vendredi 31 décembre 2010

Super Mario brossé par Jacques Durand

vl11z.jpgJ'adhère à Campos y Ruedos de Nîmes et de partout et à Culture Aficion de Paris : s'il y a un type qui mérite une large diffusion et qu'on a intérêt à lire, qui fait l'unanimité quoi, dans ce monde d'empoigne qu'est l'aficion - le privilège du talent- c'est bien jacques Durand. Aussi j'emprunte au site de Lutèce un article paru sur Mario Vargas LLosa. Allez y faire un tour, il y a d'autres articles.


Un Nobel en habit de lumières


Présent à Stockholm début décembre pour recevoir le prix Nobel de littérature, Mario Vargas Llosa a d’abord été fait membre d’honneur de la peña taurine Los Suecos. Ensuite et devant le roi de Suède, il a mouliné un long discourt où il a fait l’éloge de Flaubert, Tolstoï, Faulkner, Sartre, Orwell, Cervantes, Quevedo, D’Artagnan, Jean Valjean, etc. A Stockholm, il s’était fait accompagner. Par la montera de Curro Romero, celle qui avait appartenu à son ex-beau père le torero Antonio Márquez, «le
Belmonte blond».

Pierreries. S’il a trimballé la relique chez les lithériens scandinaves, c’est pour attester son attachement à la corrida et manifester son goût pour Curro Romero. Dont il a écrit que le culte amoureux que Séville lui vouait frôlait la pornographie. A 9 ans, à Cochabamba en Bolivie, l’auteur de la Ville et les chiens jurait à son grand-père qu’il serait le «Manolete du Pérou». Il venait de voir sa première corrida, une novillada. Il racontait récemment à Abc combien ce spectacle «de la grâce, de la violence, de l’élégance et de la vaillance» l’avait ensorcelé et exalté. Sa famille était aficionada. Lui toréait ses cousines, dont Gladys qui, en apprenant un jour qu’une fille ne pouvait pas devenir torero, s’était effondrée en larmes. Son grand-père lui parlait de Rafael El Gallo, lui apprenait le nom des passes, le sens des tercios, le danger des Miuras. Il admirait son cousin Mito Mendoza qui, selon la légende familiale, avait toréé de vrais toros dans des tientas. Son oncle Juan et sa tante Lala possédaient un morceau de vrai choix : une cape de paseo jauneet or ornée de pierreries ayant appartenu au mythique Belmonte. Le torero l’avait offert au père de Juan qui la gardait dans une malle. Du papier de soie et des boules de naphtaline la défendaient des mites.

Etudiant dans l’Espagne des années 50, Vargas Llosa sera impressionné par «l’intelligence et la créativité» de Dominguín, la «lenteur, la sérénité et la beauté à l’état pur» de l’art d’Antonio Ordoñez, torero qu’il suivait de ville en ville, sur qui il voulait écrire un livre et qui l’ arrachait de [son] siège» (1). Aujourd’hui, c’est Jose Tomás, vu à Lima, qui l’impressionne.

Valses. En Espagne, s’il courait les plazas de toros comme spectateur, il en foulait aussi le sable comme danseur de valses créoles et de marineras dans un groupe folklorique péruvien. Le nouveau Nobel est admirateur d’Hemingway sauf pour les œuvres qui traitent de tauromachie. Il estime qu’Ernesto n’est pas arrivé «à capter le cœur de la fiesta», trop considérée «comme un spectacle sportif». Il a cette année condamné l’interdiction de la corrida en Catalogne, «opération politique sans fondement sérieux».

En avril 2000, les maestrantes de Séville l’ont invité à prononcer le discours inaugural de la feria. Il avait débuté son allocution par ce que lui avait dit un de ses amis : que faire le pregón de la feria de Séville est «plus important que de gagner le Nobel». Finalement, Super Mario, qui soutient que la corrida «est une des plus audacieuses et plus évidentes manifestations de la créativité humaine», a obtenu les deux.

J.D.

mercredi 29 décembre 2010

Le Luxe des Banlieues



Bon, ça va mieux ? Tout le monde s’est remis de ma saillie de la veille ? Ca doit être la reprise de contact avec les faux pauvres de mon quartier qui a provoqué ça… les rois de la magouille et de la combine en tout genre, toujours à critiquer, manifester, revendiquer, se victimiser. Parce que des vrais pauvres, j’en ai rencontré là-bas. Des qui n’ont qu’un taudis insalubre pour abriter trois générations sans intimité, des qui n’ont pas d’eau courante et qu’un chiotte pour quarante, des qui sont gentils, chaleureux, gais, vivant dans le dénuement le plus complet mais qui vous le décrocheraient du mur pour vous l’offrir. Des pétris d'hospitalité, qui vous font entrer chez eux pour danser et boire un coup, comme ça, pour le plaisir de la rencontre. Qui jamais n’ont refusé d’être photographiés, limite honorés qu’on braque enfin un œil sur eux. Des avec qui j’ai baragouiné mon ‘’espingouin’’ plus que limité mais d’autres mots étaient dans nos yeux, avec qui j’ai écouté leur musique et même fait un petit bœuf sur des congas. Des qui ont une pièce à vivre grande comme mon WC. Avec des bouts de bois pour canapé. Ou ces vieilles femmes dignes, qui ne mendiaient pas mais vous arrêtaient dans la rue pour parler et soudain vous demandaient juste avant de prendre congé, si vous n’auriez pas un peu de savon. Justement, si, j’en avais tous les jours, cinq fioles de gel douche ou shampooing et deux savonnettes à distribuer, les femmes de chambre de l’hôtel refourbissant ma salle de bain comme si elles avaient compris ce que j’en faisais : cadeau du peuple chanceux, employé, vers le peuple malheureux oisif et misérable. Dire qu'il y en a qui devaient les stocker dans leurs valises... Je n’oublierai pas non plus ce jeune potier victime du record historique de froid de l’île de Cuba - 2° - qui venait de se geler trois jours durant, lui qui n’avait rien d’autre que des tee-shirts troués et qui m’a fait rougir en me prenant dans ses bras et en m’embrassant chaleureusement comme si j’étais un bienfaiteur parce que je lui donnais ce trésor, un polo à manches longues à la couleur passée, mon rebut, que je n’osais plus mettre ici, avec autant d’effusions que si je lui avais donné le ticket gagnant du loto. Oh non, je ne suis pas en train d'essayer de vous convaincre que je suis meilleur qu'un autre. C'est juste que je constate encore une fois en rentrant de voyage que je suis un peu moins con que je ne l'étais avant de partir. Ouais je sais, j'ai besoin de voyager un max... Ils forment aussi l'âge mûr. Alors oui, j’assume : pour les connards qui astiquent leur BMW au bas de leur HLM parce qu’ils ont vendu de la merde hallucinogène à des enfants, ce n’est pas ici qu’on lira la moindre ligne de compassion. Mieux, à vous tous, les indignés de la gauche caviar et de la droite saucisson, qui voudraient me donner des leçons collectives mais s’écraseraient individuellement devant chacun d'eux, je confirme que lorsque j’en aurais un en soin - je sais les reconnaître – il lira ces lignes. Ca vous plait maintenant ?

