Disparues, les ballerines et
les chorégraphies, aux oubliettes les enjolivements, hier après-midi, retour
aux fondamentaux : la peur, la
sueur, le sang, les larmes. Quand combat rime avec enjeu, la corrida est de
retour. Et avec elle votre plumitif préféré (après Durand, Marmande, Zocato,
Dupuis, Colléoni, les Bruchet’s brothers, etc bien sûr…)
Quand le premier chat du
sorcier a foulé le premier mètre de sable, l’arène toute entière a frémi… des
cornes à te dilacérer le sciatique sur tout son trajet, des pointes à te
réséquer les muscles profonds du dos, des diamants à te… bref vous avez pigé… Si ?
Pour le plaisir ? Ok. Après tout z’êtes clients et je me suis fait rare,
ne chipotons pas : des diamants si fins qu’on eût pu les juger prompts à
éclairer ton intestin grêle sans que le rectum n’eut en rien souffert de l’intromission.
C’est plus long que de lire ‘’astifino’’ mais on s’emmerde moins, non ?
Bref, il s’est arrêté face
au type qui lui avait ouvert les portes et a commencé un dialogue qu’il devait
continuer avec son torero : euh t’es qui toi, kess tu fais là, j’suis
censé faire quoi dans ton délire… ? Enfin voyez, le même genre d’interrogations
qui pouvait soudain émaner d’une foule constatant qu’un apprenti-terroriste
venait de s’empaler, là, à l’instant T, bar bien nommé, sur des barrières anti déséquilibré. Mais si je change le texte d'hier - pour ceux qui l'auraient déjà lu - c'est que des bruits auraient couru trop vite et trop mal, je ne sais pas d'où vient ce type...
Octavio, je ne le
connaissais pas – ben oui, je voyage moins… - j’adore son apellido qui claque
comme un coup de fouet : Chacon ! Cinglant, non ? Chacon !
Eh bien, ce n’est pas un fifre, Chacon ! Assez impressionnant de calme, de
science et de maîtrise, il s’investit sans broncher là où le monton se
liquéfierait devant le danger. Grand ! M’a plu ! Enchanté, Chacon !
Il s’est fort bien dépatouillé sur les deux côtés du faible, donc dangereux,
tricoteur de cheville qu’était ce Victorino au large berceau.
Le matin j’avais appris qu’il
était désormais – depuis un an ! - interdit de fumer dans les jardins de
la fontaine, comme dans une cinquantaine de lieux publics en extérieur… bien
que cela ne me soit pas préjudiciable, j’appréhende toute interdiction avec autant
de circonspection que Javier Conde une charge pas claire et ça me déprime…
Cette corrida commençait bien et pour une fois je n’avais rien oublié :
cigare, briquet, tout bien rangé dans ma poche… Sauf qu’au JT de 13 heures il y
avait eu ce reportage montrant une municipalité qui avait interdit toute fumée
aux abords des écoles… Fumer dans la rue c’est devenu comme pêcher la truite en
rivière, maintenant : de là à là tu peux pêcher (c’est con
y’a pas un poisson) mais de là à là, tu peux pas, réserve (c’est con elles sont
toutes là…) donc je sais pas, l’air du temps, la culpabilité de déclencher des
cancers à tout le tendido, tout ça… c’était un peu dur à porter et j’hésitais à
sortir l’artillerie lourde cubaine dont j’avais tant envie pour décupler le
plaisir de voir enfin de beaux toros combattus par des hommes. Je me suis dit :
Marcus, soit urbain, même si c’est autorisé dans l’arène (enfin j’espère ?!?!!!!!)
rappelle-toi les bons principes que ta maman t’enseignait et enquiers-toi au
préalable de ne pas déranger tes voisines. Je me suis penché par delà les
épaules parfumées de ma jolie moit-moit déjà rompue à l’idée de tout supporter
par amour pour moi, humour gras, jalousie infondée, volutes cancérogènes, amour
bestial et matchs de foot, pour m’adresser à ‘’cuisses de mouche’’ (mini-short
et micro-cuisses) à sa droite, pour lui demander si le projet de fumer ne la
contrarierait pas… ? Au contraire ! Répondit, enjouée, la belle
enfant reluquant d’un air malicieux le module que j’avais en main (eh oh, mon
cigare hein…) m’assurant que le parfum des feuilles tropicales l’enchantaient !
Increible, no ? Etait-ce enfin mon jour de chance ? Allais-je toucher
à la félicité ? A l’épanouissement psycho-sensoriel ? Au nirvana de
la pleine conscience ? A l’ici et au maintenant de la Havane et des dos
argentés de Galapagar ? Je me tournais alors vers une de ces innombrables ‘’cheveux
courts-lunettes’’, ma quinqua vecina de gauche, pour, sur un ton des plus
distingué, arguer de mon immédiat projet. La rombière déclina un :
- C'est-à-dire que moi-même ne fumant pas…
Dont elle me laissa tirer la
conclusion, neurasthénique et seul. N’écoutant que mon héroïque galanterie je
lui soufflais d’une haleine fraîche que cela n’avait aucune importance, que j’attendrai
de ne pouvoir malheureusement plus jouir de sa compagnie pour m’empoisonner. Il
est possible qu’elle m’en su gré car à chaque danger en piste elle me gratifia
de moults coups de coude et genou afin que je me montre solidaire de son effroi
tout en me racontant une grande partie de sa vie, qui, il faut bien l'avouer, n'était pas des plus palpitantes…J’étais devenu son copain non
fumeur, quoi…
Ca commençait à gonfler
légèrement moit-moit chérie, cette quinqua désinhibée qui me parlait sans arrêt
tandis que ‘’cuisses de mouche’’ me lançait des regards où je lisais : ben
alors, c’est pour aujourd’hui ou pour demain les senteurs de la Vuelta Abajo ?
