Un Roman français : Frédéric Beigbeder publié chez Grasset en Août 2009
Frédéric Beigbeder était en septembre à Nîmes pour la feria. Très à l’aise, muscles bien dessinés sous un t-shirt noir, son allure athlétique s’exposant à la foule des danseurs trop serrés pour se trémousser sur la piste des jardins de l’Imperator, il dominait dans son rôle de disc jockey. Un peu éméché, sans doute, la quarantaine souriante sous sa chevelure de Gaulois, derrière sa barbe colmatant le creux du menton, avait-il une tête d’écrivain célèbre ? - Non. Trop sympathique et simple pour cela.
« Tapez sur la tête d’un écrivain, il n’en sort rien, enfermez-le, il retrouve la mémoire », c’est ce qu’il exprime avant de laisser renaître ses souvenirs pendant sa garde à vue de janvier 2008 dans ce ROMAN FRANÇAIS, pas du tout fictionnel, entièrement autobiographique, présenté avec un souci de sincérité digne du Jean-jacques des Confessions. Il nous avertit bien que la mémoire lui faisait défaut, que rien ne subsistait en lui depuis l’âge de sept ans.
Etre arrêté en possession de cocaïne, quand on est célèbre, quand on est connu dans la France cultivée qui suit les émissions littéraires, dans la Capitale, ce village parisien que constituent Saint-Germain et le quartier latin, quand on a un frère sur le point d’être décoré de la Légion d’Honneur, quand on est sensible, poli, père divorcé et responsable de temps en temps de sa fille à ramener de l’école et à garder pendant le week-end, ne restent que la lecture ou surtout l’écriture pour supporter l’humiliation, la promiscuité, la saleté, le confinement. Encore faut-il avoir droit à un crayon !
S’ensuivent donc des histoires parallèles, autobiographie d’un côté, détention de l’autre. L’auteur narrateur revoit depuis ses arrières grands-parents jusqu’au moment présent, sa vie, les lieux où il a vécu enracinés dans l’histoire sociale, politique et économique de sa famille et de la France, - un peu Updike dans Villages, ou Dubois dans Une Vie française -, des moments glorieux ou sombres. Et nous aussi, nous revivons une époque révolue, plus ou moins lointaine en même temps que lui. Nous partageons son espace, ses rencontres, ses lectures, des films et des chansons, ses points de vue, ses réflexions, ses analyses, ses confessions, sa confession.
Par ailleurs, ce sont des détails sur la détention sans que cela tourne à la satire systématique de cette organisation avec tous les poncifs rebattus par les media. Il ne se révolte pas contre le policier qui ménage sa susceptibilité, le traite comme un enfant car il en est un. Non qu’il ne nous dise « j’ai pas fait exprès », mais presque ; pour lui, avoir snifé un rail de Coke aligné sur le capot d’une voiture, c’est anodin. Mais il s’insurge avec virulence contre la détention qu’il dénonce comme
Frédéric Beigbeder était en septembre à Nîmes pour la feria. Très à l’aise, muscles bien dessinés sous un t-shirt noir, son allure athlétique s’exposant à la foule des danseurs trop serrés pour se trémousser sur la piste des jardins de l’Imperator, il dominait dans son rôle de disc jockey. Un peu éméché, sans doute, la quarantaine souriante sous sa chevelure de Gaulois, derrière sa barbe colmatant le creux du menton, avait-il une tête d’écrivain célèbre ? - Non. Trop sympathique et simple pour cela.
« Tapez sur la tête d’un écrivain, il n’en sort rien, enfermez-le, il retrouve la mémoire », c’est ce qu’il exprime avant de laisser renaître ses souvenirs pendant sa garde à vue de janvier 2008 dans ce ROMAN FRANÇAIS, pas du tout fictionnel, entièrement autobiographique, présenté avec un souci de sincérité digne du Jean-jacques des Confessions. Il nous avertit bien que la mémoire lui faisait défaut, que rien ne subsistait en lui depuis l’âge de sept ans.
Etre arrêté en possession de cocaïne, quand on est célèbre, quand on est connu dans la France cultivée qui suit les émissions littéraires, dans la Capitale, ce village parisien que constituent Saint-Germain et le quartier latin, quand on a un frère sur le point d’être décoré de la Légion d’Honneur, quand on est sensible, poli, père divorcé et responsable de temps en temps de sa fille à ramener de l’école et à garder pendant le week-end, ne restent que la lecture ou surtout l’écriture pour supporter l’humiliation, la promiscuité, la saleté, le confinement. Encore faut-il avoir droit à un crayon !
S’ensuivent donc des histoires parallèles, autobiographie d’un côté, détention de l’autre. L’auteur narrateur revoit depuis ses arrières grands-parents jusqu’au moment présent, sa vie, les lieux où il a vécu enracinés dans l’histoire sociale, politique et économique de sa famille et de la France, - un peu Updike dans Villages, ou Dubois dans Une Vie française -, des moments glorieux ou sombres. Et nous aussi, nous revivons une époque révolue, plus ou moins lointaine en même temps que lui. Nous partageons son espace, ses rencontres, ses lectures, des films et des chansons, ses points de vue, ses réflexions, ses analyses, ses confessions, sa confession.
