samedi 20 février 2010

Réponses Photo



Si l'érotique chic, son côté sordide et fashionista vous a lassé vous avez abandonné "PHOTO", si la vue de toutous se prélassant sur les pallaissons ou celle de chatons dribblant avec les pelotes de laines des mères-grands vous insupportent, vous avez renoncé à "CHASSEURS D'IMAGES" alors, "REPONSES PHOTOS" vous est peut-être destiné. Le menu servi comporte à peu près les mêmes ingrédients, essais matériels, port-folios, dossiers spéciaux, technique, concours, etc, mais en cuisine on sait mieux lier la sauce, avec compétence et modernité. Pas de racolage ni de niaiserie. Non, ils ne m'ont pas offert le moindre abonnement, ma parole est aussi libre que tout ce qui s'écrit ici ! Ah, et puis il y a un cahier argentique aussi, on n'oublie pas subitement d'où l'on vient, ni les belles possibilités offertes. Et puis il y a une question de sensibilité, volontiers partagée en ce qui me concerne, autant dans la nature des points de vue que dans les centres d'intérêt. Il y a quelques articles de fond qui permettent parfois de se sentir moins seul... Tenez, prenez celui de Jean-Christophe Béchet de ce mois-ci par exemple, eh bien il... oh puis lisez-le, tiens :
Au fait, j'ai le droit de prélever un article, comme ça, dans son intégralité, à une revue à qui je n'ai pas demandé son avis ? Ca leur fait un petit coup de pub gratuite ou ça les pirate ? Bon, je les avertirai quand même... si je trouve leur email. Sinon, pour l'abonnement, l'adresse c'est : Marc Delon 386 chemin de...
Le choix du Sujet
Trouver davantage photogénique une vieille usine désaffectée plutôt qu'un joli parterre de fleurs est une évidence pour tous les photographes. Pourtant, cela reste incompréhensible pour le grand public...
« Oh regarde cet oiseau sur cette branche, elle ploie sous son poids, elle va casser. Là, tu vas faire une belle photo ! ». Par politesse, je mets l’appareil à l’œil et appuie sur le bouton, remerciant secrètement la technologie numérique de m’offrir la possibilité d’effacer ensuite les photos indésirables. Dix minutes plus tard, une autre personne tout aussi ben intentionnée me conseille de saisir au vol la bonne bouille de ce gamin prétendu « si photogénique » avant qu’un troisième ''conseiller artistique'' ne veuille absolument me convaincre de l’intérêt crucial de cette belle fleur rouge si rare en hiver dans cette région… Vous l’avez compris (car vous l’avez-vous aussi sans doute vécu…), j’ai eu la chance de partir en balade avec quelques amis (et amis d’amis…). Tous étaient équipés avec des compacts (ou des bridges) et la plupart avaient une opinion plus ou moins définitive sur la photographie. Et notamment sur ce qu’était une ''bonne'' photographie ! C’est un des charmes de notre art : son aspect démocratique rend l’approche facile et les commentaires nombreux. Je ne pense pas qu’en promenade avec un écrivain on lui propose toutes les dix minutes un ''excellent'' sujet de roman, d’essai ou de nouvelles en fonction des petites observations faites durant ce moment partagé… Le photographe, lui, a la ''chance'' d’être en permanence conseillé dans sa quête d’images par des accompagnateurs pleins de sollicitude.

Dans cette promenade, mon statut de photographe passionné faisait de moi le réceptacle de toutes les attentions. J’avais l’impression que chacun de mes acolytes d’un jour faisait le guet pour repérer les sujets potentiellement ''photogéniques''. L’intention était amicale et fort louable, mais peu productive sur le plan esthétique. En effet, une ''bonne'' photo n’est jamais la reproduction sur papier ou sur écran d’une petite anecdote de vie truculente, drôle ou tendre. Le petit oiseau qui faisait tanguer la branche n’avait strictement aucun intérêt sur le plan visuel. Quant à l’enfant au visage avenant, je n’avais qu’une envie : qu’il sorte de mon cadre car j’espérais y voir arriver un cycliste qui s’intégrerait parfaitement dans la géométrie de ma composition. Et pour parler franchement de la ''fameuse fleur rouge'', elle représentait pour moi le non sujet absolu : elle était là, ni joliment fanée, ni resplendissante de vigueur ; elle stagnait dans un entre-deux parfaitement insignifiant. Dans sa banalité elle essayait d’émerger dans un espace sans charme, sans volume, sans lumière, sans ligne, ni courbes ou autres perspectives. Bref, à moins de vouloir en faire une photo d’identité pour mettre sur une pochette de semis, je ne voyais pas en quoi cette fleur pouvait attirer le regard d’un photographe…

En prenant ces exemples, je ne cherche pas à établir une hiérarchie de sujets photographiques, ni à définir ce qui est un ''bon'' ou ''mauvais'' sujet. Dans le cadre d’un album familial la photo de l’oiseau, du gamin et de la rose auraient sans doute plus de succès que certaines de mes photos (notamment les vues floues et sombres…). Là n’est pas la question. Les photos souvenirs ne sont souvent qu’un support pour raconter des anecdotes et faire revivre des instants passés. C’est là une des fonctions de base de la photographie et je la respecte tout à fait. Non ce qui m’étonne toujours c’est qu’un public parfaitement néophyte dans un art puisse en toute bonne foi émettre des choix esthétiques définitifs et penser qu’une ''bonne'' photographie n’est que la reproduction mécanique d’une belle ''chose'' ou d’un ''bon'' moment.
Comme toute approche esthétique, la photo nécessite un certain recul, une dose de culture, une touche de talent, une part de technique, un zeste d’expérience et une volonté de subjectivité.

À la fin de cette promenade, prenant mon courage à deux mains, j’ai quand même essayé d’expliquer qu’une ''bonne'' photographie n’était pas simplement une « anecdote saisie au bon moment ». J’ai parlé de l’importance de la lumière (c’est elle qui donne son relief aux sujets), j’ai insisté sur la distance entre le photographe et son sujet (pour saisir l’oiseau sur sa branche, il m’aurait fallu un 300 mm alors que je n’avais qu’un zoom grand-angle). J’ai expliqué que je m’intéressais davantage aux formes inquiétantes des arbres qu’aux belles feuilles colorées, que l’irruption d’un cycliste entre deux arbres pouvait être ''plus belle'' pour moi que la couleur d’une fleur. J’ai dit que l’appareil photo n’était pas un ''attrape-tout'' mais un outil pour exprimer sa vision du monde. Qu’il fallait donc choisir dans le ''réel'' les sujets qui nous parlaient. Et que si chacun photographiait les mêmes oiseaux, les mêmes visages d’enfant ou les mêmes fleurs colorées, alors la photographie n’était pas un art, puisqu’il y aurait un goût commun et que chaque photographe s’y plierait. Emporté par mon élan (comme souvent !) j’ai cru un instant convaincre mon auditoire. Et puis, non. Chacun a rangé son compact ou son bridge et j’ai bien vu que mon message ne passait pas…

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Ou alors le message passe si bien, qu’il devient inquiétant. On mesure la difficulté, on connaît d’avance l’imperfection de son appareil ou de sa technique, on s’abstient…
Ou alors, on opèrera seul (souvent avec un grand plaisir!).

Gina