dimanche 26 décembre 2010

La Studebaker du Malecon


Le lendemain, la tempête soufle toujours. Après le petit-déjeuner où l'on vous propose dès potron-minet toutes sortes de saloperies vomitives telles que fritures refroidies de croquettes de pomme de terre, tronçons de knackis alsaciens à la sauce tomate ou brouillades d'oeufs aux poivrons indigestes, je sors vers le front de mer. Je suis resté classique, expresso cubita et croissants. Mon estomac voyage mal. Avec ce système de buffet renouvelé, si on ne se méfie pas, on a déjà vingt mille calories dès le matin. Faut voir le nombre d'obèses qui se bâfrent méchamment. Au cas où il y aurait des chances qu'ils n'en aient pas pour leurs argent. Avec ce qu"ils gaspillent et emportent discrètement, on pourrait nourrir le quartier du Vedado, qui tringle, lui... Des membres de notre groupe pomponnés de frais, se croient obligés de se saluer par embrassades alors qu'ils se sont quittés il y a quelques heures, comme si durant cette courte nuit un monde nouveau était advenu où les rapports humains auraient été victimes d'une réinitialisation globale. Je n'ai aucun bon sentiment dès le matin : pourvu qu'on ne me voie pas, et qu'on me foute la paix, c'est tout ce que je demande. Qu'on m'évite les questions à la con concernant mon sommeil, la literie ou le jet-lag. Deux, trois cubitas plus tard, je récupère une once de sociabilité toujours incapable de vous les gratifier d'un sourire.

Dehors, il faut agripper les orteils au sentier de béton pour tenir debout... Alors le voici, ce fameux Malecon, décrété plus belle avenue du monde. Il y a effectivement un gros potentiel esthétique : huit kilomètres de front sur la mer des Caraïbes, du Castillo de San Salvador jusqu'au quartier de Miramar, des façades magnifiques avec des arcades, des colonnes, des balcons somptueux. Mais en attendant de redevenir la plus belle avenue du monde, elle est sans conteste la plus délabrée du monde. L'UNESCO s'en occupe à ce qu'il parait. Grouillez les gars, ça s'écroule ! Ce n'est pas une image ! Il y a des balcons par terre ! J'ai enjambé leurs gravats, et les façades suivent, ça urge ! Parfois des échafaudages se parent de lianes impressionnantes : un mur végétalisé de quelque architecte à la mode ? Non, vous n'y êtes pas, c'est juste qu'il est passé du temps depuis qu'on l'a installé pour étayer une façade qui menaçait ruine, mais pas le moindre peso cubano disponible pour entreprendre. Moscou a déjà donné, les USA c'est caca et l'Europe est exsangue. En ce premier matin, je suis près de l'énorme canon qui reste coi face à une mer déchaînée qui envoie ses boulets d'écume sur le bitume. Presque pas de circulation... mais bientôt ''ma'' première vieille américaine s'avance dans son bleu layette : Chevrolet ? Studebaker ? Plymouth ? Cadillac ? Je ne sais. Mais ''Studebaker'' c'est la classe, à prononcer... Essayez : dites ''Renault'' et, tout de suite après, ''Studebaker'' et vous allez voir, ça le fait... même si vous êtes cégétiste à Billancourt et que vous souffrez d'anti-américanisme primaire. Ouais je sais, ça vous fait mal au cul mais c'est comme ça, la musique des syllabes s'en cague, de l'idéologie... Une pétrolette à side-car croise en face, fumasse. Il me reste exactement vingt-cinq secondes pour observer la ''Studebaker'', avant qu'elle ne reprenne sa route, increvable, parce que rénovée et entretenue, elle. Même si c'est une Chevrolet.

17 commentaires:

Maja Lola a dit…

Eh oui, Marc. Le touriste est ainsi. Lorsqu'il se déplace en meute il devient très chaleureux et plus la distance est grande avec son port d'attache, plus il devient "ami". Peut-être un besoin de se rassurer en retrouvant vite ses compagnons de voyage ?
Pour les buffets pourvoyeurs de doggy bags c'est toujours très amusant à observer, même si ici cela le devient moins, dans le contexte alimentaire local.
Pour le délabrement que tu constates c'est bien là un des points sensibles de l'île. Voir une belle façade ou un bâtiment digne d'être classé menacés de ruine fait mal au coeur et on est vite conscient qu'il y a tant à faire dans ce domaine ... Et pourtant les yeux ne se détournent pas, l'émotion est là. Comment l'expliquer ?
C'est vrai que l'Europe exsangue a dû donner un coup d'arrêt aux premières "injections" économiques, même si elles ne se bornaient qu'aux infrastructures touristiques (c'est délà un début). Mais ne vaut-il pas mieux un gel économique provisoire (conjoncture mondiale oblige) à un investissement américain débridé qui, à coup de dollars et faisant fi de toute notion d'identité cubaine et de respect de l'art (dont ils se contrefichent royalement) feraient de l'île une méga station pour dorer les amas graisseux estampillés "Mac Do" ?
Mais que fait l'Unesco ? Même s'il y a tant à faire, il semble que cela se fasse trop lentement. Comme s'il y avait une gêne à s'occuper des façades avant les populations. Et pourtant ..... tout est intimement lié.

