jeudi 5 septembre 2013

OUAF !

Moi aussi j'aime les animaux. Enfin, surtout dans mon assiette, accommodés et cuits. Pour les autres, comment dire, je les admire plutôt mais sans les aimer. C'est merveilleux d'admirer un être vivant si différent de nous. La souplesse du félin. La locomotion puissante du taureau ou du buffle. La vitesse bondissante d'une gazelle... La beauté de leurs robes... Extraordinaire, non ? C'est peut-être ce que lui disait Jean Cau, distingué tauromache en février 1962 quand elle le reçut chez elle ? Alors comme ça on reçoit des tortionnaires ? Source JLB.



Je suspecte par contre ceux qui les adorent plus que de raison, d'avoir du mal à s'entendre avec leurs semblables. S'entendre avec un animal – et j'écarte là le toreo puisqu'il ne s'agit pas de ''s'entendre'' avec un toro mais de le combattre - , ne nécessite ni ne recrute aucune forme d'intelligence. La preuve, BB.... Si les anthropomorphistes maladifs savaient vraiment ce que pense d'eux, leur chien... il y aurait de graves décompensations.



Ce présumé amour éperdu d'eux-mêmes, qu'ils se complaisent à lire dans leurs yeux, cette fidélité si bien vantée que l'on oublie qu'elle rime avec gamelle. Eh oui les bisounours, c'est la gamelle qui la suscite, la motive, l'entretien. Pas l'amour humain, un amour supposé qu'il est si rassurant de lire dans la douceur du regard de son Golden Retriever de bobo auquel on prête toutes les intelligences et toute les sensibilités – il ne lui manque que la parole – 

A ta naïveté, pour employer un mot convenable, il ne manque rien, sois-en sûr. Mais dans son regard si doux, devant sa bouille incapable de générer le moindre reproche jamais, tu vois l'amour béat et infini que tu voudrais que l'on te porte. On sait depuis longtemps que 90% des ''je t'aime'' veulent dire ''aime-moi''...

Tout entier dévolu à l'admiration de ta personne adulée, c'est la façon dont tu penses que ton chien t'aime. Sais-tu que croyant cela tu es parfois plus conne (ou con, hein, mais le féminin me défoule plus, je le reconnais... or ce blog est mon traitement, vous l'aviez compris depuis le temps ? Le fric que j'économise à 60 euros le texte...) que ton chien même ??? 
Car que crois-tu que ferais ton chien si tu cannais sans que personne ne s'inquiète de toi ? Il te boufferait, un jour ou l'autre, pour subsister lui-même ! Cela s'est toujours vérifié. Cela finit comme ça, l'amour canin, par les crocs.



S'il parlait Tobby, il te dirait qu'il en a marre d'aller pisser tenu en laisse en bas de ta maison sur le béton du trottoir, que pisser dans la nature contre des fourrés odorants la truffe dans le soleil est un plaisir, marre de bouffer des croquettes industrielles alors qu'il se trouve des genoux de veau à rouziguer, marre de subir la logorrhée de la toiletteuse hystérique, marre qu'on lui parle comme à un petit d'homme. Lui, Tobby, ce qu'il voudrait, ce serait s'échapper, courir la lande, courir, courir, jusqu'à s'épuiser, se souiller dans les marais, se vautrer sur une charogne pour couvrir son odeur avec la sienne, bouffer des merdes d'autres chiens, dézinguer la chatte de la voisine croisée sur son chemin ( pour le double sens vous êtes seul responsable...) choper du volatile, le dévorer tout cru puis s'endormir la truffe ensanglantée dans la bonne odeur des collines provençales.



Il ne peut te le dire, mais ça l'emmerde tes canapés de velours parisiens et tes coussins de soie, tes rideaux, tes bibelots, les accessoires ridicules dont tu l'affubles parfois, en déblatérant qu'il est tout beau au milieu de tes copines. Cette odeur de produit ménager avec lequel ta bonne ou toi-même astiquez frénétiquement le carrelage comme si votre honneur en dépendait et sur lequel il dérape, lamentable sous la compassion contrite de la petite famille.


Seulement voilà, il est paresseux Tobby... alors il s'en accommode : maintenant imagine ta vie d'homme ''en chien paresseux'' : ta maîtresse qui ne peut s'empêcher de te complimenter à chaque fois qu'elle te croise... qui s'adresse à toi sur un ton langoureux sans jamais élever la voix, qui te gronde, gros vilain toutou, amoureusement, fière qu'elle est de tes bêtises qui l'amusent tant... qui te veux toujours auprès de ses belles cuisses fuselées quand elle regarde la télé, te caressant, autant dire te masturbant à longueur de temps dans tous tes petits endroits secrets, Ghâââaa... qui te porte ta gamelle, tous les soirs, sans que tu aies à parcourir des kilomètres angoissés pour voler ta pitance, qui t'emmène même tirer un petit coup avec Carlotta la femelle dégénérée (elle n'a jamais chassé, elle...) de son amie Chantal, que tu besognes comme un sagouin sous le voyeurisme des maîtresses. Mais aucun homme n'est si bien traité !!!



