6 recueils 6
A la lecture des seize nouvelles, on se félicite que le sixième recueil du Prix Hemingway, Brume, édité par le Diable Vauvert, ait été présenté avec éclat et compétence un jour de feria. Les textes nous maintiennent autant dans l'ambiance espagnole toute de passions et de combats que dans la réalité la plus quotidienne.
L'imprégnation d'Espagne correspond bien au thème de l'homme affrontant l'animal, fût-il zébu de Madagascar ou auroch du Néanderthal. Tous les auteurs usent de l'exotisme du lexique dans le nom des personnages, des animaux, dans les lieux géographiques, les références culturelles. Le vocabulaire de la corrida peut marquer les étapes d'une vie qui se raconte, avec ses amours éphémères ou durables, ses blessures et ses guérisons, du sorteo à la lidia en s 'attardant sur le paseo. Dans Le temps Long ( Aubert De Molay), le parallèle s'établit avec une poétique rigueur rappelant que la corrida et la vie se ressemblent.
Une autre belle célébration de l'Espagne, c'est l'épopée du tremblement de terre andalou qu'invente Marc Thorel (L'Epée de Rodrigue). Il décrit avec une précision quasi scientifique, sans rechercher notre compassion, Séville, ses arènes, son musée taurin et les trésors artistiques, les élevages des diverses races de toros. Tout bouge, tombe, s'engouffre, se déplace et, à la fin de cette vivante description érudite, surgit l'intrigue avec un certain petit toro qui galope et s'introduit dans l'église où étaient réfugiés les survivants ; la surprise provoque la chute, celle de la nouvelle et celle d'une épée, pile sur le cou de la bête. Les aficions renaissent, la vie triomphe !
Les personnages toreros ou aficionados ne peuvent exprimer leurs goûts tauromachiques sans se pénétrer d'une haute vision de leur virilité, de leur machisme qui est normalement admis et même bien vu. On est fier de ses « cojones » ; on doit sortir « a hombros » se monter « hombre » ; la naissance des fils est plus attendue que celle des filles qui attriste ou indiffère. Et si le fils devient torero, quand on le trouvait efféminé, voilà qui va combler la fierté du père peu soucieux des conséquences, (La Double Peine, Anne-Marie Schaller). Ou alors ce fils qu'on a refusé de connaître car une femme enceinte, c'est encombrant, on pleurera de gratitude, le jour où on le verra toréer (Cojones de fuego, Denis Deloubes).
L'imprégnation d'Espagne correspond bien au thème de l'homme affrontant l'animal, fût-il zébu de Madagascar ou auroch du Néanderthal. Tous les auteurs usent de l'exotisme du lexique dans le nom des personnages, des animaux, dans les lieux géographiques, les références culturelles. Le vocabulaire de la corrida peut marquer les étapes d'une vie qui se raconte, avec ses amours éphémères ou durables, ses blessures et ses guérisons, du sorteo à la lidia en s 'attardant sur le paseo. Dans Le temps Long ( Aubert De Molay), le parallèle s'établit avec une poétique rigueur rappelant que la corrida et la vie se ressemblent.
Une autre belle célébration de l'Espagne, c'est l'épopée du tremblement de terre andalou qu'invente Marc Thorel (L'Epée de Rodrigue). Il décrit avec une précision quasi scientifique, sans rechercher notre compassion, Séville, ses arènes, son musée taurin et les trésors artistiques, les élevages des diverses races de toros. Tout bouge, tombe, s'engouffre, se déplace et, à la fin de cette vivante description érudite, surgit l'intrigue avec un certain petit toro qui galope et s'introduit dans l'église où étaient réfugiés les survivants ; la surprise provoque la chute, celle de la nouvelle et celle d'une épée, pile sur le cou de la bête. Les aficions renaissent, la vie triomphe !
Les personnages toreros ou aficionados ne peuvent exprimer leurs goûts tauromachiques sans se pénétrer d'une haute vision de leur virilité, de leur machisme qui est normalement admis et même bien vu. On est fier de ses « cojones » ; on doit sortir « a hombros » se monter « hombre » ; la naissance des fils est plus attendue que celle des filles qui attriste ou indiffère. Et si le fils devient torero, quand on le trouvait efféminé, voilà qui va combler la fierté du père peu soucieux des conséquences, (La Double Peine, Anne-Marie Schaller). Ou alors ce fils qu'on a refusé de connaître car une femme enceinte, c'est encombrant, on pleurera de gratitude, le jour où on le verra toréer (Cojones de fuego, Denis Deloubes).