mardi 28 décembre 2010

Retour de Vacances


Ça a commencé au distributeur de billets : impossible de me souvenir du code de ma carte bancaire personnelle. En panne de neurones, je suis reparti bredouille, désargenté. Me consolant à l’idée que je ne contribuai pas au pillage insondable de mon propre compte, déjà en très mauvais état. Mais il fallait refaire le niveau de carburant de la voiture et devant la pompe, le problème a perduré : je ne me souvenais pas non plus du code de ma carte professionnelle… j’en ai tapé deux ou trois, en vain. Je suis retourné à la BNP, dans mon agence, essayer d’autres combinaisons : mes cartes ont été avalées par l’ogre froid. Je me suis rendu à l’adresse d’un nouveau domicile dont on m’avait donné les coordonnées par téléphone et dont je n’avais pas noté les caractéristiques, mon esprit vagabondant encore dans les îles de la mer des Caraïbes. Devant le portail automatique du parking, il fallait composer un code. Mais lequel ? J’ai poireauté jusqu’à ce que quelqu’un en sorte : je me suis approché de la portière conducteur, l’index levé et la mine quémandeuse, mais elle a filé, pétrifiée de terreur : je ne me suis pas rasé ce matin ou quoi ? Ou est-ce encore une manifestation conflictuelle de mon fameux épi que la brosse à cheveux n’est pas arrivée à rabattre ce matin, me donnant l’air d’un fou ? Une mémé s’est pointée, qui a refusé de me confier le code « avec tous ses étrangers qui rentrent sans arrêt, on ne sait plus à qui on a à faire » J’ai l’air d’un Polonais ou quoi ? Enfin, le concierge sortant les poubelles est passé au loin, je l’ai hélé et lui m’a trouvé tout à fait normal vu qu’il était lui-même hirsute et pas rasé : ‘’3867 A’’ qu’il m’a confié, goguenard, l’air satisfait qu’un col blanc ait poireauté. Je suis arrivé au bas de l’immeuble qui était affublé d’un de ces nouveaux interphones où le nom des habitants n’apparaît plus… Aux sonnettes, étaient seulement accolés des chiffres… de 1 à 24. mais moi j’allais soigner monsieur Vaisse pour une épaule gelée et pas un numéro… même si je n’étais pas encore dans la foulée performante du travail, je me souvenais au moins de ça. J’ai pianoté sur les touches plus longtemps que cette feignasse de Chucho Valdes en clôture du festival de jazz de la Havane au théâtre Meilla, sauf que lui ne se faisait pas insulter à chaque impulsion, mais applaudir. Quand j’ai enfin trouvé le vieux monsieur il n’a pas voulu m’ouvrir car il n’était pas au courant qu’un Kiné devait s’occuper de lui. C’était les femmes de son foyer qui avait fomenté ça contre lui : son auxiliaire de vie, sa belle-fille… eh oui avoir l’autorité administrative sur un individu ne suffit pas : il faut aussi travailler sa psychologie, obtenir son assentiment avant que je puisse revenir mesdemoiselles…



