Je sais. Vous rêvez de dunes blanches, de sommets enneigés, de lacs gelés, de joues rouges et de reblochon, de glaciers sombres, du crissement des skis dans les flocons agglomérés, de vieux chalets d'alpage en bois ridé. De vaches qui puent. De fermières odoriférantes, blouse à fleurs et bottes plastique, à la voix lactée, aux seins lourds, suintants de crème. Pour ça, vous supportez les exodes massifs, les autoroutes embouteillées, vos semblables toujours là, tout autour, qui se déplacent avec vous, apportant par leur présence la preuve que c'est bien là et maintenant, qu'il fallait être. "L'animation" que ça s'appelle ; au tabac les marmottes sifflent à votre entrée et vous faites la queue comme chez le boulanger ou au magasin de sport. Mais vous aimez la queue. La queue est "La" preuve. Vous êtes au bon endroit. Demi-heure dans la queue du tire-cul pour une minute de descente. Gelé dix minutes dans le grésil doucement balancé dans le siège du télé pour une minute de risque de fracture. En nage au bas de la piste avec les cuisses en feu et les chevilles meurtries. Les rotules qui piquent, aussi. Le séjour familial va te coûter deux mille euros la semaine. Mais le connard cégétiste qui a choisi de faire chier tout le monde en lançant une grève au moment où vous aviez enfin réussi à vous libérer, qui a amputé votre séjour de deux jours en bloquant votre train ou votre avion, lui, paiera deux cents euros la semaine. Il jouit d'un comité d'entreprise puissant. Putain d'enfer... T'es ''entre-soi'... T'es prof, mettons... tu atterris au "Chamois d'Or" de ''Pralognan la Gerboise'' dans un bâtiment à l'architecture de caserne qui abritait les colos des pupilles de la nation dans les sixties, reconditionné par la MGEN où tu ne rencontres que des semblables : que des profs et des marmots de profs dans tous les couloirs. Putain d'angoisse... Tous le même vécu, la même expérience de vie, qui ne peuvent rien s'apprendre tellement ils se ressemblent et en plus quand ils échangent leurs photos, bingo, z'ont tous le même canapé, tu m'étonnes, vu que le catalogue de la Camif est sur tous leurs chevets !
Alors ils trempent leurs croûtons ensemble, dans la même fondue, avec leurs gros pulls de laine au graphisme bien démodé... et ils passent de bonnes vacances... Tu imagines ? Un immeuble rien que de kinés pour des kinés géré par des kinés... la partouze massante en peaux de phoques... parleraient que de cul et de Sécu... l'angoisse ! Mais il y a une autre voie... une voie de gros beaufs diraient les profs... des gros porcs qui vont sulfater sans vergogne de gaz carbonique, des espaces encore vierges de toute pollution... Z'écrasent tout (du sable) avec leur quat-quat... C'est la voie à laquelle je pense quand l'air est vif et le ciel immaculé. Des pentes roses, grèges, miel, coquille d'oeuf, orange, ou mauves au couchant. A perte de vue, rien de vertical. Pas de queue sinon la tienne. Perdue dans l'horizon et enfin déconnectée du désir. Tu plantes ta tente, là, au milieu d'un erg immense que ton regard n'arrive pas à cerner. C'est tout simplement grandiose, si grand, si beau, si biblique et mystérieux que pour un peu, t'aurais envie de chialer. C'est la Terre. Ta planète. Sans commerces. Brute. Inviolée. Sans aménagement humain. Tu brûleras tes ordures inflammables, emporteras les autres et le vent effacera la trace de tes roues derrière toi. Exactement comme si tu n'étais pas venu. Mais ces images seront à toi pour la vie. Comme les yeux noirs d'Amine si brillants dans la lueur du feu quand il préparait le thé dans sa belle djellaba bleue de Tamanrasset. Comme son silence et la paix qu'il diffusait. Sa présence si humble et si forte à la fois. Magnétique. Inscrite dans l'harmonie de ce désert où tu jurais. Des heures et des jours en dehors de ta vraie vie. Où tu en viens à douter de ta vraie vie. Des visions irréelles. Des sensations nouvelles. Des espaces inédits, une lumière magique. Alors moi, quand vient l'hiver c'est à ces horizons où il est impossible de croiser tes spatules que je pense. Et puis d'abord, mon quat-quat de beauf, il ne rejette pas plus de gaz carbonique qu'un Espace de prof.
