dimanche 3 janvier 2010

La Bêtise du Toro




L'écriture de ma participation au Prix Hemingway - eh oui je m'y mets de toute urgence - m'a conduit à rechercher un passage savoureux dans lequel jean Cau expliquait le conflit que l'on pouvait éprouver soudain à s'essayer au toreo pour la première fois. On se trouvait alors pris en étau entre la fascination ressentie pour le fauve mythique et l'espoir de sa bêtise absolue qui permettait d'attendre là, sa charge potentiellement dévastatrice, voire mortifère...
Extrait :


Donc, je m'aperçus que le toro étant parfaitement bête puisqu'il n'obéit qu'à l'instinct et que si celui-ci est parfaitement adapté, il est parfaitement brut, je m'aperçus que pour toréer, il faut faire une confiance absolue à la bêtise. Exercice difficile quand on a l'habitude de faire confiance à l'intelligence, au sens moral, aux comportements raisonnés, à l'humanité de l'homme en un mot. Vous vous plantez devant un toro avec un chiffon rouge. Vous pensez : "cet individu armé de cornes n'est pas bête au point de vouloir poignarder un chiffon. Il me voit, il me regarde et son intention est de me trouer la panse... Bouge pas. Tranquille ! Tranquille ! Avance ta muleta, sur ta droite... Bien, bien...!

L'individu charge et c'est là qu'il faut se dire qu'il est bête comme c'est pas possible, que l'on doit avoir une confiance d'acier en cette bêtise et qu'au lieu de vous foncer dessus comme un train sur le malheureux au pied pris dans un rail, ce TGV brusquement aiguillé, au dernier moment foncera sur la fleur rouge que lui tend votre main délicate. Réaction normale, humaine, anthropomorphique : fiche le camp. Réaction saine mais qu'il n'est pas facile de s'enfoncer dans le crâne : ce crétin se rue sur tout ce qui bouge et que capte son oeil droit ou gauche. Il est bête et le restera. Maîtrise ta panique et colle tes pieds au sol. Miracle des miracles, ça fonctionne. Docile, noir et terrible, le train frôle votre flanc et passe. Bêtise, je crois en toi ! Tu es brave, brave au sens donné à ce mot dans le Midi, ce qui signifie gentiment que le citoyen ainsi qualifié n'est pas une lumière. Avec l'accent.

De là vient la différence entre un autobus et un toro. Le premier, intelligemment conduit, cherche à vous éviter, le deuxième à vous rentrer dedans mais, comme il est sot, si vous restez immobile, il vous confond avec le suaire que vous agitez sous son nez et se rue sur un fantôme. Dans la tête opaque de cette brute doit naître un sentiment étrange. J'aime imaginer qu'elle se met à croire aux esprits, à l'esprit, à Dieu. A Dieu ce leurre pour les croyants (nous le sommes tous, l'athée absolu n'existe pas, à preuve Sartre qui souhaitait être édité dans La Pléiade près sa mort et les Académiciens tout heureux de jouir d'une immortalité provisoire) et vers lequel ils se jettent, sans jamais l'encorner, tant qu'ils sont vivants. Morts, la question se pose. Est-ce que Dieu est enfin attrapé, est-ce qu'en lui on s'enfonce ? Le toro a cette chance : quand il cueille le torero, il sait que Dieu existe en vérité.




5 commentaires:

el chulo a dit…

tu vas gagner mon marco!

Marc Delon a dit…

Ouais ! A titre posthume, pour ''l'ensemble de mon oeuvre''

el chulo a dit…

j'ai acheté et lu ton compte d'auteur!

Marc Delon a dit…

Oh ! pas possible ?!? Sentiments Aficionados ? ça se trouve ça ? Le bon (n°1) ou le mauvais (n°2) ? (jugement de Isa du Mooooooon qui s'est bombardée ma biographe...) Parce que ceux qui le possèdent l'ont dans leur coffre-fort et ceux qui ne l'ont pas pleurent encore...
Bon ben... une oeuvre de jeunesse, hein... non,non... je ne renie pas...naïf, avec lourdeurs, erreurs, espagnol à ch...etc...

Anonyme a dit…

Mais puisque le taureau a tant de bêtise en lui, l'homme est encore plus bête puisqu'il se mesure à lui! Si on ne comprend pas cela , alors que cette remarque tombe sous le sens, il faut être plus bête que deux taureaux réunis!