L’après-midi, j’ai retrouvé le cabinet. Là, il me suffisait de la télécommande du portail et d’une clé pour rentrer, j’avais tout ça dans la voiture. La boîte aux lettres était pleine. J’ouvrais chaque lettre la peur au ventre. Elles étaient couvertes de chiffres qui étaient des sommes à payer. Payer, toujours payer dans ce putain de pays qui qualifie de ‘’social’’ le fait de ponctionner jusqu’au découragement les gens qui travaillent presque le double de la durée légale pour assister ceux qui ne se lèvent pas le matin pour en chercher, vu qu’avec les substances qu’ils ont vendu nuitamment et leur RSA, ils s’en sortent plus que bien. Les vrais pauvres sont les smicards, pas les chômeurs. Enfin, dans mon quartier en tous cas. Tandis que la compagne s’arrange avec l’état pour générer le deuxième salaire en ne déclarant l’appartement qu’à son nom, ce qui lui vaut plus de mille euros avec ses trois enfants pour ‘’allocation de parent isolé’’. Ils ramènent en plus des paniers de bouffe des restos du cœur, pas grave si on empêche un vrai pauvre de becqueter, et on dépose sa facture d’électricité à la mairie où un service se charge de les payer, c’est intégré dans notre tarif, me confirma un employé EDF. Faut surtout pas parler de tout ça en ville, sinon on n’est qu’un sale con de facho. Après, de distingués analystes parisiens locutent d’importance pour nous expliquer qui sont ces salauds de réacs nantis des beaux quartiers qui ont encore fourni entre 15 et 20% au Front National… Mon cul… c’est le peuple de ces quartiers qui n’ignore rien de ce qui s’y passe, qui votre Front National. Les mêmes qui votaient communiste. Ce qui fait que le premier petit con qui m’a traité de riche parce que j’étais allé me promener sur le Malecon, je lui ai expliqué aussi sec pourquoi il jugeait ‘’mal’’ et ce qui faisait que je le trouvais si ‘’con’’. Mal et con. Evidemment je ne l’ai plus revu… mai ça valait bien les 153 euros, la misère que j’aurais perçu pour les dix séances où il aurait fallu me le tartir, non ? Bon, je sais, vous êtes heurté les bien-pensants, les tolérants idéologiques, mais si vous venez encore me lire ici, c’est que quelque part – mais où ?- ça vous plait ce cynisme réaliste qu’il n’est pas poli d’écrire ailleurs, hein, ça vous défoule, vous aimez bien qu’on vous dise merde de temps en temps. Chulo viendra encore s’indigner de la façon dont tourne le monde, Maja Lola viendra nous paraphraser une brillante synthèse limpide, Gina évoquera par sa touche discrète et faussement anodine des développements auxquels on n'aurait pas forcément songé et la tripotée des lecteurs de l’ombre se marrera de lire ces lignes qui brocardent ceux qui m’aiment, se confortant dans l’idée qu’au moins eux, ne seront jamais piégés, bien à l’abri, tapis dans l’ombre de leur anonymat. Ne rigolez pas, des ‘’sans couilles’’ voilà ce que vous êtes, Frêche vous l’aurait dit. Les autres penseront « ce Delon il est vraiment con… ou fou… dérangeant pour le moins…» mais bon, reste le petit plaisir malsain à me lire… la catharsis du casse-pipe, la jubilation ‘’défoulatoire’’ du stand de tir…



Bref, quand j’ai voulu me connecter à bnp-paribas.net, on ma demandé mon numéro de client ainsi que mon code secret…. Or, dans ma tête aussi vide qu’une buse de béton par jour de Mistral, il n’y avait toujours rien en ce retour de l’ïle aux langoustes. Alors j’ai décidé de renflouer un peu mes comptes en télétransmettant quelques feuilles de soins en retard, mais comme le veut la procédure normale, à un moment, pour l’authentification de l’opérateur, mon logiciel professionnel ‘’Auxicab’’ m’a demandé le code de ma carte de santé. J’ai inspiré un grand coup, mais ça n’a pas suffit : je sentais des trémulations dans les quatre membres tandis que le cinquième se ratatinait et que ma tête implosait ; j’ai poussé un barrissement de fauve en rut frappé par la rage et l’injustice d’un impact de balle 300 Winchester Magnum au moment du coït, en balayant la surface de mon bureau d’un revers de l’avant-bras, foutant tout par terre, ordinateur compris, et suis rentré chez moi la bave aux lèvres.


Ma compagne m’a dit :



- Qu’est-ce qu’il y a, ça ne va pas ?



Et là, je lui ai hurlé à faire péter la verrerie Praguoise de sa grand-mère en Cristal de Bohême :



- 6947 !



Un code, qui m’était revenu. Avec les yeux révulsés, le visage grimaçant et le corps agité de convulsions. Elle m’a piqué aussi sec, c’est pratique les infirmières, elles ont toujours une ampoule de rab qui traîne dans leur sacoche. Un myorelaxant pour assommer les buffles retors sauf qu’elle n’a pas eu besoin du fusil hypodermique vu qu’on ne se méfie pas d’une douce infirmière au visage biblique. Depuis je babille depuis mon lit – 7459 ? 3893 ? 4716 ? - que ma fille n’a plus l’autorisation d’approcher. Et oui, car une femme choisira toujours sa progéniture face à un partenaire à potentiel hautement interchangeable pour les promenades au soleil couchant orange sur mer chaude. Surtout s’il n’a plus l’usage de ses cartes bleues Caraïbes. Enfin c’que j’en dis c’est pour vos compagnes à vous, hein, la mienne dont le dévouement et la générosité sont exemplaires n’est pas concernée par cette remarque. (il paraîtrait que depuis peu elle vienne ici découvrir avec qui elle vit… ou elle me dit juste ça pour me tranquilliser... alors vous comprendrez que je ne peux pas me permettre n’importe quoi…)

lundi 27 décembre 2010

CUBA : Appel Masqué


Parfois, l'instinct du photographe est aidé par le hasard. Cette photo fonctionne, non ? D'abord, elle est prise à la volée, depuis le car. Pour une fois, même si j'aime les reflets, on a ici ce que l'on va considérer comme une chance, de ne pas en avoir, ce qui rend bien lisibles tous les éléments qui concourent à la même sensation d'une intrigue. Quoi ? Je délire ? M'enfin... cette femme donne comme qui dirait un appel anonyme puisqu'on ne voit pas son visage : Est-elle dans un enclos grillagé où s'exerce la censure comme semble le suggérer ce tronc d'arbre ratiboisé ? En tout cas une mine patibulaire excentrée au premier plan, inquiète et suggère une liberté d'expression relative, surveillée. Et cette ombre, d'un pas qui fuit, sortant du cadre ? Non... ? Bon enfin, moi, ce que j'en disais, c'était pour vous distraire. Et il n'est pas interdit d'y voir autre chose, à chacun sa légende. La visiteuse d'un prisonnier à Guantanamo ? Ben, qu'est-ce que je disais...