''Gourara 1er du Nom'' voir le livre de nos aventures ici :
http://fr.blurb.com/bookstore/detail/2473026
PS : Parfois, heureusement qu'il y a la CGT, si, je le pense, ça sauve des emplois...
28 commentaires:
Complètement d'accord Marc quand on a rencontré le désert aucun autre endroit ne le vaut.Merci pour ces photos qui me rappellent a moi aussi des moments de vrai bonheur.
Victorina
ne t'inquiète pas Marc, au train ou vont les choses, il ne restera plus un seul prof ou instit pour te polluer.
relativise chulo, relativise...
Gina qui a beaucoup aimé ce texte et qui est en train de s'étirer sur un tapis dans mon cabinet, me dit que l'exemple est mal choisi : la MGEN n'a jamais eu de CE...
Soit, remplacez par "ERDF" ou "PTT" ou "SNCF" et le tour est joué...
Chulo, normalement dès l'année prochaine il devrait y en avoir 60.000 de plus...
ben alors va falloir recourir à des méthodes qui ont fait leurs preuves
Chulo
Au fait , la CAMIF a fait faillite...
La CGT enverrait tous ses manifestants crier leur désarroi devant les trois Palais politiques de Paris où travaillent parfois les bien payés qui n'ont pas fait l'effort en ces temps de crise, de réduire un peu leurs salaires, subventions ou autres, ni de modifier leur régime honteux de retraite, elle serait moins impopulaire, donnerait de la France que voudraient visiter de nombreux étrangers, une image plus positive, et ne dérangerait pas les gens qui ont travaillé et aspirent à prendre des vacances.
Gina
http://www.camif.fr/
La CAMIF, peu ragoutant raout des trente glorieuses consuméristes, est toujours là. Elle prend même le train en marche puisqu'elle annonce depuis quelques jours, que 76% de ses articles sont fabriqués en France. D'ailleurs, les mémères à Nicolas, François H. et François B. ne jurent que par la CAMIF pour fringuer pitchounets et pitchounettes.
JLB
J'aimerais bien, moi, chialer de bonheur dans le désert .... et m'enivrer de silence et de paix ...
Ben oui mais pour le silence et la paix, il ne me faut pas une femme comme co-pilote ! ;-)
"inratable"... désolé... :-))
Marcus,j'aurais bien aimé acheter ton livre "Gourara 1er du Nom" pour l'offrir (à quelqu'un que j'aime pas ;-) ), mais c'est vraiment trop cher...!
Pour 30 euros avec une dédicasse, je veux bien faire un effort !
adessiats.
En fait c'est un silence tellement silencieux qu'il en devient assourdissant. Parce qu'on n'a plus l'habitude. Et ces dunes ont des courbes tellement sensuelles...
Dommage de polémiquer sur les insuffisances des institutions humaines quand de belles photos défilent régulièrement en haut des textes et quand s'offre à nous cette immensité de terre dorée à peine fréquentée par les hommes.
(Oui, mais il y avait des femmes, tu as bien lu Lola ?)
Gina
il n'y a aucun intérêt à acheter ce livre si on n'était pas du raid.
je trouve.
Tu m'as ôté les mots de la bouche ou le doigt du clavier, Marc ! C'est, en effet, un très bel album souvenir d'amis en voyage.
Mais 1/ pourquoi tous ces 4X4, pourquoi n'avez vous pas voyagé en bus comme tu le fis en Espagne ? 2/ pourquoi avoir fait suivre Conchita ? Si si, elle y est sur une photo ! 3/ Pourquoi la jaquette souple est-elle plus chère que la jaquette dure ? (sans allusion aucune, je ne veux pas être poursuivi par la HALDE). 4 / Elixirman veut tellement casser le prix de l'album qu'il te demande une dédi-casse !!!
