LES MURS BLANCS
Au
Maestro Denis Loré
Les murs sont blancs.
A peine
inondés des rayures
Que forment les volets
mi-clos.
Blancs sont les murs.
Blancs, bleus peut-être un
peu, là où l’air s’évanouit
Depuis que le matin a fait
fondre la nuit.
Et lui, au beau milieu du
chaos silencieux,
Il prie. Déjà, ses mains sont
tendues vers les cieux
Dans un élan d’amour, de doute
et de terreur.
L’horloge de son âme affirme
qu’il est l’heure.
Son habit sur la chaise
incendie l’atmosphère
De rose, et d’or, d’espoir,
d’effroi et de lumière.
Il ne l’a pas porté, pas
encor, pas en course,
Juste chez le tailleur où sa
verge et ses bourses
Ont épousé l’étoffe avec
délicatesse
Pour mieux époustoufler les
antiques déesses
Qui hantent les gradins. Il
connait leur regard ;
Profond comme un grand fleuve,
étincelant de fards.
Il le croise parfois, à la
sortie d’un quite,
Le torée un instant, l’adoucit
puis le quitte,
Pour revivre sa vie.
Ici, les
murs sont blancs,
Les souvenirs sont purs et les
gestes sont lents.
Il y a une Vierge, éclatante
d’amour.
Son visage est de miel et ses
yeux de velours
Font naître un long ruisseau
de larmes. Sur l’autel
De sa gloire, un ange a fait
murmurer ses ailes
Et leur écho léger s’évapore
dans l’onde ;
Il submerge la chambre, et la
ville, et le monde.
Mieux qu’une grande affiche et
ses mille couleurs,
Il annonce au public qu’il
sera bientôt l’heure.
Dans les rues, les cafés, les
bodegas furieuses,
Déjà montent des mots et des
questions curieuses.
« Quelqu’un a-t-il pu
voir les Toros aux corrals ?
On dit qu’ils sont de ceux qui
grèvent le moral…
L’an passé nous avions un bien
piètre bétail,
Celui-ci sera-t-il d’un
courage sans faille ?
Aurons-nous un palco très juste et bienveillant,
D’honnêtes assesseurs et un
grand Président ?
Et ces nuages noirs qui
menacent là-haut…
Auront-ils disparu au temps du
paseo ?
Entendrons-nous ce soir
résonner la musique
Et pourrons-nous crier d’une
voix pacifique ;
Des Toros ! Des Toros !
Et puis des toreros !
Nous avons tant besoin de
porter des héros. »
Lui ne les entend pas car ici
rien ne bouge,
Les murs sont blancs.
Là-bas,
les barrières sont rouges.
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