lundi 4 octobre 2010

Depuis son Ipad...4



Au fond du puits

Ça y est, nous venons d’entrer dans la saison pendant laquelle les aficionados ordinaires, ceux qui, comme vous et moi, n’ont pas les moyens de s’offrir le voyage d’hiver à Mexico ou Bogotá, peut-être à Las Vegas ou Abu Dhabi, pour les plus cosmopolites, vont se trouver dans une situation comparable (d’assez loin quand même) à celle de mineurs coincés dans un boyau, à sept cents mètres sous la terre d’un désert inhospitalier. La seule véritable différence, de taille, est que ceux-là pourront continuer à manger du chili con carne sans craindre de mourir asphyxiés par leurs propres gaz intestinaux. La plaisanterie paraîtra sûrement douteuse C’est vrai. Mais il ne s’agit pas d’une plaisanterie. C’est, telle quelle, la puissante prescription diététique que les spécialistes de la NASA, mandatés sur le carreau de la mine de San José d’Atacama, ont notifié, vu les dangers prévisibles de consommer des haricots rouges en espace confiné.
Mais, contrairement aux trente-trois de Copiapo, l’aficionado ordinaire, si rien ne lui interdit de se mettre des flageolets jusque-là, ne pourra compter sur l’appui d’aucun expert pour l’aider à tenir, au fond du trou noir de ces mois de froidure et de pénuries tauromachiques. Il devra s’accommoder des moyens du bord, sa bibliothèque, sa vidéothèque, son cinéma intérieur. Ou s’épuiser à téter aux quelques misérables sondes qui lui seront lancées : les sites internet (y compris, pour les masochistes et les esthètes décadents, ceux des officines anti-corrida), les conférences de clubs taurins (ô la félicité, en plein novembre, d’assister, dans une arrière-salle de bistrot, à une causerie sur "Histoire, écologie, économie et développement de l’élevage du toro bravo dans le district municipal de Calaveras") et, le pompon, les journées de fiesta campera.
C’est un avis personnel. Je trouve l’ambiance de ces réunions à peu près aussi réjouissante que, je suppose, celle qui doit régner dans les établissements on l’on délivre des produits de substitution contre les addictions lourdes, une sorte d’effet de foehn inversé et cyclique qui va et vient de l’enthousiasme à l’abattement, de l’hystérie à la dépression. On est venu là pour essayer d’apaiser le manque, mais on sait bien, au fond, que c’est un pauvre expédient. On est arrivé, toujours à grand mal, par des chemins pas spécialement praticables, aux abords d’un grand terrain vague agricole. Il pleut, ou il a plu la veille. On a de la boue jusqu’à la luette. La petite arène est bricolée à la diable avec des madriers de récupération. Le coin repas n’est qu’un assemblage de tôles rouillées et on frissonne déjà en voyant tambouiller en plein air la paella (mais rien n’empêcherait que ce soit une feijoada) qu’il faudra bien se taper. Quant au plan purement tauromachique... Bon, il vaut mieux arrêter là.
La femme du mineur Ariel Ticona Yañez vient de donner le jour à une petite fille qu'ils ont prénommée Esperanza. Ils auraient aussi bien pu l'appeler Paciencia. C'est ce que je souhaite, pour les mois qui viennent, à tous les aficionados ordinaires qui me liront.

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