Tu as vraiment fait de très belles photos. Pourvu que ça dune.
JLB
Oui Gina, j'ai bien lu.
Je trouve votre commentaire joli et poétique Pedroplan.
Si, c'est une belle histoire de la Terre et des Hommes.
Gina
Gina a raison, les polémiques sur les institutions ont quelque chose d'incongru dans le spectacle sublime des dunes. Cependant, Gina, bien que nous ne soyons pas encore vendredi, je vais y aller de mon grain de sel.
Mon père, qui a toute sa vie travaillé à l'EDF, a toujours milité à la CGT. Tu te doutes, toi Marc qui connais un peu la saga familiale, que les réunions de famille, si elles étaient consensuelles au début, furent houleuses par la suite... Quand j'étais gosse, grâce au comité d'entreprise de l'EDF et à son CCAS, nous allions dans des centres de vacances aux quatre coins de la France, dans des "villages de toile" équipés d'énormes tentes militaires à la toile marron et puante. Il n'y avait, à l'époque, ni séjours de ski dans des chalets et encore moins de semaines à la con dans les îles ensoleillées. Chaque année, "l'arbre de Noël de l'EDF" au théâtre municipal nous distribuait des jouets simples et... deux oranges ! Lorsqu'un agent EDF avait des problèmes, le comité d'entreprise l'aidait et, souvent, mon père rendait visite aux retraités un peu trop seuls.
Mon père est mort il y a deux ans, à quatre-vingt-quinze ans. Pas un mot, pas un geste du CE ou du CCAS. Pas un mot de la CGT. Mais ils n'ont pas oublié de barrer son nom dans la liste des bénéficiaires de la boîte de chocolats en décembre. Ma mère a continué de recevoir le bulletin du CCAS et a eu l'idée saugrenue, un jour, de demander quelques explications concernant une éventuelle aide à domicile. L'interlocuteur CCAS est tombé des nues et a répondu qu'il n'était pas dans les attributions du CCAS de s'occuper de ces choses là. Elle a demandé à quoi avaient droit les retraités : à des réunions où l'on goûtait, bouffait, baffrait en disant du mal du monde entier, à des excursions à la frontière espagnole où l'on remplissait les soutes du car d'huile, de sucre, de sardines et de chorizo (aujourd'hui des cartouches de cigarettes).
Mais amusez-vous à feuilleter le bulletin du CCAS de l'EDF : vous en voulez des résidences dans des hôtels luxueux, des séjours à la neige, des trempages de cul dans des lagons bien bleus, des remises en forme dans des centres de thalassothérapie et peut-être même des "excursions" dans tous les déserts du tiers-monde ? A vomir tant il y en a. Rien sur ces agents EDF maintenant à la retraite. Et comme ça me foutait vraiment les boules, je me suis tapé des kilomètres pour aller dire, entre quatre yeux, à un "haut responsable" de ce CCAS, ce que je pensais de leur programme.
Dans la ville où habite ma vieille mère, il y a un couple âgé d'environ quatre-vingts ans, sans enfant, sans aucune famille. Il relevait les compteurs électriques dans les maisons, elle faisait des ménages. Un cancer irrémédiable l'a rendu, lui, grabataire. Elle est perclue de rhumatismes et, il faut le dire, un peu simplette. Trop timides, trop pudiques, trop assommés par une vie de merde, pas du tout informés des aides sociales modernes, ils vivaient comme des misérables dans leur appartement sinistre. Il a fallu que ce soit une voisine qui, par des chemins compliqués, alerte ma mère. Et c'est ma mère, à quatre-vingt-onze ans, qui a remué ciel et terre pour les aider. N'aurait-il pas été bien (et normal) de la part du CE ou du CCAS de l'EDF (ou ERDF pardon) de rendre visite à ces retraités dans la précarité et d'entreprendre les démarches pour les sortir de cette misère ? Non, le CE d'ERDF amasse, depuis des lustres, des sommes colossales avec lesquelles il répond aux besoins ignoblement consuméristes de leurs "actifs".Tout pour "les plaisirs", "les loisirs" !