dimanche 26 décembre 2010

La Studebaker du Malecon


Le lendemain, la tempête soufle toujours. Après le petit-déjeuner où l'on vous propose dès potron-minet toutes sortes de saloperies vomitives telles que fritures refroidies de croquettes de pomme de terre, tronçons de knackis alsaciens à la sauce tomate ou brouillades d'oeufs aux poivrons indigestes, je sors vers le front de mer. Je suis resté classique, expresso cubita et croissants. Mon estomac voyage mal. Avec ce système de buffet renouvelé, si on ne se méfie pas, on a déjà vingt mille calories dès le matin. Faut voir le nombre d'obèses qui se bâfrent méchamment. Au cas où il y aurait des chances qu'ils n'en aient pas pour leurs argent. Avec ce qu"ils gaspillent et emportent discrètement, on pourrait nourrir le quartier du Vedado, qui tringle, lui... Des membres de notre groupe pomponnés de frais, se croient obligés de se saluer par embrassades alors qu'ils se sont quittés il y a quelques heures, comme si durant cette courte nuit un monde nouveau était advenu où les rapports humains auraient été victimes d'une réinitialisation globale. Je n'ai aucun bon sentiment dès le matin : pourvu qu'on ne me voie pas, et qu'on me foute la paix, c'est tout ce que je demande. Qu'on m'évite les questions à la con concernant mon sommeil, la literie ou le jet-lag. Deux, trois cubitas plus tard, je récupère une once de sociabilité toujours incapable de vous les gratifier d'un sourire.

Dehors, il faut agripper les orteils au sentier de béton pour tenir debout... Alors le voici, ce fameux Malecon, décrété plus belle avenue du monde. Il y a effectivement un gros potentiel esthétique : huit kilomètres de front sur la mer des Caraïbes, du Castillo de San Salvador jusqu'au quartier de Miramar, des façades magnifiques avec des arcades, des colonnes, des balcons somptueux. Mais en attendant de redevenir la plus belle avenue du monde, elle est sans conteste la plus délabrée du monde. L'UNESCO s'en occupe à ce qu'il parait. Grouillez les gars, ça s'écroule ! Ce n'est pas une image ! Il y a des balcons par terre ! J'ai enjambé leurs gravats, et les façades suivent, ça urge ! Parfois des échafaudages se parent de lianes impressionnantes : un mur végétalisé de quelque architecte à la mode ? Non, vous n'y êtes pas, c'est juste qu'il est passé du temps depuis qu'on l'a installé pour étayer une façade qui menaçait ruine, mais pas le moindre peso cubano disponible pour entreprendre. Moscou a déjà donné, les USA c'est caca et l'Europe est exsangue. En ce premier matin, je suis près de l'énorme canon qui reste coi face à une mer déchaînée qui envoie ses boulets d'écume sur le bitume. Presque pas de circulation... mais bientôt ''ma'' première vieille américaine s'avance dans son bleu layette : Chevrolet ? Studebaker ? Plymouth ? Cadillac ? Je ne sais. Mais ''Studebaker'' c'est la classe, à prononcer... Essayez : dites ''Renault'' et, tout de suite après, ''Studebaker'' et vous allez voir, ça le fait... même si vous êtes cégétiste à Billancourt et que vous souffrez d'anti-américanisme primaire. Ouais je sais, ça vous fait mal au cul mais c'est comme ça, la musique des syllabes s'en cague, de l'idéologie... Une pétrolette à side-car croise en face, fumasse. Il me reste exactement vingt-cinq secondes pour observer la ''Studebaker'', avant qu'elle ne reprenne sa route, increvable, parce que rénovée et entretenue, elle. Même si c'est une Chevrolet.

samedi 25 décembre 2010

Cuba, la Havane, hôtel National


La Havane. Hôtel National. Je viens à peine d'arriver et de poser mes valises. La chambre où dormit Nat King Cole. Un palace cinq étoiles. Ne comparez pas avec le Crillon. Ici c'est un palace car il y a du PQ tous les jours, que l'eau coule chaque fois que l'on actionne le robinet, chaude y compris, et que les ascenseurs ne tombent pas souvent en panne. Son joli patio est presque le premier contact exotique, n'était la rencontre avec l'éclairage miteux de l'aéroport où les néons blafards sont rares et font circuler les Européens yeux plissés pour tenter d'apercevoir quelque chose. Tout est ''National'' là-bas. L'Hôtel, l'autoroute, le discours. Il y a du beau monde alangui sous les arcades du patio dans les énormes fauteuils en rotin. Soudain, tempête tropicale. Il n'y a guère que ce petit palmier qui fait encore bonne figure bien en retrait au coeur de l'enclave. Les autres, au loin, ont la forme des parapluies retournés par les bourrasques tandis que l'averse est drue comme zébu qui pisse. Envolée de perroquets sous les arcades : ces beaux messieurs parfois accompagnés de jeunes femmes cubaines s'éparpillent. Je me retrouve seul. Le garçon vient déposer sur ma table un énorme cendrier d'onyx rose qui doit bien peser ses quatre kilogrammes. Je me la pète : Mojito et Romeo y Julieta N°3 por favor. Je sirote, je crapote. Le rhum, le sucre et la hierbabuena se mêlent à l'attaque délicate du puro. Finis, les bagages à porter, les queues interminables et tracassières des douanes. Je suis arrivé. C'est un autre monde qui s'ouvre à moi. Un jour, Hemingway s'est sûrement assis là. Une belle averse. Je la photographie. Je suis seul. Je suis bien.

vendredi 24 décembre 2010

Papa Noël existe no ?

Pour ceux qui n'auraient pas tranché la question :

Ninguna especie conocida de reno puede volar. No obstante, existen 300.000 especies de organismos vivos pendientes de clasificación y, si bien la mayoría de ellas son insectos y gérmenes, no es posible descartar completamente la posible existencia entre ellas del reno volador que solo Santa Claus conoce.


C'est un début, débrouillez-vous avec ça...

vendredi 10 décembre 2010

Voyage au Campo 10 et fin.