Par ailleurs, ce sont des détails sur la détention sans que cela tourne à la satire systématique de cette organisation avec tous les poncifs rebattus par les media. Il ne se révolte pas contre le policier qui ménage sa susceptibilité, le traite comme un enfant car il en est un. Non qu’il ne nous dise « j’ai pas fait exprès », mais presque ; pour lui, avoir snifé un rail de Coke aligné sur le capot d’une voiture, c’est anodin. Mais il s’insurge avec virulence contre la détention qu’il dénonce comme
« la honte de mon pays…..si le juge ou le flic est mal luné, si vous êtes connu et qu’ils veulent se payer votre tête, ou juste arbitrairement par pur plaisir sadique, parce que leur femme les a mal baisés la veille, vous irez séjourner au Dépôt, sur l’île de la Cité…et l’on vous jettera menotté dans un trou noir, on vous désapera intégralement à nouveau pour regarder dans votre cul, avant de vous pousser dans un cachot humide et gelé sans couvertures dont le lit est une planche de bois où les chiottes sont posées par terre, une cage à zombies non chauffée dont même les geôliers s’excusent avec embarras en baissant les yeux... La France a trouvé des milliards d’euros pour renflouer ses banques en 2008 mais elle tolère un POURRISSOIR D’HUMAINS au centre de Paris… Quelqu’un a pris la décision rationnelle de torturer les gens en France. La France est un pays qui pratique la torture dans le premier arrondissement de Paris, juste en face de la Samaritaine. Et moi aussi je serais complice de cette calamité si je ne la décrivais pas ici… »
Sinon, le ton reste doux, humble. L’auteur narrateur s’inquiète du sort qu’on lui réserve ou qu’on va lui réserver, de cette détention qu’un procureur prolonge arbitrairement, semble-t-il, au-delà des promesses qu’on lui avait faites ; il se préoccupe de l’opinion qu’on aura de lui, de l’inquiétude des gens qui l’aiment, de sa fille. Et son principal objet de souffrance, c’est elle, Chloé. Car par le livre qu’il conçoit, il revit le divorce trop silencieux et digne de ses parents, cause de son amnésie ; il cite ses deux divorces à lui, redoute que sa fille ne souffre comme son frère et lui-même furent marqués, anéantis qu’ils étaient le plus souvent sous les mensonges et gâteries paternelles ou beau-paternelles, puis sous les sacrifices et la sollicitude étouffante de la mère. Dans ce Roman français c’est finalement la tendresse qui l’emporte pour les aïeux, le père, la mère, le frère Charles, le presque jumeau, abhorré, admiré et aimé, et la petite Chloé. Une vague de nostalgie submerge le texte, soulève l’amitié, la compassion, l’affection pour ce Monsieur en apparence heureux, souriant et insouciant à travers ce qu’il définit lui-même :
Sinon, le ton reste doux, humble. L’auteur narrateur s’inquiète du sort qu’on lui réserve ou qu’on va lui réserver, de cette détention qu’un procureur prolonge arbitrairement, semble-t-il, au-delà des promesses qu’on lui avait faites ; il se préoccupe de l’opinion qu’on aura de lui, de l’inquiétude des gens qui l’aiment, de sa fille. Et son principal objet de souffrance, c’est elle, Chloé. Car par le livre qu’il conçoit, il revit le divorce trop silencieux et digne de ses parents, cause de son amnésie ; il cite ses deux divorces à lui, redoute que sa fille ne souffre comme son frère et lui-même furent marqués, anéantis qu’ils étaient le plus souvent sous les mensonges et gâteries paternelles ou beau-paternelles, puis sous les sacrifices et la sollicitude étouffante de la mère. Dans ce Roman français c’est finalement la tendresse qui l’emporte pour les aïeux, le père, la mère, le frère Charles, le presque jumeau, abhorré, admiré et aimé, et la petite Chloé. Une vague de nostalgie submerge le texte, soulève l’amitié, la compassion, l’affection pour ce Monsieur en apparence heureux, souriant et insouciant à travers ce qu’il définit lui-même :
« écriture simple, dialogues rapides, descriptions concises et les mots grossiers… que cela sonne vrai, juste, humain…L’important c’est l’homme qu’on sent derrière, la personne qui nous parle ».
Et l’homme, on l’aime, on aimerait le lui dire, on le félicite, son prix Renaudot vient à point prouver qu’on ne l’avait pas trop mal jugé.
Gina
5 commentaires:
Ayé... Gina est encore tombée amoureuse...
Bon ben merci la garde à vue si cela génère des grands textes. Un mec vraiment heureux peut-il écrire un grand livre, toréer avec art, etc ?
Vive la contrainte, la souffrance, le malheur, la blessure, le chagrin...
bon est ce vraiment raisonnable tout celà?
je pense que le sieur est un virtuose du marketing, et se sort bien mieux de l'embuche de la drogue que certains footbaleurs, rugbymen, tennismen, athletismen, torerosmen, ploticosmen (parfois), blingblingomen etc............
gina a été splendide !
pour le reste, je le pense plus manipulateur qu'impliqué, et bien sûr, nimes est lieu révé de promotion et de "sympathie". visiblement ça paie sur le sexe dit faible.
la preuve!
Cher Marc,
TU l'aimeS, ON, je ne sais pas...
Moi, je ne l'aime pas, ni dans son contenant, ni dans son contenu, ce symbole du parisianisme snob et franchouillard branché.
Tu l'as lu ce livre Xavier ? Moi pas encore... c'est Gina qui fait la resena !
Lu chez Marc Dugain (En bas, les nuages, Flammarion 2009) : Les œuvres ont leur mystère qu’il est préférable de ne pas gâcher par la connaissance de leur auteur. Quand il s’agit des grands, il n’est pas rare que leur personne ne soit pas à la hauteur de leur talent. On peut difficilement leur reprocher cela…
Gina
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