samedi 20 novembre 2010

Pena Oliva, rincon


Incroyable… des gens ont parié sur l’éventualité que je pouvais être intéressant. Hier soir, la Pena Oliva de Béziers m’avait convié à une soirée littérato-taurine. A l’initiative de l’un des leurs, Tierry Girard – parfaitement, sans ‘’H’’ le Tierry…- brillant littérateur du dernier recueil, voir ce qu’en disait Gina en tapant ‘’Brume le recueil’’ dans le moteur de recherche du blog (vous ne saviez pas ? le rectangle blanc) en haut à droite - nous étions Yves Charnet, Girard et moi, sous le feu amical des questions d’un gentil modérateur. On a fait un tabac : oreilles amies tendues face à nous, vuelta triomphale et sortie a hombros évitée avec difficulté, par modestie. Sans compter que ça évite le pourliche au costalero. Car il est connu que le type qui écrit, ne se la pète jamais. Pas nous, alors là, non… pas notre genre.



Par le menu, vous voulez ? Bon alors d’abord, l’autoroute : cette portion Nîmes –Montpellier est devenue un grand embouteillage digne du périphérique parisien. Mais un embouteillage à 130 Km/Heure. Pare-chocs contre pare-chocs. Y’a intérêt à avoir des freins à disques ventilés Brembo, sinon t’es mort. Tout le monde conduit comme si rien, jamais, ne pouvait arriver. C’est pour ça que cela arrive. Donc après cette heure de concentration intense, tu arrives assoiffé à la Pena Oliva. Un joli bar tapissé de photos et d’affiches sur le thème, prolongé par une cour carrée. A peine ton sac posé, on te tapote l’épaule :




- ‘Pouvez me signer le livre ?




Tu te retournes et il y a une bonne quinzaine de types qui font la queue derrière toi, un ‘’Brume’’ à la main… à cet instant tu réalises un truc angoissant : t’es pas dans la rue Réattu devant la boutique des passionnés, mec, tout le monde se connaît ici, échange, discute, compare, bref, c’est une Pena, quoi… tu ne vas pas t’en tirer avec une formule passe-partout unique sinon tu passes pour une brêle à l’heure où les socios entrouvrent leur bouquin et se comparent la dédicace pour savoir si t’en as un peu dans le ciboulot. Evidemment, sur l’autoroute, au lieu de réfléchir au problème, tu as préféré écouter de la musique Dancefloor à fond la caisse histoire de mieux t’insérer dans le trafic en pensant que les autres automobilistes t’emmerdaient à rouler à la même heure que toi dans la même direction. Tu as pris un petit plaisir malsain à emprunter la voie « t » qui t’as permis d’en dribbler quelques dizaines à chaque péage, résistant à la pression des gros connards en berline allemande qui te suçaient le pare-choc pour te faire gicler de la file d’approche, persuadés qu’avec ta petite Polo tu n’avais pas légitimité à encombrer la draille du luxe autoroutier pour lequel tu cotises pourtant. On se paye les luxes qu’on peut : 20 euros. Ah, sûr qu’au temps du Pajero tout cabossé équipé Sahara, ils étaient plus à distance, voulaient pas s’y frotter les ''raideurs des feux rouges et des grands boulevards'' qui freinent copieusement au passage des dunes de goudron pour épargner leurs amortos de citadins. J’en reprends un, tiens, après la Polo, histoire de me fâcher définitivement avec les bobos éco-responsables et bien-pensants. D’autant que le campo en Pajero c’est plus valable qu’en remorque rouillée à plateau éjectable.


Donc, n’espère pas –ouais j’te prends à témoin comme si q’tétais ''Grantécrivain'' toi-même, cool, non ? – écrire vingt fois ton : « Puissent ces souvenirs de mon entrée en aficion aiguiser un peu plus les vôtres » enfin tu vois le truc impersonnel, bateau, et nœud-nœud. Non, faut en savoir un minimum sur chacun et improviser ! Mais il fait chaud, tu n’as pas eu le temps de quitter ma veste, enfin la tienne, il fait de plus en plus soif, et puis t’aurais pas envie de pisser aussi ? Bien sûr que si ! T’as bien une idée de ''Grantécrivain'' qui te traverse l’esprit, comme leur dire :




- Les gars, soyez sympas, laissez moi arriver, pisser, boire un coup, la soirée ne fait que commencer… tout à l’heure quand je serai assis, ce sera plus pratique… surtout avec ma patte gauche illisible…





Mais là tu subodores confusément quelle prétention ça pourrait revêtir… et cet engouement surprise est plutôt sympathique. Putain mais ils m’attendaient… c’est un gag ou quoi ? Tu peux pas t’empêcher de penser ça, vu que le titre ''écrivain'' tu ne t’es jamais senti les épaules de l’endosser ; mais ils ne se foutraient pas de moi, quand même… ?