Satisfaire les femmes qui m’entouraient s’avérait plus difficile que de convaincre
un tio de cinq herbes de boire la muleta, du coup je partis pisser.
Là, dans cet isoloir, j’étais bien. Auto-centré sur moi-même. En pleine possession de mes moyens. Déclinants, certes, mais bon oui oh ça va hein, j’ai jamais sifflé deux paquets de clopes et vingt pastis / jour comme vous, moi… un corps sain autour d’un esprit altéré voilà tout. C’est d’ailleurs pour ça que tu fais le mariole en feria, lecteur, c’est parce-que tu ne peux plus… et alors vas-y que tu surcompenses, que tu brasses de l’air, que tu galèjes à tout berzingue en sirotant des pastagas, que tu étales tes connaissances taurines péremptoires à cramper des abdos de ganadero, que tu torées avec ton Midi-Libre en guise de muleta dans les bars, c’est pour ça…
Là, dans cet isoloir, j’étais bien. Auto-centré sur moi-même. En pleine possession de mes moyens. Déclinants, certes, mais bon oui oh ça va hein, j’ai jamais sifflé deux paquets de clopes et vingt pastis / jour comme vous, moi… un corps sain autour d’un esprit altéré voilà tout. C’est d’ailleurs pour ça que tu fais le mariole en feria, lecteur, c’est parce-que tu ne peux plus… et alors vas-y que tu surcompenses, que tu brasses de l’air, que tu galèjes à tout berzingue en sirotant des pastagas, que tu étales tes connaissances taurines péremptoires à cramper des abdos de ganadero, que tu torées avec ton Midi-Libre en guise de muleta dans les bars, c’est pour ça…
C’est pas comme Emilio de
Justo, torero, lui, qui sait aller à plus, dans la structure de ses faenas. C’est
pas comme Pepe Moral très souple de ceinture avec dans la gestuelle ce parfum
de Séville difficile à décrire, plus proche du sentiment que de l’effet ou de
la posture, qui touche quand on l’aperçoit. Une première série trop confiante
peut-être, impressionnante d’ampleur. Se fit-il trop voir ? Las, quand un
Victorino vous perfore un testicule, le Moral s’en va et le Pepe reste seul,
livide et frustré, insistant pour planter une mauvaise épée afin que son mérite
de combattant soit récompensé quand même.
De retour chez moi, heureux
de cette course, merci Casas, bon cartel, (ben quoi ?) j’allais enfin
pouvoir m’extraire de cette société hygiéniste qui attaque les poissonneries et
les boucheries et empêche de fumer en extérieur, j’allais enfin pouvoir chasser
de mon psychisme délicat la vision lourdingue de cet affreux toro Playmobil que
M. le maire nous a infligé en pleine esplanade. Calé dans mon canapé j’ai sorti
le module honni par ma voisine de tendido et, réfléchissant à cette si
singulière condition de torero où tu peux en un instant perdre un œil, une
couille ou la vie, j’ai frotté le bout soufré d’une allumette contre sa boîte ;
rongé par l’incandescence il est devenu noir et la flamme minuscule était
fragile ; je l’ai protégé de ma main, j’ai incliné l’allumette vers le bas
et la flamme a grandi dansant avec plus d’assurance ; je l’ai mariée à
l’extrémité du cigare qui s’est embrasé sous la tétée tandis que ma main
jetait, machinale, l’allumette dans la cheminée qu’une loi avait déjà tenté de
déclarer hors d’usage et la première bouffée relâchée m’a procuré un intense
plaisir, esprit en pleine conscience de la vie qui s’écoulait, car cette ‘’pute
d’alarme’’ comme l’aurait appelé Auguste le lozérien n’a pas sonné vu que je ne
l’ai pas installé au plafond comme une autre loi l’imposait.
Et puis, si je n’écrivais
pas que pour lui, j’ai pensé au Chulo, me demandant si j’avais vraiment envie
d’écrire cette resena maintenant qu’il n’était plus là, alors qu’il ne pouvait
plus m’appeler au cabinet, deux jours après l’avoir lu, me dérangeant en plein
travail, entre une fracture du poignet et une hémiplégie à rééduquer, ne me
lâchant plus même lorsque je lui disais que la salle d’attente se remplissait,
m’expliquant les valeurs de la gauche, les problèmes de Madagascar ou le talent
de nouvelliste de Raymond Carver, me disant qu’il avait bien ri ou que j’avais
déconné, qu’il m’avait trouvé con ou génial, me troublant enfin de sa grosse
voix quand il m’avouait : << Je t’aime beaucoup, Marc >>
J’avoue, que cette tendresse
là, à laquelle je ne m’attendais pas, sa culture, son recul, son authenticité, la
bienveillance avec laquelle il me lisait et me donnait ses impressions, de la
part d’un sacré tio dans son genre, à l’opposé des petites putes mondaines que
l’on croise en feria de Nîmes, m’ont profondément marqué et que je ne
l’oublierai pas. Dans notre dernier échange, il avait le projet de me faire
visiter ‘’son Madrid spécial castizo’’. On n’en n’aura pas eu le temps, chulo. C'est ce que me disaient les volutes de ce cigare qui montaient vers la nuit avec d'autres pensées trop impudiques ou subversives pour être livrées à d'autres et que l'on avait plaisir à partager.
1 commentaire:
Les reseñas delonniennes sont de retour ! Si j’ai adoré le chapitre du havane, coup de cœur ému sur tes lignes à propos du Chulo. Bel hommage en sa mémoire. Il me manque aussi...
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