Dans Zébumachie et vieux fauteuil en cuir de Nicolas Ancion, un prétendu torero se fait appeler « oncle », c'est plus viril que « père » et le fils voit en l'oncle-père le dieu glorieux, d'une probité qui n'a d'égale que sa virilité, surtout quand il montre une cicatrice en récitant par coeur des passages de comptes-rendus taurins et cache un pistolet dans ses bagages ! Ou alors, le macho va jusqu'à pratiquer et imposer à sa femme une vie sexuelle bestiale pour ne pas rompre avec les moeurs et odeurs de l'arène, (Natyot : Juan Vita).
L'aficionado lui-même s'identifie à ce monde de machos qui poussent ses insultes dans l'arène, qui méprisent souverainement les non-connaisseurs :
L'aficionado lui-même s'identifie à ce monde de machos qui poussent ses insultes dans l'arène, qui méprisent souverainement les non-connaisseurs :
« des retraités parisiens ou bavarois qui confondaient corridas et toros-piscines. Des touristes qui se faisaient photographier sous les têtes décaties de Destocado et Aturdito, en chantant... Parfois coiffés d'un castorenos de picador ou d'une montera acquise dans un bazar du centre-ville ; (La Dernière Estocade, Ph. Laidebeur).
La vocation, parfois jaillie comme « une tornade de printemps » ( Le Temps Long), ne s'explique souvent que par identification à des hommes, au père, à un ami, à un grand torero, quand on veut plaire, prouver sa virilité. Ainsi procède le héros « boiteux, laid et bâtard » de Cojones de fuego, qui se propose de remplacer le « forcado », le premier fou à empoigner un taureau dans la corrida portugaise.
La vocation, parfois jaillie comme « une tornade de printemps » ( Le Temps Long), ne s'explique souvent que par identification à des hommes, au père, à un ami, à un grand torero, quand on veut plaire, prouver sa virilité. Ainsi procède le héros « boiteux, laid et bâtard » de Cojones de fuego, qui se propose de remplacer le « forcado », le premier fou à empoigner un taureau dans la corrida portugaise.
Dans La Marque du toro (Marc Delon), comme le père du narrateur représente la marque de pantalon « le Toro » et comme à chaque retour de voyage, il ramène sa marchandise estampillée et sa tendresse, l'enfant entame sa passion taurine qui croît avec les surprenantes acclamations sorties des arènes toutes proches et les jeux de la récréation.
Yves Charnet dans Un Miracle taurin rappelle avec regret et nostalgie, par un courrier qu'il adresse à son fils dont un divorce l'a séparé, la tendre connivence qu'ils partageaient, « une histoire d'aficion et de filiation... C'est avec toi que j'aurai sans doute plus intensément vécu ma passion des toros... C'est notre connerie magnifique... Ma folie corrida. Toi que j'emmenais gamin sous la bulle en février.. ». Aussi, le fils se rendra-t-il à la rencontre que son père propose.