Alors petit à petit tu rêves moins aux lueurs de l'aube sur les marais, où t'emmenait ton maître avant que la société n'ait raison de sa barbarie qui s'étalait comme une tâche ringarde au front de ta bourgeoise dans les repas humanistes de la capitale, tu rêves moins à ces vols de canards que tu mordillais tout chauds jadis, la truffe emplumée, avalant leurs dernier soupir de ta gueule de voyou comblé. Tu te rappelles les détours que tu faisais pour les ''schmâcker'' un peu plus alors que, là-bas, ton maître t'appelait ? Comme tu ralentissais dans les roseaux, comme tu faisais semblant de ne pouvoir franchir les roubines ? La sensation de liberté qui t'étreignait, que dis-je, la quasi ivresse que tu ressentais de toutes ces émotions qui passionnaient ta race depuis des siècles... Retouver et rapporter, qu'elles que soient les conditions, à la terre brûlante comme à l'eau glacée, quel que soit le poids de la pièce, grive ou grouse, c'est ça ton métier. Ce pourquoi tu étais originellement produit et sélectionné là-bas, dans les Highlands embrumés. 

Puis ton retour triste à la ville et ses odeurs immondes, à l'immeuble haussmanien et à la profondeur des tapis où tu t'enfouissais deux jours et deux nuits durant, pour te remettre de la belle fatigue de ces émotions. Avec tous ces canards qui roulaient sous tes paupières. Ne te levant que pour aller dire bonjour aux enfants qui rentraient de l'école, pisser sur ton réverbère ou pour honorer la gamelle qu'elle te collait devant la truffe, maugréant envers celui qui t'avait ainsi mis dans un ''état pas possible'' (retour à la case toiletteuse hystéro) en t'offrant cette parenthèse salvatrice...



Bien sûr, cette sédentarité gavée aux macarons de Ladurée et aux chocolats fins t'a rendu obèse et tu serais désormais bien incapable de patauger dans le marais comme cette fois où tu t'étais ouvert le dos sur des fils de fer barbelés – sept points de sutures, 415 euros chez le véto dans le 16e ardt...- coursé par un cocardier en furie. Qu'est-ce qu'elle lui avait passé comme savon, ta maîtresse, à son époux... le pauvre il avait sans doute tringlé – enfin dans le sens de privation, hein...- pendant des mois, en représailles conjugales ! Inutile de te dire que les canards - de gentilles petites bêtes que le malotru avait sauvagement plombé - étaient allés se faire plumer chez Plumeau en toute conspiration avec la femme de ménage. On avait préféré pleurer sur leur dépouille en toute solidarité animale et refusé de manger les petits cadavres histoire de bien souligner la vacuité barbare de la quête chasseresse. Celle-là même que les écolos qui n'ont jamais eu peur de la métaphore lapidaire, dénomment la "mort-loisir". Non mais.



Tu erres donc, invalide bouffi, du canapé au tapis, t'as même parfois envie de te pisser dessus tellement tu t'ennuies, car on ''t'aime'' de plus en plus... pour te consoler on te fait bouffer à chaque instant... on ne te sors plus, ça te fatiguerais trop... Au prétexte de l'amour des humains, on organise le raccourcissement de ton espérance de vie et puis après avoir encore engraissé le véto qui a toujours dit que ça valait le coup de tenter ça ou ça, avis auquel ta maîtresse a toujours souscrit pour ne pas déroger à son amour, tu as quand même fini, malgré l'acharnement thérapeutique à te garder en vie – le gain des jours d'hospitalisation... - par casser ta truffe, non sans avoir ouïe qu'elle avait prévu pour la famille une excursion à l'élevage d'où tu proviens afin de te remplacer au plus tôt. La salope. (Ding ! Mot compte double, encore 60 euros d'économisé...) Bien sûr un élevage de beauté, pas de travail. Une sélection sur la dégénérescence, pas sur les aptitudes naturelles. Elle s'est précipitée pour être à nouveau aimée, inconditionnellement, par ce même regard d'implorant de la gamelle qu'il est si gratifiant de prendre pour des sentiments. Car, ah oui, détail, tu penses bien qu'elle est seule maintenant, que le type s'est enfui avec une qui le regardait lui, qui aimait son attitude virile de chasseur ayant gardé ce sixième sens avec la nature et ne bêtifiait pas sur un putain de clebs à la noix. Hein, zézette ? 
 

Car avec ces gens-là, moins tu parles, plus tu es chien, mieux tu es compris. Moins tu parles, plus tu as faim, plus tu implores du regard, plus tu exprimes ton amour. Il suffit d'être sans aspérités, passions reniées, coeur cloué, doux au toucher, admiratif du regard et sur sa tombe, la Brigitte, elle se repaîtra de cet épitaphe :



Souvent déçue par les hommes, jamais par mon chien.



Et pour cause... attends qu'ils fassent des chiens qui parlent... 
Brigitte, c'est toujours quand elle se tait qu'on l'aime. C'est là qu'on lui trouvait du chien. Ouaf !

4 commentaires:

Anonyme a dit…

j'aime les corridas, j'aime mon chat et aussi ma femme : est-ce grave docteur ?

Marc Delon a dit…

Grave peut-être pas mais préoccupant l'ordre de la liste, quand même...
ça fera 60 euros (de plus...)

Maja Lola a dit…

Quelle vie de chien !

Préoccupant aussi dans l'ordre de la liste le "aussi" ... comme s'il s'était ravisé brutalement qu'il avait "aussi" une femme ;-)

Maja Lola a dit…

Plus qu'un câlin .... une complicité, un amour, un lien charnel entre ce petit bonhomme qui tend ses mains vers le visage aimé ...

Belle photo qui ramène aux choses vraies et essentielles de la vie...

PS : le papy lunetté précédent avait un faux air de Picasso dernier chapitre