vendredi 17 juillet 2009

Prendre un Capuchino



Il aurait pu rester chez lui. Tremper des tartines dans son café ou regarder Derrick à la télé et même, prendre le risque de se faire engueuler par son amie pour n’avoir pas débarrassé la table du petit-déjeuner. Mais ce matin-là, il alla flirter avec l’idée de perdre la vie en courant l’encierro de Pampelune. Se sentait-il différent ? Avait-il le pressentiment que la vie le fuirait ? Savait-il que vivre si intensément le conduirait à mourir ? En avait-il fait le rêve prémonitoire ? Comme il aurait aimé sortir indemne d’une telle émotion. Comme il aurait vécu fortement à frôler cette camarde qui rôde en permanence autour de chacun de nous. Comme il eût joui de l’approcher, de la reconnaître et de lui échapper. Quel beau défi pour les courageux. Quel signal puissant de virilité et de fécondité envoyé à toutes les femmes du monde. Etre de ceux qui courent avec les toros, qui les touchent, de ceux qui ne tremblent pas ou savent dépasser la peur. Il était jeune, en pleine santé, il courait vite, savait écarter et pivoter, planter un quiebro, la fiesta brava était une passion dont il n’ignorait rien mais ''Capuchino'' toro esseulé de jandilla l’a pris. Corne dans le poumon de Daniel Jimeno, corne dans la gorge de Daniel Jimeno Romero, arrachement, dilacération, embolie, hémorragie massive, aorte et veine cave perforées et puis le cœur de Daniel Jimeno Romero « El Nenuco » qui stoppe car plus irrigué. Son cœur de jeune homme qui débordait d'amour pour sa fiancée, son cœur qui aimait tant la vie ; son cœur qui en cessant de battre, confirme aux autres la beauté de cette palpitation à poursuivre. Son cœur de vingt-huit ans qui s’arrête et ‘’Capuchino’’ qui passe, offrant à la fiesta brava par la mort qu’il distribue en toute naturelle agressivité et en toute naïveté, toute sa noblesse.
Aussi… quel besoin avait-il d’aller courir là-bas, de se fourrer dans un tel pétrin, il faut être fou, diront les gens raisonnables. Mais non, lui était vivant et savait bien qu’être fou c’est rester le cul sur sa chaise à regarder Derrick mener ses enquêtes soporifiques. Il restera une pierre de la tauromachie, en a écrit une page de son sang et l’Histoire ne l’oubliera pas. Dérisoire et nécessaire. Tout le monde ne pourra le comprendre. Qu’ils restent le cul dans leur fauteuil à bâfrer des sandwiches aux frites pour être sûr de rester incapables de courir et la zapette entretiendra l’illusion du mouvement. Celui, méditerranéen, des hommes et des taureaux est en marche depuis longtemps.
photo Diario Vasco

1 commentaire:

Anonyme a dit…

La mort aura toujours le dernier mot,elle aura toujours raison de nous jusqu'à la fin des temps...
Pourquoi vouloir flirter avec elle ? Elle est infréquentable.
Prendre des risques inutiles pour la défier et apprécier la vie, j'ai du mal à comprendre...
Comme je sais que je serai pile à l'heure au rendez vous que la mort m'aura fixé, je prends tous les jours de ma vie le luxe exquis d'arriver en retard partout et tout le temps, c'est ma manière à moi d'apprécier la vie...ça vaut ce que ça vaut,et c'est suffisamment jubilatoire pour moi.
Aux clients qui râlent devant la porte de la pharmacie, je leur dit que je préfère arriver en retard au travail plutôt qu'à l'heure au ciel.Cela n'appelle en général aucune réplique...
isa