Inversement, cette phallocratie s'accompagne de misogynie. La jeune fille, la brune espagnole convient comme accessoire, comme fille à ajouter à une collection parfois ruineuse du torero. Et elle est fière si l'un d'eux la remarque, si c'est Cordobès, en plus ! (La Marque du toro). Les épouses restent des ombres silencieuses qui n'en pensent pas moins et s'insurgent : la femme dans Juan Vita, espère la mort prochaine du torero qu'elle prétend ne plus aimer, - ceci dit dans un style cru et épuré d'où s'échappe parfois comme un refrain, la douce plainte de son amour déçu ; aussi se réjouit-elle de la manière mécanique de plus en plus approximative et probablement fatale dont le mari torée. Une autre, « une grosse femme au physique ingrat, armée de deux couteaux de cuisine, s'écrie « tu n'es qu'un imbécile, vieux toréador de mes fesses ». Alors s'engage le combat (nouvelle policière La Dernière Estocade, riche d'informations culturelles et d'humour de Ph. Laidebeur) : le vieux torero, converti en cuisinier, la torée dans la cuisine ronde aux murs rouges. C'est que les épouses, les femmes mûres, font volontiers des personnages de mégères impossibles à apprivoiser et incapables de plaire à des toreros, - fussent-ils vieux -, qui se respectent. Les infirmières-alguazils de la maison de retraite dans Brume de Jean-Paul Didierlaurent, lauréat du prix Hemingway, aussi idiotes ou indifférentes que rigides valent bien les facéties du narrateur centenaire qui achève-bien d'un « descabello » molletonné les pensionnaires affaiblis. Cela instille de l'humour dans cet établissement où les vieux-enfants emprisonnés sont personnages d'un récit très rapidement mené, sans un mot de trop, à travers une émouvante réalité. Une mère couturière triche pour que son fils renonce à la carrière imposée ou encouragée uniquement par le père. ( Double Peine : A.M.Schaller). Elle leste la montera pour qu'elle retombe dans l'arène, à l'envers, du côté porte-malheur, espérant ainsi dissuader le fils de continuer dans sa carrière de torero.
Un seul torero-femme figure dans Toreros en automne de Henry Sire, beau récit poétique avec les belles arènes désertées, les portes battant au vent, le passage des étourneaux, des nuages et des rêves de toreros en vacances. Mari-Paz torée dans une bourgade perdue. Le vent lui est fatal qui s'engouffre dans sa « larga afarolado » tandis qu'au loin s'égrènent les notes d'une guitare.
Il vaut mieux retenir que ce machisme traditionnel sert les vertus de courage et justifie tous les combats évoqués ou décrits dans ces nouvelles avec des histoires de blessure et de mort. L'homme, certes, est fier de ses succès, raconte ses blessures et montre ses cicatrices. Les trophées s'étalent sur les murs, se dressent sur des étagères et empoussièrent les pois-chiches des clients de restaurant ! Mais cette forfanterie sert à nous informer, nous rappelle les grands moments de la vie du torero jusqu'à sa despedida avec « tous les grands noms d'Espagne, ceux de la tauromachie, de la mode, des affaires, de la culture, des médias, de la politique, qui étaient dans le callejon ou dans les tendidos », (La Dernière estocade).
Inversement, cette phallocratie s'accompagne de misogynie. La jeune fille, la brune espagnole convient comme accessoire, comme fille à ajouter à une collection parfois ruineuse du torero. Et elle est fière si l'un d'eux la remarque, si c'est Cordobès, en plus ! (La Marque du toro). Les épouses restent des ombres silencieuses qui n'en pensent pas moins et s'insurgent : la femme dans Juan Vita, espère la mort prochaine du torero qu'elle prétend ne plus aimer, - ceci dit dans un style cru et épuré d'où s'échappe parfois comme un refrain, la douce plainte de son amour déçu ; aussi se réjouit-elle de la manière mécanique de plus en plus approximative et probablement fatale dont le mari torée. Une autre, « une grosse femme au physique ingrat, armée de deux couteaux de cuisine, s'écrie « tu n'es qu'un imbécile, vieux toréador de mes fesses ». Alors s'engage le combat (nouvelle policière La Dernière Estocade, riche d'informations culturelles et d'humour de Ph. Laidebeur) : le vieux torero, converti en cuisinier, la torée dans la cuisine ronde aux murs rouges. C'est que les épouses, les femmes mûres, font volontiers des personnages de mégères impossibles à apprivoiser et incapables de plaire à des toreros, - fussent-ils vieux -, qui se respectent. Les infirmières-alguazils de la maison de retraite dans Brume de Jean-Paul Didierlaurent, lauréat du prix Hemingway, aussi idiotes ou indifférentes que rigides valent bien les facéties du narrateur centenaire qui achève-bien d'un « descabello » molletonné les pensionnaires affaiblis. Cela instille de l'humour dans cet établissement où les vieux-enfants emprisonnés sont personnages d'un récit très rapidement mené, sans un mot de trop, à travers une émouvante réalité. Une mère couturière triche pour que son fils renonce à la carrière imposée ou encouragée uniquement par le père. ( Double Peine : A.M.Schaller). Elle leste la montera pour qu'elle retombe dans l'arène, à l'envers, du côté porte-malheur, espérant ainsi dissuader le fils de continuer dans sa carrière de torero.