Comment ai-je pu oublier de vous raconter lors de la visite chez Victorino, ce grand moment vécu sur la remorque branlante grâce à ‘’GG’’ qui commenta avec une truculence quasi Pagnolesque ce qu’endura, toute souriante d’épanouissement campero, une charmante Clermontoise prise en sandwich entre le chapeau irlandais en pure laine vierge du photographe arlésien et ‘’GG’’ himself plus vierge depuis bien longtemps. Si j’avais le temps, l’énergie, si mon talent de narrateur tutoyait les sommets du pittoresque, vous n’auriez qu’une faible idée du fou rire collectif qui secoua, conjointement à la progression chaotique tout terrain, le petit groupe autour de lui. Il nous a tout fait : du doigt coincé dans la bretelle du soutien-gorge, jusqu’à l’effondrement de la dame sur le photographe sous la poussée de son tamano en s’aggripant à elle coquinement. Ouais, basique mais efficace. Cette dame fut prise d’un fou rire inextinguible – on eut peur pour sa respiration – et communicatif, et nous étions à peu près épuisés en descendant de la remorque. ‘’GG’’ merci, ça valait quelques boîtes d’anti-dépresseurs, plus cinq à six ans de divan freudien plus l’économie du débat déclenché par Onfray.


Mais où en sommes-nous ? Il faudrait le finir ce compte-rendu de voyage, ça commence à faire longuet… Et bien nous voilà donc chez Antonio Lopez Gibaja ! Le point d’exclamation commence à vous indiquer la singularité de cette ganaderia. Oubliez les barrières d’El Cubo décrites précédemment, de l’à peu près, à côté. Je trouve que les barrières sont une très bonne valeur étalon d’approche pour l’estimation d’une ganaderia… pour l'évaluation de la caste des toros par contre, ça reste bien plus ardu. Si la démesure d’El Cubo donnait du côté de Dallas et du ranch texan comme on l’a vu, ici c’est Hollywood. Non… Bollywood, plutôt… C’est Bombay qui voudrait surpasser Hollywood qui aurait déjà revisité l’Espagne. Quelque chose comme ça. En pire. Oui, quasiment. Amateurs barrés par le romantisme larmoyant du XXé siècle, demi-tour immédiat recommandé. Les organisateurs, eux, en étaient sûrement très fiers pour avoir placé la visite, en position ‘’clou du voyage’’. Sûr que ça sent le luxe, Gibaja. Plus c’est luxueux, moins c’est taurin, je trouve. Les quelques vieux de mon âge comprendront, les jeunes chercheront en vain ce que je veux dire… la finca en elle–même tient de la propriété tableau de Patagonie mâtinée de cortijo Vénézuélien, je peux vous en parler vu la représentation imaginaire que j’en ai…


Gibaja, est le roi incontesté de la barrière cossue, multi-barreaudée, peinte en blanc histoire d’affirmer un peu plus sa présence, en plusieurs couches, avec composante inoxydable intégrée, tandis que la platitude policée des cercados engazonnados sont plus à même d’inspirer Tiger Wood dans son loisir à trous, que Tomas Campuzano dans une capea à campo abierto. Trop salissant. Des stations de brossage bétonnées sont ça et là disséminées dans le paysage, afin que torito vienne connaître les joies de la gratounette dorso-latérale au cas où les troncs de chêne seraient des solutions par trop rustiques. En nylon ou en poil de martres des contreforts du Montana, les brosses ? Je n’ai pas expertisé, mais rien ne m’étonnerait. Bâtiments de luxe, palmiers tropicaux, équipements de luxe, paysages de luxe, nature domptée, jolis veaux gambadant sur le gazon. La caste des toros ? Ne reste plus qu’à vérifier dans l’avenir.



Dernier jour, Salamanca. Visite du musée taurin spécialement rouvert pour nous, en ce premier novembre. Point de muséographie agencée mais plutôt une caverne de brocanteur. Soit qu'il y ait trop d’objets, soit que les locaux soient trop exigus, soit les deux se combinant dans l’indifférence générale. A la sortie, on tombe sur une escouade de types et le visage de l’un d’eux nous ‘’parle’’. Personne ne se souvient de son nom, mais il est torero, ça c’est sûr. Vu l’audace du groupe en goguette, on l’aborde, on lui baragouine notre plaisir de le rencontrer, certains l’entourent, se font tirer le portrait avec lui et son air ahuri bien obligé de se prêter à cette manifestation subite de célébrité à assumer. La traversée de la plus belle Plaza Mayor d’Espagne est décevante à cause d’une feria du livre qui de ses kiosques dépare, sa majesté.