Meuh non, ce sont des gens sympas, t’sais, simples, qui n’ont pas les idées à la con des écrivains à la noix et de leurs cerveaux malades. Ils sont contents, ils te reçoivent amicalement, c’est tout ! Ce qui n’enlève pas ton envie de pisser…


Alors tu vas à la pêche aux renseignements, tu demandes « c’est pour qui ? » quand on te tend un livre, histoire de libeller :



Pour Alain, alias El Gordito…. ce qui te ferait déjà un bon début pour stimuler ton inspiration … mais là, le type il rétorque :




- Ben c’est pour moi, tiens, pardine !




J’te dis pas l’envie de pisser comme elle s’intensifie à cet instant ! Parfois, souvent, pour laisser le temps à tes deux moteurs de recherche droit et gauche de travailler séparément tu temporises pour trouver un angle :




- Et… tu es aficionado depuis tout petit ou ça t’est venu sur le tard… ?




J’avoue, c’est pas des plus judicieux, mais n’oublie pas que, pendant ce temps, la circonvolution cérébrale gauche ronronne dur pour trouver la dédicace géniale… Dans les yeux du gars se lit que tu viens de poser la question la plus con du monde et lui qui présupposait ton génie inné, acquis et stocké, te répond tout dépité :




- Ben… oui…, depuis tout petit, évidemment…




Il n’y a guère qu’Yves Charnet qui trébucha récemment dedans, sinon les autres, tout petits ils y sont tombés… tu les prends pour des nazes ou quoi ? Il sont de la Pena Oliva, quand même ! Non, la conséquence logique n'est pas que Charnet est un naze, non, sauf pour les tartines catalanes mais on le verra plus tard.



Enfin, ça y est, t’as signé tant et plus, en espérant n’avoir jamais à relire ce que tu ne te rappelles déjà plus avoir écrit et enfin on t’indique où sont les aseos. T’aurais pas écris un truc du genre « Pour toi j’ai pissé de la copie ! » mmm…, pas imposible vu l’envie qui te traversait… Dans la cour, les aseos, mais il faut te frayer un chemin au travers d’une dizaine de fumeuses qui semblent s’efforcer de se représenter ta bistoukette vu qu’elles savent où tu vas… elles te suivent du regard et tu te dis que ça va faire du monde tout à l’heure dans la salle quand micro en main il s’agira de faire l’intéressant. Tu reviens, elles sont en rangs encore plus serrés et savent pertinemment que tu viens de te tapoter la zigounette pour épargner à ton pantalon la gougoutte, exactement comme de leur index vernis elle le font sur leur Marlboro en te pouffant des volutes bleues à ta face intimidée sur laquelle tu essayes de composer une mimique neutre qui n’indique en rien que, ben oui, tu l’avais à l’air libre, tantôt…



Tout le monde se rince abondamment le gosier que tu as toujours aussi sec mais vu que tu stationnes devant un bar chargé en verres chacun croit qu’il y en a un qui t’appartient et personne ne te sert. Allez vas-y, quémande, mal élevé, ta moresque soit le seul truc indisponible – pas d’orgeat – tu peux pas demander un Ricard comme tout le monde, non, faut que tu te distingues…



Mais bientôt, la réunion commence, ta chaise branle dangereusement et t’envoie des signaux d’effondrement imminent ce qui fragiliserait ton statut de ''Grantécrivain'' et le modérateur s’arrête de modérer quand tu te lèves pour en changer, opération que tu comptais mener discrètement. A ce moment, les fumeuses reviennent de la cour, te croisent en souriant et traversent toute la salle jusqu’à… en sortir ! Elles ont prévu une bonne bouffe entre copines pendant que tu déblatères, littérateur ! Au cas où il y aurait eu danger que tu te pénètres de l’idée de les passionner. Merci les femmes, grâce à vous l’humilité reste chevillée au cœur et c’est salutaire !



Une discussion sympathique s’engage, à quatre voix, todo perfecto :


Comment vous est venue l’idée de cette nouvelle ; Pourquoi diriez-vous que la nouvelle est un genre qui sied à la tauromachie ; Celle de l’année prochaine est-elle déjà écrite ? – Oui, pour Girard non pour les autres…- Mais je ne vous raconte pas tout, vous n’aviez qu’à venir.