Un seul torero-femme figure dans Toreros en automne de Henry Sire, beau récit poétique avec les belles arènes désertées, les portes battant au vent, le passage des étourneaux, des nuages et des rêves de toreros en vacances. Mari-Paz torée dans une bourgade perdue. Le vent lui est fatal qui s'engouffre dans sa « larga afarolado » tandis qu'au loin s'égrènent les notes d'une guitare.
Il vaut mieux retenir que ce machisme traditionnel sert les vertus de courage et justifie tous les combats évoqués ou décrits dans ces nouvelles avec des histoires de blessure et de mort. L'homme, certes, est fier de ses succès, raconte ses blessures et montre ses cicatrices. Les trophées s'étalent sur les murs, se dressent sur des étagères et empoussièrent les pois-chiches des clients de restaurant ! Mais cette forfanterie sert à nous informer, nous rappelle les grands moments de la vie du torero jusqu'à sa despedida avec « tous les grands noms d'Espagne, ceux de la tauromachie, de la mode, des affaires, de la culture, des médias, de la politique, qui étaient dans le callejon ou dans les tendidos », (La Dernière estocade).
Cette année, dans ce recueil, on évoque la savika, ou corrida de Madagascar, que s'imagine avec force mots laudatifs et allégresse, le narrateur qui croit que son oncle-père-héros y participe (Zébumachie...) « Les zébus boys se lançaient à l'assaut des animaux... L'un saisissait les cornes...Mon père... prenait appui sur les bosses, du bout des doigts sans effort. D'un geste de la paume, il arrêtait la bête, d'un autre, il la forçait à baisser le cou, à plier le genou,à mordre la poussière ». Par contre, la corrida portugaise de Cojones de fuego est jugée anarchique avec son torero « secoué comme un arbre en plein ouragan » dont la folle épopée triomphe avec les deux premiers taureaux, jusqu'à l'inattention fatale. Nous changeons d'époque, d'atmosphère et de tonalité, avec le conte de Séverine Gaspari De Mémoire d'anciens, situé dans les temps reculés, des grottes, des sortilèges, des aurochs et des héros, façonnant l'outil pour chasser et se défendre, tuer l'auroch, puis sacraliser la mort. Tout est raconté scrupuleusement et on s'explique mieux ainsi les rites et techniques de nos corridas actuelles.
Tous ces affrontements ne sont pas dénués d'humour quand s'ils sont moins glorieux. Le narrateur dans La Marque du toro, ramène de sa première expérience tauromachique la marque d'ecchymoses sur les côtes car une vachette « toute petite. Ridicule, minuscule...un trait noir striant le sable... » l'a promptement chargé et transformé en cloporte sur le sol lui signifiant ainsi qu'on ne s'improvise pas torero et que toréer est une entreprise belle, sérieuse, mortelle. Jacky Simeon (Le Goût du sang), nous le rappelle justement dans l'expérience de vie après la mort dont le narrateur après une blessure à la cuisse, relate tout le déroulement avec une précision bouleversante pour conclure que sa vie retrouvée, dépourvue de passion ne valait pas une résurrection.
Tous ces affrontements ne sont pas dénués d'humour quand s'ils sont moins glorieux. Le narrateur dans La Marque du toro, ramène de sa première expérience tauromachique la marque d'ecchymoses sur les côtes car une vachette « toute petite. Ridicule, minuscule...un trait noir striant le sable... » l'a promptement chargé et transformé en cloporte sur le sol lui signifiant ainsi qu'on ne s'improvise pas torero et que toréer est une entreprise belle, sérieuse, mortelle. Jacky Simeon (Le Goût du sang), nous le rappelle justement dans l'expérience de vie après la mort dont le narrateur après une blessure à la cuisse, relate tout le déroulement avec une précision bouleversante pour conclure que sa vie retrouvée, dépourvue de passion ne valait pas une résurrection.