Nous arrivons au restaurant et on nous dirige dans une sorte de bodega souterraine très minérale. Aucune étoffe, tapis ou rideau n’amortit le niveau de décibel désormais très espagnol du groupe franchouillard. Les repas de là-bas commencent par une entrée très roborative comme en l’occurrence cette soupe de couenne et pois chiches au lard, dont quelques milliards de foyers dans le monde feraient leur plat principal. Elle est réussie et la gracile serveuse enchaîne les soupières de rab. Elle est à peine maquillée, d’un physique banal, mais semble sympathique. Les traits de son visage sont creusés et montrent une brumisation de sueur. Les soupières sont lourdes, brûlantes, et la tablée importante. Derrière moi se trouve un pilier de soutènement en béton, à côté duquel elle vient parfois faire une pause ou changer son fardeau de main. Je lui baragouine des ‘’muy difficil, no ?’’ et des ‘’mucho trabajo…’’ dont elle se passerait bien. Elles tient à rester professionnelle sans prêter le flanc à ses insuffisances passagères. Elle n’y peut rien, l’attache de son poignet est si fine pour cet énorme plat de daube qu’elle transporte maintenant. Sept, huit kilogrammes, peut-être plus. Elle répond aux sollicitations des convives de ce même sourire contraint qui par instants fugaces se mue en rictus de douleur. Le dos légèrement fléchi vers l’avant, ce qui lui écrase les disques lombaires, le poids en équilibre instable sur une seule main, le service assuré par l’autre, elle n’en peut plus. Quand elle arrive à ma hauteur, j’avance les mains pour saisir le plat afin de la soulager pendant le service mais dans un effort terrible elle m’esquive avec de la réprobation dans le regard avant de m’expliquer que je me serais brûlé. Ca devient mon héroïne : voilà une fille épuisée et endolorie qui vient de prendre tous les risques pour m'éviter une brûlure ! Je débarrasse un coin de table et lui fais signe de poser le plat. In extremis elle y parvient, sans quitter sa position semi-fléchie si bien que son visage est tout près du mien. Echange de regard très rapproché. Des cernes sous les yeux, la sueur qui perle, son abnégation courageuse, elle est devenue belle. Une courte halte et elle reprend son travail, tournant le coin de la table et revenant face à nous. Sa souffrance est terrible, elle doit s’arrêter à nouveau, détendre sa main. Arrivé à ma hauteur, décochement d’oeillade pour s’enquérir de ce que veut ce type qui la suit du regard. Les bouteilles d’un rouge très tannique et boisé, du ‘’Taurino’’, se succèdent à grande vitesse. 14° degrés quand même… Quelques bouteilles et longues minutes après, une gratouillis d’omoplate m'interpelle :


- Quieres uno ?


Devinez de quoi il s’agit… la fameuse, dû moins, célèbre, pâtisserie industrielle en kit reconstitué, cette mousse insipide badigeonnée de sucre, ici, verdâtre et saupoudrée de filaments de chocolat. Je décline la friandise mais lui indique que ce gratouillis d’omoplate, j’ai beaucoup aimé, et que j’en reprendrais volontiers un autre. Dans l’espoir naïf de la faire rougir. Mais c’est une espagnole et j’ai sous-estimé sa spontanéité. Elle s’exécute. Gratgratgrat... J’acquiesce du regard. Ma voisine lui précise que « eres masajista » et que je peux donc le lui rendre en mieux. Là, petit flottement, elle sourit, rosit et fuit. Elle me fait penser à une vierge martyre de Zurbaran et à ce qu’en disait Théophile Gauthier dans son recueil ‘’Espana’’ en 1845 :


Quel crime expiez-vous par de si grands remords ?

Pour le traiter ainsi qu’a donc fait votre corps ?


Bon en fait, pour les savants vétilleux, j'avoue, Théophile parlait ainsi des moines, mais si ça sert mon texte, qu'est-ce que ça peut faire ? Vous perdez du temps à tout vérifier monocle en main ? j'espère pas... Le dessert est trop mauvais pour qu’on en goûte ? Vengeons-nous sur le bien nommé ‘’Taurino’’ un bronco con caste qui dérouillerait un boulon de sous-marin… tandis que les discussions se poursuivent, moins intelligentes, plus débridées. Putain, Sanchez Vara, c’est Vara le type croisé dans la rue tout à l’heure…

Un petit coup frappe soudain à nouveau mon épaule. Ma volte face nous fait nous retrouver nez à nez, la serveuse hâve, et moi, bien replet. Elle tient une bouteille blanche dans la main droite et une bouteille verte dans la gauche et me les tend alternativement par saccades de directs de boxe en répétant :


- Dulce o fuerte ?


- Nada, fais-je les yeux mi-clos et la gueule enfarinée avant de poursuivre d’un goguenard : Solamente un beso de tu !


- NO !


Me rétorque-t-elle en sursautant, soudain pleine d’énergie, comme indignée, et elle tourne les talons. Et voilà, pour une fois qu’il y avait une chance que quelqu’un me trouve sympa… cette familiarité va me muer en beauf… le repas se termine et la cohorte avinée se dirige comme un seul homme dans l’escalier permettant le retour à la surface, avant d’aller cuver quatorze heures durant dans le car pour le trajet ‘’retour a la casa’’. Y'a pas intérêt à aller souffler dans l'éthylomètre du car sinon, makache, il ne démarrera jamais !


Surprise : en haut de l’escalier une mini haie d’honneur s’est formée, elle attend là, avec son collègue, mains dans le dos, saluant chaque convive d’un petit hochement de tête discret. De loin, désirant me racheter une bonne conduite respectueuse, je tends la main droite en l’avisant. Mais sa position par rapport à la sortie de l’escalier impose un virage serré avec lequel le ‘’Taurino’’ et mon oreille interne où siège le centre de l’équilibre comme chacun sait, ne s’accordent pas. Et je biaise, prends de l’angle, du roulis, du gîte et du tangage… Pourtant le vent est nul, le sol calme et le carrelage d’huile… mais la vierge de Zurbaran veille sur ses clients : elle m’attrape prestement la dextre, me rétablit, éclate de rire et de sa main gauche m’attire à elle par le cou avant de me claquer deux bises extremenas d’anthologie. Chouette fille !


Je peux rentrer en France, encore une fois l’Espagne m’a rendu heureux.

S'effacer...