el chulo a dit…

les deux photos sont vraiment SUPERBES!

enhorabuena maestro!

el chulo a dit…

maja, tu es géniale!
un beso guapa!

Marc Delon a dit…

Je pense que si les cubains ne réalisent pas quelques règles de base de l'économie, la graisse sera estampillé "chinatown" bientôt... on en voit déjà beaucoup et eux ont réalisé, tout communistes qu'ils sont... dans leurs moyens, leurs ambitions et leur développement dans le monde entier, je ne connais pas aujourd'hui de pays plus impérialiste que ces rouges chinois... on va bientôt tous leur manger dans la main... aaaah les étiquettes...

Anonyme a dit…

On dirait bien que vous souffrez d'un jet-lag qui vous rendrait misanthrope Marc!

Heureusement que suivent de bonnes observations qui vont balayer
clichés et mensonges. Merci.

Les photos sont aussi éloquentes qu'artistiques.

Maja Lola a dit…

Mais justement, Marc, les cubains réalisent déjà depuis peu d'années certes, quelques bases de l'économie de marché. Mais il est vrai que d'un coup de baguette magique l'argent seul ne fait pas des miracles. Surtout auprès de cubains assez vierges en la matière qui pendant de longues décennies ont été tenus sous perfusion par l'URSS. Mais il semble qu'une mutation, certes lente et par petites touches, soit possible. Concilier une idéologie sociale plus ouverte avec les réalités économiques devrait être possible. Et il faut les aider à se réaliser à leur manière, avec leur identité et leur passé. Ils ont d'ailleurs pour eux un niveau de culture et d'éducation très élevé, un sens de la débrouillardise exceptionnel et des qualité humaines "propres" indéniables.
Quant aux chinois, tu as raison de les évoquer. On ne parle pas assez de leur présence envahissante et impérialiste en Afrique par exemple. Et pourtant, les ressources les plus convoitées et vitales de certains pays de ce continent sont déjà entre leurs mains ; et ils sont loin d'agir envers les africains avec tact, diplomatie et partage.
Sans donner des leçons ni coller des étiquettes trop appuyées ou caricaturales, je pense qu'il n'y a guère que la vieille Europe (encore un peu tolérante dans la diversité d'opinions et positions politiques)pour pouvoir leur tendre la main en respectant leur culture et leur idéologie.
Mais je suis peut-être un peu idéaliste ou naïve ....

Hugues a dit…

Merci cher Marc ! Cette photo du Malecon illustre à merveille le souvenir vivace que je conserve de mes aventures cubaines...
Pour moi, la page de l'Amérique Latine est, hélas, désormais tournée...

Marc Delon a dit…

Aaahaaa... des... aventures cubaines... dommage qu'on en sache pas plus... restez à l'écoute il y aura d'autres photos évoquant d'autres souvenirs...

Hugues a dit…

Une piste, cher Marc : Vous avez évoqué une marque française, qu'on voit peu à Cuba.
C'est pour le compte d'une autre marque, française toujours, mais qu'on voit beaucoup (vraiment beaucoup plus...), que j'ai arpenté les avenues désertes et délabrées de La Habana...
Et quand vous parlez de hierbabuena... mon coeur bondit et se remémore les soirs mordorés, quand le soleil orange touchait les bleus de la mer caraïbes... Ah ! Cuba ! Où d'autre boire un Mojito ? Je veux dire, un vrai...
Allez, encore des photos !

Maja Lola a dit…

Très belle évocation d'Artamir. Dans son commentaire, chaque mot relatif à Cuba restitue la magie et l'enchantement que ce pays sait transmettre à ceux qui se laissent séduire. Et nous ne parlons pas que des paysages ...
Les belles photos de Marc ne font que décupler le plaisir de souvenirs.