La Cour des Comptes a "épinglé" le Comité d'Entreprise d'ERDF (et d'autres). Et alors ?
Société de merde. Syndicats de merde.
A lire "Festivus festivus" de Philippe Murray.
Excusez moi, Gina et Marc, d'avoir vociféré dans le silence du désert.
JLB
C'est le moment, avant que isa nous le sorte, chanson :
Quand t'es dans le désert depuis trop longtemps
Tu te demande a quoi ça sert
Toutes ces règles un peu truqué du
Jeu de cons qu'on te fais jouer,
Les yeux bandés.
Alors ce blog JLB ça vient ? Deux clics et un texte et c bon... faut trois secondes...
Je comprends fort bien, JLB, et quand vous parlez du consumérisme de luxe actuel aussi, et des vieux oubliés, de ceux qui ne savent ou n'osent se défendre, aussi.
Gina
Pour le moment, Marc, je me contente du T2 que tu mets à ma disposition à titre grâcieux. Tu nettoies les communs, tu sors les poubelles, tu couiques les casse-pieds et parfois, pour nous "séniors" tu organises des soirées diapos. Voisins et voisines me fichent la paix. J'ai tous les commerces à proximité. Pourquoi irai-je me compliquer la vie à être propriétaire ? Plus tard, quand je serai dans un fauteuil roulant, je te peindrai en noir et tu me promèneras dans les allées des Jardins de la Fontaine.
Si seulement tu nous faisais de bons petits plats de temps en temps...
JLB
Quel honneur, JLB. Marc met à votre disposition sa garçonnière ... Voilà donc un signe amical qui ne trompe pas !
Et les charges des communs ? Qui pour les payer avec un petit texte de temps en temps ?
Garçonnière ! Le blog de Marc Delon une garçonnière ! Les talons hauts qui taconent dans les escaliers, les rires étouffés sur les paliers, et ça va, et ça vient, et ça monte, et ça descend, des poules, des garces, des créatures... Soyez bénie Maja Lola ! Tu as entendu, proprio mesquin qui me parle de sous ?
Bon, je pars avec celle du quatrième et si je ne reviens pas demain je vous souhaite un joyeux Noël à toutes et à tous.
Marc, je n'arrive pas à fermer le robinet d'arrivée d'eau dans le placard, si tu y penses... Joyeux Noël à toi cher taulier.
JLB
Celle du quatrième ? ... Pas très bon goût JLB. D'après mes sources celle du 6ème est exquise et à même de vous faire rêver du 7ème ... (ciel, pas étage). Et oui, c'est ça les créatures ... ça aurait tendance à vous faire grimper très-haut, vers le Créateur ...
Joyeux Noël.
la chanson d'isa la voila, c'est pas capdevielle c'est souchon.
la vie theodore
On s'ennuie tellement (x4)
Alors la nuit quand je dors
Je pars avec Théodore
Dehors, dehors, dehors, dehors
Marcher dans le désert
Marcher dans les pierres
Marcher des journées entières
Marcher dans le désert
Dormir dehors
Couché sur le sable d'or
Les satellites et les météores
Dormir dehors
Il faut un minimum
Une bible, un coeur d'homme
Un petit gobelet d'aluminium
Il faut un minimum
Si loin de la nature ici
Le coeur durcit
On est si loin de l'air
On est si loin du vent
Si loin du grand désert
Si loin de l'océan
Alors la nuit quand je dors
Je pars avec Théodore
Dehors, dehors, dehors, dehors
Marcher dans le désert
Si loin de la nature ici
Le coeur durcit
Chercheur de trésor
De brindilles et de phosphore
D'amour humaine et d'effort
Chercheur de trésor
Il faut un minimum
Une bible, un coeur d'homme
Un petit gobelet d'aluminium
On s'ennuie tellement (x4)
avec la musique
http://www.youtube.com/watch?v=jtmG_jCq_k0
la deuxieme chanson de la video est tout aussi belle.
isa
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