Deux heures du matin, trois pages écrites. Trois pages que dans mon brouillard d'épuisement, je juge réussies. Je suis content d'écrire en titre : ''Voyage au campo 10 et fin''. Trois pages qui terminent en beauté le feuilleton autocariste extremadurien. Je me suis souvenu d'une chouette histoire pour la fin, une histoire de complicité spontanée entre un homme et une femme, et je pense l'avoir racontée, comment dire, de la façon qui vous plait. Deux heures cinq, je cherche mon texte partout dans l'ordi. Dans le presse-papier, dans... enfin partout. Plus aucune trace. Sur quelle touche ai-je appuyé dans ma somnolence ? Et puis je me rends compte que j'ai écrit sur une pièce jointe non enregistrée... Donc ce matin rien à se mettre sous la dent, messieurs-dames. Faudra attendre, mais ce sera plus court, avec des oublis, car je n'ai plus le temps. Le compte à rebours a commencé, je m'envole bientôt.

jeudi 9 décembre 2010

Voyage au campo 9









































































































































Prix jean Carrière


Après "Le Sens de la Marche'' d'Alain Montcouquiol, le prix jean Carrière qui récompense un auteur d'inspiration méditerranéenne a été décerné à Enrique Vila-Matas pour son roman "Dublinesca".
Plus d'information chez ceux à qui j'ai emprunté la photo : Midi-Libre et aussi ici

mardi 7 décembre 2010

Voyage au campo 8





Journée Ni-Ni


Je n’avais pas vraiment envie de vous raconter la journée de dimanche. Pour moi ce fut un fiasco photographique total. Le matin on était à ''Las Tiesas de Santa Maria'', chez Victorino Martin, et mis à part un épisode que vous lirez plus tard car je vais l’utiliser pour une autre cause, tout se passait bien jusqu’à ce qu’on entre dans le premier cercado. J’avais dribblé la meute en montant dans la remorque par l’avant pendant qu’elle faisait la queue à l’arrière devant le petit escalier qui menait au plateau. Ouais, y’a du sang de paparazzi roublard qui coule dans mes veines. Je ne sais pas pourquoi, mais à ''Papparrazzi'' on a envie de doubler toutes les consonnes, ça vous le fait aussi ? Et l’autre couillon de correcteur automatique de Word qui s’empourpre alors que je le fais exprès…

Bref, je commence à photographier et crac, carte mémoire pleine, avec trente photos au compteur, je ne comprenais plus rien… En attendant, j’ai raté toute la ganaderia qui était quand même un peu le clou du voyage, voyez ? Du coup j’ai procédé à une sauvage et rapide sélection pour dégager de la mémoire, un peu comme on file une pilule à un patient Alzheimer, ce qui m’a permis de shooter Velador seul toro grâcié de l’Histoire des arènes de Madrid. Planté là, dans son musée, à Moraleja, non loin.


Je ne peux pas vous le montrer, y’a Aurélie à côté… qui me sourit gentiment en plus, enfin, c’est ce que j’ai cru, comme un gros bêta, mais c’est à l’objectif qu’elle souriait, c'est-à-dire à elle-même, puisqu’elle voulait les photos. Chui con, moi, des fois, j’vous jure… tout ému de l'autre côté du viseur. Donc malgré la frustration, - des toros impossibles à shoot-shoot-, belle visite matinale, de beaux paysages, des petits lacs par-ci par-là derrière les chênes, de beaux toros, des installations très ''pro'', de belles cornes sans fundas, pour le moment. Désolé pour les descriptions sommaires, moins intéressantes que lorsqu'on a eu un accés privilégié au ganadero.


L’après-midi tienta, je ne sais plus où pour Jairo Miguel, un endroit où de grands panneaux solaires blancs jouxtaient de grands toros noirs. Bizarre, non, le blanc lisse, le noir pointu, la tradition et la modernité, les panneaux blancs qui captaient la lumière tandis que les toros reflétaient toute la noirceur de l’inquiétude mortifère… une dialectique graphique très black and white, très jazz, très… ou il faut être un peu écrivain pour pondre de telles conneries ? Z’en pensez quoi ?





Une lumière dé-gueu-lasse ! Dommage, derrière la petite arène d’où fleurissaient les toques athlétiques du torero du Guiness des records, se blottissait un joli petit village avec une sorte de minaret. J’ai shooté par acquis de conscience… et puis d’un coup, couic, plus de jus… plus de batterie ! A force de visionner et de sélectionner mes photos, ben…. Couic. C’est à ce moment précis, qu’un beau soleil de fin de journée perça, inondant la scène d’une magnifique lumière… J’aurais mangé mon chapeau… mais je n’en portais pas. La journée de la cagade photographique généralisée sévissait toujours.


Jairo Miguel es extremeño y formar parte del Guiness de los récords, commo el matador de toro mas joven de la historia, despues de que tome la alternativa en la misma plaza en la que se hizo famoso, cuando sufrio una espectacular cogida en Aguascalientes, Mexico. Un piton del novillo ''Hidrocalido'' le atraveso un pulmon a un centimetro y medio del corrazon. Etc, etc… le New York Times se hizo eco de su historia y patati-patata…


Bon, en plus, vu que Lilian ne me rappelle pas, je suis momentanément privé de ma banque photographique personnelle : la malédiction continue, pour le moment cet article n’aura pas d’illustration… quand ça veut pas… ni batterie, ni mémoire.

dimanche 5 décembre 2010

Faut Voir


Sur la porte, au-dessus d’un juda, une plaque en métal indique :


Essuyez-vous les Pieds.

Dessous une autre plaque, plus petite, précise :

Monsieur ‘’R’’, Agent de Sécurité. Quand on la pousse, un long chemin de paillassons divers vous guide jusqu’au salon. Dans un coin, une chapelle ardente : photos des défunts, fleurs de plastique, cierges, bougies, bibelots, amulettes, chapelets. La petite mémé a bientôt nonante ans. Fracture de la tibio-tarsienne.


- Où on se met ?

- Là, sur votre canapé, il faudrait un coussin et une serviette éponge…


- J’étais en train de travailler… je travaille vous savez, sans arrêt, vous pouvez regarder, vous ne trouverez pas de poussière chez moi… Regardez comme ma cheville est enflée !


- Vous avez un tabouret ? Dis-je en avisant les ''moutons'' sous l’armoire


- Oui, oui, oui, alors un tabouret…


Elle s’en va farfouiller dans son appartement.


- Voilà un tabouret, je m’assois ?


