vendredi 16 décembre 2011

Diego Puerta, Trompe-la-Mort Professionnel.


J'écoutais hier soir dans ''La Grande Librairie'' un écrivain américain juger que le problème des XXe et XXIe siècles, était que « l'on pouvait traverser son existence sans avoir l'occasion de s'apercevoir si l'on était lâche ou courageux » Pardon, mais, Diego Puerta excepté. Rectum, scrotum, intestins, foie, saphène, etc, les abattis de ''Diego Valor'' auraient pu alimenter le comptoir du tripier des halles de Nîmes qui vend tout trop cher, moins cher quand même, que ne vendait avec un courage sidérant Diego Puerta, la peau de son petit corps de lion de l'arène. Bréviligne, court de bras et de jambes, ce morphotype d'avorton est généralement donné comme étant la cause de l'impressionnante récolte de cornadas qui émaillèrent sa carrière. Plus de cinquante. Mais trente est son chiffre : trente coups de cornes gravissimes, le plus durement châtié après le Mexicain Luis Freg – l'homme aux cent cicatrices – de toute l'histoire de la tauromachie. Mais aussi trente oreilles à Las Ventas en trente courses.

Petit garçon, je me souviens l'avoir vu à Nîmes où il alternait souvent avec Paco Camino et El Cordobes à la fureur de qui les deux premiers opposaient leur classicisme. Il livra un combat relaté comme épique à la Maestranza, avec ''Escobero'' un Miura comme on n'en voit plus, qui le renversa à plusieurs reprises et lui infligea quatre cornadas avant de lui céder ses deux oreilles reçues sur la table d 'opération. Il y eut aussi la faena du ''Pantalon du monosabio'' comme l'intitula Antonio Diaz Cañabate, un pantalon qu'il emprunta pour continuer le combat après que le toro avait dévoilé son anatomie à l'arène et tant d'autres tardes héroïques et de succès remarquables.

Paco Aguado le décrit ainsi :

"Alors qu'il n'avait que dix-huit ans, un toro de Guardiola lui éclata le foie à Bilbao, ouvrant ainsi une liste sans fin de cicatrices qui parle d'elle-même d'un courage indomptable, à une époque où le novillo avancé en âge remplissait de blessés les couloirs du dispensaire de la rue Bocangel. Le Sévillan ne fut pas ce que l'on appelle un torero habile face au toro, non plus maladroit, mes ses limitations physiques étaient l'une des causes principales de l'affolante moyenne annuelle de coups de cornes reçus. Il ne faut pas non plus oublier que son engagement sans limites et son ambition puissante ne connaissaient pas les mots douleur et convalescence.

Pour le critique Clarito, Puerta cachait « sa fierté sous des airs de caractère volcanique. Son toreo rouge vif élève et donne de l'ampleur à sa petite taille. Au lieu de se laisser abattre par son propre sang versé, il se relève des coups avec encore plus de cœur et du courage à revendre. Grandi et non calmé par la ribambelle de coups de corne sanglants, il risque sa vie tarde après tarde, toro après toro, sans faire de différence et sans douter. Il n'y a, dans les annales du toreo de haut niveau, aucune trace ni aucun autre indice d'un tel courage »

L'Histoire de la tauromachie retiendra donc que, contre toute attente, ce Little Big Man du toreo, mourra retiré des cornes, à l'âge de soixante-onze ans, une probabilité sur laquelle aucun aficionado n'aurait en son temps parié une peseta.

Ici Jacques Durand à son sujet :

http://signesdutoro.france3.fr/index.php?page=article&numsite=1148&id_rubrique=5681&id_article=16184

2 commentaires:

Maja Lola a dit…

Bel hommage Marc. Et comme il est bon de mettre en lumière le vrai courage. Celui qui efface et ternit tous les éclats de paillettes, pacotilles et vernis dont se parent tant d'autres.

Je trouve la phrase de cet écrivain juste et intéressante....

P.S. : ton lien "Jacques Durand" ne fonctionne pas ...

Pedroplan a dit…

Tout cela est vrai, mais Diego Puerta n'était pas seulement le fournisseur attitré des triperies des villes où il se produisait : c'était aussi un artiste au syle empreint d'une grâce sévillane pleine de légèreté et de gaieté.