dimanche 8 avril 2012

La Tympan Attitude


C'est par un « Padilla bon pied bon oeil » de mauvais goût que Midi-Libre rend compte de la première corrida de Pâques en Arles. Et même lui, le journal partenaire des événements à succès s'avoue saturé d'oreilles :

« C'est le début de la saison et les niveaux n'ont visiblement pas été faits à Arles, où les oreilles ont débordé comme le Rhône en crue... Padilla est de retour et sa côte de popularité est gigantesque : pour preuve les quatre oreilles que le public auquel la présidence a tout cédé, lui a octroyées. Pourquoi pas : il en fut sincèrement ému mais il faudra prochainement qu'on le juge comme un matador en pleine possession de ses moyens »

Padilla est donc devenu le type à qui on doit plus d'oreilles parce qu'il a perdu un œil. Comme si lui montrer qu'on l'aime -quand on l'aime- ou applaudir sa vaillance ne suffisait pas. Comme si les trophées d'une corrida étaient devenus les marqueurs de la sympathie porté au torero de turno. Comme s'il fallait absolument ressortir rasséréné d'une corrida, tous les pleins faits. Qu'on se soit auto-persuadés les uns les autres que ce qu'on a vu était ce qu'il fallait voir, en un clin d'oeil. Comme si la mise en abîme de soi-même vérifiée dans l'observation de la mimique de l'autre permettait de se rassurer sur l'interprétation à donner sur ce que l'on ne sait plus juger. L'ignorance de l'autre justifiant la sienne. Avec des banderilles plantées al violin – du côté aveugle siouplait-

Je suppose qu'avant la course il a été appelé et ovationné à la barrière, ce qui est bien, pour lui dire : « Olé Padilla, bravo pour ton retour courageux, reçoit ici notre admiration et nos encouragements » Mais lui refiler des ''oreilles de solidarité'' ? Ca n'a pas de sens... ! Pire, je trouve que cela relève du même état d'esprit noeud-noeud producteur de cet anthropomorphisme dégénéré qui place le Yorkshire au-dessus du petit neveu dans la hiérarchie de l'amour et développe chez les zantis les raisonnements indignés que l'on connaît. Depuis trente ans que je soigne divers handicapés, j'ai toujours su d'instinct que la moindre des considération que je pouvais avoir pour leur dignité, c'était de ne pas leur faire sentir plus encore leur handicap par une trop grande compassion ou une évidente pitié. Me serais-je trompé ?

5 commentaires:

Maja Lola a dit…

Non Marc, tu ne t'es pas trompé.
Et pourtant quelle émotion de le voir si heureux entrer dans l'arène, avec une aisance, un naturel et qui n'étaient ni forcés ni feints.
Tu as raison, les oreilles n'étaient pas appropriées car ce torero n'a pas lidié comme un torero "valide" mais plutôt comme un être qui a su à force d'acharnement, de volonté, de passion et de courage apprendre à toréer autrement, avec cette absence de vision de certains angles. En développant, pour compenser, un sens de la perception plus animal. Sinon, comment expliquer les aguantes, les esquives, les passes où le danger était permanent ? Comme s'il s'était fabriqué une bulle imaginaire que seule sa sensibilité, sa perception de son environnement et la connaissance du toro lui permettaient d'évoluer dans un danger où le moindre faux pas lui serait fatal.
Comment a-t-il affronté la lidia dans ces "champs morts" ? A l'oreille ? A la chaleur dégagée par le toro ? A l'odeur ? A l'instinct ? A la chance ? Comme avec une animalité proche de celle de son adversaire ?

Tout cela réuni ne mérite certes pas les oreilles d'une faena classique, mais bien les applaudissements nourris et admiratifs pour ce torero courageux devenu si singulier dans sa faena.

el Chulo a dit…

bon, ceux qui y étaient crevaient d'envie de voir ce qu'ils ont vu, ceux qui n'y ont pas été redoutaient au plus haut point de voir ça et sont restés chez eux.
pour le reste, n'y ayant pas assisté, mon frere me racontera, sur le fond, je suis très d'accord avec ton post.
notre corrida crève de façon accélérée, place aux charlotades artistiques!

Anonyme a dit…

Le retour de Padilla était un vif moment d'&motion. Il était un "grand monsieur" avant, il l'est toujours aujourd'hui. Bravo ,pour le courage, bravo ,pur tout Mr Padilla. mais le problème n'est pas Padilla, il l'est de la Présodence ce soir du 06 avril en Arles. On ne juge pas une lidia sur un "taux d'incapacité" d'un maestro mais sur la lidia elle même ! L'émotion existe et elle est un sentiment noble mais elle ne doit pas dicter les règles de la corrida. Dire comme il a été dit le soir lors de la tertulia par le Président de l'après midi et d'autres personnes à la table qu'ils "se moquaient" des oreilles et que seul comptait l'émotion de voir toréer Padilla n'est pas correct pour des afficionados ! Comme Padilla à 39 ans et sera du fait de son alternative antérieure le plus souvent le premier à toréer en nos arênes, ......................... c'est des élevages de taureaux à 3 oreilles qu'il va valoir trouver dans les fincas ! Restons sérieux, et bravao Mer Padilla pour votre retour que seul l'afficion guide.

Marc Delon a dit…

Vouais ! D'autant que si on se moque des oreilles autant ne pas en donner du tout !!!

Pedroplan a dit…

Ah ben ça, c'est sûr, vendredi, pour les oreilles, c'était la grande braderie ; une de moins à chaque taureau et on a un résultat un peu plus conforme à ce qu'on a vu. Cela dit, le petit père Padilla qui n'a pas souvent eu des friandises comme ça à se mettre sous la dent, en très convenable, limie sobre. Mais évidemment l'émotion générale a tout emporté dans un tourbillon de sentimentalité collective euphorique. Et ça va recommencer à Nîmes sans doute. Laissons ce brave type en profiter tranquillement...