existe pour avoir doté si richement tous tes concurrents, mais quel énorme cadeau te ferait le Diable de te consacrer en dribblant tout ce beau monde ! C’est pour ça qu’il n’y a que deux issues, candidat : devenir fou ou se résigner à ce que cela jamais ne t’arrive.

Ton entourage condescendant et inquiet pour ta santé, s'en est d'ailleurs déjà entretenu avec toi :

- Mais Marc, tu te rends compte ? C’est formidable d’être finaliste… !!! Tu as vu le plateau , les pointures ? Et chaque année tu t’y glisses ! Le reste, la victoire, c’est tellement aléatoire… il suffit qu’une des nouvelles soit défendue par une plus grande gueule que les autres ou de plus de poids… mais ça, ça n’a pas d’importance… ! Tu aurais très bien pu gagner, tu étais encore en posture de l’être !!!

Tu sais quoi, ''entourage'' ?

Je t’emmerde.