- Non, c’est pour moi, vous allez vous mettre à plat ventre sur votre canapé


- A plat ventre…. Sur le dos ?


- Ben , non… sur le ventre !


- Ah voui, voui, voui…


- Attendez, vous ne m’avez pas donné le coussin et la serviette éponge


- Ah oui… alors…où je vais trouver ça, maintenant…


Je m’assois, je sens que ça va être long. Il règne dans cette pièce un fatras terrible. En ne prélevant que la moitié des meubles, on pourrait ouvrir une brocante. Dans les angles du salon, des palmiers, des ficus, des caoutchoucs tout plastique. Pas d’eau, pas d’engrais, jamais fatigués, toujours adaptés. La Nature polypropylène. Sur les accoudoirs de tous les fauteuils, des napperons brodés qui glissent au sol dès qu’on les effleure. J’en ai déjà ramassé trois. Sur la table basse une boite à couture, le modèle en osier tressé genre panier à chat. Elle revient avec une serviette jaune sale peu engageante. Je connais bien ces mémés qui ne pouvant plus assumer l’entretien de leur maison, clament avec force méthode coué, qu’elles y parviennent toujours. Vous en persuader étant moins fatigant que d'assumer réellement le ménage.


- Et le coussin ?


- Ah oui ! Elle fait le double de l’autre, non ?


Elle repart. Au mur un ''diplôme'' encadré de bois doré mentionne que le cercle ''Art et poésie'' lui a décerné un prix lors d’un concours de nouvelles… Des couvercles de boites de chocolat, et des hologrammes, ces trucs qui varient de couleur et de relief quand on varie l’angle de vue.


- Sur le dos donc…. ?


- Eh non… sur le ventre… à plat : le nombril sur le canapé, le dos vers le plafond…


- Posez le coussin que j’y mette ma tête.


- Non…, le coussin c’est pour surélever votre cheville ! Mais d’abord, enlevez vos pantoufles et vos chaussettes…


Elle trifouille cinq minutes par pied vu qu’elle a cousu et noué des brides en laine, à la chinoise pour, ne pas perdre, je le suppose, ses charentaises distendues. Assise sur son canapé et penchée en avant pour desserrer l’étreinte des brides bridées, elle force en apnée. Mon pronostic est indécis : va-t-elle mourir dans cet effort suprême avant que la cheville soit rééduquée, ou bien ? Elle se redresse rouge comme le petit livre de Mao, hirsute et suffocante.


- Donc à plat ventre ?

- C’est ça… obligé !


Elle s’exécute en maugréant, se couchant d’abord sur le dos puis gigote pour se tourner alors que je lui avais indiqué une autre façon qui ne lui a pas convenu.


- Aaaah mais vous n’avez pas quitté les chaussettes ni relevé les pantalons ! Et les lunettes pendues autour du cou, vous n’allez pas les écraser ? Non, non, ne bougez plus je m’en occupe… mais qu’est-ce…


- Ah oui, j’ai cousu des brides à mes pantalons aussi, vous savez, comme des fuseaux de ski… c’est pratique…


- Oui, enfin…on n’est pas sur les pistes…


Mobilisation de la cheville, vérification des amplitudes, contractions statiques, drainage du mollet.


- C’est normal qu’elle soit enflée, comme ça ?


- Après ce que vous avez eu, oui…

- Et ça va rester enflé longtemps ?


- Pour se faire mal c’est toujours instantané, pour récupérer par contre, c’est toujours très progressif…


- Mais jusqu’à quand elle va rester enflée ? Et pourquoi c’est enflé ?


- La stase veineuse, l’inflammation, l’épaississement dû au cal… y’en a des raisons… Mais, ça dépend, vous marchez un peu ?


- J’arrête pas… je vais, je viens, je fais mon ménage vous savez, pas comme la grosse de trente-cinq ans du troisième qui a une bonne… ça lui ferait du bien pourtant… elle est grosse… si vous voyiez son cul… mon Dieu qu’il est gros… là, y’a pas que la cheville… elle devrait se le bouger pour maigrir… et ben moi, j’ai pas eu droit à une aide-ménagère, rien… je m’en fous, elle le ferait moins bien que moi… enfin, si elle n’était pas si enflée…


- Mais est-ce que vous sortez ?


- Jamais ! Pour quoi faire ? Attraper la mort ? Ben, siouplait… C’est mon petit fils qui me fait les courses. J’ai du travail moi, je dois gagner ma vie, il faut que j’attende chez moi, si quelqu’un vient…


- Donc vous ne marchez jamais. Parce que dans votre petit appartement, c’est du piétinement, vous n’avez pas le bienfait de la marche… cet effet de pompe qui…


- C’est que j’ai des clients, moi, je dois gagner ma vie !


- Vous faites quoi ?

- Je vois !


- Que…hein… ? Vous voyez …?


- Voui monsieur, je vois dans les cartes !


- Aaaaah… ah bon… voyante cartomancienne… d’accord… à domicile nous allons être limités vous savez, vous devriez venir au cabinet pour vous remuscler, vous gagneriez du temps…


- Non, non, non, c’est pas possible !


- Bon… alors allez un peu dans votre cage d’escalier monter et descendre quelques étages au moins, maintenant que c’est consolidé. Un peu tous les jours…


- Ben pardi… et si la grosse descend on peut pas se croiser ! Et mon petit-fils me monte le courrier, alors…


- Non mais, peu importe que vous n’en ayez pas la nécessité, faites-le pour votre cheville…


- Oh mais, je travaille, chez moi… vous pouvez regarder… pas de poussière…, tout bien rangé, la seule chose qui m’embête c’est qu’elle soit gonflée comme ça… ça va rester longtemps ?


- C’est à voir… interrogez les cartes… sans jamais marcher, il est vraisemblable qu’elles vous diront oui…