Catherine Le Guellaut dans son récit Orange Désiré aborde avec finesse et compassion une réalité plus actuelle, la vie d'un handicapé en bute au regard et à la mise à l'écart des autres. Il ne comprend pas que la corrida est finie quand il se rend aux arènes pour utiliser « le mouchoir utile » par lui fabriqué dans son centre d'adaptation, pas le blanc ni le noir ni le vert mais l'orange et toute la poésie qu'il concentre. De colère, il tombe sur les gradins et meurt.
La feria, c'est pourtant la fête ; indifférente aux aléas de l'arène, elle impose ses traditions « Pour Pentecôte. Voir les toros, les copains. La vie, merde !... Avec ses rituels, ses visages, ses hôtels, restos, bistros », (Y. Charnet, Un Miracle taurin). C'est le grand chambardement urbain, les taureaux dans de hautes caisses grises dans la rue, les chevaux, leur bruit, leur fumier à se partager, le service d'ordre, les rues barrées, les clameurs, tout cela perçu du haut de son balcon par le jeune narrateur intrigué (La Marque du toro),
Et la foule ? Un obstacle à franchir si à la sortie des arènes on veut être embarqué sur le bateau qui fendra la tempête des spectateurs pour accoster sur le rivage secret du héros-torero! C'est la métaphore à filer dans Les Spermatoroïdes, en se laissant bien guider par Thierry Girard dont le narrateur expérimenté ne nous lâche plus, nous prodigue des conseils, nous tutoie, livre ses astuces, encaisse des coups, s'indigne à coups de coude, de mots populaires ou de références littéraires, se faufile, se hisse, perd pied, nous essouffle. On devrait s'esclaffer, on n'a pas le temps. Le texte est superbe.
La vie économique n'est pas oubliée en cette période de crise monétaire et taurine. Toute une tradition tourne autour de l'achat des billets trop chers, tous vendus, rapportés, revendus, bien placés, la queue, le marché noir, ainsi le raconte dans la lettre au fils, Yves Charnet avec sa prose parlée où les tendres formules alternent avec les propos plus familiers et indignés « 76 euros la place. Je suis resté court. Un moment sans répondre... Sans comprendre... Le petit trou (la guichetière) me regardait avec perplexité... Oui. J'ai fait mon chèque. Oui. Suis rentré à l'hôtel. Les deux places contre mon coeur... ». La solution, Marc Delon la donne avec humour, narre des entrées clandestines entre les barreaux ou par-dessus les barreaux des grilles des arènes à mesure que la croissance épaississait les silhouettes. Mais n'est pas tricheur qui veut. On perd le souffle à partager la panique des complices « ...affolés de nos propres ombres, persuadés d'entendre le galop de la bête noire sur nos talons... terrorisés jusqu'à la grille dont nous redoutions qu'elle n'ait, au nom de la morale enfreinte repris sa rigide et implacable verticalité... »
La feria, une bonne affaire aussi pour le commerce urbain par les temps qui courent. Dans Le Kit feria, François Bannier en donne un exemple. Le personnage responsable des rayons d'un magasin, explique sa façon géniale de pousser à la consommation les « festayres » autochtones et touristes, en juxtaposant les très indispensables costumes folkloriques de feria aux produits du terroir à noms extravagants. Il use du langage officiel de manager compétent, « médaillable » : jargon commercial, longues énumérations de produits, de nombres, pourcentages et chiffres décimaux, ton dictatorial, persuasif à l'appui qui ne laisse pas de nous amuser.
Finalement, passer d'une nouvelle à l'autre, c'est une aventure, une constante surprise, la découverte d'autres écritures, d'autres sourires, d'autres tristesses, d'autres connaissances. Un plaisir. Comment n' en préférer qu'une? Dans ce recueil en particulier.
La feria, c'est pourtant la fête ; indifférente aux aléas de l'arène, elle impose ses traditions « Pour Pentecôte. Voir les toros, les copains. La vie, merde !... Avec ses rituels, ses visages, ses hôtels, restos, bistros », (Y. Charnet, Un Miracle taurin). C'est le grand chambardement urbain, les taureaux dans de hautes caisses grises dans la rue, les chevaux, leur bruit, leur fumier à se partager, le service d'ordre, les rues barrées, les clameurs, tout cela perçu du haut de son balcon par le jeune narrateur intrigué (La Marque du toro),
Et la foule ? Un obstacle à franchir si à la sortie des arènes on veut être embarqué sur le bateau qui fendra la tempête des spectateurs pour accoster sur le rivage secret du héros-torero! C'est la métaphore à filer dans Les Spermatoroïdes, en se laissant bien guider par Thierry Girard dont le narrateur expérimenté ne nous lâche plus, nous prodigue des conseils, nous tutoie, livre ses astuces, encaisse des coups, s'indigne à coups de coude, de mots populaires ou de références littéraires, se faufile, se hisse, perd pied, nous essouffle. On devrait s'esclaffer, on n'a pas le temps. Le texte est superbe.
