vendredi 13 septembre 2019

Tarir la Source


Elle est sympathique Aurore Bergé… Énervante, certes, mais sympathique dans sa façon de se tromper. Encore tout à l’heure avec Bourdin sur RMC. Elle tient à son train de mesures sur le bien-être animal. Vous savez quoi ? Moi aussi. Et vous aussi j’en suis sûr. Nous n’avons aucune propension malsaine à nous réjouir d’un quelconque mauvais traitement commis envers un animal. Savoir que sa côtelette émane de la carcasse d’un animal  malheureux ou tourmenté avec cynisme ou qu’un sale type a abrégé la vie de son chien d’un coup de pelle n’est épanouissant pour personne.

Pour autant, ne pas savoir faire de différence entre l’éléphant qui a vécu sauvage en liberté des décennies et qui s’étiolerait de l’enfermement qu’il subirait dans un cirque avec celui né en captivité, me semble issu tout droit d’un raccourci inepte. Là, c’est l’idée que l’on se fait de sa conscience supposée qui prend le dessus : anthropomorphisme.

Sur Instagram je suis notamment abonné à quelques comptes qui traitent de la vie sauvage comme elle est, sans précautions. Je vous assure que la corrida apparait alors comme un accompagnement précautionneux et plein d’égards, du dernier quart d’heure, le mauvais, que nous vivrons tous, dans notre lit, à l’hôpital, en Ehpad ou ailleurs, peu importe, on le vivra et il sera mauvais. ''Epic_wild'', ''real_nature'', ''natureismetal''  sont les noms de ces comptes et, souvent, on y éprouve des sentiments controversés entre fascination de la vie sauvage et dégoût logique, genre : aaah maaaaais… arrête de le bouffer comme ça, tue-le d’abord !  Ces situations permettant d’évaluer les degrés sur l’échelle de la cruauté. Bien sûr, ce n’est pas en relevant une situation horrible qu’on arrive à trouver des justifications à une autre. Sauf que, lorsqu’elle est produite sans intervention de l’homme, elle n’est pas horrible, ni cruelle, il faut changer d’adjectif. Elle est naturelle, sauvage, n’ayant d’horrible et de cruel que ce que l’œil humain avec sa sensibilité y voit : anthropomorphisme. En effet si tel prédateur ne tuait pas si cruellement sa proie, on assisterait alors à sa cruelle et interminable déchéance.

Pour la corrida, l’homme décide de faire entrer un toro dans l’arène et de donner à voir son combat. Sortez-moi tous les philosophes aficionados de votre manche, bardés d’arguments savants et distingués, cela ne suffira pas à la justifier. Ce point est incontournable. Le point de départ est un vœu humain gratuit. Parce que l’homme est ce qu’il est. Parce qu’il est dans la nature des acteurs de s’attaquer à l’insurmontable, l’océan à la rame, l’Himalaya au piolet, le toro à l’épée, parce qu’il est dans la nature des spectateurs d’être impressionnés, émus, étonnés de ce à quoi on parvient dans la beauté et la difficulté. C’est comme ça.

Alors, notre amie Aurore veut donc interdire l’accès des arènes aux mineurs. Chouette. Elle ne s’est pas rendu compte que les jeunes, s’ils avaient 20 ou 60 euros à dépenser chaque jour, préféraient les boire que s’obliger à rester calmes, serrés comme des anchois, sage, pas bouger, comparant leur vécu avec les resenas, pour tenter d’y comprendre quelque chose. La preuve ? La tribune désespérément vide fournie par Casas à prix super réduit especially pour eux. Car le jeune, messieurs-dames est remuant… quelques chopes de houblon – car de nos jours le jeune boit irlandais, c’est mort pour le pastis marseillais – quelques notes puissamment décibelisées, quelques filles déhanchées – important – et le voilà beaucoup plus à son aise en bodegas que sur les pierres et planches inconfortables de l’arène où l’on peut au choix se peler les miches ou se rôtir les roubignolles.

Il est grand temps que ce pseudo-article se termine, je sens l’envie d’abandonner le langage soutenu, pour l’ordurier qui me défoule tant et a fait de moi une divinité dans la rue Fresque…(Hahaha eh ho ça va, hein….)

Donc l’interdit aux mineurs ce serait chouette, ça les précipiterait à nouveau dans le ruedo par cette mécanique conversion adolescente de l’interdiction à la transgression. Magnifique, Aurore, ils te détourneront, tu seras leur Bergé ! Elle sait bien que ça ne traumatise personne et surtout pas les enfants, nous y sommes tous allés jeune et nous n’avons pas viré psychopathes pour autant. Ce qu’elle espère en essayant de retarder le gusanillo c’est couper le lien, tarir la source. Espoir vain, il arrive un âge où remuer dans les bodegas, avec toute cette transpiration et votre moitié qui commence à vous reprocher de sourire bêtement à toutes les inconnues qui passent, devient fatiguant, alors que se perçoivent les mystérieuses clameurs qui s’élèvent du cirque de pierre dont on ignore tout. Si vous êtes né dans la région ça ne peut que vous interpeller qu’un type de votre âge, entre vingt et vingt-cinq ans, accepte l’idée de se faire déboyauter par la corne alors que vous-même demandez encore à votre maman où sont les sparadraps pour panser votre doigt écorché à l’économe. Quand elle a réussi enfin à vous convaincre d'éplucher les patates.

Non, il y a juste un truc qui me sera désagréable dans cette société hygiéniste qu’on voudrait nous fabriquer : c’est qu’une merdeuse logorrhéique qui plane à quinze mille pieds au dessus du moindre enseignement délivré par la tauromachie me dise, à mon intelligence décrété déficiente, ce qu’il est bon que j’adopte comme attitude avec mon petit-fils.

Je t’emmerde Aurore Bergé.
photo La Provence

4 commentaires:

Unknown a dit…

Quel plaisir de retrouver votre prose...
Quel retour en forme...
La rareté de vos écrits ne les rend que plus savoureux...et toujours juste.

Ils ne peuvent nous laisser tranquillement "dégénérer" entre nous, nous n'avons besoin de personne...

Frédéric

Marc Delon a dit…

Bon alors, je me suis fait recadrer par mon fils qui n'est pas, mais alors pas du tout d'accord avec moi : des jeunes qui vont à la corrida, il en connaît un monton ! Si l'on en voit pas dans le tendido dédié c'est qu'ils sont malins : ils vont aux amphis pour descendre et se retrouver beaucoup plus bas... CQFD ne pas le répéter à Casas...

gina a dit…


Entièrement d'accord, Frédéric !

Anonyme a dit…

Je suppose, cher Marco, qu avec ton petit fils tu adopteras l attitude que ton fils et ta belle fille te demanderons d adopter tout de même, non?. Jules