mardi 28 décembre 2010

Retour de Vacances


Ça a commencé au distributeur de billets : impossible de me souvenir du code de ma carte bancaire personnelle. En panne de neurones, je suis reparti bredouille, désargenté. Me consolant à l’idée que je ne contribuai pas au pillage insondable de mon propre compte, déjà en très mauvais état. Mais il fallait refaire le niveau de carburant de la voiture et devant la pompe, le problème a perduré : je ne me souvenais pas non plus du code de ma carte professionnelle… j’en ai tapé deux ou trois, en vain. Je suis retourné à la BNP, dans mon agence, essayer d’autres combinaisons : mes cartes ont été avalées par l’ogre froid. Je me suis rendu à l’adresse d’un nouveau domicile dont on m’avait donné les coordonnées par téléphone et dont je n’avais pas noté les caractéristiques, mon esprit vagabondant encore dans les îles de la mer des Caraïbes. Devant le portail automatique du parking, il fallait composer un code. Mais lequel ? J’ai poireauté jusqu’à ce que quelqu’un en sorte : je me suis approché de la portière conducteur, l’index levé et la mine quémandeuse, mais elle a filé, pétrifiée de terreur : je ne me suis pas rasé ce matin ou quoi ? Ou est-ce encore une manifestation conflictuelle de mon fameux épi que la brosse à cheveux n’est pas arrivée à rabattre ce matin, me donnant l’air d’un fou ? Une mémé s’est pointée, qui a refusé de me confier le code « avec tous ses étrangers qui rentrent sans arrêt, on ne sait plus à qui on a à faire » J’ai l’air d’un Polonais ou quoi ? Enfin, le concierge sortant les poubelles est passé au loin, je l’ai hélé et lui m’a trouvé tout à fait normal vu qu’il était lui-même hirsute et pas rasé : ‘’3867 A’’ qu’il m’a confié, goguenard, l’air satisfait qu’un col blanc ait poireauté. Je suis arrivé au bas de l’immeuble qui était affublé d’un de ces nouveaux interphones où le nom des habitants n’apparaît plus… Aux sonnettes, étaient seulement accolés des chiffres… de 1 à 24. mais moi j’allais soigner monsieur Vaisse pour une épaule gelée et pas un numéro… même si je n’étais pas encore dans la foulée performante du travail, je me souvenais au moins de ça. J’ai pianoté sur les touches plus longtemps que cette feignasse de Chucho Valdes en clôture du festival de jazz de la Havane au théâtre Meilla, sauf que lui ne se faisait pas insulter à chaque impulsion, mais applaudir. Quand j’ai enfin trouvé le vieux monsieur il n’a pas voulu m’ouvrir car il n’était pas au courant qu’un Kiné devait s’occuper de lui. C’était les femmes de son foyer qui avait fomenté ça contre lui : son auxiliaire de vie, sa belle-fille… eh oui avoir l’autorité administrative sur un individu ne suffit pas : il faut aussi travailler sa psychologie, obtenir son assentiment avant que je puisse revenir mesdemoiselles…



L’après-midi, j’ai retrouvé le cabinet. Là, il me suffisait de la télécommande du portail et d’une clé pour rentrer, j’avais tout ça dans la voiture. La boîte aux lettres était pleine. J’ouvrais chaque lettre la peur au ventre. Elles étaient couvertes de chiffres qui étaient des sommes à payer. Payer, toujours payer dans ce putain de pays qui qualifie de ‘’social’’ le fait de ponctionner jusqu’au découragement les gens qui travaillent presque le double de la durée légale pour assister ceux qui ne se lèvent pas le matin pour en chercher, vu qu’avec les substances qu’ils ont vendu nuitamment et leur RSA, ils s’en sortent plus que bien. Les vrais pauvres sont les smicards, pas les chômeurs. Enfin, dans mon quartier en tous cas. Tandis que la compagne s’arrange avec l’état pour générer le deuxième salaire en ne déclarant l’appartement qu’à son nom, ce qui lui vaut plus de mille euros avec ses trois enfants pour ‘’allocation de parent isolé’’. Ils ramènent en plus des paniers de bouffe des restos du cœur, pas grave si on empêche un vrai pauvre de becqueter, et on dépose sa facture d’électricité à la mairie où un service se charge de les payer, c’est intégré dans notre tarif, me confirma un employé EDF. Faut surtout pas parler de tout ça en ville, sinon on n’est qu’un sale con de facho. Après, de distingués analystes parisiens locutent d’importance pour nous expliquer qui sont ces salauds de réacs nantis des beaux quartiers qui ont encore fourni entre 15 et 20% au Front National… Mon cul… c’est le peuple de ces quartiers qui n’ignore rien de ce qui s’y passe, qui votre Front National. Les mêmes qui votaient communiste. Ce qui fait que le premier petit con qui m’a traité de riche parce que j’étais allé me promener sur le Malecon, je lui ai expliqué aussi sec pourquoi il jugeait ‘’mal’’ et ce qui faisait que je le trouvais si ‘’con’’. Mal et con. Evidemment je ne l’ai plus revu… mai ça valait bien les 153 euros, la misère que j’aurais perçu pour les dix séances où il aurait fallu me le tartir, non ? Bon, je sais, vous êtes heurté les bien-pensants, les tolérants idéologiques, mais si vous venez encore me lire ici, c’est que quelque part – mais où ?- ça vous plait ce cynisme réaliste qu’il n’est pas poli d’écrire ailleurs, hein, ça vous défoule, vous aimez bien qu’on vous dise merde de temps en temps. Chulo viendra encore s’indigner de la façon dont tourne le monde, Maja Lola viendra nous paraphraser une brillante synthèse limpide, Gina évoquera par sa touche discrète et faussement anodine des développements auxquels on n'aurait pas forcément songé et la tripotée des lecteurs de l’ombre se marrera de lire ces lignes qui brocardent ceux qui m’aiment, se confortant dans l’idée qu’au moins eux, ne seront jamais piégés, bien à l’abri, tapis dans l’ombre de leur anonymat. Ne rigolez pas, des ‘’sans couilles’’ voilà ce que vous êtes, Frêche vous l’aurait dit. Les autres penseront « ce Delon il est vraiment con… ou fou… dérangeant pour le moins…» mais bon, reste le petit plaisir malsain à me lire… la catharsis du casse-pipe, la jubilation ‘’défoulatoire’’ du stand de tir…



