mercredi 13 mars 2013

Cible qui fuit, Flèche qui doute.



Avec les premiers rayons du soleil de printemps sortent les toros. Plus on en tue, plus leur sang écarlate éblouit notre vision du monde, plus il en sort. Les noirs présages fusent sur l'ocre des sables sous nos regards incrédules pour tenter l'un après l'autre de nous préparer à cette idée aussi irréelle qu'inéluctable : cortos y derechos, eux comme nous, allons à la mort. Nous vivons notre propre sursis. C'est certainement pour étudier plus ou moins inconsciemment le fameux passage de vie à trépas qu'on assiste à ça, fascinés. C'est en tout cas une piste. Faussement distraits par les différents leurres superficiels tels que fête, technique, créativité, courage, grâce, sur lesquels on disserte d'importance, écrit, polémique, ouvre des blogs tiens, si vous voulez. C'est certainement pour éluder plus ou moins bien la question intime, ultime, qu'on s'invente torista ou torerista, selon sa sensibilité ; les premiers sachant reconnaître un toro saignant d'une daube confite, mais souvent insensibles aux subtilités de l'art de toréer et les seconds ne connaissant généralement ni l'un ni l'autre, offusqués par la sauvagerie et l'agressivité, béats devant la soseria confondue avec divers concepts parmi lesquels, l'esthétique, la lenteur, la suavité, le sublime. Heureux incultes qui souffrent moins.
De cette confuse perception de la tragique trajectoire du sein qui construit à la terre qui décompose, naît un jour, vers quarante ans, le temps de s'éveiller d'un sommeil routinier,  d'acquérir le recul et l'indépendance critique, un essentiel questionnement :

Ai-je vraiment la vie que je voulais vivre ?  
Suis-je accompagné de la bonne personne ? 
Mon travail est-il vraiment celui pour lequel j'ai envie de me lever tous les matins ?

Les réponses urgent car la pente s'est inversée et que diverses pathologies la savonnent. Alors on va peut-être aux toros comme on se connecte à Wikipedia, pour en savoir plus sur un thème, avoir de nouvelles données… sauf que là, se mêlent au questionnement les émotions avec effet rebond dans les tripes, sur la peau, le coeur, au fond des yeux ; et qu'il n'y a pas qu'à recopier comme le font les lycéens en collecte pour un exposé. Il y a un ping-pong interactif majeur dont il faut mûrir les représentations mentales, leurs sens et leurs sensations. 

Ca coûte, ça remue, ça indispose, mais l'air de rien, même si mettre dans le mille d'une cible aussi mouvante que le sens de la vie parait impossible, ça fait progresser, toro après toro, un peu.

4 commentaires:

Ludovic Pautier a dit…

bien, muy bien.

ludo

Anonyme a dit…

Merde, j'avais pas remarqué que le Parlade "Ingrato" avait fait ça le 16 septembre dernier !
JLB

Anonyme a dit…

Voilà une belle conclusion à "Pourquoi allez-vous voir des corridas".

Gina

Anonyme a dit…

Vraisemblablement ce que j'ai lu de moins con sur la corrida depuis un bon bout de temps...

El.