Direction la pizzeria du coin, avec des portions très bitteroises. Des entrecôtes qui louchent sur l’assiette voisine, des pizzas qui débordent sur la nappe et mes tagliatelles carbonara dans un grand plat à barbe où un camp de Rom aurait pu trouver pitance pour la semaine. J’en laisse la moitié. En entrée Charnet prend un plat anti-taurin de Catalogne : pan con tomate, mais n’en connaît pas le mode d’emploi. Il n’a pas capté que l’huile d’olive est là pour lui, et coupe des quartiers de tomates qu’il pose sur ses tartines par dessus le Serrano… Halte là, et je lui fais son éducation : frotte ta gousse d’ail sur ton pain, frotte ta demi-tomate, arrose d’huile dégoulinante, superpose ton jamon, faut tout lui dire à cet amateur… A mon avis, dans la droite ligne de Didierlaurent qui n’avait jamais vu de corrida, il a ses chances pour l’année prochaine si le principal critère dûment martelé un soir de remise de prix par laure Adler, est de n’être point spécialiste. Salut Yves, si tu viens par ici, je suis parti comme un voleur ce matin. La serveuse est une Roumaine enjouée qui dépose nos assiettes sous notre nez avec une mimique très ''Je vous trouve très beau'', visiblement heureuse de bosser en France, ce salopard de pays inhospitalier oppresseur des minorités ethniques.



Voilà, je crois que vous savez tout… le Diable Vauvert peut être content, on a bien bossé pour lui… à tous les membres de cette très sympathique Pena Oliva qui nous a accueillis chaleureusement – je me suis quand même fait traiter de torista, ce qui n’est pas une insulte, oh que non… - merci beaucoup pour cette soirée conviviale et si Mr le trésorier pense à m’envoyer une de ses photos, je complèterai volontiers ce petit compte rendu ''à ma façon''.

10 commentaires:

Anonyme a dit…

Une spontanéité jamais inégalée. On sait tout du fonctionnement - pas que cérébral - de l'écrivain. Même Houellebecq ne nous en dit pas tant. On rit, on éclate, c'est formidable avec la grisaille et la pluie infinie de ce week-end.

Gina

Anonyme a dit…

Et oui, à force de commettre des livres, il faut bien les dédicacer!
Bisous du Moun,
isa

el chulo a dit…

l'envie de pisser m'a passionné et est marque d'écrivain. ole!

Maja Lola a dit…

Toujours avec toi quand tu nous emmènes en voyage.
Je me suis souvent demandé comment venait l'inspiration pour une dédicace ... tête du lecteur, rime avec le prénom, humeur du moment, ou tout simplement du lieu commun "prêt à l'emploi" ? Autres ....

Marc Delon a dit…

Bon, c'est vrai, "Fandi Garissou" m'a envoyé plusieurs photos mais celle-ci présentait deux avantages :

1) elle est floue et donc on ne distingue pas très bien les auteurs...

2) elle permet d'avoir une idée du lieu.

le troisième étant que sur les autres, avec les yeux rouges et les grimaces, j'avais parait-il l'air d'un lapin mixomateux dans les affres de la douleur. Dixit ma soeur qui commente derrière mon épaule... Ouais elle pourrait écrire des portraits, elle a toujours des formules percutantes...

el chulo a dit…

me cago!

ça devient intéressant!

on dirait de la tele realité!

ça te vaudra le Goncourt!

ooooooooooooleeeeeeeeeee!!!!!!!!!!!!!! avec les o et les e qui trainent, comme à las ventas avant!

enhorabuena!

Anonyme a dit…

Ah toi et les femmes, les femmes et toi....Mais si l'amitié est possible avec Mac Delon, mais bon, faut pas être susceptible... surtout les moches, il est capable de les envoyer chez le chirurgien esthétique...
mais les belles il met leurs photos en ligne...
Reste à savoir ce qui est pire...

je ne signe pas, tu m'as reconnu ;- ))

Anonyme a dit…

pourquoi mettre dans les commentaires "commentaire supprimé par un administrateur du blog ?

Marc Delon a dit…

pcq je ne savais pas par où l'enlever !

Piazza Emilio a dit…

Nicoleta la serveuse Roumaine de la pizzeria est aussi la patronne du lieu et biensur très heureuse de bosser en France lol.
Merci encore pour " comment manger un Pan con tomate y jambon Serano"
http://piazza-emilio.fr/