Bref, quand j’ai voulu me connecter à bnp-paribas.net, on ma demandé mon numéro de client ainsi que mon code secret…. Or, dans ma tête aussi vide qu’une buse de béton par jour de Mistral, il n’y avait toujours rien en ce retour de l’ïle aux langoustes. Alors j’ai décidé de renflouer un peu mes comptes en télétransmettant quelques feuilles de soins en retard, mais comme le veut la procédure normale, à un moment, pour l’authentification de l’opérateur, mon logiciel professionnel ‘’Auxicab’’ m’a demandé le code de ma carte de santé. J’ai inspiré un grand coup, mais ça n’a pas suffit : je sentais des trémulations dans les quatre membres tandis que le cinquième se ratatinait et que ma tête implosait ; j’ai poussé un barrissement de fauve en rut frappé par la rage et l’injustice d’un impact de balle 300 Winchester Magnum au moment du coït, en balayant la surface de mon bureau d’un revers de l’avant-bras, foutant tout par terre, ordinateur compris, et suis rentré chez moi la bave aux lèvres.


Ma compagne m’a dit :



- Qu’est-ce qu’il y a, ça ne va pas ?



Et là, je lui ai hurlé à faire péter la verrerie Praguoise de sa grand-mère en Cristal de Bohême :



- 6947 !



Un code, qui m’était revenu. Avec les yeux révulsés, le visage grimaçant et le corps agité de convulsions. Elle m’a piqué aussi sec, c’est pratique les infirmières, elles ont toujours une ampoule de rab qui traîne dans leur sacoche. Un myorelaxant pour assommer les buffles retors sauf qu’elle n’a pas eu besoin du fusil hypodermique vu qu’on ne se méfie pas d’une douce infirmière au visage biblique. Depuis je babille depuis mon lit – 7459 ? 3893 ? 4716 ? - que ma fille n’a plus l’autorisation d’approcher. Et oui, car une femme choisira toujours sa progéniture face à un partenaire à potentiel hautement interchangeable pour les promenades au soleil couchant orange sur mer chaude. Surtout s’il n’a plus l’usage de ses cartes bleues Caraïbes. Enfin c’que j’en dis c’est pour vos compagnes à vous, hein, la mienne dont le dévouement et la générosité sont exemplaires n’est pas concernée par cette remarque. (il paraîtrait que depuis peu elle vienne ici découvrir avec qui elle vit… ou elle me dit juste ça pour me tranquilliser... alors vous comprendrez que je ne peux pas me permettre n’importe quoi…)

9 commentaires:

Marc Delon a dit…

et puis c'est pas la peine d'essayer de me piquer ma carte bleue, 6947, c'est pas mon vrai code...

Maja Lola a dit…

Alors là Marcos ..... sacré "coup de gueule" ! C'est du lourd !
J'en reste bouche bée ... sans voix. Scotchée. Groggy.
Quieto hombre.
J'arrête là. Je ne sais plus quoi écrire.
Un beso, con tu permiso.

Marc Delon a dit…

Ah oui... ? Non... tout va bien, je suis calme... tout cela reste très inoffensif...

el chulo a dit…

inoffensif n'est pas vraiment le mot.

Hugues a dit…

Je réclame le copyright sur le soleil couchant orange et les bleus Caraïbes...

Anonyme a dit…

Et moi alors?
Je suis vexée...
Sinon tes lieux communs c'est juste du populisme...


isa du moun

Xavier KLEIN a dit…

Et oui, dans tout homme, il y a un(e) Le Pen qui sommeille!
Tu devrais lui dire de se rendormir Marc, ces lieux communs ne sont pas dignes de toi.
La plupart des gens pour qui "l'on paie", comme tu dis, seraient bien contents de travailler et de gagner leur vie décemment, c'est en tout cas ceux que je rencontre régulièrement en mairie ou dans mon boulot.
Quand le foin manque, les chevaux se battent. Sommes-nous des chevaux?

Marc Delon a dit…

ach so.... ça devait arriver... ne fais pas semblant de croire que je parle de ceux-là. ça arrange ta conscience mais ce n'est pas de ceux-là dont je parle, les vrais nécessiteux. Quant aux autres, aucune idéologie ne m'influence. Je suis au contact, j'observe et je rends compte. les pauvres de ma banlieue je rentre chez eux les soigner, ça n'a aucune commune mesure avec ce que j'ai observé à Cuba, tant dans les conditions que surtout, surtout, dans l'état d'esprit : c'est tout, et c'est le seul sens de ces textes.
ça m'a toujours beaucoup déçu que l'on préfère me suspecter de lepenisme aggravé plutôt que d'ouvrir, certes c'est plus douloureux, une brèche de clairvoyance et d'honnêteté intellectuelle dans le rideau de l'idéologie pour simplement constater des faits.
Le fait que tu vives dans une petite ville tranquille du sud-ouest retarderas sans doute cette perception quelques années encore.

Anonyme a dit…

Moi je voulais savoir si ton cinquième membre avait repris sa forme initiale ? c'est ce qui m'avait le plus préoccupée dans cet article...