La vie économique n'est pas oubliée en cette période de crise monétaire et taurine. Toute une tradition tourne autour de l'achat des billets trop chers, tous vendus, rapportés, revendus, bien placés, la queue, le marché noir, ainsi le raconte dans la lettre au fils, Yves Charnet avec sa prose parlée où les tendres formules alternent avec les propos plus familiers et indignés « 76 euros la place. Je suis resté court. Un moment sans répondre... Sans comprendre... Le petit trou (la guichetière) me regardait avec perplexité... Oui. J'ai fait mon chèque. Oui. Suis rentré à l'hôtel. Les deux places contre mon coeur... ». La solution, Marc Delon la donne avec humour, narre des entrées clandestines entre les barreaux ou par-dessus les barreaux des grilles des arènes à mesure que la croissance épaississait les silhouettes. Mais n'est pas tricheur qui veut. On perd le souffle à partager la panique des complices « ...affolés de nos propres ombres, persuadés d'entendre le galop de la bête noire sur nos talons... terrorisés jusqu'à la grille dont nous redoutions qu'elle n'ait, au nom de la morale enfreinte repris sa rigide et implacable verticalité... »
La feria, une bonne affaire aussi pour le commerce urbain par les temps qui courent. Dans Le Kit feria, François Bannier en donne un exemple. Le personnage responsable des rayons d'un magasin, explique sa façon géniale de pousser à la consommation les « festayres » autochtones et touristes, en juxtaposant les très indispensables costumes folkloriques de feria aux produits du terroir à noms extravagants. Il use du langage officiel de manager compétent, « médaillable » : jargon commercial, longues énumérations de produits, de nombres, pourcentages et chiffres décimaux, ton dictatorial, persuasif à l'appui qui ne laisse pas de nous amuser.
Finalement, passer d'une nouvelle à l'autre, c'est une aventure, une constante surprise, la découverte d'autres écritures, d'autres sourires, d'autres tristesses, d'autres connaissances. Un plaisir. Comment n' en préférer qu'une? Dans ce recueil en particulier.
GINA
4 commentaires:
La longueur du texte semble impressionnante. Je vous l’accorde, mais l’enthousiasme m’a empêchée de le réduire et aussi le désir de consacrer quelques lignes à chaque auteur.
Par ailleurs, la typographie ne met pas en valeur les citations que je n’aurais supprimées qu’à regret, ce qui rend fort "béotien" le texte.
Aussi, lire le début jusqu’au machisme, jeter un coup d’œil sur la fin et l’envie du « milieu vous viendra.
l’envie d’acheter le livre aussi, cette année, ça s’impose.
Gina
La resena d'un livre est déjà difficile. Alors que dire de celle d'un recueil de nouvelles ? Comment faire le résumé de ces sommes d'histoires sans tomber dans une litanie sans intérêt et sans queue ni tête ?
Gina, toute en maestria, par petites touches, nous restitue ces nouvelles comme si elles étaient liées entre elles, comme si l'ensemble des auteurs avaient joué une partition en complicité, à plusieurs mains.
Le texte, bien que long (ce qui est normal) coule avec aisance, invitant le lecteur à en apprécier sa saveur sans les à-coups liés à la diversité des nouvelles. Gina a mis le "liant" nécessaire afin de nous remettre une resena fine, riche, honête et intéressante. Quel liant ? ... Son talent indiscutable servi par sa plume intelligente et généreuse.
enhorabuena gina!
et merci pour vos commentaires et ceux de maja, si bienveillanys à mon égard.
J'avais tenu à remercier les gens qui, courageusement, ont pr^té attention à ce compte rendu.
Gina
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