Marc Delon a dit…

Oh là laaa... mais c'est qu'on va finir en secte d'auto-adorateurs de nous-même avec Maja Lola en grande prêtresse si ça continue...
Il nous faudrait une bonne vieille dispute avant de s'encroûter...

j'en ai un de coucher de soleil orange sur mer bleu... la vraie carte postale... y'a même un couple d'amoureux qui passe... j'ai failli la jeter... je me suis même auto-flagellé mentalement en constatant que je déclenchais encore de façon réflexe à la vue de tels stéréotypes photographiques. Faut dire que c'était trop top du kitsch, il ne manquait rien...!
Bon je la mettrais alors mais achetez vos Kleenex d'abord, j'ai peur de faire chialer tout le monde avec cet image d'idéal absolu. Après on se retrouve assis sur les sièges plastiques d'un tribunal en attendant qu'une salope d'avocate vous présente aux yeux d'un juge comme le pire type jamais produit par la race humaine... alors les promenades au soleil couchant des caraïbes...

Maja Lola a dit…

Allez ! Et ça repart .... il en veut encore de la dispute, de la mauvaise foi et de la joute.
Même la douceur des caraïbes n'a pas assagi le frondeur titilleur de belles ambiances.
En tout cas j'ai un stock de Kleenex (en promo actuellement à Carrefour). Je suis prête au lacrymal, au coeur qui bat et au plaisir de l'image idéale. Car malgré tous les juges, avocats et tribunaux du monde, l'idéal reste intact (ou renaît). C'est une question de temps. N'en déplaise à Don Marcos.

Hugues a dit…

Premier post, premier vent...
Je succombe trop vite aux clichés qu'offre les Caraïbes. C'est comme ça, mes semelles de vent m'ont trop rarement donné l'occasion de m'atarder. Alors je vole ces images de "cartes postales". Elles restent durablement gravées dans mon esprit.
Cependant cher Marc, la précarité de la vie à Cuba n'est pas non plus étrangère à cette carte postale aux bords écornés... De la Thunderbird sans âge aux façades lépreuses, des accents du son cubain aux mojitos aux bars des grands hôtels étatisés, tout Cuba respire la carte postale !
Et franchement, c'est aussi ce qui séduit l'européen amoureux du continent sud-américain que je suis devenu, depuis 5 ans que j'y promène ma nostalgie...
Abrazos

Marc Delon a dit…

Revenez, je ne maltraite que ceux que j'aime...
La preuve, ce blog interactif a déjà publié la photo carte postale...

Hugues a dit…

Loin de moi l'idée de fuir... J'aime votre ton et vos photos ! J'avais eu l'occasion de vous le dire déjà, ailleurs. Et vous êtes bon joueur : merci pour la photo !

Anonyme a dit…

Message a ce pauvre Marc.

Ce n'est pas en prenant un style hautain, avec des remarques desagreable sur les difficultes cubaines que vos commentaires seront interessants. Vos termes sont parfois orduriers comme ceux de certains autres intervenants ( ex.: salope d'avocat) pleins de morgue, voir tres stupides dans le manque de raisonnement.

Heureusement que la plupart des touristes rencontres me semblent bien superieurs intellectuellement et humainement. En effet vous faites bien de vous mettre a l'ecart des autres cela vous evitera de prendre conscience de votre suffisance ou plutot insuffisance. Surtout apprenez a voir les choses positives vous vous en porterez mieux.

Quand a Cuba, cette ile merveilleuse elle merite des visiteurs plus ouverts au monde... A bon entendeur salut.

Paul

Marc Delon a dit…

"Cher" Paul,

Je vous emmerde. Vous et votre morale convenue. "Salope d'avocat" n'est pas à lire au degré zéro de vos neurones.
Vous ne me connaissez pas et êtes loin d'apercevoir la première des molécules qui me compose...
Ce que j'ai voulu retransmettre au fil de ces articles sur Cuba, c'est l'impression que j'en ai eu.
Et, oui, ne vous en déplaise, elle est très loin de cet espèce de satisfecit de l'intelligentsia bobo gaucho parigo qui prend la révolution comme une panacée de sauvetage face à l'axe du mal capitaliste. La réalité, c'est qu'elle est loin de répondre aux aspirations du peuple, la réalité c'est que cela n'a pas fait particulièrement plaisir au touriste borné que je suis de constater que des gens si sympathiques crèvent de faim, n'ont rien à se mettre, n'ont qu'une chiotte en fonction pour un immeuble de 40 appartements, rafistolent leurs murs avec du scotch ou des ficelles, etc, etc, bref la misère noire qu'ils vivent au quotidien maquillée par l'hypocrisie d'un discours bien rodé qui vante gratuité de l'école (où ils n'ont même pas un cahier ou un stylo...) et des soins (avec tant d'estropied dans les rues...?)
J'aime Cuba et les Cubains mais pas l'idéologie où on les enferme de force en les privant de liberté.
Quant à votre "Bon entendeur salut" si c'est pas le pire lieu commun du langage hautain, ça , je veux bien être transformé en Fidel Castro sur le champ !